ALPHONSE DE LIGUORI

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PENTECOTE IV
ELISABETH
VII FRÈRES
PIE Ier
JEAN GUALBERT
ANACLET
BONAVENTURE
HENRI
N-D du CARMEL
ALEXIS
CAMILLE DE LELLIS
SYMPHOROSE
VINCENT
JÉRÔME EMILIEN
MARGUERITE
PRAXÈDE
MARIE-MADELEINE
APOLLINAIRE
CHRISTINE
JACQUES
ANNE
PANTALÉON
NAZAIRE
MARTHE
ABDON
IGNACE
PIERRE ès Liens
ALPHONSE DE LIGUORI
ETIENNE
DOMINIQUE
N-D DES NEIGES
TRANSFIGURATION
SIXTE II
GAÉTAN
CYRIAQUE
ROMAIN
LAURENT
TIBURCE
CLAIRE
RADEGONDE
Vig. ASSOMPTION
ASSOMPTION
JOACHIM
HYACINTHE
ROCH
Oct. LAURENT
Oct. ASSOMPTION IV
Oct. ASSOMPTION V.
BERNARD
JEANNE de CHANTAL
Oct. ASSOMPTION

LE II AOUT. SAINT ALPHONSE-MARIE DE LIGUORI, EVÊQUE ET DOCTEUR DE L’ EGLISE.

 

Hier, avec Pierre et les Machabées, nous admirions les substructions du palais que l'éternelle Sagesse se construit dans le temps pour durer toujours (1). Aujourd'hui, nous conformant aux divines mœurs de cette Sagesse qui atteint en se jouant d'une extrémité à l'autre (2), c'est au sommet de l'œuvre, à la dernière des assises actuellement posées, qu'il nous est donné de contempler le progrès du glorieux édifice. Or, au sommet comme dans les fondations, l'œuvre est une, les matériaux restent sans prix: témoin la pierre d'une eau si pure qui, à cette heure, envoie sur nous ses feux.

Alphonse de Liguori est, à la fois comme Docteur et comme Saint, le plus récent des bienheureux auxquels s'adresse l'hommage universel du monde. Grand par ses œuvres et sa doctrine (3), à lui s'applique directement l'oracle de l'Esprit-Saint : Ceux qui enseignent la justice à plusieurs brilleront comme des étoiles dans les éternités sans fin (4).

Quand il parut, une secte odieuse voulait enlever au Père qui est aux cieux sa miséricorde et sa

 

1. Prov. IX, 1. —   2. Sap. VIII, 1. — 3. Matth. V, 19. — 4. Dan. XII, 3.

 

296

 

douceur ; elle triomphait, dans la conduite pratique des âmes, auprès de ceux-là même que rebutaient ses  calvinistes théories.  Sous couleur de réaction contre une école imaginaire de relâchement, dénonçant à grand bruit les propositions effectivement condamnables de quelques personnages isolés, les nouveaux  pharisiens  s'étaient posés en zélateurs de la Loi. Outrant le précepte, exagérant la sanction,  ils chargeaient les consciences des  mêmes  intolérables  fardeaux dont l'Homme-Dieu reprochait à leurs devanciers d'écraser les épaules humaines (1) ; mais le cri d'alarme jeté par eux, au nom de la morale en péril, n'en avait pas moins trompé les simples et fini par égarer les meilleurs. Grâce à l'ostentation d'austérité de ses adhérents, le jansénisme, habile du reste à prudemment voiler ses dogmes, n'était que trop parvenu, selon son programme, à s'imposer à l'Eglise malgré l'Eglise; d'inconscients alliés lui livraient dans la cité sainte les sources du salut. Bientôt, en trop de lieux, les Clefs sacrées n'eurent plus d'usage  que  pour ouvrir l'enfer;  la table sainte, dressée pour entretenir et développer en tous la vie, ne fut plus accessible qu'aux parfaits: et ceux-ci n'étaient jugés tels que dans la mesure où, par un renversement étrange des paroles de l'Apôtre (2), ils soumettaient l'esprit d'adoption des enfants à  l'esprit de servitude et de crainte; quant aux fidèles qui ne s'élevaient pas à la hauteur du nouvel ascétisme, ne trouvant au tribunal de la pénitence, en place de pères et de médecins, que des exacteurs et des bourreaux (3), ils n'avaient

 

1. Matth. XXIII, 4. — 2. Rom. VIII, 15. — 3. Supplices litterae Episcopatus pro concessione tituli Doctoris S. Alphonso Mariae.

