







































| |
LE MARDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME.
La Station est dans l'Eglise de Sainte-Balbine.
Cette vierge romaine était fille du tribun Quirinus, qui souffrit le martyre
sous le pontificat du pape saint Alexandre, au second siècle. Elle consacra à
Dieu sa virginité, et vécut dans les bonnes œuvres jusqu'à son heureuse mort.
COLLECTE.
Perfice, quaesumus
Domine, benignus in nobis
observantias sanctas subsidium : ut quas, te auctore, facienda cognovimus, te operante impleamus. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
|
Continuez de nous assister, Seigneur, dans l'observation
de ce saint jeûne, afin que par votre secours nous accomplissions cette œuvre
que nous avons appris à faire par votre exemple. Par Jésus-Christ notre
Seigneur. Amen.
|
LEÇON.
Lectio libri Regum.
III, Cap. XVII.
In diebus illis
: Factus est sermo Domini ad Eliam Thesbiten, dicens: Surge, et vade in
Sarephta Sidoniorum, et manebis ibi : prascepi enim ibi mulieri viduae ut
pascat te. Surrexit et abiit in Sarephta. Cum que venisset ad portam civitatis,
apparuit ei millier vidua colligens ligna, et vocavit eam, dixitque ei : Da
mihi pau-lulum aquas in vase, ut bibam. Cumque illa pergeret ut afferret,
clamavit post tergum ejus, dicens : Affer mihi, obsecro, et buccellam pa-nis
in manu tua. Quae respondit : Vivit Dominus Deus tuus , quia non habeo panem,
nisi quantum pugillus capere potest farinae in hydria, et paululum olei in
lecytho : en colligo duo ligna ut ingrediar et faciam illud mihi et lilio
meo, ut comedamus, et moriamur. Ad quam Elias ait : Noli timere, sed vade, et
facsicut dixisti : verumtamen mihi primum fac de ipsa farinula subeinericium
panem parvulum, et affer ad me: tibi autem et filio luo facies postea. Hase
autem dicit Dominus Deus Israël : Hydria farinas non deficiet, nec lecythus
olei minuetur usque ad diem in qua Dominus daturus est pluviam super faciem
terras . Quas abiit, et fecit juxtaverbum Elias; et comedit ipse, et illa, et
domus ejus : et ex illa die hydria farinas non defecit, et lecythus olei non
est imminutus, juxta verbum Domini, quod locutus fuerat in manu Eliae.
|
Lecture du livre des Rois. III, Chap. XVII.
En ces jours-là, la parole du Seigneur se fit entendre à
Elie de Thesbé, et lui dit : Lève-toi et va à Sarepta, dans la terre de Sidon, et tu y demeureras : car
j'ai commandé à une femme veuve de cette ville d'avoir soin de te nourrir.
Elie se leva et alla à Sarepta. Et lorsqu'il fut
arrivé à la porte de la ville, il aperçut une femme veuve qui ramassait du
bois, et l’ayant appelée, il lui dit : Donne-moi un peu d'eau dans un vase,
afin que je boive. Comme elle allait lui en chercher, il lui cria par
derrière: Apporte-moi aussi dans ta main une bouchée de pain. Elle lui
répondit : Vive le Seigneur votre Dieu ! En fait depain, je n'ai qu'un peu de farine dans un pot,
autant qu'il en peut tenir dans le creux de la main, et un peu d'huile dans
un petit vase. Je suis à ramasser deux morceaux de bois, afin d'apprêter ce
peu de chose à moi et à mon fils, pour manger et mourir ensuite. Elie lui dit
: Ne crains pas : va et fais comme tu as dit ; mais auparavant fais pour moi
de ce petit reste de farine un pain cuit sous la cendre, et apporte-le-moi ;
tu en feras après cela pour toi et pour ton fils. Car voici ce que dit le
Seigneur Dieu d'Israël : La farine qui est dans ce pot ne finira point, et
l'huile du petit vase ne diminuera point jusqu'au jour où le Seigneur donnera
la pluie sur la terre. Elle alla, et elle fit selon la parole d'Elie. Il
mangea, et elle aussi, avec toute sa maison ; et depuis ce jour, la farine du
petit pot ne manqua point, ni l'huile du petit vase ne diminua, selon la
parole que le Seigneur avait prononcée par Elie.
|
238
L'instruction des Catéchumènes se poursuit, à l'aide des
faits évangéliques qui vont se développant de jour en jour; et l'Eglise
continue de prendre dans l'Ancien Testament les indices prophétiques qui
se réaliseront dans la malédiction des Juifs et la vocation
des Gentils. Aujourd'hui, c'est Elie, ce personnage mystérieux qui nous
tient fidèle compagnie pendant le
Carême; c'est lui qui vient mettre en action les jugements que Dieu portera un
jour sur son peuple ingrat. Une sécheresse
de trois ans a réduit aux abois
le royaume d'Israël, sans qu'il ait songé à se convertir au
Seigneur. Elie cherche encore quelqu'un qui veuille le nourrir.
