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LE MÊME JOUR.

SAINT YVES, CONFESSEUR.

 

Nous craindrions d'imposer une privation à la piété de nos lecteurs, si nous omettions aujourd'hui la mémoire d'un saint dont le culte n'est que local, il est vrai, mais qui n'en a pas moins été, durant des siècles, l'objet d'une vénération presque universelle. Au reste, la catholique Bretagne, sa patrie, n'a rien perdu du fervent amour qu'elle portait autrefois à son saint Yves ; et cette noble province a bien le droit que l'on recommande ici sa fidélité à ses saintes et antiques traditions. Dans ses églises, l'image patriotique d'un si célèbre patron est entourée d'un culte particulier ; dans ses villes et ses gros bourgs, le nom de saint Yves désigne et consacre toujours quelque rue ou quelque place ; et d'innombrables familles se transmettent, de génération en génération, ce nom béni comme un précieux héritage.

Yves est monté en ce jour vers son Sauveur ressuscité, après l'avoir représenté sur la terre par le sacerdoce dont il fut revêtu, par son zèle pour le salut des âmes, et par son héroïque charité envers les pauvres. Mais ce qui a frappé le plus vivement l'imagination des peuples, c'est le justicier qui rendait ses sentences avec une équité

 

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à laquelle nul n'eût osé contredire ; c'est l'avocat qui ne plaida jamais que dans un but charitable ; car saint Yves s'est assis sur le siège du magistrat durant une partie de sa vie, et plus tard on l'a entendu plaider au palais, non seulement dans les villes de la Bretagne, mais au loin, jusque dans Paris. Cette vie étonnante, qui est une merveille du XIII° siècle et s'achève dans le XIV°, se rehausse encore de l'éclat des miracles, avec un luxe qui est en juste rapport avec la vive foi des Bretons ; et l'on peut affirmer qu'après saint Martin, saint Yves est le thaumaturge de la France.

Honorons cet homme aux entrailles de miséricorde qui fut le modèle des magistrats, et ne porta jamais une sentence pénale que l'on ne vît des larmes couler de ses yeux, parce qu'il faisait réflexion sur lui-même, et pensait qu'il serait jugé à son tour ; cet homme qui, changeant de rôle, fit si souvent entendre sa voix au palais dans l'intérêt du pauvre et de l'opprimé; vrai gentilhomme breton devenu plus tard, sous la robe du prêtre, l'émule des chevaliers de son sang; cet homme en tin qui voua sa vie et ses forces aux saintes fonctions de curé de campagne, et réalisa l'idéal de ce touchant ministère avec une perfection qui a rendu son nom impérissable. L'amour de la pauvreté et les habitudes de la plus sévère pénitence en firent un personnage tout céleste ; et quand l'heure fut venue, il s'élança vers le souverain bien avec toute l'ardeur de l'exilé auquel il est permis de rentrer dans sa patrie. Peu de jours avant son départ pour le ciel, il se trouvait au château de Coatredan, chez Typhaine de Pestivien, dame de Kéraurais : « Depuis quelque temps, dit-il à la pieuse femme, je me sens très affaibli ; je m'attends à mourir sous peu, et je m'en réjouis fort, si c'est le bon plaisir de Dieu. » — « Ne dites pas cela, s'écria la noble châtelaine; quel malheur pour moi et pour tant d'autres qui tirons un si grand profit de vos exemples et de vos enseignements !» — « Vous vous réjouiriez, répondit le saint Recteur, si vous aviez terrassé votre ennemi ; laissez-moi donc me réjouir de mon trépas; car j'ai la confiance d'avoir, par la grâce de Dieu, vaincu mon adversaire. » Tel fut dans toute sa vie cet homme simple et fort, au milieu d'une population digne de le comprendre. Mais non seulement il commandait aux hommes ; la nature elle-même obéissait à sa voix; et lorsque les prélats commis par le Souverain Pontife pour instruire la cause de sa canonisation, eurent à présenter dans le consistoire le résultat de leur enquête sur les lieux, ils déclarèrent que, sur le nombre des miracles avérés qu'ils avaient à constater, ils s'étaient contentés d'en recueillir cent dont ils apportaient les procès-verbaux.

 

Nous donnons ici les Leçons de l'Office de saint Yves, que nous avons empruntées au Propre de l'Eglise de Nantes.

 

 

Yves, prêtre de Tréguier, était fils d'Hélorius et d'Hadone , tous deux de race noble. Dès son enfance, il se distingua par sa piété, visitant les églises soir et matin, et se montrant empressé à servir les prêtres et les autels. Sa pieuse mère l'exhortant un jour à tendre à la sainteté, il lui répondit qu'il n'avait pas d'autre désir. En effet, lorsqu'il lui arrivait de lire la Vie des saints, s'il y rencontrait quelque trait de perfection, il s'efforçait de l'imiter autant qu'il lui était possible. Il lit ses premières études à Paris, et vint ensuite à Orléans pour s'y livrer à la théologie et au droit canonique. Fuyant le vin et la bonne chère, ainsi que tous les plaisirs, il domptait son corps par les austérités, en sorte qu'à cet âge si dangereux de la jeunesse il maintint son âme agréable à Dieu par une entière chasteté,  l'archidiacre de Rennes l'appela auprès de lui, et le chargea de rendre la justice en son nom. Yves fit paraître la plus rare intégrité dans cet office, ne portant jamais une sentence pénale sans verser des larmes, et s'efforçant toujours de concilier les parties entre elles. L'évêque de Tréguier l'établît officiai dans sa cour épiscopale; mais Yves,après avoir exerce quelque temps cet emploi avec une grande distinction, désirant s'adonner avec plus de liberté à la contemplation des choses divines, se démit de son office, et se chargea du gouvernement de la paroisse de Tresdretz, d'où il fut appelé à celle de Lohanet, dont il demeura curé jusqu'à la fin de sa vie.