 

297

 

plus devant eux que l'abandon du désespoir ou de l'indifférence. Partout cependant légistes et parlements prêtaient main forte aux réformateurs, sans se soucier du flot d'incrédulité haineuse qui montait autour d'eux, sans voir la tempête amoncelant ses nuages.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le royaume des deux ; car vous n'y entrez point, et ne laissez pas les autres y entrer. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui parcourez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et lorsqu'il est fait, le rendez fils d'enfer deux fois plus que vous (1). Ce n'est point de vos conventicules qu'il est dit que les fils de la Sagesse sont l'assemblée des justes (2) ; car il est dit aussi que ce peuple des justes est tout obéissance et amour (3). Ce n'est point de la crainte dont vous êtes les apôtres, que le Psalmiste a chanté : La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse (4) ; car de cette crainte salutaire, sous la loi même du Sinaï, l'Esprit-Saint disait : « Vous qui craignez le Seigneur, croyez en lui, et vous ne perdrez pas votre récompense ; vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde viendra sur vous dans la joie ; vous qui craignez le Seigneur, aimez-le, et vos cœurs seront remplis de lumière (5). » Tout écart, qu'il provienne de rigueur aussi bien que de faiblesse, heurte la justice en sa rectitude; mais, depuis surtout Bethléhem et le Calvaire, il n'est point de péché qui atteigne plus le cœur divin que celui de défiance ; il n'est de faute irrémissible que dans la  désespérance de  Judas disant  comme

 

1. Matth. XXIII, 13, 15. — 2. Eccli. III, 1. — 3. Ibid. — 4. Psalm. CX, 10. — 5. Eccli. II, 8-10.

 

298

 

Cain : « Mon crime est trop grand pour en obtenir le pardon (1).  »

Qui donc cependant, dans l'impasse ténébreuse où les docteurs en vogue avaient amené les plus fermes esprits, retrouverait la clef de la science (2)! Mais la Sagesse gardait en ses trésors, dit l'Esprit-Saint,  les formules des mœurs (3). De même qu'en d'autres temps à chaque dogme attaqué elle avait suscité des vengeurs nouveaux : en face d'une hérésie qui,  malgré les prétentions spéculatives de ses débuts, n'eut véritablement que là de portée durable, elle produisit  Alphonse  de  Liguori comme le redresseur de la loi faussée et le Docteur par excellence de la morale chrétienne. Egalement éloigné d'un rigorisme fatal et d'une pernicieuse indulgence, il sut rendre aux justices du Seigneur, pour parler comme le Psaume, leur droiture en même temps que leur don de réjouir les  cœurs (4),  à ses commandements leur lumineuse clarté  qui  les fait se  justifier  par  eux-mêmes (5) à ses oracles la pureté qui attire les âmes et conduit fidèlement les petits et les simples des commencements de la Sagesse à ses sommets (6).

Ce ne fut point en effet seulement sur le terrain de la casuistique que saint Alphonse parvint, dans sa Théologie morale , à conjurer le virus qui menaçait d'infecter toute vie chrétienne. Tandis que, par ailleurs, sa plume vaillante ne laissait sans réponse aucune des attaques du temps contre la vérité révélée, ses œuvres ascétiques et mystiques ramenaient la piété aux sources traditionnelles de la fréquentation des Sacrements, de l'amour du Seigneur et de sa divine Mère. La

 

1. Gen. IV, 13. — 2. Luc. XI, 52. — 3. Eccli.  I,  31.  — 4. Psalm. XVIII, 9. — b. Ibid. 9-10. — 6. Ibid. 8.

 

299

 

Sacrée Congrégation des Rites, qui dut examiner au nom du Saint-Siège les œuvres de notre Saint, et déclara n'y rien trouver qui fût digne de censure (1), a rangé sous quarante titres différents ses innombrables écrits. Alphonse pourtant ne s'était résolu que bien tard à communiquer au public, par la voie de la presse, les lumières dont son âme était inondée ; son premier ouvrage, qui fut le livre d'or des Visites au Saint Sacrement et à la sainte Vierge, ne parut que vers la cinquantième année de l'auteur. Or, si Dieu prolongea il est vrai son existence au delà des limites ordinaires, il ne lui épargna ni la double charge de l'épiscopat et du gouvernement delà congrégation qu'il avait fondée, ni les plus pénibles infirmités, ni les souffrances morales plus douloureuses encore.

 

1. Decretum 14 et 18 maii 18o3.

 

Ecoutons l'Eglise dans le récit de sa vie.

