N-D DES NEIGES

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PENTECOTE IV
ELISABETH
VII FRÈRES
PIE Ier
JEAN GUALBERT
ANACLET
BONAVENTURE
HENRI
N-D du CARMEL
ALEXIS
CAMILLE DE LELLIS
SYMPHOROSE
VINCENT
JÉRÔME EMILIEN
MARGUERITE
PRAXÈDE
MARIE-MADELEINE
APOLLINAIRE
CHRISTINE
JACQUES
ANNE
PANTALÉON
NAZAIRE
MARTHE
ABDON
IGNACE
PIERRE ès Liens
ALPHONSE DE LIGUORI
ETIENNE
DOMINIQUE
N-D DES NEIGES
TRANSFIGURATION
SIXTE II
GAÉTAN
CYRIAQUE
ROMAIN
LAURENT
TIBURCE
CLAIRE
RADEGONDE
Vig. ASSOMPTION
ASSOMPTION
JOACHIM
HYACINTHE
ROCH
Oct. LAURENT
Oct. ASSOMPTION IV
Oct. ASSOMPTION V.
BERNARD
JEANNE de CHANTAL
Oct. ASSOMPTION

LE V AOUT. NOTRE-DAME-DES-NEIGES.

 

Rome, que Pierre, au premier de ce mois, a délivrée de la servitude, offre un spectacle admirable au monde. Sagesse, qui depuis la glorieuse Pentecôte avez parcouru la terre, en quel lieu fut-il vrai à ce point de chanter que vous avez foulé de vos pieds victorieux les hauteurs superbes (1) ? Rome idolâtre avait sur sept collines étalé son faste et bâti les temples de ses faux dieux ; sept églises apparaissent comme les points culminants sur lesquels Rome purifiée appuie sa base désormais véritablement éternelle.

Or cependant, par  leur site même,  les basiliques de Pierre et de Paul, celles de Laurent et de Sébastien, placées aux quatre angles extérieurs de la cité des Césars, rappellent le long siège poursuivi trois siècles autour de l'ancienne Rome et durant lequel la nouvelle fut fondée. Hélène et  son fils Constantin,  reprenant le travail des fondations de la Ville sainte, en ont conduit plus avant les tranchées;  toutefois l'église de Sainte-Croix-en-Jérusalem, celle du Sauveur au Latran, qui furent leur œuvre plus spéciale, n'en restent pas moins encore au seuil de la ville forte du paganisme, près de ses portes et s'appuyant aux

 

1. Eccli. XXIV, 8-11.

 

329

 

remparts: tel le soldat qui, prenant pied dans une forteresse redoutable, investie longtemps, n'avance qu'à pas comptés , surveillant et la brèche qui vient de lui donner passage, et le dédale des voies inconnues qui s'ouvrent devant lui.

Qui plantera le drapeau  de Sion au centre de Babylone ? qui forcera l'ennemi dans ses dernières retraites, et chassant les idoles vaincues, fera son palais de leurs temples? O vous à qui fut dite la parole du Très-Haut : Vous êtes mon Fils, je vous donnerai les nations en héritage (1); ô très puissant, aux  flèches  aiguës  renversant  les  phalanges (2), écoutez l'appel que tous les échos de la terre rachetée  vous renvoient  eux-mêmes : Dans votre beauté, marchez au triomphe, et régnez (3) Mais le Fils du Très-Haut a aussi une mère ici-bas; le chant du Psalmiste, en l'appelant au triomphe, exalte aussi la reine qui se tient à sa droite en son vêtement d'or  (4) :  si de son  Père il tient toute puissance (5), de son unique mère il entend recevoir sa  couronne (6), et lui  laisse  en  retour les dépouilles des forts (7). Filles de la nouvelle Sion, sortez donc, et voyez le roi Salomon sous le diadème dont l'a couronné sa mère au jour joyeux où, prenant par elle  possession de la capitale du monde, il épousa la gentilité (8).

Jour, en effet, plein d'allégresse que celui où Marie pour Jésus revendiqua son droit de souveraine et d'héritière du sol romain ! A l'orient, au plus haut sommet de la Ville éternelle, elle apparut littéralement en ce matin béni comme l'aurore qui se lève, belle comme la lune illuminant les

 

1. Psalm. II, — 2. Psalm. XLIV. — 3. Ibid. — 4. Ibid. — 5. Matth. XXVIII, 18 — 6. Cant. III, 11.— 7. Psalm. LXVII, 13; Isai. LIII, 12. — 8. Cant. III, 11.

