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LE XXVIII SEPTEMBRE. SAINT WENCESLAS, DUC ET MARTYR.Wenceslas nous rappelle, au Cycle sacré, l'entrée d'une valeureuse nation dans l'Eglise. Boulevard avancé du monde slave au milieu de la Germanie, les Tchèques en furent de tout temps la tribu la plus résistante. On sait quel caractère de périlleuse âpreté, mais aussi d'énergie féconde, revêtent en nos jours les revendications sociales de ce peuple, affermi, semble-t-il, contre toute épreuve par la lutte pour la vie des premiers siècles de son histoire. La foi de ses apôtres et de ses martyrs, la foi romaine, sera le salut comme elle est l'union des pays de la couronne de saint Wenceslas. L'hérésie, qu'elle naisse du sol avec les Hussites, qu'elle soit importée d'Allemagne avec les Réformés de la guerre de trente ans, ne sait que mener la nation aux abîmes ; puissent les avances du schisme et ses flatteries intéressées ne jamais lui devenir funestes ! Le petit-fils de la sainte martyre Ludmilla, le grand-oncle de l'évêque moine et martyr, Adalbert, Wenceslas, lui aussi martyr, convie ses fidèles à s'attacher à lui dans l'unique voie où se trouvent l'honneur et la sécurité de ce monde et de l'autre. Lisons le récit de la sainte Eglise. La conversion de la Bohême remonte aux dernières années du IX° siècle, où saint Méthodius baptisa Borzivoi, premier duc chrétien de la descendance de Prémysl, 116 et son épouse sainte Ludmilla. La réaction païenne autant que fratricide qui valut en 936 la couronne du martyre à saint Wenceslas ne se soutint pas. Wenceslas, duc de Bohème,
naquit de Wratislas et de Drahomira,
celle-ci païenne, celui-là chrétien. Il fut élevé dans la piété par sa très
sainte aïeule Ludmilla ; toutes les vertus brillaient en lui ; il garda
précieusement toute sa vie la virginité. Or, sa mère ayant criminellement fait
mourir Ludmilla, s'empara de l'administration du royaume, et elle vivait dans
l'impiété avec son plus jeune fils Boleslas ; d'où indignation des grands qui,
fatigués de ce gouvernement tyrannique et impie, secouèrent le joug de l'un et
de l'autre, et saluèrent Wenceslas comme roi dans la ville de Prague. Conduisant le royaume plus
par la bonté que par l'autorité, telle était sa grande charité pour les
orphelins, les veuves, les nécessiteux, que quelquefois il portait de nuit aux
indigents du bois sur ses épaules, que souvent il assistait à la sépulture des
pauvres ; il délivrait les captifs, visitait au milieu de la nuit les
prisonniers, les aidant fréquemment de ses dons et de ses conseils. Toute condamnation
à mort, si méritée qu'elle fût, atteignait cruellement
l'âme du très doux prince. Souveraine était sa religieuse vénération pour les
prêtres ; de ses mains il semait le blé et pressait le vin
destinés au sacrifice de l'autel. La nuit, nu-pieds sur la neige et la
glace, il faisait le tour des églises, laissant après lui des traces sanglantes
sur la terre réchauffée. Les Anges veillaient sur sa
vie. Comme, pour épargner le sang des siens, il s'avançait en combat singulier
contre Radislas, duc de Gurim,
on vit ces esprits célestes lui fournir des armes et dire à l'adversaire : Ne
frappe pas ; épouvanté, celui-ci tomba à ses pieds, demandant grâce. Dans un
voyage qu'il fit en Germanie, l'empereur aperçut, au moment où il se présentait
à lui, deux Anges qui l'ornaient d'une croix d'or ; s'élançant aussitôt de son
trône, il reçut le Saint dans ses bras, le décora des insignes royaux et lui
fit don du bras de saint Vite. Cependant, poussé par sa mère, l'impie Boleslas,
ayant invité son frère à un festin, le tua, avec l'aide de complices, comme il
priait ensuite à l'église, n'ignorant point la mort qu'on lui préparait. Son
sang jaillit sur les murs, et on l'y
voit encore. Dieu le vengea : la terre engloutit l'ignoble mère ; les
meurtriers périrent misérablement de diverses sortes. Cette église où vous fûtes couronné, ô Martyr, était celle des saints Côme et Damien, dont la fête vous avait attiré vous-même au lieu du triomphe (1). Comme vous les honoriez, nous vous honorons à votre tour. Comme vous encore, nous saluons l'approche de cette autre solennité qu'annonçaient vos dernières paroles, au festin fratricide : « En l'honneur du bienheureux Archange Michel, buvons cette coupe, et prions-le qu'il daigne introduire nos âmes dans la paix de l'allégresse éternelle (2). » Toast sublime, quand déjà vous teniez en mains le calice du sang ! O Wencesias, pénétrez-nous de cette intrépidité dont l'humble douceur ne dévie jamais, simple comme Dieu à qui elle tend, calme comme les Anges à qui elle se confie. Secourez l'Eglise en nos jours malheureux : tout entière, elle vous glorifie ; tout entière, elle a droit de compter sur vous. Mais, spécialement, gardez-lui le peuple dont vous êtes la gloire ; fidèle comme il l'est à votre mémoire sainte, se réclamant de votre couronne en toutes ses luttes de la terre, les écarts pour lui ne sauraient être mortels. 1. Christian de Scala, fils du fratricide Boleslas le Cruel et neveu du Saint, qui, devenu moine, écrivit la vie de saint Wencesias avec celle de sainte Ludmilla. — 2. Ibid. |