ELISABETH

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PROPRE DES SAINTS

 

LE   VIII   JUILLET. SAINTE   ELISABETH, REINE   DE   PORTUGAL.

 

Après Marguerite d'Ecosse et Clotilde de France, une autre souveraine éclaire de ses rayons le Cycle sacré. Sur la limite extrême qui sépare au midi la chrétienté de l'infidélité musulmane, l'Esprit-Saint veut affermir par elle dans la paix les conquêtes du Christ, et préparer d'autres victoires. Elisabeth est son nom : nom béni, qui, à l'heure où elle vient au monde, embaume depuis un demi-siècle déjà la terre de ses parfums ; présage que la nouvellement née, séduite par les roses qui s'échappent du manteau de sa tante de Thuringe, va faire éclore en Ibérie les mêmes fleurs du ciel.

Hérédité mystérieuse des saints! En l'année même où notre Elisabeth naissait loin du berceau où la première avait ravi les cieux à son lever si doux et pacifié la terre, une autre nièce de celle-ci, la Bienheureuse Marguerite, partie de Hongrie, quittait la vallée d'exil. Vouée à Dieu dès le sein

 

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de sa mère pour le salut des siens au milieu de désastres sans nom, elle avait rempli les espérances qui de si bonne heure étaient venues reposer sur sa tête ; les Mongols refoulés d'Occident, les loups chassés à leur suite de l'antique Pannonie redevenue quelque temps un désert, la civilisation fleurissant à nouveau sur les bords du Danube et de la Theiss : tant de bienfaits furent les fruits des vingt-huit années de prière et d'innocence que Marguerite passa ici-bas, attendant l'heure où elle transmit à la sainte que nous fêtons présentement la mission de continuer sous d'autres cieux l'œuvre de ses devancières.

Il était temps que le Seigneur dirigeât sur l'Espagne un rayon de sa grâce. Le treizième siècle finissait, laissant le monde à la dislocation et à la ruine. Las de combattre pour le Christ et bannissant l'Eglise de leurs conseils, les rois se retranchaient dans un isolement égoïste, où le conflit des ambitions tendait chaque jour à remplacer l'aspiration commune de ce grand corps qui avait été la chrétienté. Désastreuse pour tout l'Occident, pareille tendance l'était plus encore en face du Maure, dans cette noble contrée où la croisade avait multiplié les royaumes en autant de postes avancés contre l'ennemi séculaire. L'unité de vues, sacrifiant tout à l'achèvement de la délivrance, pouvait seule, dans ces conditions, maintenir les successeurs de Pelage à la hauteur des illustres souvenirs qui les avaient précédés. Malheureusement il s'en fallut que ces princes, presque tous héros sur les champs de bataille, trouvassent toujours la force d'âme suffisante pour mettre au-dessus de mesquines rivalités le rôle sacré que leur confiait la Providence. Vainement alors le Pontife romain   s'efforçait de ramener les esprits

 

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au sentiment des intérêts de la patrie et du nom chrétien ; les tristes passions de l'homme déchu étouffaient sa voix en des cœurs magnanimes par tant d'autres côtés, et le Croissant applaudissait aux luttes intestines qui retardaient sa défaite. Navarre, Castille, Aragon, Portugal, sans cesse aux prises, voyaient dans chaque royaume le fils armé contre le père, le frère disputant au frère par lambeaux l'héritage des aïeux.

Qui rappellerait l'Espagne aux traditions, encore récentes, grâce à Dieu, de son Ferdinand III ? qui grouperait de nouveau les volontés discordantes en un faisceau terrible au Sarrasin et glorieux au Christ? Jacques Ier d'Aragon, le digne émule de saint Ferdinand dans la valeur et la victoire, avait épousé Yolande, fille d'André de Hongrie ; le culte de la sainte duchesse de Thuringe, dont il était devenu le beau-frère, fleurit dès lors au delà des Pyrénées ; le nom d'Elisabeth, transformé le plus souvent en celui d'Isabelle, devint comme un joyau de famille dont aimèrent à s'orner les princesses des Espagnes. La première qui le porta fut la fille de Jacques et d'Yolande, mariée à Philippe III de France, successeur de notre saint Louis ; la seconde fut la petite-fille du même Jacques Ier, l'objet des hommages de l'Eglise en ce jour, et dont le vieux roi, par un pressentiment prophétique, aimait à dire qu'elle l'emporterait sur toutes les femmes sorties du sang d'Aragon.