 

33o

 

nuits, plus puissante que le soleil d'août surpris de la voir à la fois tempérer ses ardeurs et doubler l'éclat de ses feux par son manteau de neige, terrible aussi plus qu'une armée (1) ; car, à dater de ce jour, osant ce que n'avaient tenté apôtres ni martyrs, ce dont Jésus même n'avait point voulu sans elle prendre pour lui l'honneur, elle dépossède de leurs trônes usurpés les divinités de l'Olympe. Comme il convenait, l'altière Junon, dont l’autel déshonorait l'Esquilin, la fausse reine de ces dieux du mensonge fuit la première à l'aspect de Marie, cédant les splendides colonnes de son sanctuaire souillé à la seule vraie impératrice de la terre et des deux.

Quarante années avaient passé depuis ces temps de Silvestre où « l'image du Sauveur, tracée sur les murs du Latran, apparut pour la première fois, dit l'Eglise, au peuple romain (2). » Rome, encore à demi païenne, voit aujourd'hui se manifester la Mère du Sauveur; sous la vertu du très pur symbole qui frappe au dehors ses yeux surpris, elle sent s'apaiser les ardeurs funestes qui firent d'elle le fléau des nations dont maintenant elle aussi doit être la mère, et c'est dans l'émotion d'une jeunesse renouvelée qu'elle voit les souillures d'autrefois céder la place sur ses collines au blanc vêtement qui révèle l'Epouse (3).

Déjà, et dès les temps de la prédication apostolique, les élus que le Seigneur, malgré sa résistance homicide, recueillait nombreux dans son sein, connaissaient Marie, et lui rendaient à cet âge du martyre des hommages qu'aucune autre créature ne reçut jamais: témoin, aux catacombes,

 

1. Cant. VI, 9. — 2. Lectiones IIi  Noct.  in Dedic. basilicae Salvatoris. — 3. Apoc. XIX, 7-8.

 

331

 

ces fresques primitives où Notre-Dame, soit seule, soit portant l'Enfant-Dieu, toujours assise, reçoit de son siège d'honneur, la louange, les messages, la prière ou lès dons des prophètes, des archanges et des rois (1). Déjà dans la région transtibérine, au lieu où sous Auguste avait jailli l'huile mystérieuse annonçant la venue de l'oint du Seigneur, Calliste élevait vers l'an 222 une église à celle qui demeure à jamais le véritable fons olei, la source d'où sort le Christ et s'écoule avec lui toute onction et toute grâce. La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d'élever sur l'Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu'elle prit dès l'abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines.

Es-tu entré dans les trésors de la neige, dans mes réserves contre l'ennemi pour le jour du combat? disait à Job le Seigneur (2). Au cinq août donc, pour continuer d'emprunter leur langage aux Ecritures (3), à l’ordre d'en haut, les trésors s'ouvrirent, et la neige s envolant comme l'oiseau précipita son arrivée, et sa venue fut le signal soudain des jugements du ciel contre les dieux des nations. La tour de David (4) domine maintenant les tours de la cité terrestre ; inexpugnable en la position qu'elle a conquise, elle n'arrêtera qu'avec la prise du dernier fort ennemi ses sorties victorieuses. Qu'ils seront beaux vos pas dans ces

 

1. Cimetières de Priscille, de Néréc et Achillée, etc. — 2. Job. XXXVIII, 22-23. — 3. Eccli. XLIII, 14-15,19-20. — 4. Cant. IV, 4.

 

332

 

expéditions guerrières, ô fille du prince (1), ô reine dont l'étendard, par la volonté de votre Fils adoré, doit flotter sur toute terre enlevée à la puissance du serpent maudit! L'ignominieuse déesse qu'un seul de vos regards a renversée de son piédestal impur,  laisse  Rome  encore  déshonorée par la présence  de trop de vains simulacres. O notre blanche triomphatrice,  aux acclamations des nations délivrées,  prenez la voie  fameuse qu'ont suivie tant de triomphateurs aux  mains rougies du sang des peuples ; traînant à votre char les démons démasqués  enfin, montez à  la citadelle du polythéisme, et que la douce église de Sainte-Marie in Ara cœli remplace au Capitole le temple odieux de Jupiter.  Vesta, Minerve,  Cérès,  Pro-serpine, voient leurs sanctuaires et leurs bois sacrés prendre à l'envi le titre et les livrées de la libératrice dont leur  fabuleuse  histoire offrit au monde d'informes traits,  mêlés à trop de souillures. Le  Panthéon ,  devenu  désert ,  aspire au jour où toute noblesse et toute magnificence seront pour lui dépassées par le nom  nouveau  qui lui sera donné de  Sainte-Marie-des-Martyrs.  Au triomphe  de votre Assomption dans les cieux, quel préambule ,  ô notre souveraine, que ce triomphe  sur terre dont  le présent  jour ouvre pour vous la marche glorieuse !

