JEAN-BAPTISTE III
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TOUSSAINT
CANTIQUE

TROISIÈME SERMON POUR LA NATIVITÉ DE SAINT JEAN-BAPTISTE.

1. « Parmi tous ceux qui sont nés de la femme, il n'en est pas de plus grand que Jean-Baptiste (Matth. XI, 11).» Salomon dit : « Que les lèvres de votre prochain vous louent (Prov. XXVII, 2). » Mais il est plus heureux et plus glorieux pour un homme, d'être loué da la bouche de son Dieu. Dieu, en effet, ne peut ni flatter, ni se tromper. Dieu ne loue pas facilement quelqu'un qu'il voit pouvoir s'enfler des louanges, ou devoir se damner à la fin. C'est avec raison qu'on a prescrit à l'homme de ne faire l'éloge de personne durant la vie, parce qu'il ne peut connaître son intérieur ni prévoir ses derniers jours, alors qu'il est obligé de dire de lui-même : « Je n'ai conscience de rien, néanmoins je ne suis point justifié pour cela ( I Cor. IV, 4). » En effet, « il y a des justes et des sages, et leurs couvres sont entre les mains de Dieu, » et cependant « nul ne sait s'il est digne d'amour ou de haine, et tout se réserve dans l'incertitude pour l'avenir (Eccle. IX, 2). » Heureux donc celui qui mérite de savoir par le témoignage du juge lui-même qu'il est digne d'amour, car le témoignage rendu à la justice actuelle n'ôte pas le soupçon qu'inspirent la mobilité humaine et la crainte de l'avenir. On a pourtant un indice indubitable d'une grande vertu et d'une remarquable perfection, toutes les fois que le jugement irréfragable du Seigneur daigne honorer de ses éloges un homme encore soumis à la corruption. Oui, c'est une grande louange de justice, que la souveraine vérité adresse à Noé en ces termes : « Je t'ai vu juste devant moi (Gen. VII, 1). » C'est la marque d'un mérite éclatant que Dieu atteste à Abraham, que, à cause de lui, il accomplira les promesses qui lui ont été faites (Gen: XVII et XXII). Et quelle gloire d'entendre le Seigneur glorifiant contre l'esprit jaloux de son serviteur, le bienheureux Job : « As-tu considéré Job, mon serviteur, as-tu vu qu'il n'y a point son semblable sur la terre, homme simple et droit, craignant Dieu et fuyant le mal (Job. I, 8). » Quelle grâce aussi, lorsqu'il s'enflammait de zèle pour la défense de Moïse et s'élevait contre ses rivaux ? « Si, parmi vous, il y a un prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en vision ou je lui parlerai en songe. Mon serviteur Moïse n'est-il pas en ce cas, lui qui est très-fidèle en toute ma maison. Je lui parle bouche à bouche, il voit Dieu en face et non pas en figures. Pourquoi donc n'avez-vous pas craint de parler mal de lui (Num. XII, 6)»? Et parmi tous, qui est comme David, au sujet duquel le Seigneur se glorifie, qu'il a trouvé un homme selon son cœur.

2. Cependant, quelque grands que fussent ces personnages et d'autres encore, ni parmi eux, ni parmi les autres, qui sont nés de la femme, au témoignage du fils de la Vierge, nul ne fut plus grand que Jean-Baptiste. Car, bien que l'étoile diffère de l'étoile en clarté, et que, dans les constellations des saints astres qui éclairèrent la nuit de ce siècle, avant le lever du soleil véritable, quelques-uns aient projeté des lueurs ravissantes, nul, parmi eux, n'a été plus grand ou plus éclatant que cette étole lumineuse, que cette lampe ardente et brillante que le Père a préparée pour son Christ; que ce Lucifer, dis-je, brillant avant la lumière, et qui; précédant le Soleil, a annoncé aux mortels l'approche du jour, et a crié à ceux qui dormaient dans les ténèbres et à l'ombre de la mort : « Faites pénitence, le royaume des cieux approche (Matth. II, 3). » Comme s'il disait : « La nuit s'en va, le jour est arrivé; rejetez donc les œuvres des ténèbres (Rom. XIII, 12). Levez-vous, vous qui dormez, sortez de la mort, et le Christ vous éclairera. (Ephes. V, 19). »