Héritière des vertus comme du nom de la chère sainte Elisabeth, elle devait mériter en effet d'être appelée mère de la paix et de la patrie. Au prix d'héroïques renoncements et par la vertu toute-puissante de la prière, elle apaisa les lamentables dissensions   des princes.   Impuissante un  jour à

 

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empêcher la rupture de la paix, on la vit se jeter sous une grêle de traits entre deux armées aux prises, et faire tomber des mains des soldats leurs armes fratricides. Ainsi prépara-t-elle, sans avoir la consolation de le voir de ses yeux, le retour à la grande lutte qui ne devait prendre fin qu'au siècle suivant, sous les auspices d'une autre Isabelle, digne d'être sa descendante et de joindre à son nom le beau titre de Catholique. Quatre ans après la mort de notre sainte, la victoire de Salado, remportée sur six cent mille infidèles parles guerriers confédérés de l'Espagne entière, montrait déjà au monde ce qu'une femme avait pu, malgré les circonstances les plus contraires, pour ramener son pays aux nobles journées de l'immortelle croisade qui fait sa gloire à jamais.

 

Urbain VIII, qui inscrivit Elisabeth au nombre des Saints, a composé en son honneur un Office propre entier. Voici la Légende où est racontée sa vie.

 

Elisabeth naquit de la souche royale d'Aragon, l'an de Jésus-Christ mil deux cent soixante et onze. En présage de sa future sainteté, ses parents, laissant de côté contre l'usage le nom de la mère et de l'aïeule, voulurent qu'on l'appelât au baptême du nom de sa grand'tante maternelle,sainte Elisabeth,duchesse de Thuringe. A peine née, il parut tout de suite quelle médiatrice de paix elle serait pour les royaumes et les rois ; car l'allégresse de sa naissance éteignit de funestes discordes qui séparaient son aïeul et son père. Bientôt, admirant les dispositions que montrait sa fille en grandissant, celui-ci affirmait qu'à elle seule Elisabeth dépasserait de beaucoup en vertu les autres femmes sorties du sang des rois d'Aragon. Méprisant la parure, fuyant le plaisir, adonnée aux jeûnes, aux prières continuelles, aux œuvres de charité, elle menait une vie si céleste que, plein de vénération, le père rapportait aux seuls mérites de sa fille la prospérité de ses affaires et de tout le royaume. Sa renommée était partout ; beaucoup de princes la désiraient pour épouse ; elle fut enfin accordée au roi de Portugal Denys, et le mariage fut célébré conformément aux rites de la sainte Eglise.

 

Dans la vie conjugale, elle menait de front l'exercice des vertus et l'éducation de ses enfants, cherchant à plaire à son époux, mais plus à Dieu. La moitié presque de l'année, elle ne vivait que de pain et d'eau ; cette eau fut divinement changée en vin, un jour que, malade, elle avait refusé d'en boire malgré la prescription des médecins. Une pauvre femme dont elle avait baisé l'horrible ulcère fut guérie soudain. Dans un hiver elle changea en roses, pour le cacher au roi, l'argent qu'elle s'apprêtait à donner aux pauvres. Elle rendit la vue à une vierge aveugle de naissance, et guérit par le seul signe de la croix beaucoup d'autres personnes de maladies très graves ; nombreux furent ses miracles en ce genre. Des monastères, des asiles, des églises furent construits par elle et dotés magnifiquement. Elle fut admirable dans son zèle pour apaiser les discordes des rois, infatigable à secourir les misères publiques ou privées des humains.

 

Le roi  Denys mourut ;   et de même   qu'elle avait été pour  les   vierges à son premier âge, pour  les femmes dans   le  mariage,  elle fut pour les veuves dans sa solitude    un   modèle     de toutes   les vertus.  Prenant aussitôt, en effet, l'habit des religieuses de sainte Claire, elle assista sans faiblir aux funérailles du prince, et se rendit peu après à Compostelle afin d'y offrir pour son âme de  nombreux dons de soie,   d'argent,   d'or et   de pierreries. De retour en sa maison,   elle   convertit  en pieux et saints usages tout ce qui lui restait de cher ou de précieux. Mettant la dernière   main  au   monastère vraiment royal qu'elle avait fondé   pour des   vierges  à Coïmbre, adonnée à nourrir les pauvres, à protéger les veuves, à défendre les orphelins, h soulager tous les malheureux, elle vivait, non pour elle, mais pour Dieu et l'avantage de tous les hommes. Pour rétablir la paix entre deux rois, son gendre et son fils, elle vint à la noble ville d'Estremoz ; ce fut là qu'elle tomba malade des fatigues de la route, et que, visitée par la Vierge Mère de Dieu, elle mourut saintement , le quatrième jour de juillet de l'an mil trois cent trente-six. Sa sainteté éclata après sa mort par un grand nombre de miracles, spécialement par la très suave odeur de son corps resté sans corruption depuis bientôt trois cents ans ; aussi est-elle toujours connue sous la dénomination de la sainte reine. Enfin l'an du jubilé, de notre salut mil six cent vingt-cinq, aux applaudissements de tout l'univers chrétien rassemblé, Urbain VIII l'inscrivit solennellement parmi les Saints.

