SAMEDI II

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CHAPITRE VII
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JEUDI I
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SAMEDI I
DIMANCHE II
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MARDI II
MERCREDI II
JEUDI II
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MERCREDI IV
JEUDI IV
VENDREDI IV
SAMEDI IV
PROPRE DES SAINTS

LE  SAMEDI DE LA  DEUXIEME SEMAINE  DE CARÊME,

 

La Station est à l'Eglise des saints Pierre et Marcellin, célèbres  martyrs de Rome sous la  persécution  de Dioclétien, et dont les noms ont l'honneur d'être inscrits au Canon de la Messe.

 

COLLECTE.

 

 

Da, quæsumus Domine, nostris effectum jejuniis salutarem: ut castigatio carnis assumpta, ad nostrarum vegetationem transeat animarum. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

 

 

 

Donnez, s'il vous plaît, Seigneur, un effet salutaire à nos jeûnes, afin que la mortification de notre chair soit profitable à la santé de nos âmes. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

 

 

LEÇON.

 

 

 

Lectio libri Genesis. Cap. XXVII.

 

 

In diebus iIlis : Dixit Rebecca filio suo Jacob : Audivi patrem tuum loquentem cum Esau fratre tuo et dicentem ei : Affer mihi de venatione tua, et fac cibos ut comedam, et benedicam tibi coram Domino antequam moriar. Nunc ergo, fili mi, acquiesce consiliis meis: et pergens  ad  gregem, affer mihi duos hœdos optimos, ut faciam ex eis escas patri tuo, quibus libenter vescitur : quas cum intuleris, et comederit, benedicat tibi priusquam moriatur. Cui ille respondit:Nosti quod Esau frater meus homo pilosus sit et ego lenis : si attrectaverit me pater meus, et senserit, timeo ne putet me sibi voluisse illudere, et inducam super me maledictionem pro benedictione. Ad quem mater : In me sit, ait, ista maledictio, fili mi : tantum audi vocem meam, et pergens affer quae dixi. Abiit, et attulit, deditque matri. Paravit illa cibos, sicut velle noverat patrem illius. Et vestibus Esau valde bonis, quas apud se habebat domi, induit eum : pelliculasque hoedorum circumdedit manibus, et colli nuda protexit. Deditque pulmentum, et panes quos coxerat tradidit. Quibus illatis dixit : Pater mi ! At ille respondit : Audio. Quis es tu, fili mi ? Dixitque Jacob : Ego sum primogenitus tuus Esau:feci sicut praecepisti mihi : surge, sede, et comede de venatione mea, ut benedicat mihi anima tua. Rursumque Isaac ad filium suum : Quomodo, inquit, tam cito invenire potuisti, fili mi ? Qui respondit : Voluntas Dei fuit, ut cito occurreret mihi quod volebam. Dixitque Isaac:Accede hue, ut tangam te, fili mi, et probem utrum tu sis filius meus Esau, an non. Accessit ille ad patrem, et palpato eo, dixit Isaac: Vox quidem, vox Jacob est : sed manus, manus sunt Esau. Et non cognovit eum, quia pilosse manus similitudinem majoris expresserant. Benedicens ergo illi, ait : Tu es filius meus Esau? Respondit: Ego sum. At ille: Affer mihi, inquit, cibos de venatione tua, fili mi, ut benedicat tibi anima mea. Quos cum oblatos comedisset, obtulit ei etiam vinum. Quo hausto, dixit ad eum : Accede ad me, et da mihi osculum, filimi. Accessit, et osculatus est eum. Statimque ut sensit vestimentorum illius frarantiam, benedicens illi, ait : Ecce odor lilii mei, sicut odor agri pleni, cui benedixit Dominus. Det tibi Deus de rore cœli, et de pinguedine terne, abundantiam frumenti et vini. Et serviant tibi populi, et adorent te tribus: esto dominus fratrum tuorum, et incurventur ante te filii matris tuœ. Qui maledixerit tibi, sit ille maledictus : et  qui benedixerit tibi, benedictionibus repleatur. Vis Isaac sermonem  impleverat : et egresso Jacob foras,  venit Esau, coctosque de venatione cibos intulit patri, dicens : Surge, pater mi, et comede de  venatione filii tui, ut benedicat mihi anima tua. Dixitque  illi Isaac : Quis enim es tu ? Qui respondit : Ego sum filius tuus primogenitus Esau. Expavit Isaac stupore vehementi, et ultra quam credi potest, admi-rans, ait : Quis igitur ille est,  qui dudum captam venationem attulit mihi, et  comedi ex omnibus priusquam tu venires ? Benedixique ei, et erit benedictus. Auditis Esau sermonibus patris, irrugiit clamore magno :  et consternatus, ait : Benedic etiam et mihi, pater mi. Qui ait : Venit germanus tuus fraudulenter, et accepit benedictionem tuam. At ille subjunxit : Juste vocatum est nomen ejus Jacob : supplantavit enim me en altera vice : primogenita  mca ante tulit,  et nunc secundo surripuit benedictionem meam. Rursumque  ad patrem : Nuinquid non reservasti,  ait, et mihi benedictionem ? Respondit  Isaac  :  Dominum tuum illum constitui, et omnes fratres ejus servituti illius subjugavi : frumento et vino stabilivi eum ; et tibi post haec, fili mi, ultra quid faciam? Cui Esau : Num unam, inquit, tantum benedictionem habes, pater ? Mihi quoque obsecro ut benedicas. Cumque ejulatu magno fleret, motus Isaac, dixit ad eum : In pinguedine terræ, et in rore cœli desuper erit benedictio tua.