Nourrir le Prophète de Dieu, c'est une grande faveur, car Dieu est avec lui. Cet homme de miracle se dirigera-t-il vers
quelque maison du royaume d'Israël ? Passera-t-il dans la terre de Juda ?Non; il se tourne vers les régions de la gentilité; c'est
au pays de Sidon qu'il se rend, à Sarepta, chez une
pauvre veuve. C'est chez cette humble femme qu'il transporte la
bénédiction d'Israël. Le Sauveur
lui-même a relevé cette circonstance, où paraît si visiblement la justice de Dieu contre les
Juifs et sa miséricorde envers nous. « En vérité, je vous le dis, il y avait dans
Israël beaucoup de veuves au temps d'Elie; et cependant il ne fut envoyé à aucune d'elles, mais bien à la veuve de Sarepta,
dans la terre de Sidon (1). »
Cette pauvre femme est donc le
type de la gentilité
239
appelée à la foi. Aussi, voyons
quels caractères frappants nous présente cette histoire symbolique. Il s'agit
d'une veuve sans appui, sans protection; c'est la gentilité délaissée, n'ayant
personne qui la défende contre l'ennemi du genre humain. Pour nourrir la mère
et l'enfant, il ne reste plus qu'un peu de farine et un peu d'huile, après quoi
il faudra mourir; c'est l'image de l'affreuse disette de vérités que souffrait
le monde païen, dont la vie était près de s'éteindre quand l'Evangile lui fut
annoncé. Dans cette extrémité, la veuve de Sarepta
reçoit le Prophète avec humanité et confiance; elle ne doute point de sa
parole, et elle est sauvée, elle et son fils. C'est ainsi que la gentilité accueillit
les Apôtres, lorsque, secouant la poussière de leurs pieds, ils se virent
contraints de tourner le dos à l'infidèle Jérusalem. Nous voyons la veuve
tenant dans ses mains deux morceaux de bois; ce double bois, au jugement de
saint Augustin, de saint Césaire d'Arles et de saint Isidore de Séville, échos
de la tradition primitive du christianisme, est la figure de la Croix. Avec ce
bois, la veuve cuit le pain qui doit la nourrir, parce que c'est de la Croix
que procède pour les gentils la nourriture et la vie,
par Jésus qui est le Pain vivant. Tandis qu'Israël demeure dans la disette et
la sécheresse, l'Eglise des Gentils ne voit défaillir en son sein ni la farine
du froment céleste, ni l'huile, symbole de force et de douceur. Gloire soit
donc à Celui qui nous a appelés du sein des ténèbres à l'admirable lumière
(1) de la foi! Mais tremblons à la vue des malheurs que l'abus des grâces a
attirés surtout un peuple. Si la justice de Dieu n'a pas reculé devant la
réprobation d'une nation, s'arrètera-t-elle devant
notre endurcissement volontaire?
240
ÉVANGILE.
Sequentia
sancti Evangelii secundum Matthaeum. Cap. XXIII.
In illo tempore
: Locutus est Jésus ad turbas, et ad discipulos suos, dicens : Super
cathedram Moysi sederunt Scribae et Pharisaei. Omnia ergo quaecumque dixerint
vobis, servate et tacite : secundum opera vero eorum nolite facere: dicunt
enim et non faciunt. Alligant enim onera gravia, et importabilia, et imponunt
in humeros hominum : digito autem suo nolunt ea movere. Omnia vero opera sua
faciunt ut videantur ab hominibus : dilatant enim phylacteria sua, et magnificant
fimbrias. Amant autem primos
recubitus in cœnis, et
primas cathedras in synagogis,
et salutationes in foro,
et vocari ab hominibus
Rabbi. Vos autem nolite vocari Rabbi. Unus est enim Magister vester, omnes autem vos fratres cstis. Et patrem nolite vocare vobis super terram : unus est enim Pater vester, qui in cœlis est. Nec vocemini magistri : quia
Magister vester unus est,
Christus. Qui major est vestrum, erit minister vester. Qui autem se exaltaverit, humiliabitur : et
qui se humiliaverit, exaltabitur.
|
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap.
XXIII.
