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LE SAMEDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARÊME.
Ce jour est célèbre dans l'antiquité sous le nom de Samedi Sitientes, à cause du premier mot de l'Introït de la Messe,
dans lequel l'Eglise, empruntant les paroles d'Isaie,
invite les aspirants au Baptême à venir se désaltérer à la fontaine du salut. A
Rome, la Station fut d'abord à la Basilique de Saint-Laurent-hors-les-Murs
; mais l'éloignement rendant cette Eglise incommode pour la réunion des
fidèles, on a désigné de bonne heure pour la remplacer l'Eglise de
Saint-Nicolas in carcere, qui est dans
l'intérieur de la ville.
COLLECTE.
Fiat, Domine, quæsumus, per gratiam tuam
fructuosus nostræ devotionis affectus : quia tune
nobis proderunt suscepta jejunia, si tua; sint placita pietati. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
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Faites, Seigneur, par votre grâce, que le sentiment de
notre dévotion ne demeure pas sans effet : car c'est alors que les jeûnes que
nous avons entrepris, étant agréés de votre bonté, nous seront utiles. Par
Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
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LEÇON.
Lectio Isaiae
Prophetae. Cap. XLIX.
Haec dicit
Dominus : In tempore placito exaudivi te, et in die salutis auxiliatus sum tui : et servavi te, et dedi te in fœdus populi, ut susci-tares terram, et possideres hœreditates dissipatas : ut diceres his qui vincti sunt : Exite : et his qui in tenebris : Revelamini. Super vias pascentur, et in omnibus planis pascua eorum. Non esurient, neque si-tient, et non percutiet eos ajstus et sol : quia miserator eorum reget eos, et ad fontes aquarum potabit eos. Et ponam omnes montes meos in viam, et semitœ mex exaltabuntur.
Ecce isti de longe venient,
et ecce illi ab Aquilone
et mari, et isti de terra Australi.
Laudate, coeli, et exsulta, terra ; jubilate, montes, laudem :
quia consolatus est Dominus populum suum, et pauperum suorum miserebitur. Et
dixit Sion : Dercliquit
me Dominus, et Dominus oblitus est mei. Numquid oblivisci potest mulier infantem suum, Ut non misereatur filio uteri sui ? et si illa oblita fuerit,
ego tamen non obliviscar tui, dicit Dominus
omnipotens.
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Lecture du Prophète Isaïe. Chap. XLIX.
Voici ce que dit le
Seigneur : Je t'ai exaucé au temps
favorable, et je t'ai assisté
au jour du salut ; je t'ai réserve, et je t'ai donné pour être le
réconciliateur du peuple, pour
restaurer la terre, pour posséder les héritages qui étaient dissipés, pour dire à ceux qui
étaient dans les fers : Soyez libres ; et à ceux qui étaient dans les ténèbres : Faites-vous voir. Ils
paîtront librement le long des chemins, et toutes les plaines leur serviront
de pâturages. Ils n'auront plus ni faim ni soif; les feux du soleil ne les
brûleront plus : parce que celui qui est miséricordieux les conduira et les
mènera aux sources des eaux. Alors j'aplanirai en chemins toutes mes
montagnes, et mes
sentiers seront
rehaussés. Voici qu’ils arrivent de
loin, les uns de l'Aquilon, les autres de la mer du Couchant, et les autres de la terre du Midi.
Cieux, louez le Seigneur ; terre, sois en allégresse ;
montagnes, faites retentir la
louange : car le Seigneur a consolé
son peuple, et il aura pitié de ses
pauvres. Cependant Sion a dit :
Le Seigneur m'a abandonnée, le Seigneur m'a oubliée. — Une mère peut-elle oublier son enfant, et
n'avoir pas compassion du fils de ses
entrailles ? mais quand même elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai
point, dit le Seigneur tout-puissant.
