PIERRE ès Liens

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PENTECOTE IV
ELISABETH
VII FRÈRES
PIE Ier
JEAN GUALBERT
ANACLET
BONAVENTURE
HENRI
N-D du CARMEL
ALEXIS
CAMILLE DE LELLIS
SYMPHOROSE
VINCENT
JÉRÔME EMILIEN
MARGUERITE
PRAXÈDE
MARIE-MADELEINE
APOLLINAIRE
CHRISTINE
JACQUES
ANNE
PANTALÉON
NAZAIRE
MARTHE
ABDON
IGNACE
PIERRE ès Liens
ALPHONSE DE LIGUORI
ETIENNE
DOMINIQUE
N-D DES NEIGES
TRANSFIGURATION
SIXTE II
GAÉTAN
CYRIAQUE
ROMAIN
LAURENT
TIBURCE
CLAIRE
RADEGONDE
Vig. ASSOMPTION
ASSOMPTION
JOACHIM
HYACINTHE
ROCH
Oct. LAURENT
Oct. ASSOMPTION IV
Oct. ASSOMPTION V.
BERNARD
JEANNE de CHANTAL
Oct. ASSOMPTION

LE  Ier AOUT. SAINT PIERRE ÈS LIENS.

 

Faisant un dieu de l'homme qui l'avait asservie, Rome consacra le mois d'août à la mémoire de César Auguste. Quand le Christ l'eut délivrée, elle plaça comme monument de sa liberté reconquise, en tête du même mois, la fête des chaînes que Pierre vicaire du Christ avait portées pour rompre les siennes. Divine Sagesse, qui régnez sur ce mois plus légitimement que le fils adoptif de César, vous ne pouviez inaugurer plus authentiquement votre empire. Force et douceur réunies sont l'attribut de vos oeuvres (1), et c'est dans la faiblesse de vos élus que vous triomphez des puissants (2). Vous-même, pour nous donner la vie, aviez absorbé la mort ; pour affranchir la terre à lui confiée, Simon fils de Jean est devenu captif. Hérode d'abord, Néron plus tard, ont fait connaître à quel prix était la promesse qu'il reçut autrefois de lier et de délier ici-bas comme aux cieux (3) : il devait en retour porter l'amour du Pasteur suprême jusqu'à se laisser comme lui (4) charger de liens pour le troupeau et conduire où il ne voulait pas (5).

Chaînes glorieuses, qui ne ferez jamais trembler non plus les successeurs de Pierre, vous serez  en face  des Hérodes, des Nérons, des

 

1. Sap. VIII, 1.— 2. I Cor. I, 18-31.— 3. Matth. XVI, 19. — 4. Johan. XVIII, 12. — 5. Ibid. XXI, 15-18.

 

286

 

Césars de tous les temps, la garantie de la liberté des âmes. Aussi de quelle vénération, dès les âges les plus reculés, le peuple chrétien vous  honore ! On peut dire en toute vérité de la fête présente qu'elle se perd dans la nuit des siècles. Selon d'antiques monuments (1), c'est à  Pierre  môme  que remonterait la consécration première à cette date du sanctuaire qui rassemble en ce jour d'émancipation, sur la plus  haute des sept collines, les citoyens de la Ville  éternelle. L'appellation de Titre d'Eudoxie, sous laquelle la vénérable église est souvent dénommée, proviendrait des restaurations dont elle  fut l'objet à l'occasion des événements  rappelés  dans  les Leçons  de la fête. Quant  aux liens  sacrés  devenus son  trésor, la plus ancienne mention qu'on  nous ait conservée du culte qui leur fut rendu, remonte aux premières années du  second siècle. Balbina, fille du tribun Quirinus  préposé à la garde des prisons, s'était vue guérie au contact des chaînes du saint Pape Alexandre; elle ne se rassasiait pas de baiser les liens qui l'avaient délivrée : « Cherche les fers du bienheureux Pierre, et baise-les  plutôt que ceux-ci, lui dit le Pontife; Balbina donc, ayant heureusement trouvé les fers apostoliques, reporta sur eux ses démonstrations pieuses, et les remit peu après à la noble Théodora sœur d'Hermès (2).