La basilique de Sainte-Marie-des-Neiges, appelée aussi de Libère son fondateur, ou de Sixte troisième du nom qui la restaura, dut à ce dernier de devenir le monument de la divine maternité proclamée à Ephèse ; le nom de Sainte-Marie-Mère, qu'elle reçut à cette occasion, fut complété sous Théodore Ier (2), qui l'enrichit de sa

 

1. Cant. VII, 1. — 2. 642-649.

 

333

 

relique la plus insigne, par celui de Sainte-Marie de la Crèche : nobles appellations que résume toutes celle de Sainte-Marie Majeure, amplement justifiée par les faits que nous avons rapportés, la dévotion universelle, et la prééminence effective que lui maintinrent toujours les Pontifes romains. La dernière dans l'ordre du temps parmi les sept églises sur lesquelles Rome chrétienne est fondée, elle ne cédait le pas au moyen âge qu'à celle du Sauveur ; dans la procession de la grande Litanie au 25 avril, les anciens Ordres romains assignent à la Croix de Sainte-Marie sa place entre la Croix de Saint-Pierre au-dessous d'elle et celle de Latran qui la suit (1). Les importantes et nombreuses Stations liturgiques indiquées à la basilique de l'Esquilin, témoignent assez de la piété romaine et catholique à son endroit. Elle eut l'honneur de voir célébrer des conciles en ses murs et élire les vicaires de Jésus-Christ ; durant un temps ceux-ci l'habitèrent, et c'était la coutume qu'aux mercredis des Quatre-Temps, où la Station reste toujours fixée dans son enceinte, ils y publiassent les noms des Cardinaux Diacres ou Prêtres qu'ils avaient résolu de créer (2).

Quant à la solennité anniversaire de sa Dédicace, objet de la fête présente, on ne peut douter qu'elle n'ait été célébrée de bonne heure sur l'Esquilin. Elle n'était pas encore universelle en l'Eglise, au XIII° siècle ; Grégoire IX en effet, dans la bulle de canonisation de saint Dominique qui était passé le six août de la terre au ciel, anticipe sa fête au cinq de ce mois comme étant libre encore,

 

1. Museum italicum : Joann. Diac. Lib. de Eccl. Lateran. XVI, de episcopis et cardinal, per patriarchatus dispositis; romani Ordin. XI, XII. — 2. Paulus de Angelis, Basilicae S. Mariœ Maj. descriptio, VI, v.

 

334

 

à la différence du six occupé déjà, comme nous le verrons demain, par un autre objet. Ce fut seulement Paul IV qui,  en 1558,  fixa définitivement au quatre août la  fête  du fondateur des Frères Prêcheurs ; or la raison qu'il en donne est que la fête de Sainte-Marie-des-Neiges,  s'étant depuis généralisée et prenant  le  pas sur  la première, aurait pu nuire dans  la religion des  fidèles  à l'honneur dû au saint patriarche, si la fête de celui-ci continuait d'être assignée au même jour (1). Le bréviaire de saint Pie  V  promulguait  peu après pour le monde entier l'Office dont voici la Légende.

 

1. Pauli IV Const. Gloriosus in Sanctis suis.

 

 

Sous le pontificat du Pape Libère, Ie patrice romain Jean et son épouse d'égale noblesse, n'ayant point eu d'enfants auxquels ils pussent laisser leurs biens après eux, vouèrent leur héritage à la très sainte Vierge Mère de Dieu, la suppliant par de ferventes  et assidues prières de signifier en quelque manière l'œuvre pie à laquelle elle préférait qu'on employât cet argent.  La bienheureuse Vierge Marie, écoutant avec bonté ces prières et ces vœux partis du cœur, y répondit par un miracle.

