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LE LUNDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME.
La Station est dans l'Eglise de Saint-Clément,
Pape et Martyr. De toutes les Eglises de Rome elle est celle qui a le plus conservé l'antique disposition des premières
basiliques chrétiennes. Sous son autel repose le corps du saint Patron, avec
les restes de saint Ignace d'Antioche et du consul saint Flavius
Clémens.
COLLECTE.
Praesta, quaesumus omnipotens Deus, ut familia tua
quae se, affligendo carnem, ab alimentis abstinet, sectando justitiam, a culpa jejunet. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
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Daignez faire, ô Dieu tout-puissant! que vos fidèles qui,
pour mortifier leur chair, se privent dans leur nourriture, jeûnent aussi du
péché, en pratiquant la justice. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
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LEÇON.
Lectio Danielis
prophetae. Cap. IX.
In diebus illis
: Oravit Daniel Dominum, dicens : Domine, Deus noster, qui eduxisti
populum tuum de terra Aegypti in manu forti, et fecisti tibi nomen saecundum diem hanc : peccavimus, iniquitatem fecimus, Domine, in
omnem justitiam tuam : avertatur, obsecro, ira tua et furor tuus activitate tua Jerusalem, et a monte sancto tuo. Propter peccata enim nostra, et iniquitates patrum nostrorum, Jérusalem et populus tuus in opprobnum sunt omnibus per circuitum nostrum. Nunc ergo exaudi, Deus noster, orationem
servi tui et preces ejus: et ostende faciem tuam super Sanctuarium tuum, quod desertum est, propter temetipsum. Inclina, Deus meus, aurem
tuam, et audi : aperi oculos tuos, et vide desolationem nostram, et civitatem super quam invocatum est Nomen tuum : neque enim in justificationibus nostris prosternimus preces ante faciem tuam, sed in miserationibus tuis multis. Exaudi, Domine ; placare,
Domine: attende et fac : ne moreris propter temetipsum, Deus meus:
quia Nomen tuum invocatum est super civitatem
et super populum tuum,
Domine Deus noster.
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Lecture du prophète Daniel. Chap. IX.
En ces jours-là, Daniel fit cette prière au Seigneur :
Seigneur notre Dieu, qui avez tiré votre peuple de la terre d'Egypte par la
force de votre bras, et qui en le faisant vous êtes acquis une gloire qui
dure jusqu'aujourd'hui ; nous avons
péché, nous avons commis l'iniquité, Seigneur, en enfreignant tous vos justes
préceptes. Détournez, je vous en conjure, votre colère et votre fureur de
Jérusalem, votre cité, et de votre montagne sainte. C'est à cause de nos
pèches et des iniquités de nos pères, que Jérusalem et votre peuple sont en
opprobre aujourd'hui à toutes les nations qui nous environnent. Maintenant
donc, Seigneur notre Dieu, exaucez la prière de votre serviteur et ses
supplications; faites paraître votre face sur votre Sanctuaire abandonné :
faites-le pour vous-même. Inclinez votre oreille, ô mon Dieu! et écoutez;
ouvrez les yeux, et considérez notre désolation et cette ville qui est connue
par votre Nom ; car ce n'est point par confiance en notre justice que nous
humilions nos prières devant votre face, mais c'est en songeant à la
multitude de vos miséricordes. Exaucez, Seigneur ; apaisez-vous. Seigneur:
considérez et agissez. Pour l'amour de vous-même, ne différez pas, mon Dieu,
parce que cette cité et ce peuple qui est à vous ont l'honneur de porter
votre Nom, ô Seigneur notre Dieu !
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Cette lamentable supplication que Daniel adressait à Dieu du
sein de la captivité de Babylone fut exaucée ; et après soixante-dix ans
d'exil, Israël revit sa patrie, releva le Temple du Seigneur, et reprit le
cours de ses destinées merveilleuses. Mais voici qu'aujourd'hui encore, et
depuis dix-huit siècles, ces tristes paroles du Prophète sont à peine
l'expression suffisante de la nouvelle désolation qui est venue fondre sur
Israël. La fureur de Dieu est sur Jérusalem, les ruines mêmes du temple ont
péri, le peuple toujours vivant est dispersé par toute la terre et donné en
spectacle aux nations. Une malédiction pèse sur lui ; il est errant comme Caïn
; et Dieu veille à ce qu'il ne soit jamais anéanti. Terrible problème pour la
science rationaliste; mais pour le chrétien, châtiment toujours visible du plus
grand des forfaits. Telle est l'explication de ce phénomène : « La lumière est
venue au milieu des ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise (1) . » Si les ténèbres eussent accepté la lumière,
aujourd'hui elles ne seraient plus ténèbres; mais il n'en fut pas ainsi :
Israël a mérité son abandon. Plusieurs de ses fils ont consenti à reconnaître
le Juste, et ils sont devenus enfants de la lumière; et c'est même par eux que
la lumière s'est levée sur le monde entier. Quand le reste d'Israël
ouvrira-t-il les yeux ? Quand ce peuple consentira-t-il à adresser au Seigneur
la prière de Daniel ? Il la possède, il la lit souvent : et elle ne pénètre
point jusqu'à son cœur fermé par l'orgueil. Nous, les derniers venus de la
famille, prions pour nos aînés. Quelques-uns d'entre eux, chaque année, se
séparent de la masse maudite ; ils viennent demander à Jésus de les admettre
dans le nouvel Israël. Que leur arrivée soit bénie; et daigne le Seigneur, dans
sa bonté, faire que leur nombre s'accroisse de plus en plus, afin que toute
créature humaine adore en tous lieux le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob,
avec son Fils Jésus-Christ qu'il a envoyé !
