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LE JEUDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME.
La Station est aujourd'hui dans
la célèbre basilique de Sainte-Marie-au-delà-du Tibre,
la première église de Rome consacrée à Marie, dès le IIIe siècle, sous le pontificat de saint Calliste.
COLLECTE.
Praesta nobis,
quæsumus Domine , auxilium gratis tuae, ut jejuniiset orationibus convenienter intenti, liberemur ab hostibus mentis et
corporis. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
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Daignez, Seigneur, nous accorder le secours de votre
grâce, afin que, demeurant fidèles au jeûne et à la prière
, nous soyons affranchis des ennemis de l'âme et du corps. Par
Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
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LEÇON.
Lectio Jeremiæ
prophetae. Cap. XVII.
Haec dicit
Dominus Deus : Maledictus
homo qui confidit in homine,
et ponit carnem brachium suum, et a Domino recedit corejus. Erit enim quasi myricæ in deserto, et non
videbit cum venerit bonum ; sed habitabit in siccitate in deserto, in terra
sansuginis et inhabitabili. Benedictus vir, qui confidit in Domino, et
erit Dominus fiducia ejus. Et erit quasi lignum quod transplantatur super aquas,
quod ad humorem mittit radices suas : et non timebit
cum venerit æstus. Et erit folium ejus
viride, et in tempore siccitatis non erit sollicitum, nec aliquando desinet facere fructum. Pravum est cor omnium et inscrutabile
: quis cognoscet illud ? Ego Dominus scrutans cor, et probans renes : qui do unicuique juxta viam suam, et juxta fructum adinventionum suarum, dicit Dominus omnipotens.
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Lecture du prophète Jérémie. Chap.
XVII.
Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Maudit est l'homme qui
met sa confiance en l'homme, qui se fait un bras de chair, et dont le cœur se
retire du Seigneur ; car il sera semblable à la bruyère du désert ; et quand
le bien arrivera, il ne le verra pas ; mais il demeurera dans l'aridité du
désert, dans une terre saline et inhabitable. Celui-là est béni, qui met sa
confiance dans le Seigneur, et dont le Seigneur est l'espérance. Et il sera
semblable à un arbre transplanté au bord des eaux, qui pousse ses racines vers
l'eau qui l'humecte, et qui ne craint point la chaleur, lorsqu'elle est
venue. Et son feuillage sera toujours vert, et il ne sera point en peine au
temps de la sécheresse, et il ne cessera jamais de porter du fruit. Le cœur
de l'homme est mauvais et impénétrable. Qui pourra le connaître? Moi, le
Seigneur, qui sonde le cœur et qui éprouve les reins ; qui rends
à chacun selon sa voie et selon le fruit de ses pensées, dit le Seigneur
tout-puissant.
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Les lectures de ce jour sont consacrées à fortifier dans nos
cœurs les principes de la morale chrétienne. Détournons un instant les yeux du
triste spectacle que nous offre la malice des ennemis du Sauveur ;
reportons-les sur nous-mêmes, afin de connaître les plaies de nos âmes et d'en
préparer le remède. Le prophète Jérémie nous présente aujourd'hui le tableau de
deux situations pour l'homme ; laquelle des deux est la nôtre ? Il y a l'homme
qui met sa confiance dans un bras de chair, c'est-à-dire qui ne considère sa
vie que dans les conditions du présent, qui voit tout dans les créatures, et se
trouve par là même entraîné à violer la loi du Créateur. Tous nos péchés sont
venus de cette source ; nous avons perdu
de vue
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nos fins éternelles, et la triple
concupiscence nous a séduits. Hâtons-nous de revenir au Seigneur notre Dieu :
autrement, nous aurions à craindre le sort dont le Prophète menace le pécheur :
Quand le bien arrivera, il ne le verra pas. La sainte Quarantaine avance
dans son cours ; les grâces les plus choisies se multiplient à chaque heure ;
malheur à l'homme qui, distrait par la vaine figure de ce monde qui passe
(1), ne s'aperçoit de rien, et demeure, en ces saints jours, stérile pour le
ciel, comme la bruyère du désert l'est pour la terre ! Qu'il est grand, le
nombre de ces aveugles volontaires, et que leur insensibilité est effrayante !
