CARÊME II
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TOUSSAINT
CANTIQUE

SERMON POUR LE SAMEDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME. Sur la parabole de l’enfant prodigue.

1. O heureuse humilité des pénitents! O bienheureuse espérance de ceux qui confessent leurs fautes! que vous êtes puissante auprès du Tout-Puissant, avec quelle facilité vous triomphez de celui qui est invincible, avec quelle promptitude vous changez le juge redoutable en père très-miséricordieux ? Cet enfant prodigue, dont nous avons entendu raconter, pour notre grande édification, le voyage pleins d'ennuis, la pénitence remplie de larmes, et le retour glorieux ; cet enfant prodigue, si gravement coupable, n'avait pas encore avoué sa faute, mais il avait avec raison résolu de la confesser : il n'avait point encore satisfait, mais il avait incliné son esprit à vouloir satisfaire, et presque par le seul effet de la résolution qu'il avait conçue dans son humilité, il obtint de suite le pardon , ce pardon qu'on sollicite tant de temps avec des vœux si ardents, qu'on implore avec des larmes si abondantes et qu'on sollicite avec des instances si vives. La confession seule procura l'absolution au larron sur la croix, la seule volonté d'avouer sa faute la valut à l'enfant prodigue. « J'ai dit, s'écrie-t-il, je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur, et vous avez remis l'iniquité de mon péché (Psalm. XXXI, 5). » Votre miséricorde nous prévient en tous lieux. Elle avait prévenu la volonté de la confession, en l'inspirant elle prévient la voix de la confession, en lui pardonnant ce qu'il avait à accuser. « Lorsqu'il était encore éloigné, dit l’Evangeliste (Luc XV, 20), son père l'aperçut et fut touché de miséricorde, puis accourant il se précipita à son cou et il l'embrassa. » Selon l'énergie de ces paroles, il tardait plus au Père d'avoir donné le pardon à son fils, qu'au fils de l'avoir reçu. Il se hâtait ainsi de délivrer le coupable du tourment de sa conscience, comme si la compassion pour ce malheureux faisait plus souffrir ce père miséricordieux, que le mal ne faisait souffrir le fils lui-même. Nous ne tenons point ce langage pour mettre dans la nature immuable de Dieu les affections humaines, mais pour inspirer à notre cœur de douces impressions envers cette bonté souveraine, en montrant, par une similitude empruntée à l'humanité, que Dieu nous aime plus que noua ne l'aimons nous-mêmes.

2. Mais voyez comment la grâce a surabondé là où le péché a abondé. Le coupable pouvait à peine espérer le pardon : le juge, ou pour mieux dire, l'avocat accumule la grâce. « Apportez vite son premier habit,-et donnez-le lui, passez-lui l'anneau au doigt, mettez-lui les chaussures aux pieds, amenez le veau gras, tuez-le, mangeons-le et faisons un repas : parce que mon fils était mort et il est ressuscité. » Mais pour passer tous ces détails pour ne rien dire du « premier habit, « c'est-à-dire, de la sanctification de l'esprit, dont l'homme est vêtu à son baptême, et revêtu dans la pénitence; « de l'anneau de la foi, dont il est marqué ; des chaussures, » dont ses pieds sont entourés pour fouler les serpents venimeux ou pour annoncer l’Evangile : « du veau gras, » qui est immolé pour lui sur l'autel, « de ces joies commandées à tout le ciel pour le retour de ce fils : pour ne rien dire de ces détails que nous laissons à de plus savants, quelle grâce et quelle douceur n'y a-t-il pas dans l’étreinte et le baiser de tendresse de ce père ? Quels transports de joie n'annoncent-ils pas ? Quelle sainte allégresse ne manifestent-ils pas ? «Il se précipita à son cou,» dit le texte sacré, « et il l'embrassa. » En déployant ainsi son affection pour lui, que faisait-il autre chose dans ces baisers et ces étreintes, que de s'insinuer en lui, de le pénétrer, et de l'aspirer, afin de devenir, par cette adhésion, un seul et même esprit avec lui, de même que, dans ses voluptés, ce malheureux fils était devenu un même corps avec les courtisanes? Pour cette miséricorde souveraine, c'était peu de ne pas fermer aux malheureux pécheurs les entrailles de sa compassion : elle les attire et les met au nombre de ses propres membres. Elle ne pouvait pas se les attacher plus étroitement, elle ne nous pouvait rendre plus intimes, qu'en nous incorporant à elle : qu'en nous unissant, par sa charité et par une puissance ineffable, non-seulement au corps qu'elle a pris, mais même à son esprit. Si telle est la grâce accordée aux pénitents, quelle sera la gloire de ceux qui règnent ? Si telles sont les joies accordées aux malheureux, quels seront les transports des bienheureux ? Et que réserve dans la patrie, celui qui fait de telles avances dans la voie? Ce qui n'est jamais entré dans l'esprit de l'homme; de lui devenir semblables, en sorte que Dieu soit tout dans tous.

