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LE VENDREDI DES QUATRE-TEMPS DE
CARÊME.
La Station est dans la Basilique des Douze-Apôtres,
l’une des plus augustes de Rome, enrichie des corps des deux Apôtres saint
Philippe et saint Jacques le Mineur
COLLECTE.
Esto, Domine, propitius plebi tuas : et quam tibi facis
esse devotam, benigno refove miseratus auxilio. Per Dominum nostrum Jesum Christum. Amen.
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Soyez, Seigneur, propice à votre peuple; vous lui inspirez
la piété envers vous; que votre miséricorde le soutienne maintenant de son
bienfaisant secours. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
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LEÇON.
Lectio Ezechielis
prophetae, Cap. XVIII.
Haec dicit
Dominus Deus : Anima quae
peccaverit, ipsa morietur : filius non portabit iniquitatem patris, et pater non portabit iniquitatem filii : justitia justi super eum erit, et impietas impii erit super eum. Si autem impius egerit paenitentiam ab omnibus peccatis suis, quae operatus est, et custodierit omnia praecepta mea, et fecerit judicium et justitiam : vita vivet, et non morietur. Omnium iniquitatum ejus, quas operatus est, non recordabor : in justitia sua, quam operatus est, vivet. Numquid voluntatis meae est mors impii, dicit Dominus Deus, et non ut convertatur
a viis suis, et vivat ? Si autem
averterit se justus a justitia sua, et fecerit iniquitatem secundum om-nes abominationes quas operari solet impius , numquid vivet
? Omnes justitia; ejus, quas fecerat,
non recordabuntur : in prœvaricatione
qua prœvaricatus est, et in peccato
suo quod peccavit, in ipsis morietur. Et dixistis : Non est æqua via Domini. Audite ergo, domus
Israël : Numquid via mea non est æqua, et non magis viae vestrœ pravœ
sunt ? Cum enim averterit se justus a justitia sua, et fecerit iniquitatem, morietur in eis : in injustitia, quam operatus est, morietur. Et cum averterit se impius ab impietate sua, quam operatus est, et fecerit judicium et justitiam : ipse animam suam vivificabit.
Considerans enim, et avertens se ab omnibus iniquitatibus
suis, quas operatus est, vita vivet, et non morietur, ait Dominus omnipotens.
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Lecture du prophète
Ezéchiel. Chap. XVIII.
Voici ce que dit le Seigneur Dieu : L'âme qui aura péché
mourra elle-même; mais le fils ne portera point l'iniquité du père, et le
père ne portera point l'iniquité du fils. La justice du juste sera sur lui,
et l'impiété de l'impie sera sur lui. Mais si l'impie fait pénitence de tous
les péchés qu'il avait commis, s'il garde tous mes préceptes, et s'il agit
selon l'équité et la justice, il vivra certainement, et il ne mourra pas. Je
ne me souviendrai plus de toutes les iniquités qu'il avait commises, il vivra
par les œuvres de justice qu'il aura faites. Est-ce que je veux la mort de
l'impie, dit le Seigneur Dieu ; et ne veux-je pas plutôt qu'il se retire de
sa mauvaise voie et qu'il vive ? Mais si le juste se détourne de sa justice,
et s'il fait l'iniquité et toutes les abominations que l'impie commet
d'ordinaire, vivra-t-il ? Toutes les œuvres de justice qu'il avait faites, on
ne s'en souviendra plus. Il mourra dans la prévarication où il est tombé, et
dans le péché qu'il a commis. Et cependant vous avez dit : La voie du
Seigneur n'est pas juste. Ecoutez donc, ô maison d'Israël : Est-ce ma voie
qui n'est pas juste; et ne sont-ce pas plutôt vos voies qui sont perverses?
Car lorsque le juste se sera détourné de sa justice, qu'il aura commis
l'iniquité, et qu'il sera mort en cet état, il mourra dans l'œuvre injuste
qu'il aura commise; et lorsque l'impie se sera détourné de son impiété qu'il
avait commise, et qu'il aura agi selon l'équité et la justice, il rendra
ainsi la vie à son âme. Comme il a considéré son état, et qu'il s'est
détourné de toutes ses iniquités qu'il
avait commises, il vivra de vie et ne mourra pas, dit le Seigneur
tout-puissant.
