BRUNO

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LE VI OCTOBRE. SAINT BRUNO, CONFESSEUR.

 

Parmi les diverses familles religieuses, il n'en est point que l'Eglise tienne en plus haute estime que celle des Chartreux ; les prescriptions du Corps du droit établissent que de toutes autres on peut passer à celle-ci sans déchoir (1).Et cependant il n'en est pas dont la part semble moindre aux services multiples où se consume ici-bas le zèle des enfants de Dieu. Ne serait-ce point une nouvelle preuve, et non la moins démonstrative, que le zèle extérieur, si louable qu'il soit, n'est pas tout, n'est pas le principal devant le Seigneur ? L'Eglise, c'est là sa fidélité, apprécie toutes choses au point de vue des préférences de l'Epoux ; or, en effet, le Seigneur estime ses élus beaucoup moins en proportion de l'activité de leur vie, que de la perfection cachée de leurs âmes, cette perfection qui se mesure à l'intensité de la vie divine, et dont il est dit : Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait (2). C'est de cette vie divine qu'il est dit aussi : Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu (3). L'Eglise donc, considérant la solitude, le silence du Chartreux, son abstinence jusqu'à la mort, sa liberté de vaquer à Dieu, dégagé pleinement des sens et du monde, y voit la garantie d'une perfection qui peut se rencontrer

 

1. Cap. Viam ambitiosae, I, tit. VIII Extrav. com. Lib. III. — 2.  Matth. V, 48. —  3. Col. III,  3.

 

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ailleurs, mais lui paraît ici plus assurée (1). Dès lors, si étendu que se révèle chaque jour le champ du labeur, si impérieuses que se fassent les exigences de la lutte, elle n'hésite pas à couvrir de la protection de ses lois, elle favorise des plus augustes encouragements quiconque est appelé par la grâce au désert.

N'est-ce pas dans les jours où tout effort apparaît vain pour arrêter le monde sur la pente des abîmes, qu'il est urgent de se replier sur Dieu ? L'ennemi le sait : au contraire de l'Eglise, la première loi qu'il impose aux sociétés perdues est d'interdire l'accès de la voie des conseils et d'étouffer toute vie d'adoration, d'expiation, de prière ; car il n'ignore pas qu'une nation prosternée dans la personne des meilleurs de ses fils, si voisine qu'elle paraisse du terme fatal, peut se reprendre à espérer encore.

Ce n'est point autrement qu'on vit, au onzième siècle, notre Occident neutraliser les germes de mort qu'il tenait du dixième. S'il fut un temps où il sembla que le cloître, loin d'élargir ses avenues, dût bien plutôt verser jusqu'au dernier de ses habitants dans la milice active de l'Eglise, c'est à coup sûr l'époque où la chair, victorieuse de l'esprit, affichait ses triomphes au milieu du sanctuaire lui-même, où César et Satan, l'un pour l'autre, tenaient asservis les pasteurs des peuples. Pourtant alors, non seulement Cluny nourrit dans ses murs les forces vives de la chrétienté, mais Camaldoli, puis Vallombreuse, la Chartreuse aujourd'hui, Citeaux enfin se fondent, et s'affirment comme ayant pour titre uniquement l'urgence qui s'impose d'offrir à divers degrés, dans le

 

1. Suarez, De Religione, Tract. IX, Lib. II, cap. IV, 6.

 

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monachisme même, une retraite plus profonde aux âmes affamées d'immolation et de pénitence. Le monde cependant, loin de crier à l'abandon, inscrit en place glorieuse parmi ses libérateurs les noms des Romuald, des Jean Gualbert, des Bruno, des Robert de Molesmes. Aussi ce siècle fut grand dans l'histoire : grand par la foi, par l'énergie qui, s'inspirant de la foi, sut appliquer le fer et le feu aux plaies vives de l'humanité, par la droiture avec laquelle, fidèle encore aux lumières de la foi, il reconnut à l'expiation le premier rôle dans le dénouement de la terrible crise ; représentée par ses membres d'élite aux pieds de la Divinité, la société retrouva consistance à cette source unique de l'être et de la vie pour toute créature

Cette fête est donc l'hommage de la terre à l'un de ses bienfaiteurs insignes. L'espace manque pour rien ajouter à la notice que l'Eglise nous donnera de sa vie. Que le lecteur qui le pourra supplée lui-même à la trop grande brièveté de ces lignes, en recourant aux œuvres du Saint : à ses lettres, toutes pénétrées des parfums de la solitude, écrites dans le beau style dont les moines de cette époque héroïque avaient le secret ; à ses commentaires de l'Apôtre, des Psaumes surtout, d'une si claire concision, dans lesquels partout son amour et sa science nous révèlent Jésus ou l'Eglise.

La lettre, ou rouleau des morts, qui, selon l'usage de ces temps, avait été portée d'églises en églises, notifiant son glorieux trépas, était revenue au point de départ chargée des témoignages de la vénération universelle. Néanmoins les disciples de Bruno se montrèrent plus soucieux d'imiter sa sainteté, que de la faire reconnaître authentiquement par le Siège apostolique. Ce fut quatre siècles seulement après son passage au  ciel que,

 

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sans procédure et sur la seule évidence de la cause, Léon X autorisa les Chartreux à rendre un culte public à leur Père ; cent ans plus tard, en 1622, Grégoire XV étendit sa fête au monde entier.

 

Voici la Légende que lui consacre aujourd'hui  la sainte Liturgie.

 

Bruno, fondateur de la famille religieuse des Chartreux, naquit à Cologne. Il donna dès le berceau des marques de sa future sainteté. Avec l'aide de la grâce divine, la gravité de ses mœurs lui fit éviter les légèretés du jeune âge ; et telle était déjà su vertu qu'on pouvait deviner en lui le père des moines et le restaurateur futur de la vie des anachorètes. Ses parents dont la vertu égalait la noblesse l'envoyèrent a Paris, où ses progrès furent tels en philosophie et en théologie, qu'il obtint le titre de maître et de docteur dans l'une et l'autre faculté. Peu après, ses rares qualités lui firent conférer un canonicat dans l'église de Reims.

 

Quelques années s'écoulèrent et, renonçant au monde avec six compagnons, il vint trouver l’évêque de Grenoble, saint Hugues. A l'exposé du motif de leur arrivée, celui-ci reconnut en  eux  les  sept étoiles que dans son sommeil, la nuit précédente, il avait vues tomber à ses pieds; il leur donna pour retraite dans son diocèse les montagnes sauvages qu'on appelait la Chartreuse, et voulut lui-même les y conduire. Or, après plusieurs années de vie érémitique en ce lieu, Bruno fut mandé à Rome par Urbain II, son ancien disciple. Dans les épreuves si nombreuses de l'Eglise en ces temps, ses conseils et sa science furent grandement utiles au Pontife durant plusieurs autres années ; mais l'archevêché de Reggio lui avant été offert, il le refusa et obtint l'autorisation de se  retirer.

 

L'amour de la solitude le conduisit dans un désert de Calabre situé au territoire de Squillace. Roger, comte de Calabre, l'y découvrit, un jour que, chassant, les aboiements de ses chiens l'amenèrent à la grotte où Bruno était en prières. Frappé de la sainteté du serviteur de Dieu, il l'entoura dès ce jour d'honneur lui et ses compagnons et pourvut à leurs besoins. Libéralité qui ne fut pas sans récompense. Comme, en effet, Roger assiégeait Capoue, un officier de garde, nommé Sergius, avait résolu de le trahir ; mais Bruno, qui vivait encore dans le même disert, apparut au comte qui dormait, lui découvrit tout et le délivra du péril imminent. Enfin, plein de vertus et de mérites, non moins illustre par sa sainteté que par la renommée de si science, le bienheureux s'endormit dans le Seigneur, et on l'ensevelit dans le monastère de saint Etienne construit par Roger lui-même. C'est là qu'on l'honore encore aujourd'hui.

 

 

Bénissez, ô Bruno, la reconnaissante allégresse des enfants de Dieu. C'est de tout cœur qu'ils souscrivent au jugement de l'Eglise leur Mère, lorsque parmi les beaux arbres aux fruits savoureux (1) qui remplissent le jardin du Seigneur, elle ne cache pas ses prédilections pour ceux dont l'ombre silencieuse attire de préférence l'Epoux sur terre. Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, le lieu de votre repos, de peur que je ne m'égare en suivant les troupeaux de vos compagnons (2). C'est la voix de l'Epouse au Cantique sacré. Et sous le charme de la divine réponse exaltant la meilleure part, vous-même mêlez votre voix au concert de l'Eglise et du Seigneur, disant : « Solitude, silence du désert; allégresse cachée, biens ignorés de la foule, mais connus des vaillants ! C’est le lieu de la culture intense des plants des vertus, où labeur et repos ne sont qu'un et s'alimentent des fruits du paradis. Là, l'œil acquiert ce regard qui blesse le cœur de l'Epoux (3), cette

 

1. Gen. II, 9. — 2. Cant. I, 6.    3.  Ibid. IV,  9.

 

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pureté qui voit Dieu (1). Là est Rachel en sa beauté, plus aimée de Jacob que Lia, quoique moins féconde ; et ses deux fils, Joseph et Benjamin, sont les préférés de leur père (2). »

Vos fils gardent chèrement, dans le calme de leurs traditions, ce privilège des parfaits que l'Eglise ne cesse point de leur reconnaître en nos jours enfiévrés. Simple comme eux tous est l'histoire de leur Ordre, où le surnaturel qui pourtant la remplit semble se garder lui-même du merveilleux et du miracle, où c'est à peine si la sainteté de quelques-uns se détache par l'expresse volonté de Dieu sur l'héroïsme de l'ensemble. Maintenez, ô Bruno, vos enfants dans cet esprit qui fut si bien vôtre ; faites que nous mettions à profit l'enseignement qu'ils nous donnent. Car vraiment semblent-ils avoir pour mission de redire silencieusement au monde avec l'Apôtre : « En ce qui touche les dons spirituels, je vous montre de toutes voies la plus excellente (3). Quand, sans la charité, je parlerais toutes les langues des hommes et des anges, quand je serais prophète et connaîtrais tous les mystères et posséderais toute science, eussé-je sans la charité la foi qui transporte les montagnes, irais-je sans la charité jusqu'à donner tous mes biens pour nourrir les pauvres, jusqu'à livrer mon corps au feu : rien ne me sert. Langues, science, prophétie, tout l'imparfait disparaîtra; la charité demeure toujours (4). Ne jugez pas des choses comme les enfants : soyez parfaits (5). »

 

1. Matth. V, 8. — 2. Bruno, Epist. ad Radulphum — 3. I Cor. XII, I, 31. — 4. Ibid. XIII, 1-3, 8-10. — 5. Ibid. XIV, 20.

 

 

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