Enfants fidèles de la sainte Eglise, priez pour eux, priez sans cesse ; offrez
au Seigneur à leur intention les œuvres de votre pénitence, les largesses de
votre charité. Chaque année, plusieurs d'entre eux rentrent au bercail, dont la
porte leur a été ouverte par les pieux suffrages de leurs frères; faisons
violence à la divine miséricorde.
Le Prophète nous dépeint ensuite
l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur, et qui, n'ayant pas d'autre
espérance que lui, veille sans cesse à lui être fidèle. C'est un bel arbre au
bord des eaux, dont le feuillage est toujours vert, et dont les fruits sont
abondants. « Je vous ai établis, dit le Sauveur, afin que vous portiez du fruit
et que votre fruit demeure (2). » Devenons cet arbre béni et toujours
fécond. L'Eglise, en ce saint temps, répand sur ses racines l'eau de la
componction ; laissons agir cette eau bienfaisante. Le Seigneur pénètre nos
cœurs ; il sonde nos désirs de conversion ; et, quand la Pâque sera venue, « il
rendra à chacun selon sa voie ».
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EVANGILE.
Sequentia
sancti Evangelii secundum Lucam. Cap. XVI.
In illo tempore
: Dixit Jesus Pharisæis : Homo quidam erat dives, qui induebatur purpura et
bysso : et epulabatur quotidie splendide. Et erat quidam mendicus. nomine
Lazarus, qui jacebat ad januam ejus, ulceribus plenus, cupiens saturari de
micis quæ cadebant de mensa divitis, et nemo illi dabat ; sed et canes
veniebant, et lingebant ulcera ejus. Factum est autem ut moreretur
mendicus, et portaretur
ab Angelis in sinum Abrahce. Mortuus est autem et dives, et sepultus est
in inferno. Elevans autem oculos suos, cum esset in tormentis, vidit Abraham a
longe, et Lazarum in sinu
ejus : et ipse damans
dixit : Pater Abraham miserere mei, et mitte Lazarum ut intingat extremum digiti sui in
aquam, ut refrigeret linguam meam, quia crucior in hac flamma. Et
dixit illi Abraham: Fili, recordare quia recepisti bona in vita tua, et
Lazarus similiter mala : nunc autem hic consolatur, tu vero cruciaris. Et
in his omnibus, inter nos et vos chaos magnum firmatum est : ut hi, qui volunt
hinc transire ad vos, non
possint, neque inde hue transmeare. El ait : Rogo ergo
te, pater, ut mittas eum
in domum patris mei ; habeo enim
quinque fratres, ut testetur illis, ne et ipsi veniant in hune locum tormentorum. Et ait illi Abraham : Habent Moysen et Prophetas : audiant illos. At ille dixit : Non, pater
Abraham; sed si quis ex mortuis ierit ad eos, peenitentiam agent. Ait autem illi : Si Moysen et Prophetas non audiunt, neque si quis ex mortuis resurrexerit, credent.
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La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. XVI.