 

 

Lecture du livre de la Genèse. Chap. XXVII.

 

En ces jours-là, Rebecca dit à son fils Jacob : J'ai entendu ton père qui parlait à Esaü ton frère et qui lui disait : Apporte-moi quelque chose de ta chasse, et apprête-le-moi à manger, afin que je te bénisse devant le Seigneur avant que je meure. Maintenant donc, mon fils, obéis à mon conseil. Va au troupeau et apporte-moi deux chevreaux excellents, afin que j'en prépare à ton père un ragoût qu'il mange volontiers, et qu'après que tu le lui auras présenté, et qu'il en aura mangé, il te bénisse avant qu'il meure. Jacob lui répondit : Vous savez que mon frère Esaü est velu, et que moi je suis sans poil. Si mon père me touche de la main et me reconnaît, j'ai peur qu'il ne croie que j'ai voulu me jouer de lui, et que je n'attire sur moi la malédiction au lieu de la bénédiction. Sa mère lui repartit : Que cette malédiction soit sur moi, mon fils ; écoute seulement ma voix ; va, et apporte ce que je te dis. Il alla donc, il l'apporta et le donna à sa mère. Celle-ci prépara le mets, comme elle savait que le père l'aimait. Elle revêtit Jacob de très bons vêtements d'Esaü qu'elle gardait chez elle ; elle lui mit autour des mains de la peau des chevreaux, et lui en garnit le cou, là où il était découvert. Elle lui donna ensuite le ragoût et les pains qu'elle avait cuits. Il porta le tout devant Isaac, et lui dit : Mon père ! Le vieillard répondit : J'entends. Qui es-tu, mon fils ? Jacob répondit : Je suis Esaü votre premier-né; j'ai fait ce que vous m'avez commandé : levez-vous, mettez-vous sur votre séant, et mangez de ma chasse, afin que votre âme me bénisse. Isaac dit encore à son fils : Comment as-tu pu, mon fils, trouver sitôt la matière de ce mets ? Il répondit : La volonté de Dieu a été que ce que je désirais se présentât de suite à moi. Isaac dit encore : Approche-toi d'ici, mon fils, que je te touche, et que je connaisse si tu es mon fils Esaü, ou non. Jacob s'approcha de son père, et celui-ci, lavant touché, dit : Pour la voix, c'est la voix de Jacob ; mais les mains sont les mains d'Esaü. Et il ne le reconnut pas, parce que ses mains couvertes de poil lui donnaient la ressemblance de son aine. Isaac donc le bénissant lui dit : Es-tu mon fils Esaü ? Il répondit : Je le suis. Mon fils, dit le père, apporte-moi à manger de ta chasse, afin que mon âme te bénisse. Jacob lui en présenta ; et après qu'il en eut mangé, il lui présenta aussi du vin. Isaac, en ayant bu, lui dit : Approche-toi de moi, et donne-moi un baiser, mon fils. Il s'approcha donc du père et le baisa. Celui-ci, aussitôt qu'il eut senti l'odeur de ses vêtements, lui dit en le bénissant : Voici que l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ fertile que le Seigneur a béni. Que Dieu te donne l'abondance du froment et du vin par la rosée du ciel et la graisse de la terre. Que les peuples te servent, et que les tribus t'adorent. Sois le seigneur de tes frères, et que les fils de ta  mère se courbent devant toi. Celui  qui te maudira, qu'il soit maudit ; et celui qui te bénira, qu'il soit comblé de  bénédictions.  Isaac venait d'achever ces paroles, et Jacob était à  peine sorti, lorsque Esaü entra, et, présentant à son père les mets qu'il avait apprêtés de sa chasse, il lui dit : Levez-vous, mon père, et  mangez de la chasse de votre  fils, afin que votre âme  me  bénisse. Isaac lui dit : Qui es-tu donc ? Il répondit : Je suis Esaü, votre premier-né. Isaac, frappé d'un étonnement extrême, et surpris au delà de  ce qu'on peut croire, lui dit :  Quel est donc celui qui m'a déjà apporté sa chasse et qui m'a fait manger de tout,  avant que tu fusses arrivé ? C'est lui  que j'ai béni, et il sera béni. En entendant ces paroles de son père, Esaü poussa un grand cri comme un rugissement, et dans sa consternation il dit : Bénissez-moi aussi, mon  père. Isaac  répondit : Ton  frère est venu par surprise, et il a reçu ta bénédiction Esaü reprit :  C'est avec raison pu il a été appelé Jacob ; car il m'a supplanté déjà  une autre  fois : d'abord il m'a enlevé mon droit d'aînesse, et,  tout à l'heure, par une seconde fraude,  il vient de me dérober votre bénédiction. Il dit encore à son père: N'avez-vous pas réservé pour moi aussi une bénédiction ? Isaac lui répondit : Je l'ai établi ton seigneur, et j'ai soumis tous ses frères à sa domination ; je l'ai affermi dans la possession du blé et du vin, et, après cela, mon fils, que me reste-t-il a faire en ta faveur ? Esaü repartit : N'avez-vous donc, mon père, qu'une seule bénédiction ? Bénissez-moi aussi, je vous en conjure. Comme il pleurait et poussait de grands cris, Isaac, touché de son état, lui dit : Ta bénédiction sera dans la graisse de la terre et dans la rosée qui descend du haut du ciel.