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Portons nos regards sur les pénitents publics que l'Eglise
se prépare à rétablir bientôt dans la participation des Mystères. Mais
auparavant ils ont besoin d'être réconciliés avec Dieu qu'ils ont offensé. Leur
âme est morte par le péché ; pourra-t-elle donc revivre? Oui, le Seigneur nous
l'atteste; et la lecture du Prophète Ezéchiel, que l'Eglise commençait hier
pour les Catéchumènes, elle la continue aujourd'hui en faveur des pénitents
publics. « Que l'impie, dit le Seigneur, fasse pénitence de tous les péchés qu'il a commis
; qu'il garde désormais mes préceptes : il vivra certainement, et il ne mourra
pas. » Cependant ses iniquités sont là, qui s'élèvent contre lui ; leur voix
est montée jusqu'au ciel et provoque une vengeance éternelle. Assurément, il en
est ainsi ; mais voici que le Seigneur qui sait tout, qui n'oublie rien, nous
déclare qu'il ne se souviendra plus de l'iniquité rachetée par la
pénitence. Telle est la tendresse de son cœur paternel, qu'il veut bien oublier
l'outrage qu'il a reçu d'un fils, si ce fils revient sincèrement à son devoir.
Ainsi nos pénitents seront réconciliés, et au jour de la Résurrection du
Sauveur, ils se mêleront aux justes, parce que Dieu ne gardera plus souvenir de
leurs iniquités ; ils seront devenus justes eux-mêmes. En remontant par la
pensée le cours des âges, nous nous retrouvons ainsi en face de ce grand
spectacle de la pénitence publique, dont la Liturgie, qui ne change pas, a
seule conservé les traces aujourd'hui. De nos jours,
les pécheurs ne sont plus mis à part; la porte de l'église ne leur est plus
fermée ; ils se tiennent souvent tout près des saints autels, mêlés aux justes;
et quand le pardon descend sur
eux, l'assemblée des fidèles n'en est point avertie par des rites spéciaux
et solennels. Admirons la miséricorde divine, et profitons de l'indulgence de
notre mère la sainte Eglise. A toute heure et sans éclat, la brebis égarée peut
rentrer au bercail : qu'elle use donc de la condescendance dont elle est
l'objet, et qu'elle ne quitte plus
désormais le Pasteur qui a daigné l'accueillir encore. Quant au
juste, qu'il ne s'élève pas par une
vaine complaisance, en se comparant à la pauvre brebis égarée; qu'il médite
ces paroles: « Si le juste se détourne
de la justice, s'il commet l'iniquité, toutes les œuvres de justice qu'il avait faites, on ne
s'en souviendra plus ». Craignons donc
pour nous-mêmes, et ayons pitié des pécheurs. La prière des fidèles pour les
pécheurs, durant le Carême, est un des grands moyens sur lesquels compte
l'Eglise pour obtenir leur réconciliation.
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ÉVANGILE.
Sequentia
sancti Evangelii secundum Johannem. Cap. V.
In illo tempore
: Erat dies festus Judaeorum, et ascendit Jésus Jerosolymam. Est autem
Jerosolymis Probatica piscina, quae cognominatur hebraïce Bethsaida, quinque
porticus habens. In his jacebat multitudo magna languentium, caecorum,
claudorum, aridorum, exspectantium aquæ motum. Angelus autem Domini descendebat secundum tempus in piscinam : et movebatur
aqua. Et qui prior descendisset in piscinam post motionem aqure, sanus
fiebat a quacumque detinebatur infirmitate. Erat autem quidam homo ibi, triginta et octo annos
habens in infirmitate sua. Hunc cum
vidisset Jesus jacentem, et cognovisset quia jam multum tempus haberet,
dicit ci : Vis sanus fieri ? Respondit ei languidus Domine, hominem non habeo, ut cum
turbata fuerit aqua, mittat me
in piscinam : dum venio enim ego, alius ante me descendit. Dicit ei Jesus :
Surge,
toile grabatum
tuum et ambula. Et
statim sanus foetus est homo ille
: et sustulit
grabatum suum, et ambulabat. Erat autem sabbatum in die illo. Dicebant ergo Judaei illi qui sanatus fuerat : Sabbatum est, non licet tibi tollere
grabatum tuum. Respondit eis : Qui me sanum fecit, ille mihi dixit : Toile grabatum
tuum et ambula. Interrogaverunt ergo eum : Quis est ille homo qui dixit tibi : Tolle grabatum tuum, et ambula ? Is autem qui sanus tuerat effectus, nesciebat quis esset. Jesus enim declinavit
a turba constituta in
loco. Postea invenit eum Jesus in templo, et dixit illi : Ecce sanus factus es : jam noli peccare, nedeterius tibi aliquid contingat. Abiit ille homo,et nuntiavit Judœis quia Jesus esset, qui fecit eum sanum.
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La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. V.
En ce temps-là, le jour de la fête des Juifs étant venu,
Jésus monta à Jérusalem. Or il y a à
Jérusalem la piscine Probatique,
appelée en hébreu Bethsaïda. Elle a cinq portiques,
sous lesquels gisait une grande multitude de malades, d'aveugles, de boiteux,
de gens dont les membres étaient desséchés, attendant le mouvement des eaux.