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Que ce langage devait
être doux au cœur de nos
Catéchumènes ! Jamais la tendresse du Père céleste s'est-elle exprimée d'une
manière plus touchante que dans ces paroles qu'il nous transmet par son
Prophète? Il donne à son Fils incarné, à
son Christ, la terre entière, non pour la juger et la condamner, comme elle le
mérite, mais pour la sauver (1). Ce divin envoyé convoque tous ceux qui gémissent
dans les fers, qui languissent dans les ténèbres ; il les appelle à la liberté,
à la lumière. Leur faim sera apaisée,
leur soif désaltérée ; naguère haletants sous
les rayons d'un soleil brûlant,
ils trouveront la plus délicieuse fraîcheur au bord des eaux purifiantes vers lesquelles le miséricordieux pasteur les conduit
lui-même. Ils viennent de loin, de tous les points du ciel ; cette fontaine
inépuisable est le rendez-vous du genre humain. La Gentilité s'appelle
désormais Sion, et le Seigneur aime les portes de cette nouvelle « Sion plus
qu'il n'aima les tentes de Jacob (2) ». Non, il ne l'avait point oubliée,
durant ces siècles où elle servait les idoles ; la tendresse du Seigneur est
égale à celle d'une mère ; et si le cœur de la mère était jamais fermé pour son
fils, le Seigneur déclare que le sien restera
toujours ouvert pour Sion. Livrez-vous donc à une
confiance sans bornes, vous, chrétiens, qui dès l'entrée de cette vie fûtes
admis dans l'Eglise par le Baptême, et qui depuis avez eu le malheur de
servir un autre maître que celui qui
vous avait adoptés. Si, en ce moment où, prévenus de la grâce divine, soutenus
par les saintes pratiques du Carême et par les suffrages de l'Eglise qui prie
pour vous sans cesse,
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vous préparez votre retour au
Seigneur, quelque inquiétude se glisse dans votre âme, relisez ces paroles du
grand Dieu. Vous le voyez : c'est à son propre Fils qu'il vous a donnés ; c'est
lui qu'il a chargé de vous sauver, de vous guérir, de vous consoler. Vous êtes
dans les liens du péché ? Jésus est assez fort pour les rompre. Vous êtes dans
les ténèbres du monde ? il est la lumière devant
laquelle les ombres les plus épaisses s'évanouissent sans retour. Vous avez
faim ? il est le Pain de vie. Vous avez soif ? il est la source des eaux vives. Vous êtes brûlés, défigurés
par les ardeurs de la convoitise ? plongez-vous dans la fontaine qui rafraîchit
et purifie : non plus, il est vrai, cette première fontaine qui vous donna la
vie que vous avez si tristement perdue ; mais cette autre source jaillissante,
le divin sacrement de la réconciliation, d'où vos âmes sortiront pures et
renouvelées.
ÉVANGILE.
Sequentia
sancti Evangelii secundum Johannem. Cap.
VIII.
In illo tempore
: Locutus est Jesus turbis Judieorum, dicens : Ego sum lux mundi : qui sequitur
me, non amhulat in tenebris, sed habebit lumen vitæ. Dixerunt ergo ei
Pharisæi : Tu de te ipso testimonium perhibes ; testimonium tuum non est
verum. Respondit Jesus, et dixit eis : Et si ego testimonium perhibeo de
meipso, verum est testimonium meum : quia scio unde veni, et quo vado : vos
autem nescitis unde venio, aut quo vado. Vos secundum carnem judicatis :
ego non judico quemquam : et si
judico ego, judicium meum verum est, quia solus non sum : sed ego, et qui misit me, Pater. Et in lege vestra scriptum est,
quia duorum hominum testimonium verum est. Ego sum qui
testimonium perhibeo de meipso : et testimonium perhibeo de me, qui
misit me, Pater. Dicebant ergo ei : Ubi est Pater tuus ? Respondit Jesus : Neque me scitis, neque Patrem meum ; si me sciretis, forsitan et Patrem meum sciretis.
Haec verba locutus est Jesus in gazophylacio, docens in templo : et nemo apprehendit eum, quia necdum venerat hora ejus.
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La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. VIII.
En ce temps-là, Jésus disait à la foule des Juifs : Je
suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marche point dons les
ténèbres, mais il aura la lumière de vie. Les Pharisiens donc lui dirent :
Vous rendez vous-même témoignage de vous ; votre témoignage n'est pas vrai.
Jésus leur répondit : Bien que je rende témoignage de moi-même, mon
témoignage est vrai, parce que je sais d'où je viens et où je vais ; mais
pour vous, vous ne savez ni d'où je viens ni où je vais. Vous jugez selon la chair ; moi je ne juge personne ; et si je juge, mon
jugement est vrai, parce que je ne suis pas seul, mais moi et le Père qui m'a envoyé. Il est
écrit dans votre loi que le témoignage de deux personnes est vrai. Me
voici qui rends témoignage de moi-même
; et le Père qui m'a envoyé rend aussi
témoignage de moi. Ils lui dirent donc : Où est votre
Père ? Jésus répondit : Vous ne connaissez ni moi ni mon Père : si
vous me connaissiez, peut-être connaîtriez-vous mon Père. Jésus dit ces paroles, enseignant
dans le temple, au lieu où est
le trésor ;
et personne ne mit la main sur lui,
parce que son heure n'était pas encore venue.
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Quel contraste entre le langage de Dieu qui invite les
hommes à recevoir son Fils comme un libérateur, et la dureté de cœur avec
laquelle les Juifs accueillent ce céleste envoyé . Jésus
s'est dit le Fils de Dieu, et, en preuve de cette divine origine, il n'a cessé,
durant trois années, d'opérer les prodiges les plus éclatants. Beaucoup de
Juifs ont cru en lui, parce qu'ils ont pensé que Dieu ne pourrait autoriser
l'erreur par des miracles ; et la doctrine de Jésus a été acceptée par eux
comme venant du ciel. Les Pharisiens ont la haine de la lumière, l'amour des
ténèbres ; leur orgueil ne
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veut pas s'abaisser devant
l'évidence des faits. Tantôt ils nient la vérité des prodiges de Jésus, tantôt
ils prétendent les expliquer par une intervention diabolique ; d'autres fois,
ils voudraient par leurs questions captieuses amener un prétexte de traduire le
Juste comme un blasphémateur ou un violateur de la loi. Aujourd'hui, ils ont
l'audace d'objecter à Jésus qu'en se déclarant l'envoyé de Dieu, il se rend
témoignage à lui-même. Le Sauveur, qui voit la perversité de leur cœur, daigne
encore répondre à leur impie sarcasme; mais il évite de leur donner une entière
explication. On sent que la lumière s'éloigne peu à peu de Jérusalem, et
qu'elle se prépare à visiter d'autres régions. Terrible abandon de l'âme quia
abusé de la vérité, qui l'a repoussée par un instinct de haine ! C'est le péché
contre le Saint-Esprit, « qui ne sera pardonné, dit Jésus-Christ, ni en ce
monde, ni en l'autre (1).» Heureux celui qui aime la vérité, quoiqu'elle
combatte ses penchants et trouble ses idées ! car il
rend hommage à la sagesse de Dieu ; et si la vérité ne le gouverne pas encore
en tout, du moins elle ne l'a pas abandonné. Mais plus heureux est celui qui,
s'étant rendu tout entier à la vérité, s'est mis à la suite de Jésus-Christ,
comme son humble disciple ! « Celui-là, nous dit le Sauveur, ne marche point
dans les ténèbres ; mais il possède la lumière de vie. » Hâtons-nous donc de
nous placer dans cet heureux sentier frayé par celui qui est notre lumière et
notre vie. Attachés à ses pas, nous avons gravi l'âpre montagne de la
Quarantaine, et nous y avons été témoins des rigueurs de son jeûne ; désormais,
en ces jours consacrés à sa Passion, il nous convie
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à le suivre sur une autre montagne,
sur le Calvaire, où nous allons contempler ses douleurs et sa mort. Soyons
fidèles au rendez-vous, et nous obtiendrons « la lumière de vie ».
Humiliate capita
vestra Deo.
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Humiliez vos têtes devant Dieu.
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ORAISON.
Deus, qui sperantibus in te misereri potius eligis quam irasci
: da nobis digne flere mala quæ fecimus,
ut tunc consolationis gratiam invenire mereamur. Per Christum Dominumnostrum. Amen.
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O Dieu ! qui aimez mieux faire paraître votre miséricorde
que votre colère sur ceux qui espèrent en vous, donnez-nous de pleurer, comme
nous le devons, les péchés que nous avons commis, afin que nous méritions de
recevoir la grâce de votre consolation. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen.
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Terminons ces quatre premières
semaines du Carême, en offrant à Marie, Mère de miséricorde, en ce jour du
Samedi, cette gracieuse Prose de nos anciens Missels Romains-Français.
SÉQUENCE.
Ave Maria,
Gratia plena.
Dominus tecum,
Virgo serena.
Benedicta tu
In mulieribus,
Quae peperisti
Pacem hominibus.
Et Angelis gloriam
Et benedictus
Fructus ventris tui,
Qui cohaeredes
Ut essemus sui,
Nos fecit per gratiam.
Per hoc autem
Ave,
Mundo tam suave,
Contra carnis jura,
Genuisti prolem,
Novum Stella solem,
Nova genitura.
Tu parvi et
magni,
Leonis et Agni,
Salvatoris Christi
Templum exstitisti ;
Sed virgo intacta.
Tu Solis et
Roris,
Panis et Pastoris,
Virginum regina,
Rosa sine spina,
Genitrix es facta.
Tu civitas Regis justitiae,
Tu mater es misericordiœ,
De lacu fœcis et miseris
Theophilum reformans gratiae.
Te collaudat cœlestis
curia,
Tu mater es Regis
et filia,
Per te reis donatur venia,
Per te justis confertur gratia.
Ergo maris
Stella,
Verbi Dei cella,
Et solis aurora,
Paradisi porta,
Per quam lux est orta,
Natum tuum ora,
Ut nos solvat a
peccatis.
Et in regno claritatis,
Quo lux lucet
sedula,
Collocet per
sæcula.
Amen.
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Salut, Marie, pleine de grâce !
Le Seigneur est avec vous ô Vierge sereine !
Vous êtes bénie entre les femmes ; vous avez enfanté celui
qui donne la paix aux hommes, et aux Anges la gloire.
Et béni est le fruit de vus entrailles, qui par sa grâce
nous a faits ses cohéritiers.
Par cet Ave, si doux à la terre, vous avez enfanté
contre les lois de la nature ; étoile, vous avez produit un nouveau soleil
par un prodige nouveau.
Toujours vierge sans tache, vous avez été le temple de
celui qui a réuni la petitesse et la grandeur, le Lion et l'Agneau, le Christ
sauveur.
Reine des vierges, rose sans épines, vous êtes devenue la
Mère de celui qui est Soleil et Rosée, Pain et Pasteur.
Vous êtes la cité du Roi de justice, la mère de
miséricorde ; vous rendez Théophile à la vie de la grâce, en le tirant du
bourbier de sa misère.
La cour céleste chante vos louanges ; vous êtes la mère et
la fille du Roi ; par vous le coupable obtient le pardon ; par vous la grâce
descend sur le juste.
Etoile de la mer, demeure du Verbe divin, aurore du Soleil
;
Porte du Paradis d'où la lumière se lève, suppliez votre
Fils
Qu'il nous délivre
du péché, et qu'il nous place pour toujours
au royaume de la splendeur, où la lumière luit à jamais. Amen.
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