Les  anneaux qui avaient enserré les bras du Docteur des nations sans pouvoir lier la  parole de Dieu (3), furent aussi recueillis plus chèrement que  les pierreries  et l'or après  son martyre. D'Antioche de Syrie, Jean Chrysostome portant une envie sainte aux rivages qu'enrichissent ces

 

1. Martyrolog. Hieronym. , Bed., Raban., Notker.  — 2. Acta S. Alexandri. — 3. II Tim. II, 9.

 

287

 

trophées d'une captivité triomphante, s'écriait dans un transport sublime : « Quoi de plus magnifique que ces chaînes ? Prisonnier pour le Christ est un nom plus beau que celui d'apôtre, d'évangéliste ou de docteur. Etre lié pour le Christ vaut mieux que d'habiter les cieux ; siéger sur les douze trônes (1) est un moindre honneur. Si quelqu'un aime, il me comprend ; mais qui comme le très saint chœur des Apôtres pénétra ces choses ? Pour moi, si l'on m'offrait à choisir ou ces fers, ou le ciel tout entier, je n'hésiterais pas; car c'est en eux qu'est le bonheur. Je voudrais présentement me trouver dans les lieux où l'on dit que sont encore gardés les liens de ces hommes admirables. S'il m'était donné d'être libre des soucis de cette église, d'avoir quelque santé, je ne balancerais pas à entreprendre ce voyage pour voir seulement la chaîne de Paul. Si l'on me disait : Qu'aimes-tu mieux être, ou l'Ange qui délivra Pierre, ou Pierre enchaîné ? j'aimerais mieux être  Pierre, à cause de ses liens (2). »

Toujours vénérée dans l'auguste basilique qui couvre sa tombe, la chaîne de Paul n'est point devenue pourtant comme celles de Pierre l'objet d'une fête spéciale en l'Eglise. Cette distinction était due à la prééminence de celui qui «reçut seul les Clefs du Royaume des cieux pour les communiquer aux autres (3)», qui seul continue par ses successeurs de lier et de délier souverainement dans l'étendue des mondes. Le recueil des lettres de saint Grégoire le Grand atteste combien, au VI° siècle, était universellement répandu le culte des saintes chaînes, dont 

 

1. Matth. XIX, 28. — 2. Chrys. in Ep. ad Eph. Hom. VIII — 3. Opr. Milev. Contra Parmen. VII, III.

 

288

 

quelques parcelles de limure, enfermées dans des clefs d'argent ou d'or, étaient le plus riche présent que les Souverains Pontifes eussent coutume d'offrir aux églises insignes et aux princes qu'ils voulaient honorer. Constantinople, à une époque assez indécise, fut elle aussi dotée de quelque portion de ces précieux liens; elle en fixa la fête au 16 janvier, exaltant à cette occasion dans l'Apôtre Pierre l'occupant du premier Siège, le fondement de la foi, la base inébranlable des dogmes (1).

 

1. Menées.

 

Voici la  Légende de la  fête au Bréviaire Romain.

 

 

Au temps de l'empire de Théodose le jeune, Eudoxie son épouse vint à Jérusalem pour accomplir un vœu ; elle y fut comblée de nombreux présents, dont le principal consistait en une chaîne de fer ornée d'or et de pierreries, qu'on assurait être celle dont l'Apôtre Pierre avait été lié par Hérode. L'impératrice, l'ayant pieusement vénérée, l'envoya ensuite à Rome à sa fille Eudoxie qui l'apporta au Souverain Pontife; celui-ci à son tour lui montra une autre chaîne dont le même Apôtre avait été chargé sous Néron.

 

Comme donc le Pontife comparait la chaîne romaine avec celle qu'on avait apportée de Jérusalem, il arriva qu'elles se joignirent entre elles de telle sorte qu'elles parurent, non pas deux, mais une seule chaîne faite par le même ouvrier. Ce miracle fut pour ces liens sacrés le point de départ des plus grands honneurs; sous le nom de Saint-Pierre-ès-liens du titre d'Eudoxie, on fit sur l'Esquilin la dédicace d'une église dont la fête anniversaire fut établie aux calendes d'août.

 

De ce moment les solennités profanes des Gentils que l'on continuait de célébrera ce jour, cédèrent devant l'hommage rendu aux chaînes de Pierre. Le contact de ces chaînes guérissait les malades et chassait les démons. Ainsi arriva-t-il que, l'an du salut neuf cent soixante-neuf, un certain comte, familier de l'empereur Othon, possédé par l'esprit immonde, se déchirait de ses propres dents ; conduit par ordre de l'empereur au Pontife Jean, à peine la chaîne sacrée eut-elle touché son cou, que le malin esprit s'échappant le laissa délivré. En suite de quoi, la dévotion des saints liens se répandit dans Rome.