 

Selon l'invitation que l'Eglise adresse en ce jour à tous ses fils (1), nous louons Dieu pour vos œuvres saintes, ô bienheureuse Elisabeth ! Plus forte que tous ces princes au milieu desquels vous apparûtes comme l'ange de la patrie, vous portiez  dans la vie  privée  l'héroïsme que vous

 

1. Invitat. festi.

 

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saviez au   besoin   déployer   comme eux  sur les champs de bataille.  Car c'était Dieu qui, par sa grâce, était le principe de votre conduite, comme sa gloire en était l'unique but. Or la divine gloire se complaît   dans  les renoncements qui   ont   le Seigneur pour seul témoin, autant et souvent plus que dans les œuvres admirées justement de tout un   peuple.   C'est  qu'en effet sa grâce souvent y paraît plus puissante ; et presque toujours,  dans l'ordre de sa Providence,  les  bénédictions éclatantes accordées aux   nations relèvent de ces renoncements  ignorés.   Que   de combats  célèbres dans les fastes des peuples,   ont été tout   d'abord livrés et gagnés, sous l'œil de la Trinité sainte, en quelque point ignoré de ce monde surnaturel où les élus sont aux prises avec tout l'enfer et parfois Dieu  lui-même !   que de traités de  paix fameux furent premièrement conclus dans le secret d'une seule âme, entre le ciel et la terre, comme prix de ces luttes de  géants que les hommes méconnaissent ou méprisent ! Laissons passer la figure de ce monde (1) ; et ces profonds politiques qui dirigent, assure-t-on, la marche des événements, les négociateurs vantés, les fiers guerriers qu'exalte la renommée, apparaîtront pour ce qu'ils sont an palais de l'éternelle histoire : vains  trompe-l'œil, masques d'un jour, ornements de façade qui voilèrent ici-bas les noms seuls dignes de l'immortalité.

Gloire donc à vous, par qui le Seigneur daigne dès maintenant lever un coin de ce voile qui dérobe aux humains les réalités du gouvernement de ce monde ! Votre noblesse, au livre d'or des élus, repose sur des titres meilleurs que ceux que vous teniez  de votre   naissance.  Fille et mère de rois,

 

1. I Cor. VII, 31.

 

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vous aussi pourtant étiez reine, et commandiez sur une terre glorieuse ; mais plus glorieux est au ciel le trône de famille, où vous rejoignez la première Elisabeth, Marguerite, Hedwige, où d'autres vous suivront à leur tour, justifiant du même sang généreux qui coula dans vos veines.

Souvenez-vous cependant, ô mère de la patrie, que la puissance qui vous fut donnée ici-bas n'a point cessé de vous appartenir, quand le Dieu des armées vous a rappelée de ce monde pour triompher dans les cieux. La situation n'est plus la même qu'autrefois sur ce sol ibérique, qui vous doit plus qu'à bien d'autres son indépendance ; mais si les factions d'aujourd'hui ne risquent plus de ramener le Maure, il s'en faut qu'elles maintiennent le Portugal et l'Espagne à la hauteur de leurs nobles traditions : faites que ces peuples retrouvent enfin la voie des glorieuses destinées que leur marque la Providence. Du ciel où votre pouvoir ne connaît plus de frontières, jetez aussi un regard miséricordieux sur le reste du monde; voyez les formidables armements dans lesquels les nations, oublieuses de tout autre droit que celui de la violence, engloutissent leurs richesses et leurs forces vives ; l'heure est-elle venue de ces guerres atroces, signal de la fin, où l'univers se détruira lui-même ? O mère de la paix, entendez l'Eglise, la mère des peuples, vous supplier d'user jusqu'au bout de votre auguste prérogative : apaisez la fureur des combats ; que cette vie mortelle soit pour nous un chemin pacifique conduisant aux joies de l'éternité (1).

 

1. Collecta diei.

 

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