EVANGILE.
Sequentia
sancti Evangelii secundum Johannem. Cap. VIII.
In illo tempore
: Dixit Jesus turbis Judajorum : Ego vado, et quaeretis me, et in peccato
vestro moriemini. Quo ego vado, vos non potestis venire. Dicebant ergo
Judasi: Numquid interficiet semetipsum, quia dicit:Quo ego vado, vos non
potestis venire? Et dicebat eis:Vos de deorsum estis; ego de supernis sum. Vos de
mundo hoc estis; ego non sum de hoc mundo. Dixi ergo vobis, quia moriemini in
peccatis vestris : si enim non credideritis quia ego sum, moriemini in
peccato vestro. Dicebant ergo ei : Tu quis es? Dixit eis Jesus : Principium,
qui et loquor vobis. Multa habeo de vobis loqui, et judicare. Sed qui me misit, verax est; et ego quae audivi ah eo, haec loquor in mundo. Et non cognoverunt quia Patrem ejus dicebat
Deum. Dixit ergo eis Jesus:
Cum exaltaveritis Filium hominis, tune cognoscetis quia
ego sum, et a meipso fecio nihil, sed sicut docuit me Pater, haec loquor : et qui me misit, mecum est, et non reliquit me solum : quia ego, quae placita sunt ei, facio
semper.
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La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. VIII.
En ce temps-là, Jésus dit à la foule des Juifs : Je m'en
vais, et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché. Où je vais,
vous ne pouvez venir. Les Juifs disaient : Se tuera-t-il lui-même, qu'il dit
: Où je vais, vous ne pouvez venir? Et il leur dit: Vous êtes d'ici-bas : moi
je suis d'en haut. Vous êtes de ce monde; moi je ne suis pas de ce monde. Je
vous ai dit que vous mourriez dans votre péché ; car si vous ne croyez pas à
ce que je suis, vous mourrez dans votre péché. Ils lui dirent donc: Qui
êtes-vous? Jésus leur dit : Le Principe, moi-même qui vous parle. J'ai
beaucoup de choses à dire de vous et à juger en vous ; mais celui qui m'a
envoyé est vrai, et moi ce que j ai entendu de lui, je le dis dans ce monde.
Et ils ne comprirent point qu'il disait que son Père était Dieu. Jésus donc
leur dit: Lorsque vous aurez élevé en haut le Fils de l'homme, alors vous
connaîtrez qui je suis, et que je ne fais rien de moi-même, et que je parle
selon ce que mon Père m'a enseigné. Et celui qui m'a envoyé est avec moi, et
il ne m'a point laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est
agréable.
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Je m'en vais : parole terrible ! Jésus est venu pour
sauver ce peuple ; il n'a rien épargné pour lui prouver son amour. Ces jours
derniers, nous l'avons vu repousser durement la Chananéenne,
et dire qu'il n'est venu que pour les brebis perdues de la maison d'Israël; et
ces brebis perdues méconnaissent leur pasteur. Il avertit les Juifs qu'il va se
retirer bientôt, et qu'ils ne pourront le suivre où il va : cette parole ne les
éclaire pas. Ses œuvres attestent qu'il est venu du ciel; mais eux ne songent
qu'à la terre. Toute leur espérance est dans un Messie terrestre et glorieux à
la façon des conquérants. C'est donc en vain que Jésus passe au milieu d'eux en
faisant le bien (1), en vain que la nature est soumise à ses lois, en vain que
sa sagesse et sa doctrine surpassent tout ce que les hommes ont entendu de plus
sublime; Israël est sourd, il est aveugle. Les plus farouches passions
fermentent dans son cœur; elles ne seront satisfaites que le jour où la
Synagogue pourra laver ses mains dans le sang du Juste. Mais en ce jour, la
mesure sera comblée, et la colère de Dieu fera un exemple qui doit retentir
dans tous les siècles. On frissonne en songeant aux horreurs de
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ce siège de Jérusalem, de cette
extermination de la ville et du peuple qui avaient demandé la mort de Jésus. Le
Sauveur lui-même nous dit que depuis le commencement du monde il n'y avait
jamais eu un si affreux désastre, et que la suite des siècles n'en verra pas un
pareil. Dieu est patient; il attend avec longanimité; mais quand sa fureur si
longtemps contenue vient à éclater, elle entraîne
tout, et les monuments de ses vengeances sont l'effroi de toutes les
générations qui viennent après. O pécheurs, qui jusqu'aujourd'hui n'avez tenu
aucun compte des avertissements de l'Eglise, qui n'avez pas songé encore à
convertir votre cœur au Seigneur votre Dieu, tremblez à cette parole : Je
m'en vais. Si ce Carême passe comme les autres, sans vous avoir changés. sachez que cette menace vous regarde : Vous mourrez dans
votre péché. Voulez-vous aussi demander la mort du Juste, dans quelques
jours ? crierez-vous aussi : Qu'il soit crucifié ?