 

Alphonse-Marie de Liguori naquit à Naples de parents nobles ; il donna dès son entrée dans la vie de clairs indices de sainteté. Il était tout petit encore, lorsque ses parents l'ayant présenté à saint François de Hieronymo, de la Société de Jésus, celui-ci le bénit et prédit qu'il atteindrait quatre-vingt-dix ans, serait élevé à la dignité épiscopale, et que de sa vie l'Eglise retirerait de grands biens. N'éprouvant dès le premier âge qu'aversion pour les jeux, il formait les enfants de sa condition à la modestie chrétienne par sa parole et son exemple. Jeune homme, enrôlé dans de pieuses associations, il faisait ses délices de servir les malades dans les hôpitaux, de prier longuement dans les églises et de fréquenter les saints Mystères. A la piété il unit de telle sorte l'étude, qu'âgé de seize ans à peine l'Université de son pays lui conférait  le doctorat dans l'un et  l'autre  droit.  Par déférence pour son père, il entra au barreau et s'y acquit une   grande  renommée ; mais  en avant expérimenté les  dangers,  il abandonna de lui-même cette carrière. On le vit donc mépriser un parti brillant que son père lui offrait,  renoncer aux droits que lui conférait son titre d'aîné, et suspendant son épée à l'autel de la Vierge de la Merci, se consacrer au service de  Dieu. Ordonné prêtre, il déclara la guerre aux  vices avec tant de zèle dans l'exercice du  ministère apostolique que, se portant sans trêve d'un lieu à un autre, il opérait les conversions les plus désespérées. Sa compassion allait surtout aux pauvres et aux habitants des campagnes ; et  c'est pourquoi il établit la congrégation des  prêtres du  très saint Rédempteur, qui suivant ce divin  Rédempteur   par champs, bourgs et villages, avaient pour mission d'évangéliser les pauvres.

 

Afin de ne se laisser distraire aucunement de sa résolution, il s'obligea par vœu perpétuel à ne jamais perdre un instant. Il se consumait donc, soit dans la prédication de la parole de Dieu, soit dans la composition d'ouvrages remplis de piété et de science sacrée, à gagner les âmes au Christ et à les amener à une vie plus parfaite. Combien d'inimitiés n'éteignit-il pas ! combien de dévoyés ne ramena-t-il point a la voie droite du salut ! Son culte fut grand pour la Mère de Dieu ; il publia un livre des Gloires de Marie ; comme il s'étendait avec feu sur le même sujet dans ses prédications, on le vit plus d'une fois ravi en extase devant tout le peuple et un rayon miraculeux parti de l'image de la Vierge illuminer tous ses traits. Contemplateur assidu de la Passion du Seigneur et de la sainte Eucharistie, il en propagea le culte merveilleusement. Priant à l'autel du très saint Sacrement, ou disant la Messe, ce qu'il n'omit jamais , la véhémence de son amour le faisait se fondre en ardeurs séraphiques, l'agitait de mouvements extraordinaires et l'enlevait au sentiment des choses extérieures. Admirable était l'innocence de sa vie, qu'il ne souilla jamais d'aucune faute  mortelle ; non moins grande néanmoins était sa pénitence, et il châtiait son corps par l'abstinence, les chaînes de fer, les cilices et de sanglantes flagellations. Cependant il était illustré du don des miracles, de bilocation, de prophétie et de pénétration des cœurs.

 

Il manifesta un constant éloignement pour les dignités  ecclésiastiques qui lui furent offertes. Mais l'autorité du Pape Clément XIII le contraignit à accepter le gouvernement de l'Eglise de Sainte-Agathe-des-Goths. Evoque il changea son costume, mais non la sévérité de son genre de vie. Même frugalité ,  souverain zèle pour la  discipline chrétienne, attention soutenue à réprimer le vice, écarter l'erreur, et s'acquitter des autres devoirs de la charge pastorale.  Libéral  envers les pauvres,  il  leur distribuait tous ses revenus ecclésiastiques et, sous le  coup d'une grande cherté de vivres, il consacra  jusqu'au mobilier de  sa maison à nourrir ceux qui avaient faim. Se faisant tout à tous, il ramena les moniales à une forme  de vie plus parfaite, et  eut soin d'établir un monastère de religieuses de sa  congrégation. Lorsque de graves et habituelles maladies l'amenèrent  à se démettre de l'épiscopat,  il revint pauvre à ses enfants qu'il avait quittés pauvre Enfin, brisé dans son corps par l'âge, les travaux, une goutte prolongée et d'autres très graves infirmités, mais d'un esprit toujours vif, il ne cessa point de parler ou d'écrire sur les choses célestes, jusqu'à ce que, nonagénaire , aux calendes d'août de l'an mil sept cent quatre-vingt-sept, il expira paisiblement à Nocera de Pagani au milieu de ses fils en larmes. L'éclat de ses vertus et de ses miracles amena, en l'année dix-huit cent seize, le Souverain Pontife Pie VII à le ranger parmi les Bienheureux; et de nouveaux prodiges ayant fait briller sa puissance, Grégoire XVI l'inscrivit en grande solennité au catalogue des Saints, dans la fête de la très sainte Trinité de l'année mil huit cent trente-neuf ; sur l'avis enfin de la Congrégation des Rites sacrés, le Souverain Pontife Pie IX l'a déclaré Docteur de l'Eglise universelle.

