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LE XVIII SEPTEMBRE. SAINT JOSEPH DE COPERTINO, CONFESSEUR.Tandis qu'en France le jansénisme naissant reléguait Dieu par delà d'inexorables barrières, un humble fils du patriarche d'Assise montrait aux foules de l'Italie méridionale combien peu la terre est distante du ciel pour qui sait aimer. Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi, disait le Seigneur (1). De toutes les prophéties, ce fut la plus universelle ; les siècles l'ont vérifiée. Nous l'avons vu dans le domaine même des revendications politiques et sociales, au jour encore récent de l'Exaltation de la Croix sainte. Nous l'éprouverons jusque dans nos corps, au jour de la grande espérance dont il est dit que nous y serons ravis sur les nuées, à travers les airs, au-devant du Christ (2). Mais Joseph de Copertino n'attend pas la résurrection pour en faire la preuve : preuve de fait, dont les garants sont les innombrables témoins de cette vie d'extases aériennes qui se passe dans ce qu'on aime à nommer le plein jour de l'histoire. Lisons le récit que nous en donne la sainte Eglise. 1.
Johan. XII, 32. — 2. I Thess. IV, 16. Joseph naquit de parents pieux à Copertino, ville du territoire de Salente,
au diocèse de Nardo, l'an du salut mil six cent
trois. Prévenu de l'amour de Dieu, il y passa en grande simplicité et innocence
de mœurs les années de l'enfance et de l'adolescence. La Vierge Mère de Dieu
l'ayant délivré d'une opiniâtre et cruelle maladie patiemment supportée, il se
donna tout entier à la pratique de la piété et des vertus. Dieu l'appelait à
une voie supérieure, et pour s'unir plus intimement à lui, il résolut de donner
son nom à l'Ordre séraphique. Après divers incidents, ses désirs furent enfin
exaucés au couvent de la Grotella des Mineurs
Conventuels. D'abord rangé parmi les frères lais pour son ignorance des
lettres, une disposition d'en haut le fit ensuite admettre au nombre des
clercs. Après ses vœux solennels on l'éleva au sacerdoce, et ce fut pour lui le
point de départ d'une vie plus parfaite encore. Brisant dès lors toutes les
attaches du monde et se dépouillant pour ainsi dire du nécessaire même, il
affligea son corps par les cilices, les chaînes, les disciplines, par tous les
genres de châtiments et de tourments, tandis qu'il nourrissait assidûment son
esprit des saintes douceurs de la prière dans la plus haute contemplation.
Aussi la divine charité, qui dès le plus jeune âge était déjà répandue dans son
cœur, prenait-elle en lui chaque jour d'admirables et tout extraordinaires
accroissements. L'ardeur de son très grand
amour parut spécialement dans les très suaves extases qui l'emportaient vers
Dieu et les ravissements prodigieux qui lui étaient ordinaires. Chose admirable
! si prononcée que fût l'extase, la seule obéissance
le rappelait à lui aussitôt. Il se distinguait en effet par son zèle pour la
pratique de cette vertu, ayant coutume de dire qu'elle le menait et ramenait
comme un aveugle, et qu'il eût préféré mourir plutôt que de ne pas obéir. La
pauvreté du patriarche séraphique l'avait pour imitateur si fidèle que, près de
mourir, il put en toute vérité déclarer à son supérieur qu'il n'avait rien à
résigner comme font d'autres religieux. Mort donc au monde comme a lui-même, il
manifestait dans sa chair la vie du Seigneur Jésus. Lui qui sentait en
quelques-uns la honteuse odeur du vice impur, exhalait de son corps un parfum
miraculeux ; c'était le signe de cette pureté resplendissante que, malgré les efforts
prolongés de l'esprit immonde pour l'obscurcir
, il avait conservée sans une tache , opposant à la violence des assauts
une garde étroite de ses sens, une macération continuelle de son corps. Mais
cette victoire, il la devait encore à la particulière protection de la très
pure Vierge Marie, qu'il avait coutume d'appeler sa mère, qu'il entourait en
effet comme une très douce mère de sa vénération et des plus tendres sentiments
de son cœur. Combien grand n'était pas son désir de la voir aussi vénérer par
d'autres, pour qu'avec son patronage, comme il disait, ils trouvassent tous les
biens ! Cette sollicitude du bienheureux
provenait de sa très ardente charité pour le prochain ; le zèle des âmes qui le
pressait lui faisait chercher par tous les moyens à procurer le salut de tous.
Sa chanté s'étendait aussi aux besoins des pauvres, des malades, des affligés
de toutes sortes, qu'il soulageait autant qu'il était en lui. Il n'en excluait
pas ceux qui le poursuivaient de reproches, d'injures ,
d'outrages de tout genre; il les supportait avec cette même patience, cette
même douceur, cette même affabilité joyeuse qu'on vit briller en lui au milieu
des vicissitudes infinies de ces changements de résidence que lui imposèrent
les supérieurs de l'Ordre ou la sainte
Inquisition. Non seulement les peuples,
mais aussi les princes admiraient son éminente sainteté, ses dons surnaturels ; telle était cependant son humilité, que s'estimant un grand pécheur il
priait Dieu instamment d'éloigner de lui
les grâces extraordinaires, et
suppliait les hommes de jeter son corps
après trépas en un
lieu où sa mémoire fût entièrement effacée. Mais Dieu exalte les humbles : il avait durant la
vie comblé son
serviteur, l'enrichissant de la sagesse du ciel, de l'esprit de
prophétie et de discernement des cœurs, de la puissance des miracles, de tous les dons ; il rendit aussi
sa mort précieuse et son sépulcre glorieux. Joseph mourut aux temps et lieu qu'il avait auparavant prédits,
en la soixante et unième année de son âge, à Osimo
dans le Picénum. Ses miracles continuant après sa mort de le mettre en lumière, Benoît
XIV l'inscrivit dans les fastes des Bienheureux, Clément XIII dans ceux des Saints;
Clément XIV, qui était du même Ordre, en étendit l'Office et la Messe à toute l'Eglise. 277 Nous louons Dieu pour les dons prodigieux qu'il daigna vous faire ; mais vos vertus sont merveilles plus grandes. Sans elles, les premiers demeuraient suspects à l'Eglise, à l'Eglise défiante encore, le plus souvent, lorsque depuis longtemps déjà le monde applaudit et admire. L'obéissance, la patience, la charité croissant dans l'épreuve, donnèrent en vous leur cachet d'authenticité divine incontestable à ces faits extraordinaires, dont une contre-façon grimaçante ne dépasse pas le pouvoir naturel de l'ennemi. Satan peut promener Simon dans les airs; il ne saurait faire un homme humble. Digne fils du séraphin d'Assise, puissions-nous à votre suite nous envoler, non par les airs, mais dans les régions de la lumière véritable où, loin de la terre et de ses passions, notre vie soit cachée comme la vôtre avec le Christ en Dieu (1). 1. Collecte et Ant. propres de la fête. Col. III, 3. |