Car l'Ange du Seigneur descendait, en un certain temps, dans la piscine,
et l'eau s'agitait. Et celui qui le
premier descendait dans la piscine,
après le mouvement de l'eau, était guéri de son infirmité,
quelle qu'elle tut. Or il y avait là un homme qui
était malade depuis trente-huit ans. Jésus
l'ayant vu étendu par terre, et sachant qu'il était
malade depuis fort longtemps, lui dit : Veux-tu être guéri ? Le
malade lui répondit : Seigneur, je
n'ai point d'homme pour me jeter dans
la piscine, lorsque l'eau est agitée,
et pendant le temps que je mets à
m'y rendre, un autre descend avant moi. Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat
et marche. Et cet homme fut
guéri à l'instant, et prenant son grabat
il marchait. Et ce jour-là
était un jour de Sabbat. Les Juifs
donc disaient à celui qui avait été
guéri : C'est aujourd'hui le Sabbat : il ne t'est pas permis d'emporter ton
grabat. Il leur répondit
: Celui qui m'a
guéri m'a dit : Prends ton grabat, et
marche. Ils lui demandèrent : Quel est cet
homme qui t'a dit : Prends ton grabat, et marche ? Mais celui
qui avait été guéri ne savait pas lui-même qui il était; car Jésus
s'était retiré delà foule qui était en ce lieu. Jésus ensuite le trouva dans
le temple et lui dit : Te voilà guéri, ne pèche plus, de peur qu'il ne
t'arrive quelque chose de pire. Cet homme s'en alla et annonça aux Juifs que
c'était Jésus qui l'avait guéri.
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198-199
Revenons encore sur nos pénitents de l'antiquité; le passage
sera facile à ceux d'aujourd'hui et à nous-mêmes. Nous venons devoir par le
Prophète la disposition du Seigneur à pardonner au pécheur repentant. Mais
comment ce pardon sera-t-il appliqué ? par qui la
sentence d'absolution sera-t-elle prononcée? notre
Evangile nous l'apprend. Ce malheureux paralytique de trente-huit ans figure le
pécheur invétéré; cependant il est guéri, et le voici qui marche. Que s'est-il
donc passé ? Ecoutons-le d'abord : « Seigneur, dit-il, je n'ai point d'homme
pour me « jeter dans la piscine ». L'eau de cette piscine l'eût sauvé; mais il
lui fallait un homme pour l'y plonger. Le Fils de Dieu sera cet homme ; c'est
parce qu'il s'est fait homme que nous sommes guéris. Comme homme, il a reçu le
pouvoir de remettre les péchés, et avant de monter aux cieux, il dit à d'autres
hommes: « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ». Nos
pénitents seront donc réconciliés avec Dieu, en vertu de ce pouvoir surnaturel
; et le paralytique levant avec facilite son grabat, et l'emportant sur ses
épaules, comme un trophée de sa guérison, est la figure du pécheur auquel
l'Eglise de Jésus-Christ, en vertu du divin pouvoir des clefs, a remis ses
iniquités.
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Au IIIe siècle du christianisme, un hérétique, Novatien, osa
enseigner que l'Eglise n'avait pas le pouvoir de remettre les péchés commis
depuis le baptême. Cette erreur désespérante fut proscrite par les conciles et
les saints docteurs; et, pour exprimer aux veux des fidèles l'auguste puissance
que le Fils de l'homme a reçue pour purifier toute âme pénitente, on peignit,
dans les lieux où les chrétiens s'assemblaient, le paralytique de notre
Evangile marchant libre et dégage, son grabat sur les épaules. Cette consolante
image se rencontre fréquemment sur les fresques des Catacombes de Rome,
contemporaines de l'âge des Martyrs. Nous apprenons sur ces monuments
l'intention de cette lecture de l'Evangile que l'Eglise, depuis tant de
siècles, a fixée à ce jour.
L'eau de la piscine Probatique était aussi un symbole ; mais
il était destiné à l'instruction des Catéchumènes. C'est par l'eau qu'ils
devaient être guéris, et par une eau divinement fécondée d'en haut. Ce miracle,
dont Dieu favorisait encore la Synagogue, ne servait chez les Juifs qu'à la guérison
du corps, et seulement pour un seul homme, à rares intervalles; mais depuis que
l'Ange du grand Conseil est descendu des cieux et qu'il a sanctifie l'eau du
Jourdain, la piscine est partout; à chaque heure son eau rend la santé aux
âmes, depuis l'enfant naissant jusqu'au vieillard. L'homme est le ministre de
cette grâce; mais c'est le Fils de Dieu devenu Fils de l'homme qui opère.