 

 

 

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Les deux enfants de Jacob nous manifestent à leur tour la suite des jugements de Dieu sur Israël et sur la gentilité; et l'initiation de nos Catéchumènes poursuit son cours. Voici deux frères, l'aîné et le plus jeune. Esaü est le type du peuple juif: il possède le droit d'aînesse, et la plus haute destinée l'attend ; Jacob, né après lui, quoique d'un même enfantement, n'a pas le droit de compter sur la bénédiction réservée à l'aîné: il figure la gentilité. Cependant, les rôles sont changés : c'est Jacob qui reçoit cette bénédiction, et son frère en est frustré. Que s'est-il donc passé ? Le récit de Moïse nous l'apprend. Esaü est un homme charnel ; ses appétits le dominent. La jouissance qu'il attend d'un mets grossier lui a fait perdre de vue les biens spirituels attachés à la bénédiction de son père. Dans son avidité, il cède à Jacob pour un plat de lentilles les droits sublimes que lui confère son aînesse. Nous venons de voir comment l'industrie d'une mère servit les intérêts

 

276

 

de Jacob, et comment le vieux père, instrument de Dieu sans le savoir, confirma et bénit cette substitution dont il avait ignoré l'existence. Esaü, de retour auprès d'Isaac, comprit l'étendue de la perte qu'il avait faite ; mais il n'était plus temps; et il devint l'ennemi de son frère. C'est ainsi que le peuple juif, livré à ses idées charnelles, a perdu son aînesse sur les Gentils. Il n'a pas voulu suivre un Messie pauvre et persécuté ; il rêvait triomphes et grandeurs mondaines, et Jésus rie promettait qu'un royaume spirituel. Israël a donc dédaigne ce Messie ; mais les Gentils l'ont reçu, et ils sont devenus les aînés. Et parce que le peuple juif ne veut pas reconnaître cette substitution qu'il a cependant consentie, au jour où il criait: « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous (1) » : maintenant il voit avec dépit que toutes les faveurs du Père céleste sont pour le peuple chrétien. Les enfants d'Abraham selon la chair sont déshérités à la vue de toutes les nations, tandis que les enfants d'Abraham par la foi sont manifestement les fils de la promesse, selon la parole du Seigneur à cet illustre Patriarche : « Je multiplierai ta race au-dessus des étoiles du ciel et des sables de la mer et toutes les nations seront bénies en celui qui sortira de toi (2). »