En ce temps-là, Jésus, s'adressant à la foule et à ses
disciples, leur dit: Les Scribes et les Pharisiens sont assis sur la chaire
de Moïse: observez donc et faites tout ce qu'ils vous disent ; mais ne faites
pas selon leurs œuvres ; car ils disent et ne font pas. Ils lient et placent
sur les épaules des hommes des fardeaux pesants et insupportables, qu'ils ne
veulent pas même remuer du doigt. Ils font leurs œuvres pour être vus des
hommes, ils portent des phylactères plus larges et des franges plus longues.
Ils aiment les premières places dans les festins et les premiers sièges dans
les synagogues, et qu'on les salue dans les lieux publies, et que les hommes
les appellent Maître. Mais vous, ne recherchez point à être appelés Maître ;
car il n'y a qu'un Maître pour vous, et vous êtes tous frères. N'appelez Père
qui que ce soit sur la terre ; car vous n'avez qu'un Père, qui est dans les
cieux. Qu'on ne vous appelle pas non plus Maîtres ; car vous n'avez qu'un
Maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur; mais
quiconque s'élèvera sera abaissé ; et quiconque s'abaissera sera élevé.
|
241
Les docteurs de la Loi sont
encore assis sur la chaire de Moïse; Jésus veut qu'on écoute leur enseignement.
Mais cette chaire, qui est une chaire de vérité, malgré l'indignité de ceux qui
y sont assis, ne restera plus longtemps au sein d'Israël. Caïphe prophétisera
encore, parce qu'il est pontife en cette année ; mais sa chaire, qu'il a
souillée par d'indignes passions, va bientôt être enlevée et transférée au
milieu de la gentilité. Jérusalem, qui aura renié le divin libérateur, va
perdre ses honneurs ; et bientôt Rome, le centre de la puissance païenne, verra
s'élever dans ses murs cette même chaire qui était la gloire d'Israël, du haut
de laquelle se proclamaient les prophéties si visiblement accomplies en Jésus.
Cette chaire ne sera plus ébranlée désormais, quelle que soit la fureur des
portes de l'enfer; elle sera toujours l'espoir fidèle des nations qui recevront
d'elle l'indéfectible témoignage de la vérité. C'est ainsi que le flambeau de
la foi qui luisait dans Jacob a été déplacé, mais ne s'est pas éteint.
Jouissons de sa lumière, et méritons par notre humilité que ses rayons viennent
toujours jusqu'à nous.
Quelle a été la cause de la perte
d'Israël? Son orgueil. Il s'est complu dans les dons que Dieu avait accumulés
sur lui ; il n'a pas voulu reconnaître un Messie dépourvu de toute gloire
humaine ; il s'est révolté d'entendre dire à Jésus que les Gentils
participeraient au salut, et il a voulu,
242
par le plus grand des forfaits,
étouffer cette voix qui lui reprochait la dureté de son cœur. Ces hommes superbes, à la veille du jour de
la vengeance divine, que tout leur annonce être prochain, n'ont rien perdu de
leur arrogance. C'est toujours le même faste, le même mépris impitoyable pour
les pécheurs. Le Fils de Dieu s'est fait
le fils de l'homme ; il est notre maître, et c'est lui qui nous
sert ; apprenons à cet exemple le prix de l'humilité. Si on nous nomme Maître,
si on nous appelle Père, n'oublions pas que nul n'est maître, que nul n'est
père que par le Seigneur notre Dieu. Le maître digne de ce nom est celui par la
bouche duquel Jésus-Christ enseigne; et celui-là seul est vraiment père
qui reconnaît que son autorité
paternelle ne vient que de Dieu ; car, comme le dit l'Apôtre, « c'est du Père
de notre Seigneur Jésus-Christ que découle toute paternité au ciel et sur la
terre (1) ».
Humiliate capita
vestra Deo.
|
Humiliez vos têtes devant Dieu.
|
ORAISON.
Propitiare, Domine, supplicationibus nostris, et animarum nostrarum medere languoribus : ut remissione percepta, in tua
semper benedictione laetemur.
Per Christum Dominum nostrum. Amen.
|
Soyez propice à nos supplications, Seigneur, et guérissez
les langueurs de nos âmes ; afin que, ayant reçu le pardon de nos péchés,
nous ressentions toujours la joie de votre bénédiction. Par Jésus-Christ
notre Seigneur. Amen.
|
Nous continuons aujourd'hui
l'Hymne du prince des poètes chrétiens, que nous avons commencé de lire hier.
243
HYMNE.
Helia tali
crevit observantia,
Vetus sacerdos ruris hospes aridi :
Fragore ab omni quem remotum, et segregem
Sprevisse tradunt
criminum frequentiam,
Casto fruentem
syrtium silentio.