3. Il ne faut pas négliger de remarquer, il faut considérer avec attention et dire, quel mérite élevé, quelle grâce, quelle vertu excellente, aperçut en lui l'œil de Jésus-Christ, que rien ne trompe, puisque après avoir fait un éloge si pompeux des saints dont nous avons parlé, le divin Maître prononça à son sujet cet oracle, que parmi « ceux qui étaient nés de la femme, » nul « n'avait été plus grand » que Jean, et jugea préférable à un ange ou à l'un de ceux qui, en quelque façon, égalent les anges. Et ce n'est pas une seule fois, par manière d'acquit, en peu de mots, qu'il fit les louanges de cet homme admirable ; mais toutes les fois qu'il trouvait l'occasion d'en parler, il se plaisait à insister sur ses louanges, comme le montre facilement le récit Evangélique. C'est pour cela que saint Marc, saint Luc et saint Jean lui ; consacrent le commencement de leurs livres, pour que l'autorité d'un si grand nom, mis tout d'abord en avant, recommandât davantage la suite de l'Evangile, et que le flambeau luisant et ardent, mis au seuil et au vestibule, conduisît à la lumière qui luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne pouvaient comprendre. Quant à saint Matthieu, parce que la naissance du Seigneur le tenait occupé au début de son récit, aussitôt qu'il a laissé le divin enfant à Nazareth pour y être élevé, il tourne sa plume vers son précurseur qui lui conféra le baptême; il lui semblait que tout ce qu'il dirait de l'Époux serait imparfait, s'il ne parlait point de son inséparable ami. Les apôtres, dans leur récit, que dis-je, non-seulement les apôtres, mais encore les prophètes et les anges qui annoncèrent le Messie, n'eurent pas peu de soin de produire le flambeau du Christ, de montrer le témoin du Seigneur, de telle façon que sa splendeur et son autorité confondissent facilement les ennemis et que sa grandeur rendît manifestement hommage à l'incomparable grandeur du Très-Haut. Car lorsque le plus grand d'entre les enfants de la femme assurait que le Fils de la Vierge surpassait si prodigieusement sa propre grandeur, qu'il se proclamait indigne de porter ses chaussures, que donnait-il à comprendre, sinon que ce Fils de la vierge était le « Seigneur grand, dont la grandeur n'a pas de fin? (Psalm. CXLIV, 1). » Dont il est dit: « Qui dans les nuages sera l'égal du Seigneur, qui parmi les enfants de Dieu, sera semblable à Dieu (Psalm. LXXXVIII, 7) ? Et cette grandeur de saint Jean, qui l'éleva tant parmi les plus haut placés, consista en ce qu'il mit en lui le comble à ses grandes et innombrables vertus qui ne lui laissèrent nulle part le second rang, par l'humilité, la plus considérable de toutes. Lorsqu'on le regardait comme le plus grand de tous, de lui-même et en toute dévotion il se montrait le plus humble des hommes, et cela au point de se reconnaître indigne de porter les chaussures de Jésus (Luc. III, 16).

4. Que d'autres s'étonnent donc qu'il ait été annoncé, par les prophètes, promis par un Archange, et par l'Archange qui annonça le Christ. alors que Jésus fut annoncé dans un appartement, et Jean dans le sanctuaire; qu'il soit né de parents si saints et si nobles, de parents âgés et stériles, contre la règle de la nature et par un effet grâce; qu'il ait été sanctifié avant de naître ; prophète avant de prophétiser, ange remplissant sur la terre une office angélique, et menant dans le corps, une vie qui n'était pas de la chair, que bien qu'innocent, il ait donné un modèle parfait de pénitence plus par ses exemples que par ses paroles ; qu'il ait prévenu, dans l'esprit et la vertu d'Elie, l'avènement du Rédempteur, et lui ait préparé une route dans le désert; qu'il ait ramené les cœurs des pères vers les fils, et les cœurs des fils vers les pères; qu'il ait mérité de baptiser le Fils, d'entendre la voix du Père, de voir le Saint-Esprit ; qu'il ait, jusqu'à la fin, combattu pour la vérité ; que même il ait devancé le Christ dans les enfers, et que, avant la passion du Christ, il ait été le martyr de Jésus. Que d'autres admirent tout cela, si pourtant il se trouve quelqu'un qui puisse dignement l'admirer; pour nous, mes frères, ce que nous avons, non-seulement à admirer, mais à encore à imiter, c'est sa vertu d'humilité, par l'influence de laquelle, il ne voulut pas, lorsque cela lui était possible, passer pour plus grand qu'il n'était, et même arrêta, autant qu'il fut en lui, les peuples, pour qu'ils ne se trompassent point, en ayant cette idée de sa personne. Cet ami fidèle de l'Époux, qui aimait son maître plus que sa gloire, désirait descendre, afin que Jésus grandit (Joan. III, 30), s'efforçait d'augmenter son éclat en s'éclipsant devant lui, prononçait par ses œuvres et en vérité, avant l'Apôtre, cette parole apostolique : «Nous ne nous prêchons point nous-mêmes, mais nous prêchons Notre-Seigneur Jésus-Christ (II Cor. IV, 5).»Voilà pourquoi, Seigneur, grande est sa gloire, en votre salut, en votre Jésus, dont la justice et la bonté ont pour effet d'aimer ceux qui l'aiment, et de glorifier ceux qui le glorifient. Oui, grande est sa gloire en Jésus, mais venant de Jésus, de ce divin Maître qui l'a glorifié en lui d'abord, lorsqu'il a partagé sa gloire avec ce divin serviteur, et devant les hommes, par le témoignage sorti de sa bouche. Jean était persuadé du conseil fidèle que donne le sage : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur; ce n'est point, en effet, celui qui se vante qui est approuvé, c'est celui que le Seigneur veut bien louer (Ibid.). » Il aima mieux se glorifier sainement dans le Seigneur, que vainement en soi-même, parce qu'il préféra recevoir les éloges justes et vrais du Seigneur, que les louanges fausses et trompeuses de sa propre bouche. Aussi, il fut agréable à Dieu et aux hommes, et sa gloire c'est la vérité devant les hommes et la félicité en Dieu; et s'il s'était glorifié, sa gloire n'eût rien été.