 

Je n'ai point caché votre justice dans mon cœur : j’ai publié de vous la vérité et le salut (1). Ainsi en votre nom l'Eglise chante-t-elle aujourd'hui, reconnaissante pour le service insigne que vous lui avez rendu dans ces jours des pécheurs où la piété

 

1. Verset du Graduel de la Messe, ex Psalm. XXXIX.

 

304

 

semblait perdue (1). En  butte aux assauts  d'un pharisaïsme outré, sous le regard sceptique de la philosophie railleuse, les bons eux-mêmes hésitaient sur la direction des sentiers du Seigneur. Tandis que les moralistes du temps ne savaient plus que forger pour les consciences d'absurdes entraves (2), l'ennemi avait beau jeu de crier : Brisons leurs chaînes, et rejetons loin leur joug (3) ( Compromise par ces docteurs insensés, l'antique sagesse révérée des aïeux n'était plus, pour les peuples  avides d'émancipation, qu'un édifice en ruines (4).  Dans cette extrémité sans précédents, vous fûtes, ô Alphonse,  l'homme prudent désiré de l'Eglise, et dont la bouche énonce les paroles qui raffermissent les cœurs (5).

Longtemps  avant votre  naissance, un grand Pape avait dit que  le propre des  Docteurs est « d'éclairer l'Eglise, de l'orner des vertus, de former ses mœurs; par eux, ajoutait-il, elle brille au milieu des ténèbres comme l'astre du matin ; leur parole fécondée d'en haut résout les énigmes des Ecritures, dénoue les difficultés, éclaircit les obscurités, interprète ce qui est douteux ; leurs œuvres profondes, et relevées par  l'éloquence du discours, sont autant de perles précieuses ennoblissant la maison de Dieu non moins qu'elles la font resplendir. » Ainsi s'exprimait au XIII° siècle Boniface VIII, lorsqu'il élevait à la solennité du rit double les fêtes des Apôtres,  des  Evangélistes, et des  quatre  Docteurs reconnus alors,  Grégoire  Pape, Augustin, Am-broise et Jérôme (6). Mais n'est-ce pas là, frappante

 

1. Verset alléluiatique, ex Eccli. XLIX. — 2. Eccli. XXI, 22. — 3. Psalm. II, 3. — 4. Eccli. XXI, 21. — 5. Ibid. 20, — 6. Sexti Décret. Lib. III, tit. XXII, De reliqu. et veneratione Sanctorum.

 

3o5

 

comme une prophétie, fidèle autant qu'un portrait, la description surtout de ce qu'il vous fut donné d'être ?

Gloire  donc à vous qui, dans  nos  temps de déclin, renouvelez la jeunesse de l'Eglise, à vous par qui s'embrassent derechef ici-bas la justice et la paix dans la rencontre de la miséricorde et de la vérité (1). C'est bien à la lettre que vous avez donné sans réserve pour un tel résultat votre temps et vos forces. « L'amour de Dieu n'est jamais oisif, disait saint  Grégoire : s'il  existe, il  fait  de grandes choses ; s'il refuse d'agir, ce n'est point l'amour (2). » Or quelle fidélité ne fut pas la vôtre dans l'accomplissement du vœu redoutable  par lequel vous vous étiez enlevé la possibilité même d'un instant de  relâche !  Lorsque d'intolérables douleurs eussent paru pour tout autre justifier, sinon commander le repos, on vous voyait soutenant d'une main à votre front le marbre qui semblait tempérer quelque peu la souffrance,  et de la droite écrivant vos précieux ouvrages.