Prenez-y garde : il a brisé un peuple entier, un peuple qu'il avait comblé de
faveurs, qu'il avait protégé et sauvé mille fois ; ne vous flattez pas qu'il
vous ménage. Il faut qu'il triomphe; si ce n'est par la miséricorde, ce sera
par la justice.
Humiliate capita
vestra Deo.
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Humiliez vos têtes devant Dieu.
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ORAISON.
Adesto supplicationibus
nostris, omnipotens Deus
: et quibus fiduciam sperandae pietatis indulges, consuetae misericordiae tribue benignus effectum. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
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Dieu tout-puissant, soyez attentif à nos supplications, et
daignez accorder l'effet de votre miséricorde accoutumée à ceux à qui vous
donnez la confiance de l'espérer de votre bonté. Par Jésus-Christ notre
Seigneur. Amen.
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Nous plaçons, aujourd'hui et les
jours suivants, la belle Hymne de Prudence sur le Jeûne. Comme elle est d'une
grande longueur, nous la partageons en fragments, réservant pour le Lundi de la
semaine de la Passion ce qui a rapport à la pénitence de Ninive. Cette Hymne,
en usage autrefois, pour quelques-unes de ses strophes, dans plusieurs Eglises
de la Liturgie Romaine, est employée tout entière au Bréviaire Mozarabe.
HYMNE.
O Nazarene, lux Bethlem, Verbum Patris,
Quem partus alvi
virginalis protulit,
Adesto castis,
Christe, parcimoniis,
Festumque nostrum
Rex serenus aspice,
Jejuniorum dum
litamus victimam.
Nil hoc
profecto purius mysterio,
Quo fibra
cordis expiatur vividi :
Intemperata quo
domantur viscera,
Arvina putrem
ne resudans crapulam,
Obstrangulata; mentis
ingenium premat.
Hinc subjugatur
luxus et turpis gula ;
Vini, atque
somni degener socordia, Libido sordens, inverecundus lepos,
Variaeque pestes languidorum
sensuum
Parcam subacta; disciplinam sentiunt.
Nam si licenter diffluens potu, et cibo,
Jejuna rite
membra non coerceas,
Sequitur,
frequenti marcida oblectamine
Scintilla
mentis ut tepescat nobilis,
Animusque
pigris stertat in praecordiis.
Fraenentur ergo
corporum cupidines,
Detersa et intus emicet prudentia :
Sic excitato perspicax acumine.
Liberque flatu laxiore spiritus
Rerum parentem rectius precabitur.
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O Fils de Nazareth, astre de Bethléhem,Verbe du Père, toi qu'enfanta pour nous un sein virginal
; ô Christ ! agrée nos chastes abstinences. O Roi ! nous t'offrons la victime
du jeûne : d'un œil serein regarde notre fête.
Rien de plus saint que ce rite mystérieux qui purifie la
fibre vivante du cœur, qui dompte l'intempérance jusque dans son siège, de peur que la plénitude du corps n'étouffe
l'ardeur de l'esprit.
Le jeûne subjugue la liberté des sens et la gourmandise
honteuse ; l'assoupissement que produisent le vin et le sommeil, la licence
qui souille, la mollesse impudente, tous les vices de notre nature paresseuse
y ressentent le joug d'une étroite discipline.
Si l'homme se laisse aller sans frein au manger et au
boire, s'il ne contient ses membres par le jeûne, la noble flamme de l'esprit
s'attiédit bientôt ; elle s'amoindrit dans des jouissances qui la flétrissent
; l'âme s'endort dans la lâcheté du corps.
Réfrénons donc le désir de la chair ; que la prudence se
ravive et brille au dedans de nous-mêmes ; la pointe de notre esprit s'aiguisera,
l'âme aspirera d'un souffle plus libre, et sa prière s'adressera plus
dignement à celui qui l'a créée.
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