5. O enfants des hommes, jusques à quand votre cœur sera-t-il appesanti? Pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge (Psalm. IV, 3) ? Pourquoi aimez-vous la gloire vaine et mensongère, et ne voulez-vous pas la gloire qui vient de Dieu seul? Mais, comment la cherchez-Nous? Plût au ciel que ce fût en faisant de grandes actions, non pas en tenant des discours pompeux; que ce fût au moins en disant la vérité quelque avec vanité, non point en mentant ouvertement; et même enfin que ce fût en mentant à votre sujet seulement, non point en parlant mal des autres ! Cela n'est pas recevoir ou chercher la gloire, c'est bien plutôt la ravir et la voler. Chercher la gloire, non par le chemin qui y mène, mais par une route opposée, non par celle à qui est due la gloire, mais par celle qu mérite la confusion, c'est-à-dire, non par le mérite de la vertu, mais par la rapine exercée au moyen du mensonge et de la détraction, qu'est-ce autre chose, que ravir, voler méchamment ce que vous convoitez honteusement? Certainement, si vous ne cherchez pas la gloire qui vient des hommes, si vous l'acceptez quand elle s'offre, dès-lors vous marcherez selon la vérité. Mais que dire ici? Lorsque non-seulement vous la recevez si on vous la présente, mais encore vous le poursuivez quand elle ne vient pas? Que dire lorsque vous tuez votre frère, pour ainsi parler, avec une langue remplie de ruse et de venin, afin de vous approprier sa gloire, afin de paraître meilleur à cause de son mal, plus glorieux à cause du mépris dans lequel il tombe? Si l'une de ces choses, recevoir ou chercher de la gloire de la part des hommes, est la vanité des ennemis, qu'est la dernière faute dont nous venons de parler, sinon la cruauté de gens sans entrailles? Si la première, pour employer des termes adoucis, est une tentation humaine, la seconde, qu'est-elle, sinon une imitation du démon? Oui, ils imitent le démon, ceux qui se tiennent de son côté, c'est-à-dire tous les orgueilleux. C'est lui qui est le roi dominant sur tous les fils de l'orgueil.

6. Comment, dites-vous, l'imitent-ils ? C'est parce qu'il fut atteint d'orgueil, que le démon fut jaloux de celui qui était meilleur que lui, c'est-à-dire, de Dieu, et parce qu'il en fut jaloux il en parla mal. De même, les fils de son orgueil, dès qu'ils sont infectés de son vice, c'est-à-dire de l'amour de leur propre excellence, se mettent à être envieux de celle des autres. En commençant à être envieux, ils se mettront, s'ils le peuvent, à parler mal, afin de s'agrandir de ce qu'ils ont enlevé à coup de langue au prochain. Qu'ils feraient mieux d'imiter l'humilité de saint Jean qui ôtait de son fonds pour donner à un autre, qui s'efforçait d'être moindre qu'on ne le pensait, afin qu'un autre commençât à paraître ce qu'on ne croyait pas qu'il fût. Enfin si l'humilité. ne vous plaît pas à raison de son honnêteté et de son équité, qu'elle vous plaise au moins à cause de son utilité : nul chemin n'est plus droit ou, plus doux pour arriver à la gloire devant Dieu, aucune route n'est plus belle, plus juste et, souvent, nulle n'est plus courte pour parvenir à celle qui éclate devant les hommes. « Plus vous êtes grand, » dit l'Ecriture, « plus il faut vous humilier en toutes choses et vous trouverez grâce devant Dieu et devant les hommes (Eccle. III, 20). » Cette vertu a rendu saint Jean glorieux auprès de Dieu et auprès des hommes, comme l'est ce jour qui, à raison de sa glorieuse nativité, donne de la consolation au monde, de la joie au ciel, de la gloire à Dieu, à qui honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

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