 

200

 

« Mets tes pieds dans les fers de la Sagesse, et ton cou dans ses chaînes,disait prophétiquement l'Esprit sous l'ancienne alliance ; ne te lasse point de ses liens : car à la fin elle te sera repos et joie, et ses entraves seront pour toi une protection puissante, et ses colliers un glorieux ornementât ses liens le salut (1). » Et la Sagesse incarnée vous appliquant l'oracle elle-même, ô Prince des Apôtres, annonçait qu'en témoignage de votre amour, un jour viendrait où vous connaîtriez en effet la contrainte et les liens (2). L'épreuve, ô Pierre, a été convaincante pour cette Sagesse éternelle qui proportionne ses exigences à la mesure de son propre amour (3). Mais vous aussi l'avez trouvée fidèle : aux jours du redoutable combat où elle voulut montrer sa puissance en votre faiblesse, elle ne vous abandonna point dans les fers (4) ; c'ost dans ses bras que vous dormiez d'un sommeil si calme en la prison d'Hérode (5); descendue avec vous dans la fosse de Néron (6), elle vous y tint fidèle compagnie jusqu'à l'heure où, soumettant à l'opprimé les persécuteurs mêmes, elle mit le sceptre en vos mains et sur votre front la triple couronne.

Du trône où vous siégez avec l’Homme-Dieu dans les cieux (7) comme vous l'avez suivi ici-bas dans l'épreuve et l'angoisse (8), déliez nos liens qui n'ont rien, hélas ! de la gloire des vôtres: brisez ces fers du péché qui nous rivent à Satan, ces attaches de toutes les passions qui nous empêchent  de prendra vers Dieu notre essor.  Le

 

1. Eccli. VI, 25-32. — 2 Johan., XXI, 18. — 3. Eccli. IV, 17-22. — 4. Sap. X, 12-14. — 5. Act. XII, 6. — 6. Sap. X, 13. — 7. Apoc. III, 21. — 8. Luc. XXII, 28.

 

291

 

monde, plus que jamais esclave dans l'engouement de ses fausses libertés qui lui font oublier la seule vraie, a plus besoin d'affranchissement qu'au temps des Césars païens : vous qui seul pouvez l'être, une fois de plus soyez son libérateur. Que Rome surtout, tombée plus bas parce qu'elle a été précipitée de plus haut, éprouve à nouveau la vertu d'émancipation qui réside en vos chaînes; elles sont devenues pour ses fidèles un signe de ralliement dans les dernières épreuves (1) ; vérifiez la parole qui fut dite par ses poètes autrefois, qu'« entourée de ces liens elle serait toujours libre (2)».

 

Aout resplendit des feux de la plus brillante des constellations qui soit au Cycle sacré. Déjà au sixième siècle, le deuxième concile de Tours observait que les fêtes des Saints remplissaient sa durée (3). Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes (4) disait la Sagesse ; il semble que dans le mois où retentissent ses enseignements, elle ait mis sa gloire à s'entourer des hommes bienheureux (5) qui, marchant avec elle par le milieu des sentiers de la justice (6), ont trouvé en la trouvant elle-même la vie et le salut qui vient du Seigneur (7). Noble cour, présidée par la Reine de toute grâce dont le triomphe, consacrant le milieu de ce mois, appelait sur lui les prédilections de cette Sagesse du Père qui ne s'est plus séparée de Marie depuis qu'elle en a fait son trône.

 

1. Archiconfrérie des Chaînes de S. Pierre, érigée le 18 min 1867. — 2. Arator, De Act. Aposl. L. I, v. 1070-1076. — 3. Toto Augusto... festivitates sunt et missae sanctorum. De observatione psallendi. Larbe, V, 857. — 4. Prov. VIII, 31.— 5. Ibid. 32-34. — 6. Ibid. 10. — 7. Ibid. 35.

 

292

 

Quelle effusion des divines faveurs l'opulence des jours que nous allons traverser promet à nos âmes ! Jamais les greniers du Père de famille ne s'enrichirent plus qu'en ce temps de maturité pour les moissons de la terre et pour celle des cieux.