 

Il y vécut de la manière la plus frugale et la plus austère, vêtu d'un habit grossier qui couvrait un cilice. Son sommeil était court; il le prenait sur la terre nue ou sur des morceaux de bois étendus à terre, avant pour chevet une Bible, ou d'autres fois une pierre. Il se levait à minuit pour réciter l'Office divin, célébrait la Messe chaque jour, à moins qu'il n'en tût empêché par de très graves affaires ou par la nécessite. Il portait dans cette sainte action au plus haut degré la pureté de conscience et la ferveur de l'esprit. Un jour, au moment où il élevait la sainte hostie afin que le peuple l'adorât, chacun la vit entourée d'un cercle de feu qui répandait une admirable splendeur. Son attrait pour l'oraison et la contemplation était si grand, que souvent il lui fit oublier de prendre sa nourriture. On le vit quelquefois passer la semaine entière dans sa chambre, fixe dans une oraison continuelle.

 

Sa libéralité envers les pauvres, son hospitalité à l'égard des étrangers, sa compassion pour les malades, étaient merveilleuses ; il servait chacun avec tout l'empressement de son âme. Il vouait tous ses efforts et consacrait son patronage à secourir les orphelins et les veuves dans leurs nécessités, et souvent il plaidait leurs causes dans les tribunaux, en sorte qu'on l'appelait volontiers le père et l'avocat des pauvres. Non seulement il annonçait avec assiduité la parole de Dieu dans son église; mais il prêchait encore dans les paroisses environnantes. Un jour qu'il s'était mis en route pour remplir cette fonction, il trouva tout couvert d'eau un pont sur lequel il avait coutume de passer la rivière. Il fit le signe de la croix sur les eaux, qui s'écartèrent aussitôt pour le laisser passer, et revinrent dès qu il eut traversé le pont. Enfin, épuisé par ses pieux travaux, après avoir prédit le jour de sa mort, muni des sacrements, il s'endormit saintement dans le Christ, étant âgé de cinquante ans, le quatorze des calendes de juin, l'an du salut mil trois cent trois. Il fut enseveli dans l'église de Tréguier, où l'on conserve encore aujourd'hui son chef avec vénération. Quarante-quatre ans après sa mort, il tut mis au nombre des Saints par Clément VI , à Avignon.

 

Puissant serviteur de Dieu, vous à qui la voix r du peuple chrétien a décerné le beau nom d'Avocat des pauvres, écoutez l'humble prière des fidèles qui viennent aujourd'hui remettre entre vos mains la cause de leur salut. Vous avez été

 

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cher au Christ, « notre Avocat auprès du Père (1) », parce que vous avez été comme lui le protecteur du faible contre l'oppresseur (2); vous avez attiré sur vous les regards miséricordieux de Marie, que la sainte Eglise appelle « notre Avocate » ; plaidez maintenant en notre faveur en présence du fils et de la mère. Votre charité si vive et si agissante ici-bas est plus ardente encore dans les cieux ; nous la réclamons en ce jour où vous avez quitté la terre de l'exil pour la patrie. Tant de prodiges opérés à votre glorieux tombeau montrent assez que vous êtes demeuré attentif et compatissant aux besoins des habitants de la terre. Nous vous demandons d'élever nos cœurs jusqu'à Jésus ressuscité que vos yeux contemplent maintenant, et vers lequel vous avez constamment aspiré ici-bas. Obtenez que nous soyons affranchis comme vous des convoitises terrestres, et que nous aimions la justice comme vous l'avez aimée. Inspirez aux magistrats qui recourent à vous le sentiment que vous éprouviez vous-même sur votre tribunal, en pensant à la suprême judicature du Christ qui doit, au dernier jour, reviser toutes les sentences de la terre. Suscitez des défenseurs qui plaident la cause de l'opprimé, non pour un vain renom d'éloquence ou pour un intérêt mondain, mais pour rendre hommage au bon droit. Aimez toujours, ô grand Yves, la noble terre qui vous a produit pour l'Eglise et pour le ciel. Jusqu'ici votre protection l'a maintenue catholique et fidèle; en retour du culte fervent et patriotique dont elle vous honore, demandez au Seigneur qu'il lui conserve la foi, qu'il la préserve de la séduction, qu'il la maintienne ferme et loyale dans un temps où les

 

1. I JOHAN. II, I. — 2. Psalm. LXXI, 12-14.

 

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caractères défaillent parce qu'ils sont moins chrétiens. La Bretagne est demeurée votre héritage ; ne la laissez pas déchoir.

 

FIN DU TOME DEUXIEME.

 

 

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