Mais plus grand encore fut l'exemple que Dieu voulut donner au monde, lorsqu'il permit qu'accablé d'années, la trahison d'un de vos fils amenât sur vous la disgrâce de ce Siège apostolique pour lequel s'était consumée votre vie, et qui en retour vous retranchait,  comme  indigne, de  l'institut que vous aviez fondé !  L'enfer alors eut licence de joindre ses coups à ceux du ciel ; et vous, le Docteur de la paix, connûtes  d'épouvantables assauts contre la foi et la sainte espérance. Ainsi votre œuvre s'achevait-elle dans l'infirmité plus puissante que tout (3); ainsi méritiez-vous aux âmes

 

1. Psalm. LXXXIV, II, — 2. Greg.  in  Ev. hom. XXX. — 3. II Cor. XII, 9-10.

 

3o6

 

troublées l'appui de la vertu du Christ. Cependant, redevenu enfant par l'obéissance aveugle nécessaire dans ces pénibles épreuves, vous étiez plus près à la fois et du royaume des cieux (1) et de la crèche chantée par vous dans des accents si doux (2) ; et la vertu que l'Homme-Dieu sentait sortir de lui durant sa vie mortelle s'échappait de vous avec une telle abondance sur les petits enfants malades, présentés par leurs mères à votre bénédiction, qu'elle les guérissait tous (3) !

Maintenant  qu'ont pris  fin les  larmes  et le labeur, veillez pourtant sur nous toujours. Conservez les fruits de vos œuvres dans l'Eglise. La famille religieuse qui vous doit l'existence n'a point dégénéré; plus d'une fois, dans les persécutions de ce siècle, l'ennemi l'a honorée des spéciales manifestations de sa haine ; déjà aussi l'auréole des bienheureux a été vue passant du père à ses fils : puissent-ils garder chèrement toujours ces nobles traditions ! Puisse le Père souverain qui, au baptême, nous a tous également faits dignes d'avoir part au sort des saints dans la lumière (4), nous conduire heureusement par vos exemples et vos enseignements (5), à la suite du très saint Rédempteur, dans le royaume de ce Fils de son amour (6).

L'illustre mémoire d'Etienne Ier, Pape et Martyr, complète d'un parfum d'antiquité la sainteté de ce jour dédié à l'honneur du plus récent des bienheureux. La gloire très spéciale d'Etienne est d'avoir été dans l'Eglise le gardien de la dignité

 

1. Matth. XVIII, 3. — 2. Le Temps de Noël, T I, p. 353. — 3. Luc. VI, 19. — 4. Col. I, 12. — 5. Collecta diei. — 6. Col. I, 13.

 

307

 

du saint baptême. Le baptême, donné une fois, ne se renouvelle plus ; car le caractère d'enfant de Dieu qu'il imprime au chrétien est éternel; et cette ineffable dignité du premier sacrement n'est aucunement dépendante des dispositions ou de l'état du ministre qui le confère. Que ce soit Pierre qui baptise, dit en effet saint Augustin, que ce soit Paul ou Judas, celui-là seul et toujours baptise par eux dans le Saint-Esprit, sur qui descendit au Jourdain la divine colombe (1). Telle est l'adorable munificence du Seigneur à l'égard de ce plus indispensable des moyens du salut, que le païen même qui n'appartient pas à l'Eglise, que le schismatique ou l'hérétique qui s'en est séparé, ne l'administrent pas moins validement, à la seule condition d'observer le rit extérieur en son essence et de vouloir faire en cela ce que fait l'Eglise.

Au temps d"Etienne Ier, cette vérité qu'aujourd'hui nul n'ignore, apparaissait avec moins d'évidence. De grands évêques, auxquels leur science et leur sainteté avaient acquis justement la vénération de leur siècle, voulaient qu'on fit passer à nouveau par le bain du salut les convertis des sectes dissidentes. Mais l'assistance promise à Pierre n'en apparut que plus divine en son successeur ; et, en maintenant la discipline traditionnelle, Rome par Etienne sauva la foi des Eglises. Témoignons notre gratitude joyeuse au saint Pontife, pour sa fidélité dans la garde du dépôt qui est le trésor de tous ; et prions-le de protéger non moins efficacement, en nous aussi, la noblesse et les droits du saint baptême.

 

1. Aug. in Johan. tract, VI.

 

3o8

 

ORAISON.

 

O Dieu,qui nous réjouissez parla solennité annuelle du bienheureux Etienne votre Martyr et Pontife: accordez à nos prières que lui, dont nous célébrons le jour natal, nous donne aussi sujet de joie en sa protection. Par Jésus-Christ.

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante