







































| |
LE MERCREDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME.
La Station est dans la basilique
de Sainte-Cécile. Ce temple auguste, l’un des plus
vénérables de Rome, fut autrefois la maison de l'illustre Vierge et Martyre
dont il porte le nom. Le corps de sainte Cécile y repose sous l'autel majeur,
avec ceux des saints Valérien, Tiburce et Maxime, et
des pontifes martyrs Urbain et Lucius.
COLLECTE.
Populum tuum,
quæsumus Domine, propitius
respice : et quos ab escis carnalibus præcipis abstinere, a noxiis quoque vitiis cessare concede Per Christum
Dominum nostrum. Amen.
|
Daignez, Seigneur, regarder favorablement votre peuple, et
faites que ceux auxquels vous ordonnez l'abstinence des viandes,
s'abstiennent aussi des vices qui nuisent à leurs âmes. Par Jésus-Christ
notre Seigneur. Amen.
|
LEÇON.
Lectio libri Esther. Cap. XIII.
In diebus illis
: Oravit Mardochæus ad Dominum, dicens: Domine,
Domine, Rex omnipotens,
in ditione enim tua cuncta sunt posita,
et non est qui possit tua; resistere voluntati, si decreveris salvare Israël. Tu fecisti caelum et terram, et quidquid caeli ambitu continetur. Dominus omnium es, nec est qui resistat
majestati tuæ. Et nunc, Domine Rex, Deus Abraham,
miserere populi tui, quia volunt
nos inimici nostri perdere, et hœreditatem tuam delere. Ne despicias partem tuam, quam redemisti
tibi de Aegypto. Exaudi deprecationem meam, et propitius esto sorti et funiculo tuo, et converte luctum nostrum in gaudium, ut viventes laudemus Nomen tuum, Domine, et ne claudas ora te canentium, Domine Deus noster.
|
Lecture du livre d'Esther. Chap. XIII.
En ces jours-là, Mardochée fit sa prière au Seigneur et
lui dit: Seigneur, Seigneur, Roi tout-puissant, tout est soumis à votre
empire, et nul ne peut résister à votre volonté, si vous avez résolu de
sauver Israël. Vous avez fait le ciel et la terre, et tout ce qui est sous le
ciel ; vous êtes le Seigneur de toutes choses, et rien ne résiste à votre
Majesté. Maintenant donc, Seigneur Roi, Dieu d'Abraham, ayez
pitié de votre peuple, parce que nos ennemis ont résolu de nous perdre et
d'exterminer votre héritage. Ne méprisez pas ce peuple que vous avez racheté
de l'Egypte pour être à vous. Exaucez ma prière, et soyez propice à la nation
qui est devenue votre partage. Changez notre deuil en joie, afin que, conservant
la vie, nous puissions louer votre Nom: et ne fermez pas la bouche de ceux
qui célèbrent vos louanges, ô Seigneur notre Dieu !
|
247
Ce cri, poussé vers le ciel en faveur d'un peuple condamné à
périr tout entier, représente les supplications des justes de l'Ancien
Testament pour le salut du monde. Le genre humain était en butte à la rage de
l'ennemi infernal figuré par Aman. Le Roi des siècles avait prononcé l'arrêt
fatal : Vous mourrez de mort. Qui pouvait désormais faire révoquer la
sentence ? Esther l'osa auprès d'Assuérus, et elle fut écoutée. Marie s'est
présentée devant le trône de l'Eternel ; et c'est elle qui, par son Fils divin,
écrase la tête du serpent auquel nous devions être livrés. L'arrêt sera donc
annulé, et nul ne mourra, si ce n'est ceux qui voudront mourir. L'Eglise
aujourd'hui, émue des dangers auxquels est en
proie un si grand
248
nombre de ses enfants, qui si
longtemps ont vécu dans le poché, intercède pour eux, en empruntant la prière
de Mardochée. Elle supplie son Epoux de se rappeler qu'autrefois il les tira de
la terre d'Egypte ; qu'ils sont devenus par le baptême les membres de
Jésus-Christ, l'héritage du Seigneur. Elle le conjure de remplacer leur deuil
par les joies pascales, et de ne pas fermer par la mort ces bouches trop
souvent coupables, mais qui aujourd'hui ne s'ouvrent que pour demander grâce,
et qui, lorsque le pardon sera descendu, éclateront en cantiques de
reconnaissance envers le divin libérateur.
EVANGILE.
Sequentia
sancti Evangelii secundum Matthaeum. Cap. XX.
In illo tempore
: Ascendens Jesus Jerosolymam, assumpsit duodecim discipulos sccreto, et ait
illis : Ecce ascendimus Jerosolymam, et Filius hominis tradetur principibus
sacerdotum et scribis et condemnabunt eum morte, et tradent eum gentibus ad
illudendum, et flagellandum, et crucifigendum, et tertia die resurget. Tunc
accessit ad eum mater filiorum Zebedæi eum filiis suis, adorans et petens
aliquid ab eo. Qui dixit ei : Quid vis? Ait illi: Die ut sedeant hi duo filii
mei, unus ad dexteram tuam, et unus ad sinistram in regno tuo. Respondens
autem Jésus, dixit : Nescitis quid petatis. Potestis bibere calicem, quem ego
bibiturus sum ? Dicunt ei : Possumus. Ait illis: Calicem quidem meum
bibetis : sedere autem ad dexteram meam vel sinistram, non est meum dare
vobis, sed quibus paratum est a Patre meo. Et audientes
decem, indignati sunt de duobus fratribus. Jésus autem vocavit eos ad se, et ait : Scitis quia principes gentium do-minantur eorum : et qui
majores sunt, potestatem
exercent in eos. Non ita erit inter vos : sed quicumque voluerit inter vos
major fieri, sit vester minister: et qui voluerit inter vos primus esse,
erit vester servus. Sicut
Filius hominis non venit ministrari, sed ministrare, et dare animam suam
redemptionem pro multis.
|
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XX.
En ce temps-là, Jésus, montant à Jérusalem, prit à part
ses douze disciples et leur dit: Voici que nous montons à Jérusalem, et le
Fils de l'homme sera livre aux princes des
prêtres et aux scribes, et ils le condamneront à mort, et le livreront
aux gentils pour être moqué, et flagellé, et crucifie : et il ressuscitera le
troisième jour. Alors la mère des enfants de Zébédée
s'approcha de lui avec ses fils, et elle se prosterna pour lui faire une
demande. Il lui dit : Que voulez-vous? Elle répondit: Ordonnez que mes deux fils
que voici soient assis, l'un à votre droite et l'autre à votre gauche dans
votre royaume. Jésus leur dit : Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire le calice que je dois boire? Ils lui répondirent: Nous le
pouvons. Il leur dit : Vous boirez en effet mon calice ; mais d'être assis à
ma droite ou à ma gauche, il ne dépend pas de moi de vous le donner; mais
ceci est pour ceux à qui mon Père l'a préparé. Les dix autres, entendant
cela, s'indignèrent contre les deux frères ; mais Jésus, les appelant à soi,
leur dit: Vous savez que les princes des nations les dominent, et que les
grands exercent la puissance sur elles. Il n'en sera pas ainsi parmi vous;
mais que celui qui voudra être le plus grand parmi vous soit votre serviteur,
et que celui qui voudra être le premier parmi vous soit votre esclave: de
même que le Fils de l'homme n'est point venu pour être servi, mais pour
servir, et donner sa vie pour racheter celle de plusieurs.
|
249
Le voici devant nous celui qui s'est dévoué pour apaiser la
colère du Roi des siècles et pour sauver son peuple de la mort. C'est lui, le
fils de la nouvelle Esther et aussi le Fils de Dieu, qui s'approche pour briser
l'orgueil d'Aman, au moment même où ce perfide croit triompher. Il se dirige
vers Jérusalem, car c'est là que doit se donner le grand combat. Il avertit
ses disciples
250
de tout ce qui va se passer. Il
sera livré aux princes des prêtres, qui le déclareront digne de mort ; ceux-ci
le mettront au pouvoir du gouverneur et des soldats romains. Il sera couvert
d'opprobres, flagellé et crucifié ; mais, le troisième jour, il ressuscitera
glorieux. Les Apôtres entendirent tous cette prophétie que Jésus leur fit, les
ayant tirés à part ; car l'Evangile nous dit que ce fut aux douze qu'il parla.
Judas était présent, et aussi Pierre, Jacques et Jean, que la transfiguration
de leur Maitre sur le Thabor avait
mieux instruits que les autres de la sublime dignité qui résidait en lui. Et
cependant tous l'abandonnèrent. Judas le vendit, Pierre le renia, et la terreur
dispersa le troupeau tout entier, lorsque le Pasteur fut en butte à la violence
de ses ennemis. Nul ne se souvint qu'il avait annoncé
sa résurrection pour le troisième jour, si ce n'est peut-être Judas, que cette
pensée rassura, quand une basse cupidité lui fit commettre la trahison. Tous
les autres ne virent que le scandale de la croix ; et c'en fut assez pour
éteindre leur foi et pour les faire rompre avec leur Maître. Quelle leçon pour
les chrétiens de tous les siècles ! Combien elle est rare, cette estime de la
croix qui la fait considérer, pour soi-même et pour les autres, comme le sceau
de la prédilection divine !
Hommes de peu de foi, nous nous
scandalisons des épreuves de nos frères, et nous sommes tentés de croire que
Dieu les a abandonnés parce qu'il les afflige ; hommes de peu d'amour, la
tribulation de ce monde nous semble un mal, et nous regardons comme une dureté
de la part du Seigneur ce qui est pour nous le comble de sa miséricorde. Nous
sommes semblables à la mère des fils de Zébédée : il
nous faut près du Fils de
251
Dieu une place glorieuse, apparente, et nous oublions que,
pour la mériter, il faut boire le calice qu'il a bu lui-même, le calice de la
Passion. Nous oublions aussi la parole de l'Apôtre, « que pour entrer en part
avec Jésus dans sa gloire, il faut avoir goûté à ses souffrances (1) » ! Le
Juste n'est point entré dans son repos par les honneurs et parles délices ; le
pécheur ne l'y suivra point sans avoir traversé la voie de l'expiation.
Humiliate capita
vestra Deo.
|
Humiliez vos têtes devant Dieu.
|
ORAISON.
Deus innocentiæ restitutor et amator, dirige ad
te tuorum corda servorum:
ut Spiritus tui fervore concepto, et in fide inveniantur stabiles, et
in opere efficaces. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
|
O Dieu ! ami et réparateur de l'innocence, tournez vers
vous les cœurs de vos serviteurs, afin qu'ayant conçu la ferveur de votre
Esprit, ils soient trouvés stables dans la foi et actifs dans les œuvres. Par
Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
|
Le poète chrétien continue de
célébrer le mérite du jeûne, qu'il nous montre aujourd'hui sanctifié par
l'exemple de Jésus-Christ lui-même.
HYMNE.
Sed cur vetustæ
gentis exemplum loquor ? Pridem caducis quum gravatus artubus Jesus, dicato corde jejunaverit : Praenuncupatus ore qui prophetico
Emmanuel est, sive nobiscum Deus.
Qui corpus istud molle naturaliter,
Captumque laxo
sub voluptatum jugo,
Virtutis arcta
Loge fecit liberum,
Emancipator servientis
plasmatis,
Regnantis ante victor et cupidinis.
Inhospitali namque secretus loco,
Quinis diebus
octies labentibus,
Nullam ciborum
vindicavit gratiam,
Firmans salubri scilicet jejunio
Vas appetendis imbecillum gaudiis.
Miratur hostis,
posse limum tabidum
Tantum laboris sustinere ac perpeti,
Explorat arte
sciscitator callida,
Deusne membris
sit receptus terreis :
Sed, increpata fraude, post tergum ruit.
|
Pourquoi citerai-je en faveur du jeûne l'exemple d'un
peuple ancien, quand nous savons que Jésus, vivant encore sous le poids de
ses membres mortels, jeûna autrefois, malgré la sainteté de son cœur, lui
annoncé par la bouche du Prophète comme l’Emmanuel, le Dieu avec nous ?
Lui qui, par la loi sévère de la vertu, a rendu libre
notre corps, dont la nature est la mollesse, et que le joug facile des
voluptés tenait captif; lui qui a émancipe sa créature jusqu'alors asservie ;
lui vainqueur des appétits qui régnaient alors ?
Retiré à l'écart dans un lieu inhospitalier, il se refuse
pendant quarante jours le bienfait de la nourriture, fortifiant par un jeûne
salutaire ce corps dont la faiblesse aspire aux jouissances.
L’ennemi s'étonne qu'un limon périssable puisse supporter
et souffrir tant de fatigues. Par d'habiles artifices, il explore si ce n'est
point un Dieu caché sous des membres terrestres; mais il s'entend reprocher
sa fraude, et n'a plus qu'à s'enfuir.
|
|