3. O bienheureux pécheur, bienheureux non parce que tu es pécheur, mais parce que tu t'es repenti de ton péché, quelles étaient, je te le demande, tes impressions dans les embrassements et sous les baisers de ton père, lorsqu'il te ranimait presque désespéré, lorsque te redonnant un cœur pur, il te rendait la joie de son salut? Et comment, répond-il, les paroles expliqueront-elles ce que l'esprit ne saisit pas? Inénarrables sont les gémissements, inexplicables sont les affections que l'esprit produit lorsqu'il est pénétré par la substance incompréhensible ? Le cœur humain est étroit, aussi quand il est déchiré, il se répand, et, comme il le peut, par les larmes , les gémissements et les soupirs , il laisse exhaler l'ardeur qu'il conçoit, sans la contenir. Ceux qui ont goûté plus souvent et plus abondamment ceps impressions, les connaissent parfaitement. Et maintenant, quand, après ces étreintes et ces baisers, laissé à toi-même, tu réfléchis à ton père et à toi, lorsque tu penses à ta conduite et à la manière dont il l'a appréciée, quand tu vois, d'un coté, l'abondance de son péché et d'un autre, la surabondance de la grâce, quelles émotions, je te le demande, cause en toi cette considération? Comment, s'écrie-t-il, un feu insupportable ne s'enflammerait-il pas dans une pareille méditation, excité d'un côté par la douleur et la honte, de l'autre par la joie et l'amour ? Je me regarderais, non comme un homme, mais tomme une pierre, si j'avais le cœur assez dur pour ne pas avoir de honte ou de douleur de ma conduite, ou si j'étais assez méchant et assez ingrat pour ne point me fondre d'amour ou de joie à l'égard d'un si bon père.

4. Conserve donc, heureux pécheur, garde avec soin et vigilance cette disposition, ce juste sentiment d'humilité et de péché : aie toujours ces impressions d'humilité par rapport à toi, et d'amour par rapport à la bonté du Seigneur. Il n y a rien de plus grand dans les dons du Saint-Esprit; rien de plus précieux dans les trésors de Dieu, rien de plus saint parmi toutes les grâces, rien de plus salutaire dans tous les mystères. Garde, si tu veux être gardé toi-même, garde cette humilité de sentiments et de paroles que tu exprimes à ton père en lui disant: « Père, je ne suis pas digne d'être appelé votre fils, faites-moi comme l'un de vos mercenaires. Rien n'attire plus le père que le sentiment exprimé par cette parole, jamais tu ne te rendras un digne fils, que si tu continues à avouer ton indignité. Cette humilité justifie non-seulement les pécheurs, mais elle consomme les justes, et accroît leur sainteté: si, même après avoir accompli tout ce qui leur avait été prescrit, ils se regardent comme des serviteurs inutiles. Que ton péché te soit toujours présent, et, selon le conseil du Sage, « ne sois point sans crainte au sujet de la faute qui t'a été pardonnée (Eccle. V, 5). » Les jugements de Dieu sont cachés et inconnus : il ne faut point concevoir à leur sujet de présomptions téméraires, alors que nous n'avons rien de plus assuré en ce qui les concerne, sinon qu'ers présence de Dieu nul homme vivant ne sera justifié qu'autant qu'il se jugera pécheur. Sans cela, toutes nos justices sont comme les linges souillés d'une femme à son époque (Isa. LXIV, 6). Sa miséricorde t'accueille avec faveur, te protège avec tendresse : crains le jugement, tremble que la grâce donnée à l'humilité ne soit ravie à l'orgueil. Tu avais choisi d'être abaissé dans la maison de ton père ; tu étais content de devenir comme l'un de ses mercenaires : persiste dans ce sentiment, afin d'être élevé à les postes plus considérables, quand même tu aurais été placé à quelque degré supérieur. Occupe ou désire toujours occuper la dernière place; réclame, non la liberté des enfants, mais la servitude du mercenaire. Éprouve, pour ton père, un tendre dévouement, et reconnais au fond de ton cœur ce qu'il a hérité de sa part : mais contente-toi de l'humilité et du travail du mercenaire, en te rappelant ce que tu as mérité de ton côté. De quelques vertus que tu paraisses orné, quelques services que tu sembles rendre à ton père, ne te départis jamais de l’humilité par laquelle tu es parvenu à lui plaire et sans laquelle tu lui seras désagréable. Car l'humilité est la plus grande de toutes les vertus, bien qu'elle ignore qu'elle est une vertu. Elle est la racine, la semence, le foyer et la vigueur de presque toutes les vertus, elle en est le comble et le faite, la garde et la règle. Elles commencent par elle, par elle, elles progressent, elles sont consommées en elle, et sont conservées par elle. Et comme elle donne à toutes les vertus d'être vertus, si quelqu'une d'elles vient à manquer ou à être moins parfaite, progressant à son défaut, elle donne de son fonds de quoi compenser ce qu'elle ne fournit pas.

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