 

1. Luc. XIX, 14. — 2. Gen. XXII, 17.

 

ÉVANGILE.

 

 

Sequentia sancti Evangelii secundum Lucam. Cap. XV.

 

In illo tempore : Dixit Jesus pharisaïis et scribis parabolamistam : Homo  quidam habuit duos filios : et dixit adolescentior ex ilhs patri : Pater, da mihi portionem substantif qua; me contingit. Et divisit illis substantiam. Et non post multos dies, congregatis omnibus, adolescentior filius peregre profectus est in regionem longinquam, et ibi dissipavit substantiam suam vivendo luxuriose. Et postquam omnia consummasset, facta est famés valida in regione illa, et ipse cœpit egere. Et abiit, et adhæsit uni civium regionis illius. Et misit illum in villam suam ut pasceret porcos. Et cupiebat implereventrem suum de siliquis quas porci manducabant : et nemo illi dabat. In se autem reversus, dixit : Quanti mercenarii in domo patris mei abundant panibus ; ego autem hic fame pereo ! Surgam, et ibo ad patrem meum, et dicam ei : Pater, peccavi in Coelum et coram te ; jam non sum dignus vocari filius tuus : fac me sicut unum de mercenariis tuis. Et surgens venit ad patrem suum. Cum autem adhuc longe esset, vidit illum pater ipsius, et misericordia motus est, et accurrens cecidit super collum ejus, et osculatus est eum. Dixitque ei filius :

Pater, peccavi in Cœlum, et coram te : jam non sum dignus vocari filius tuus. Dixit autem pater ad servos suos : Cito proferte stolam primam, et induite illum, et date annulum in manum ejus, et calceamenta in pedes ejus, et adducite vitulum saginatum, et occidite, et manducemus et epulemur : quia hic filius meus mortuus erat, et revixit : perierat, et inventus est. Et coeperunt epulari. Erat autem rilius ejus senior in agro : et cum veniret, et appropin-quaret domui, audivit symphoniam, et chorum ; et vocavit unum de servis, et interrogavit quid hæc essent ? Isque dixit illi : Frater tuus venit, et occidit pater tuus vitulum saginatum, quia salvum illum recepit. Indignatus est autem, et nolebat introire. Pater ergo illius egressus, cœpit rogare illum. At ille respondens, dixit patri suo : Ecce tot annis servio tibi, et numquam mandatum tuum praeterivi, et numquam dedisti mihi hœdum, ut cum amicis meis epularer : sed postquam filius tuus hic, qui devoravit substantiam suam cum meretricibus, venit, occidisti illi vitulum saginatum. At  ipse dixit  illi : Fili, tu semper mecum es, et omnia mea tua sunt : epulari autem et gaudere oportebat, quia frater tuus hic mortuus erat, et revixit : perierat et inventus  est.

 

 

La suite du saint  Evangile selon saint Luc. Chap. XV.

 

En ce temps-là, Jésus dit aux pharisiens et aux scribes cette parabole : un homme avait deux fils, et le plus jeune dit à son père : Ion père, donnez-moi la portion de bien qui doit me revenir. Et le père leur fit le partage de son bien Et peu de jours après, le plus jeune des fils ayant rassemblé tout ce qu'il avait, partit pour un pays étranger et lointain, et il y dissipa son bien en vivant dans la débauche. Et quand il eut tout dépensé, il survint une grande famine dans ce pays ; et il commença à sentir le besoin. Il s'en alla donc, et se mit au service d'un habitant de ce pays ; et celui-ci l'envoya à sa maison des champs pour garder des pourceaux. Et il eût désiré remplir son ventre des écosses que mangeaient les pourceaux ; mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en soi-même, il dit : Combien de mercenaires dans la maison de mon père ont du pain en abondance ; et moi ici je meurs de faim ! Je me lèverai, et j'irai à mon père, et je lui dirai : Mon père, j'ai péché contre le Ciel et contre vous; je ne suis plus digne d'être appelé votre fils ; traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. Il se leva donc et vint vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut, et il fut ému de compassion ; et courant à lui, il se jeta à son cou et le baisa. Et le fils lui dit : Mon père, j'ai péché contre le Ciel et contre vous ; je ne suis plus digne d'être appelé votre fils. Alors le père dit à ses serviteurs : Apportez vite sa première robe,  et l'en  revêtez, et mettez-lui au doigt  un anneau, et une chaussure aux pieds. Amenez le veau gras, et  tuez-le ; mangeons et rejouissons-nous :  car mon fils que voilà était mort, et il est ressuscité ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à faire le festin. Or  le fils  aine était dans les champs: et comme il revenait et approchait de la  maison,  il entendit le bruit de la musique et des danses. Et, appelant un des serviteurs, il  lui  demanda ce  que  c'était. Celui-ci lui répondit : Votre  frère est revenu, et votre père  a tué le veau  gras, parce  qu'il a recouvré son fils en santé. Et, tout  rempli  d'indignation, il  ne voulait  pas entrer. Le  père, étant  donc sorti, se  mit à  l'en prier. Mais, répondant à son père, il lui dit : Voilà tant d'années que je vous sers ;  je n'ai jamais manqué à aucun de vos commandements ; et vous  ne   m'avez   jamais donné un chevreau pour faire festin avec  mes amis. Mais aussitôt  que  ce  fils qui a dévoré son bien  avec des courtisanes, est arrivé, vous tuez pour lui le  veau gras.  Le père lui dit: Mon fils, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; mais il fallait faire festin et se réjouir, parce que ton frère que voilà était mort, et il est ressuscité; il était perdu, et il est retrouvé.

 

 

 

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C'est ici encore le mystère que nous venons de reconnaître tout à l'heure dans le récit de la Genèse. Deux frères sont en présence, et l'aîné se plaint du sort que la bonté du père a fait au plus jeune. Celui-ci s'en est allé dans une région lointaine, il a fui loin du toit paternel, afin de s'abandonner plus librement à ses désordres : mais quand il s'est vu réduit à la plus extrême disette, il s'est ressouvenu de son père, et il est venu solliciter humblement la dernière place dans cette maison qui aurait dû être un jour la sienne. Le père a accueilli le prodigue avec la plus vive tendresse : non seulement il lui a pardonné, mais il lui a rendu tousses droits de fils. Il a fait plus encore : un festin a été donné pour célébrer cet heureux retour ; et c'est toute cette conduite du père qui excite la jalousie du frère aîné. Mais c'est en vain qu'Israël s'indigne contre la miséricorde du Seigneur : l'heure est venue où la plénitude des nations va être convoquée pour entrer au bercail universel. Si loin que leurs erreurs et leurs passions aient entraîné les Gentils, ils entendront la voix des Apôtres. Grecs et Romains, Scythes et barbares, tous, frappant leurs poitrines, accourront demandant à être admis en participation des faveurs d'Israël. Mais on ne leur donnera pas seulement les miettes qui tomberont de la table, comme le demandait la Chananéenne; ils seront admis sur le pied d'enfants légitimes et honorés. Les  plaintes envieuses  d'Israël  ne seront  pas reçues. S'il refuse de prendre part au banquet, la fête ne s'en célébrera pas moins. Or, cette f’ête, c'est la Pâque ; ces enfants rentrés nus et exténués dans la maison paternelle, ce sont nos Catéchumènes, sur lesquels le Seigneur s'apprête à répandre la grâce de l'adoption.

Mais ces enfants prodigues qui viennent se mettre à la merci de leur père offensé, sont aussi les Pénitents publics dont l'Eglise, en ces jours, préparait la réconciliation. Ce passage de l'Evangile a été choisi pour eux aussi bien que pour les Catéchumènes. L'Eglise, qui s'est relâchée de sa sévère discipline, propose aujourd'hui cette parabole à tous les pécheurs qui se disposent à faire leur paix avec Dieu. Ils ne connaissaient pas encore l'infinie bonté du Seigneur qu'ils ont abandonné: qu'ils apprennent aujourd'hui combien la miséricorde l'emporte sur la justice dans le cœur de celui qui « a aimé le monde jusqu'à lui donner son propre Fils unique (1) ». Quelque lointaine qu'ait été leur fuite, quelque profonde qu'ait été leur ingratitude, tout est préparé, dans la maison paternelle, pour fêter leur retour. Le père tendre qu'ils ont quitté attend à la porte, prêt à courir au-devant d'eux pour les embrasser ; leur première robe, la robe de l'innocence, va leur être rendue ; l'anneau que portent seuls les enfants de la maison ornera de nouveau leur main purifiée. La table du festin est dressée pour eux, et les Anges vont y faire entendre les mélodies célestes. Qu'ils crient donc du fond de leur cœur : « O Père, j'ai péché contre le Ciel et contre vous ; je ne mérite plus d'être appelé votre fils ; traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. » Le regret sincère de leur égarement passé, l'humilité de l'aveu, la ferme résolution d'être désormais fidèles : ce sont là les seules et faciles conditions que le père exige de ses prodigues pour en faire les fils de sa prédilection.

 

1. JOHAN. III,  16.

 

281

 

 

Humiliate capita vestra Deo.

Humiliez vos têtes devant Dieu.

 

ORAISON.

 

 

Familiam tuam, quæsumus Domine, continua pietate custodi : ut quae in sola spe gratiae caelestis innititur, caelesti etiam protectione muniatur. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

 

 

 

Daignez, Seigneur, garder votre famille par l'assistance continuelle de votre bonté, afin que, s'appuyant sur l'unique espérance de la céleste grâce, elle soit soutenue par la protection d'en  haut.  Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

 

 

En ce jour du Samedi, implorons aux pieds de Marie, reine de miséricorde, le pardon de nos péchés, en lui présentant cette Prose touchante des anciens Missels de Cluny.

 

SÉQUENCE.

 

 

Ave novi luminis
Stella promens radium,

Quo  nostræ  propaginis
Deletur opprobrium.

 

Tu sola spes hominis,

Tu nostrum refugium,
In hora discriminis

Placa nobis Filium.

 

Florens Jesse virgula,

Vera veris primula,
Salutem initians.

 

Rosa semper vernula,
Tota sine macula,
Maculosos expians.

 

Uterus virgineus,
Fons hortorum, puteus
Aquarum viventium.

 

Imo thronus aureus,
In quo Rex æthereus
Coronavit Filium.

 

Domus aromatica,
Quam arte mirifica
Fecit summus Artifex.

 

In qua Christus unica
Sumpta carnis tunica,
Consecratur Pontifex.

 

Fons distillans oleum,
Imo rorem melleum,
Per amoris fistulas.

 

Inde surgit balneum,
Purgans omne  felleum,
Et peccati maculas.

 

Mater cujus viscera
Penetrarunt vulnera
Patientis Filii.

 

Lac profer et ubera ;
Nos a pœnis libera
Tremendi judicii.

 

Amen.

 

 

Salut, ô étoile, qui lances le rayon d'une nouvelle lumière ; ce rayon qui efface la  honte de l'humaine famille.

 

 

Tu es l'unique espoir de l'homme, tu es notre refuge : à l'heure du péril , apaise pour nous ton Fils.

 

 

Branche fleurie de Jessé, primeur du printemps, commencement du salut ;

 

 

Rose toujours nouvelle, toujours sans tache, purifiant nos souillures ;

 

 

Sein virginal , fontaine des jardins, puits des eaux vives ;

 

 

Trône d'or, sur lequel le Roi du ciel a couronné son Fils ;

 

 

Demeure parfumée, que le souverain Créateur a bâtie d'un art merveilleux ;

 

 

Dans laquelle le Christ, couvert du vêtement de la chair, est consacré Pontife ;

 

Source d'huile salutaire, rosée de miel délicieux, symbole de ton amour ;

 

 

De toi procède cet heureux bain qui lave nos plaies amères et les taches du péché.

 

 

O Mère, les blessures de ton Fils en proie à la souffrance pénétrèrent ton cœur.

 

 

Rappelle-lui ton lait, présente-lui ton sein, et delivre-nous des supplices du redoutable  jugement.  Amen.

 

 

 

 

 

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