En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens : Il y avait un
homme riche qui était vêtu de pourpre et de lin; et chaque jour il taisait
une chère splendide. Et il v avait aussi un mendiant nommé Lazare qui était
étendu à sa porte, couvert d'ulcères, qui eût bien voulu se rassasier des
miettes qui tombaient de la table du riche ; et personne ne lui en donnait;
mais les chiens venaient lécher ses ulcères. Or il arriva que le mendiant
mourut, et il fut porté par les Anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut
aussi, et il fut enseveli dans l'enfer. Comme il était dans les tourments, il
leva les yeux et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Et jetant un
cri, il dit: Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez Lazare, afin qu'il
trempe le bout de son doigt dans l'eau pour rafraîchir ma langue; car je
souffre extrêmement dans cette flamme. Et Abraham lui dit : Mon fils,
souvenez-vous que pendant votre vie vous avez reçu les biens, et Lazare les
maux pendant la sienne ; et maintenant il est consolé ,
et vous êtes dans les tourments. Et dans cet état de choses, il y a un
immense abîme placé entre vous et nous, en sorte que ceux qui voudraient
passer d'ici à vous, ou venir ici de là où vous êtes, ne le pourraient. Et le
riche dit : Père, je vous prie donc de l'envoyer dans la maison de mon père,
où j'ai cinq frères, afin qu'il leur atteste ces choses, de peur qu'ils ne viennent
eux aussi dans ce lieu de tourments. Et Abraham lui dit : Ils ont Moïse et
les Prophètes ; qu'ils les écoutent. Et il dit : Non, père Abraham; mais si
quelqu'un des morts va vers eux, ils feront pénitence. Mais Abraham lui dit :
S'ils n'écoutent pas Moïse et les Prophètes ,
quelqu'un des morts ressusciterait, qu'ils ne le croiraient pas non plus.
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Nous voyons dans ce récit la
sanction des lois divines, le châtiment du péché; combien le Seigneur nous y
apparaît redoutable ! et « qu'il est terrible de
tomber entre les mains du Dieu vivant! » Un homme est aujourd'hui dans le
repos, dans les jouissances, dans la sécurité ; l'inévitable mort vient fondre
sur lui, et le voilà enseveli tout vivant dans l'enfer. Haletant au milieu des
flammes éternelles, il implore une goutte d'eau, et cette goutte d'eau lui est
refusée. D'autres hommes, ses semblables, qu'il a vus de ses yeux, il y a peu
d'heures, sont dans un autre séjour, dans le séjour d'une félicité éternelle,
et un immense abîme le sépare d'eux pour jamais. Sort
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effroyable! désespoir
sans fin! Et des hommes, sur la terre, vivent et meurent souvent sans avoir un
seul jour sondé cet abîme, même de leur simple pensée! Heureux donc ceux qui
craignent! Car cette crainte peut les aider à soulever le poids qui les
entraînerait dans le gouffre sans fond. Quelles épaisses ténèbres le péché a répandues dans l'âme de l'homme ! Des gens sages,
prudents, qui ne commettront jamais une faute dans la gestion de leurs affaires
de ce monde, sont insensés, stupides, quand il s'agit
de l'éternité. Quel affreux réveil ! et le malheur est
sans remède. Afin de renJre la leçon plus efficace,
le Sauveur ne nous a pas raconté la réprobation d'un de ces grands scélérats
dont les crimes font horreur, et que les mondains eux-mêmes regardent comme la
proie de l'enfer; il nous représente un de ces hommes tranquilles, d'un
commerce aimable, faisant honneur à leur position. Ici, point de forfaits,
point d'atrocités; le Sauveur nous dit simplement qu'il était vêtu avec luxe,
qu'il faisait tous les jours bonne chère. Il y avait bien un pauvre mendiant à
sa porte; mais il ne le maltraitait pas; il eût pu le chasser plus loin; il le
souffrait sans insulter à sa misère. Pourquoi donc ce riche sera-t-il dévoré
éternellement par les ardeurs de ce feu que Dieu a allumé dans sa colère ?
C'est parce que l'homme qui vit dans le luxe et la bonne chère, s'il ne tremble
pas à la pensée de l'éternité, s'il ne comprend pas qu'il doit « user de ce
monde comme n'en usant pas (1) », s'il est étranger à la croix de Jésus-Christ,
est déjà vaincu par la triple concupiscence. L'orgueil ,
l'avarice, la luxure, se disputent son
cœur, et
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finissent par y dominer d'autant
plus qu'il ne songe pas même à rien faire pour les abattre. Cet homme ne lutte
pas : c'est qu'il est vaincu ; et la mort s'est établie dans son âme. Il ne
maltraite pas le pauvre; mais il se souviendra trop tard que le pauvre est plus
que lui, et qu'il fallait l'honorer et le soulager. Ses chiens ont eu plus
d'humanité que lui; et voilà pourquoi Dieu l'a laissé s'endormir jusqu'au bord
de l'abîme où il doit tomber. Dira-t-il qu'il n'a pas été averti ? Il avait
Moïse et les Prophètes; plus que cela, il avait Jésus et son Eglise. Il a en ce
moment la sainte Quarantaine qui a été annoncée pour lui ; mais se donne-t-il
la peine de savoir même ce que c'est que ce temps de grâce et de pardon ? Il
l'aura traversé sans s'en être douté; mais il aura en même temps fait un pas de
plus vers l'éternel malheur.
Humiliate capita
vestra Deo.
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Humiliez vos têtes devant Dieu.
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ORAISON.
Adesto, Domine, famulis tuis, et perpétuant benignitatem largire poscentibus : ut iis qui te auctore et gubernatore gloriantur, et congregata
restaures, et restaurata conserves. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
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Assistez, Seigneur, vos serviteurs, et accordez-leur les
effets de cette continuelle miséricorde qu'ils implorent ; et comme ils se
glorifient d'avoir été créés et d'être régis par vous, rétablissez en eux les
biens que vous y avez réunis, et maintenez ce que vous aurez rétabli. Par
Jésus-Christ notre Seigneur . Amen.
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Terminons aujourd'hui l'Hymne de Prudence que nous avons
suivie avec tant d'intérêt depuis plusieurs jours.
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HYMNE.
Hoc nos sequamur quisque nunc pro viribus,
Quod consecrati tu magister dogmatis
Tuis dedisti, Christe, sectatoribus ;
Ut quum vorandi
vicerit libidinem,
Late triumphet
imperator spiritus.
Hoc est, quod atri livor hostis invidet,
Mundi, polique quod gubernator probat,
Altaris aram quod facit placabilem,
Quod dormientis excitat cordis fidem,
Quod limat aegram pectorum rubiginem.
Perfusa non sic
amne flamma exstinguitur,
Nec sic calente sole, tabescunt nives,
Ut turbidarum scabra culparum seges
Vanescit almo trita sub jejunio,
Si blanda semper misceatur largitas.
Est quippe et illud grande virtutis genus
Operire nudos,
indigentes pascere,
Opem benignam
ferre supplicantibus,
Unam, paremque
sortis humanæ vicem
Inter potentes, atque egenos ducere.
Satis beatus quisque dextram porrigit
Laudis rapacem,
prodigam pecuniæ,
Cujus sinistra
dulce factum nesciat.
Illum perennes
protinus complent opes.
Ditatque fructus fœnerantem centuplex.
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Puissions-nous, ô Christ ! ô Maître de la doctrine sacrée!
imiter selon nos forces l'exemple que tu donnas à tes disciples, afin que,
victorieuse des appétits brutaux, notre âme, devenue maîtresse, triomphe dans
tout son empire.
C'est là ce que nous envie la noire jalousie de notre
adversaire ; c'est là ce qui plaît au Maître souverain de la terre et des
cieux, ce qui rend propice l'autel mystérieux, ce qui réveille la foi d'un
cœur qui s'endormait, ce qui enlève la rouille d une âme languissante.
Comme la flamme s'éteint sous les eaux qu'elle rencontre,
comme la neige se fond sous un ardent soleil; ainsi la triste moisson de nos
péchés s'anéantit broyée par le jeûne sacré, quand l'aumône vient y joindre
sa bienveillance.
Car c'est aussi une grande œuvre de vertu de couvrir celui
qui est nu, de repaître l'indigent, de porter aux suppliants un bienfaisant
secours, de reconnaître une seule et
même destinée humaine entre le pauvre et le puissant.
Assez heureux est celui qui, ravissant la vraie gloire,
étend sa main droite pour prodiguer l'argent, tandis que sa main gauche
ignore ce bienfait. Un trésor éternel est là pour le dédommager; il prête, et
ce qu'il avance lui rendra au centuple.
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