Disons aussi un mot des malades que l'Evangile nous représente comme rassemblés
dans l'attente de la guérison. C'est l'image de la société chrétienne, en ces
jours. Il y a des languissants, hommes tièdes qui ne rompent jamais franchement avec le
mal; des aveugles, chez lesquels
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l'œil de l'âme est éteint ; des
boiteux, dont la marche dans la voie du salut est chancelante; des malheureux
dont les membres sont desséchés, impuissants à toute espèce de bien; ils
espèrent dans le moment favorable. Jésus va venir à eux; il va leur demander,
comme au paralytique : Voulez-vous être guéris? Question remplie d'une
charité divine! Qu'ils y répondent avec amour et confiance, et ils seront
guéris.
Humiliate capita
vestra Deo.
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Humiliez vos têtes devant Dieu.
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ORAISON.
Exaudi nos, misericors
Deus, et mentibus nostris
gratiae tuae lumen
ostende. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
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Exaucez-nous, ô Dieu de miséricorde! et faites voir à nos
âmes la lumière de votre grâce. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
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Rendons hommage au
céleste médecin de nos âmes, en lui exprimant nos vœux par ces strophes
de l'Eglise grecque, dans son Triodion :
( Feria VI Hebdomadae Iae Jejuniorum.)
Qui passionibus
tuis tradidisti omnibus vacuitatem a passionibus, effice, Domine, ut divina
cruce carnis meae affectionibus exstinctis, sanctam pariter Resurrectionem
tuam conspiciam.
Puritatis fons,
conserva nos, misericors, jejunii ope, respice ad nos ante te procidentes, attende elevationi manuum nostrarum,
qui nianus tuas in ligno pro mortalibus omnibus crucifixus expandisti,
Angelorum unus Dominus.
lnimici
fraudibus obtenebratum me illumina, Christe meus, qui cruci suspensus solem
quondam obscurasti, et vero remissionis luminc fideles palam irradiasti, quo
in mandatorum tuorum luce ambulans, purus ad salutifera; resurrectionis tuae
splendorem perveniam.
Salvator, vitis instar e ligno pendens, incorruptionis mero fines
terra; irrigasti, o Christe!
Unde exclamo : Mihi temulentia peccatorum miserum in modum semper obcaecéto dulcem verse compunctionis succum largitus, praebe nunc vires ut jejunare a voluptatibus valeam, utpote bonus, atque misericors.
O crucis tunc
potentiam ! hoc abstinentiae
germen in Ecclesia efflorescere
fecit, prisca in Eden Adami intemperantia radicitus evulsa; ex hac siquidem mors in homines derivavit, ex illa vero incorruptus
immortalitatis latex mundo
effluit, veluti ex alio paradisi fonte, vivifico sanguine tuo, atque aqua
simul effusis, unde universa vitam receperunt; indeque dulces nobis effice jejunii delicias, Deus Israël, qui magnats habes
misericordiam.
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Toi qui par tes souffrances as délivré l'homme des
mauvaises passions, fais, Seigneur, que ta divine croix éloigne les penchants
de ma chair, et que je contemple ta sainte Résurrection.
Source de pureté. Seigneur miséricordieux, conserve-nous
par le mérite de ce jeûne ; vois-nous prosternés à tes pieds,
vois nos mains élevées vers toi qui as étendu les tiennes sur le bois pour
tous les mortels, unique Seigneur des Anges.
Les illusions de l'ennemi m'ont jeté dans les ténèbres;
éclaire-moi, ô mon Christ! toi qui, suspendu à la croix, as obscurci la
lumière du soleil et fait luire sur tes fidèles la lumière du pardon. Que je
marche à la lueur de tes préceptes, et que j'arrive purifié aux splendeurs
salutaires de ta Résurrection.
O Sauveur! ô Christ! semblable à une vigne attachée au
bois, tu as arrosé toute la terre du vin de l'immortalité. Je m'écrie: Déjà
tu m'as versé, à moi aveuglé par mes péchés, le suc de la douce componction;
maintenant donne-moi la force de jeûner des plaisirs coupables, toi qui es
bon et miséricordieux.
O puissance de ta croix! c'est elle qui a fait fleurir
dans l'Eglise le germe de l'abstinence, en arrachant l'ancienne intempérance
qui, dans Eden, fit tomber Adam ; celle-ci a été une source de mort pour les
hommes; celle-là est pour le monde un fleuve d'immortalité toujours pur, qui
coule comme d'un autre paradis dans ton sang vivifiant uni avec l'eau ; c'est
de là que tout a repris la vie; par ce fleuve , fais-nous
goûter des délices dans le jeûne, ô Dieu d'Israël ! toi dont la miséricorde est si grande.
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