 

Aux nones d'août, époque habituelle  pour Rome des plus  grandes chaleurs, la neige couvrit de nuit une partie de la colline Esquiline. Cette même nuit, la Mère de Dieu donnait en songe avis à Jean et à son épouse, séparément, qu'ils eussent à construire au lieu qu'ils verraient couvert de neige une église qui serait consacrée sous le nom de la Vierge Marie : ainsi voulait-elle être instituée leur héritière. Jean l'ayant fait savoir au Pape Libère, celui-ci déclara avoir eu la même vision.

 

SOLENNELLEMENT  accompagné des prêtres et du peuple, il  vint donc à  la colline couverte de neige, et  y détermina  l'emplacement de  l'église  qui  fut élevée aux frais de Jean et de son épouse. Sixte III la restaura plus tard. On l'appela d'abord de divers noms, basilique de Libère, Sainte-Marie de  la  Crèche. Mais de nombreuses églises ayant été bâties dans la Ville sous le nom de la sainte Vierge Marie, pour que la basilique qui l'emportait sur les autres de même nom en dignité et par l'éclat de sa miraculeuse origine, fût aussi distinguée par l'excellence de son titre, on la désigna sous celui d'église de Sainte-Marie- Majeure. On célèbre la solennité anniversaire de sa dédicace en souvenir  du  miracle de la neige tombée en ce jour.

 

Quels souvenirs, ô Marie, ravive en nous cette fête de votre basilique Majeure! Et quelle plus digne louange, quelle meilleure prière pourrions-nous vous offrir aujourd'hui que de rappeler, en vous suppliant de les renouveler et de les confirmer à jamais, les grâces reçues par nous dans son enceinte bénie ? N'est-ce pas à son ombre, qu'unis à notre mère l'Eglise en dépit des distances, nous avons goûté les plus douces et les plus triomphantes émotions du Cycle inclinant maintenant vers son terme?

C'est là qu'au premier dimanche  de l'Avent a commencé l'année, comme dans « le lieu le plus convenable pour saluer l'approche du divin Enfantement qui devait réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d'une Vierge (1). » Débordantes de désir étaient nos âmes en la Vigile sainte qui, dès le  matin,  nous conviait dans la radieuse basilique « où la Rose mystique allait s'épanouir enfin et répandre son divin parfum. Reine de toutes les nombreuses églises que la dévotion  romaine a dédiées à la Mère de Dieu, elle s'élevait devant nous resplendissante de marbre et d'or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait de la Vierge Mère peint par saint Luc, l'humble  et glorieuse Crèche que les impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa garde. Durant la nuit fortunée, un peuple immense se pressait dans ses murs, attendant l'heureux instant où ce touchant monument de l'amour et des abaissements d'un Dieu apparaîtrait porté sur les épaules des ministres sacrés, comme  une arche de nouvelle

 

1. L'Avent, page 115.

 

337

 

alliance, dont la vue rassure  le pécheur  et fait palpiter le cœur du juste (1). »

Hélas ! quelques mois écoulés à peine nous retrouvaient dans le noble sanctuaire, « compatissant cette fois aux douleurs de notre Mère dans l'attente du sacrifice qui se préparait (2). » Mais bientôt, quelles allégresses nouvelles dans l'auguste basilique! « Rome faisait hommage delà solennité pascale à celle qui, plus que toute créature, eut droit d'en ressentir les joies, et pour les angoisses que son cœur maternel avait endurées, et pour sa fidélité à conserver la foi de la résurrection durant les cruelles heures que son divin Fils dut passer dans l'humiliation du tombeau (3). » Eclatant comme la neige qui vint du ciel marquer le lieu de votre prédilection sur terre, ô Marie, un blanc troupeau de nouveau-nés sortis des eaux formait votre cour gracieuse et rehaussait le triomphe de ce grand jour. Faites qu'en eux comme en nous tous, ô Mère, les affections soient toujours pures comme le marbre blanc des colonnes de votre église aimée, la charité resplendissante comme l’or qui brille à ses lambris, les œuvres lumineuses comme le cierge de la Pâque, symbole du Christ vainqueur de la mort et vous faisant hommage de ses premiers feux.

 

1. Le Temps de Noël, t. I, p. 164-166.

2.  La Passion, p.  3o6; Station du Mercredi saint.

3.  Le Temps Pascal, t. I,p. 185.

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante