LE Ier SEPTEMBRE. SAINT GILLES,
ABBÉ.
Homme simple et droit, qui
craint Dieu et s'éloigne du mal (1) : ainsi les lectures de la nuit, dans
l'Office du Temps, nous décrivent le juste ; c'est tout le portrait du saint moine proposé par l'Eglise à l'hommage de
notre admiration, de notre imitation, de
notre prière. Fuyant les hommes pour
trouver Dieu, il s'éloigne d'une patrie
où sa naissance, où ses vertus plus encore, empêchent qu'il ne soit ignoré ; il sort des villes où les miracles que la charité lui impose
menacent de le mettre en lumière.
Errant des rivages de la Grèce aux bords du Rhône, il s'arrête enfin dans les forêts de la Septimanie; là s'offre à
lui, croit-il, cette solitude définitive
qu'il avait rêvée. Trois années durant, tout à l'action de grâces au fond d'une caverne
obstruée parles ronces, il prie pour le salut du peuple (2) ; il vit d'herbes
et d'eau pure, jusqu'à ce que vienne à lui la biche que le Seigneur a préparée
pour lui
donner son lait, et bientôt,
hélas! le trahir encore. Un jour, dépistée, traquée
par la meute royale, elle fuit tremblante, amenant au Saint les chasseurs. Près
de lui s'est calmé son effroi mortel ; mais une flèche qui devait l'atteindre a
traversé la main de Gilles qui ne se guérira pas, qu'il refusera de
laisser panser pour goûter jusqu'à la fin de sa vie la souffrance.
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Douleur plus grande : près de sa retraite ainsi révélée, un
monastère s'élève, dont il est contraint de devenir le père ; les prodiges se
multiplient, les foules accourent; c'en est fait de l'oubli des hommes, du
silence de sa forêt bien-aimée.
Après la mort du serviteur de
Dieu, le flot des arrivants croît toujours; du Nord, de l'Orient, du Midi,
les multitudes viennent présenter
leurs prières, acquitter leurs vœux, au tombeau de celui que nos pères appellent l'un des Saints les plus
secourables du paradis (1). Aux inconnus se joignent les
Pontifes (2) et les rois (3). Rencontre touchante : c'étaient surtout les
guerriers et les petits enfants que l'on voyait affluer près des reliques
saintes, ceux-là partant pour la croisade armés de toutes pièces, ceux-ci
portés sur les bras de leurs mères ; tous se confiant à l'humble et doux moine
qui apaisa au péril de sa vie les terreurs
de la biche de la forêt ; tous implorant sa protection contre les
frayeurs qui s'emparent des plus braves au milieu des combats, ou viennent
troubler le calme des berceaux. Alors, avec Rome et Compostelle, Saint-Gilles était considéré
comme l'un des trois grands pèlerinages de l'Occident.
Au-dessus des restes du bienheureux s'élevait une gigantesque église,
que l'on a signalée comme
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« le type le plus parfait du style
byzantin parvenu au plus haut degré de splendeur (1). » A l'entour, une ville
de trente mille feux remplaçait le désert de jadis. Le plus illustre des
puissants comtes de Toulouse donnait le pas sur tous ses autres titres à celui
qu'il tenait de la noble cité; Raymond de Saint-Gilles fut le nom sous lequel
il voulut être connu dans l'histoire. Raymond VI, son trop oublieux descendant,
expiait cent ans plus tard au seuil de la célèbre basilique ses connivences
avec l'hérésie ; notre Saint, qui venait de donner à Pierre de Castelnau
l'hospitalité de la tombe, ouvrait ses portes à la réconciliation du meurtrier
présumé du martyr.
Mais nous ne finirions plus :
d'autant qu'il faudrait maintenant dire les églises, les paroisses, les
abbayes, les autels sans nombre consacrés à saint Gilles sur tous les points de
la chrétienté : sources de grâces, centres nouveaux de multiples pèlerinages.
Espagne, Italie, Belgique, Allemagne, Hongrie, Bavière, Pologne, rivalisent
sous ce rapport avec notre France; l'Angleterre ne le cède à aucun pays du
monde, avec les cent quarante-six sanctuaires dédiés par elle au pieux moine et les honneurs que lui continue l'Eglise
établie.
Hâtons-nous de donner sans plus
ample commentaire la brève Légende réservée au saint Abbé, depuis qu'à dater du
XVI° siècle, son jour natal ne compte plus parmi les fêtes à neuf Leçons. La
meilleure part de ses précieuses reliques est conservée au riche trésor de
l'église Saint-Sernin de Toulouse ; Saint-Gilles-du-Gard,
qui avait dû s'en dépouiller pour les sauver des audaces sacrilèges
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de l’hérésie armée, eut en 1865 la
consolation de retrouver le tombeau primitif du bienheureux.
Né à Athènes de race royale,
Gilles, dès son premier âge, s'adonnait
de telle sorte aux lettres divines et aux œuvres de charité,
qu'il ne semblait avoir souci d'aucune autre chose. Aussi, ses parents morts,
distribua-t-il aux pauvres tout son patrimoine, allant jusqu'à dépouiller
sa tunique pour en couvrir un malade dans l'indigence. Celui-ci avait
aussitôt recouvré la santé; puis survinrent beaucoup d autres miracles : en sorte que, craignant
la renommée qui ne pouvait manquer d'en résulter pour lui, Gilles
se rendit à Arles auprès de saint Césaire.
Deux ans après, il le quittait pour
s'enfoncer dans la solitude. Longtemps il n'eut pour notirriture
que des herbes, des racines,
et le lait d'une biche qui venait
à lui à des heures déterminées. Admirable
était devenue sa sainteté, quand un jour cette biche, poursuivie par la
meute royale, s'enfuit vers la grotte
du bienheureux; le roi de France, l'ayant ainsi découvert, obtint à
force d'instances qu'il voulût bien laisser bâtir un monastère au lieu où se trouvait cette caverne. A la
prière du prince, Gilles en prit malgré lui la conduite ; et c'est après s'être
plusieurs années prudemment et pieusement acquitte de cette charge, qu'il passa
au ciel.
Allez à mon serviteur, et
présentez votre offrande,
disait Dieu au temps du juste de l'Idumée ; mon serviteur priera pour vous, et je le regarderai favorablement, et votre
faute ne vous sera point imputée à châtiment (1). Ainsi voyons-nous qu'il
est fait sans cesse dans les innombrables sanctuaires où l'on vous honore, ô
bienheureux Gilles ! Usez pour nous de vos secourables prérogatives ;
exaucez-nous à la
gloire de Celui qui couronne
votre humilité. En retour de l'admirable paix dont votre âme offrit constamment
ici-bas le spectacle au ciel, vous régnez sur les troubles de mille sortes qui
agitent du berceau
à la tombe notre misérable existence. Dès le début de la vie, vous aidez
les mères à chasser les fantômes que promène
dans la nuit l'ennemi des
innocents; vous protégez le premier âge contre l'irruption de ces
maladies terribles qui disputent à l'âme son empire de nature sur l'organisme qui
la doit servir. Vous suivez l'enfant dans les
voies de l'adolescence afin
d'affermir son équilibre moral, en lui donnant pour base la crainte de Dieu qui
fait l'homme sans reproche et sans peur. Dans les dangers, sous la foudre qui
gronde, au sein des batailles, vous le maintenez vaillant et calme; plus que tout, vous tenez à
distance de votre protégé la plus lâche des terreurs, celle du respect humain,
la plus triste des hontes, celle qui recule au tribunal sacré devant
l'aveu des fautes commises pour en avoir
le pardon. Les soucis, les déboires de l'âge mûr, n'atteignent pas la sérénité
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de qui s'appuie sur vous. La
vieillesse n'a pour lui nulle perspective troublante ; il s'endort du dernier
sommeil, sur le sein de Dieu, comme il faisait dans les bras de sa mère aux
premiers jours. Daignez nous accueillir parmi vos dévots clients; que notre
confiance ne soit pas confondue.
Bénévent nous présente douze
frères martyrs, originaires de la terre africaine, et qui triomphèrent en
divers lieux, mais dont la réunion dans ses murs fait aujourd'hui sa gloire.
Unissons-nous à la prière que l'Eglise fait monter vers Dieu en l'honneur de
cet admirable groupe de héros.
ORAISON.
Que cette couronne de frères,
vos Martyrs, soit notre joie, Seigneur : puisse notre foi en recevoir
l'accroissement des vertus ; puisse leur multiple suffrage consoler notre exil.
Par Jésus-Christ.
Nous ne devons pas omettre de
mentionner brièvement que Je présent jour marque pour les Grecs le point de
départ du Calendrier, et qu'ils le célèbrent à cause de cela par une fête
spéciale, dite de l'Indiction ou du nouvel an.