Sed mox in auras igneis jugalibus,
Curruque raptus evolavit praepeti,
Ne de propinquo sordium contagio
Dirus quietum
mundus afflaret virum,
Olim probatis inclytum jejuniis.
Non ante coeli Principem septemplicis
Moses tremendi fidus interpres throni
Potuit videre,
quam decem recursibus
Quater volutis sol peragrans sidera,
Omni carentem cerneret substantia.
Victus precanti solus in lacrymis fuit :
Nam flendo pernox irrigatum pulverem
Humi madentis
ore pressit cernuo :
Donec loquentis voce praestrictus Dei
Expavit ignem non ferendum visibus.
Johannes hujus artis haud minus potens,
Dei perennis praecucurrit
Filium,
Curvos viarum qui retorsit tramites,
Et flexuosa corrigens dispendia,
Dedit sequendam
calle recto lineam.
Hanc obsequelam
praeparabat nuntius,
Mox affuturo
construens iter Deo,
Clivosa planis, confragosa ut lenibus
Converterentur, neve quidquam devium Illapsa
terris inveniret
Veritas.
Non usitatis ortus
hic natalibus,
Oblita lactis
jam vieto in pectore
Matris tetendit
serus infans ubera :
Nec ante partu de senili effusus est,
Quam praedicaret Virgi nem plenam Deo.
Post in patentes ille solitudines,
Amictus hirtis
bestiarum pellibus,
Setisve tectus,
hispida et lanugine,
Secessit, horrens
inquinari ac pollui
Contaminatis oppidorum moribus.
Illic dicata
parcus abstinentia,
Potum, cibumque
vir severae industriae
In usque serum respuebat vesperum,
Parvum locustis,
et favorum agrestium
Liquore pastum
corpori suetus dare.
Hortator ille primus et doctor novae
Fuit salutis : nam sacrato in flumine
Veterum
piatas lavit errorum notas :
Sed tincta postquam membra defaecaverat,
Cœlo refulgens influebat Spiritus.
|
L'observance du jeûne ajouta encore à la grandeur d'Elie,
ce vieux prêtre, hôte d'un désert aride. Ce prophète, fuyant le bruit des
cités et la vue de tant de crimes, goûtait le tranquille silence de la
solitude.
Mais bientôt il s'envola dans les airs, entraîné par des
chevaux de feu sur un char rapide, de peur que le monde, trop voisin encore,
n'exhalât la contagion de ses vices sur cet homme paisible qu'illustrait la
rigueur des jeûnes qu'il avait accomplis.
Moïse, fidèle interprète du trône redoutable, ne put
contempler le Roi du ciel aux sept régions, avant que le soleil, dans sa
course à travers le firmament, ne l'eût revu quarante fois privé de
toute nourriture.
Il priait, et son seul aliment étaient
ses larmes. Il veillait, et son front pressait la terre arrosée de ses
pleurs, jusqu'à ce que, averti par la voix de Dieu, son regard tremblant se
dirigea vers ce feu dont il ne pouvait
supporter l'éclat.
Jean, qui fut le précurseur du Fils du Dieu éternel, ne
fut pas moins puissant dans le jeûne, lui qui abaissa les sentiers raboteux
et redressa les voies tortueuses , enseignant aux
hommes la voie droite qu'ils avaient à suivre.
Il préparait à son tour les mortels à l'observance du
jeûne, ce messager chargé d'ouvrir un chemin au Dieu qui allait venir,
enseignant que les montagnes devaient s'aplanir, les voies rocailleuses
s'adoucir, afin que la Vérité, descendant sur la terre, ne rencontrât plus
aucun sentier négligé.
Sa naissance eut lieu contre les lois ordinaires de la
nature : enfant tardivement mis au jour, il suça les mamelles d'une mère au
sein de laquelle le lait était tari ; mais sa vieille mère ne l'avait pas
encore mis au jour que déjà l'enfant avait annoncé la Vierge qui portait
Dieu.
Bientôt il se retira dans un vaste désert ; il se couvrit
de peaux de bête au poil dur et hérissé, à la laine grossière, fuyant avec
horreur la souillure que produisent les mœurs impures des cités.
Là, se livrant à la règle de l'abstinence, cet homme aux
mœurs sévères renvoyait au soir la nourriture et le breuvage, ne donnant à
son corps pour aliment que des sauterelles et quelques gouttes de miel
sauvage.
Le premier, il prêcha; le premier, il enseigna le salut
nouveau ; ce fut lui qui clans le fleuve sacre purifia les taches qui longtemps
avaient souillé les consciences; mais s'il lavait ainsi les membres des
pécheurs, l'Esprit devait bientôt du haut du ciel répandre ses influences
dans leurs cœurs.
|
|