Tandis qu'ici-bas l'Eglise, inaugurant ces jours bénis, se pare de la chaîne de Pierre comme de son joyau le plus précieux, pour la troisième fois le septénaire brille au ciel. Dans l'arène sanglante, les sept Frères Machabées ont précédé les fils de Symphorose et de Félicité ; ils ont suivi la Sagesse avant qu'elle eût manifesté dans la chair ses attraits divins. La cause sacrée dont ils furent les athlètes, leur force d'âme dans les tourments, leurs sublimes réponses aux bourreaux, offrirent à tel point le type reproduit depuis par tous les Martyrs, qu'on vit les Pères, aux premiers siècles de l'Eglise chrétienne, revendiquer pour elle tout d'une voix ces héros de la synagogue qui n'avaient puisé leur courage que dans la foi au Christ attendu. Seuls aussi, de tous les saints personnages de l'ancienne alliance, ils trouvèrent place pour cette raison au Cycle chrétien ; tous les martyrologes, les fastes de l'Orient comme de l'Occident, attestent l'universalité de leur culte; et telle est son antiquité que, dans la basilique Eudoxienne qui garde également à Rome leurs restes précieux, elle le dispute à l'antiquité même du culte rendu aux liens sacrés du Prince des Apôtres.

Au temps où dans l'espoir d'une résurrection meilleure (1), ils refusaient sous l'assaut des tourments de racheter leur vie, d'autres héros du même sang, s'inspirant d'une même foi,  couraient aux

 

1. Heb. XI, 35; II Mach. VII, 9, 11, 14, 23.

 

293

 

armes et délivraient leur pays d'une crise terrible. Plusieurs enfants d'Israël, oublieux des traditions de leur peuple, avaient ambitionné pour lui les mœurs des nations étrangères ; et le Seigneur, pour châtiment, avait laissé peser de tout son poids sur la Judée le joug de législation profane qu'elle avait commis la faute de se laisser imposer (1). Mais lorsque le roi d'alors, Antiochus, exploitant la trahison de quelques-uns, l'insouciance du grand nombre, prétendit par ses ordonnances éliminer la divine loi qui seule donne à l'homme autorité sur l'homme, Israël, réveillé soudain, opposa au tyran la réaction simultanée de la révolte et du martyre. Judas Machabée, en d'immortels combats, revendiquait pour Dieu la terre de son héritage (2) ; tandis que parla vertu de leur généreuse confession, les sept Frères, émules de sa gloire, sauvaient eux aussi la loi, comme dit l'Ecriture, de l'asservissement des nations et des rois (3). Bientôt demandant grâce sous la main du Seigneur Dieu sans pouvoir l'obtenir (4), Antiochus mourait dévoré des vers comme plus tard devaient aussi mourir le premier persécuteur des chrétiens et le dernier, Hérode Agrippa et Galère Maximien.

L'Esprit-Saint, qui se réservait de transmettre lui-même à la postérité les Actes du protomartyr de la loi nouvelle, n'a point fait autrement pour la passion des glorieux précurseurs d'Etienne aux siècles de l'attente. Au reste, c'était bien lui déjà qui, comme sous la loi d'amour (5), inspirait paroles aussi bien que courage aux vaillants frères, à cette mère plus admirable encore qui, devant ses sept  fils livrés l'un après l'autre à d'effroyables

 

1. I Mach. I, 12-67. — 2. Deut. XXXII, 9. — 3. I  Mach. II, 48. — 4. II Mach. IX, 13. — 5. Matth. X, 18-20.

 

294

 

tortures, ne trouvait pour chacun  d'eux que des exhortations brûlantes  à  mourir.  Entourée de leurs corps affreusement mutilés, elle se riait du tyran dont la fausse pitié voulait du moins qu'elle persuadât au plus jeune de sauver sa vie ; elle se penchait sur ce dernier survivant laissé encore à sa tendresse, et lui disait : « Mon fils, aie pitié de moi qui t'ai porté neuf mois dans  mon sein, qui t'ai nourri trois ans de mon lait et élevé jusqu'à cet âge. Je t'en prie, mon enfant : regarde le ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment ; comprends que tout cela, Dieu l'a fait de rien aussi bien que les hommes. Ne crains donc pas ce bourreau ; sois digne de tes frères, reçois comme eux la mort, afin que  je te retrouve avec eux  par la divine bonté qui doit  me les rendre. »  Et  l'intrépide enfant courait dans son innocence au-devant des supplices; et l'incomparable mère suivait ses fils (1).

 

ORAISON.

 

Que la couronne fraternelle de vos Martyrs, Seigneur, soit pour nous une cause d'allégresse, en procurant à notre foi l'accroissement des vertus et nous soutenant de leur multiple suffrage. Par Jésus-Christ.

 

1. II Mach. VII.

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante