NATIVITÉ V
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TOUSSAINT
CANTIQUE

CINQUIÈME SERMON POUR LE JOUR DE LA NATIVITÉ DE NOTRE-SEIGNEUR.

1. Vous vous êtes rassemblés, mes frères, pour entendre la parole de Dieu. Le Seigneur nous a. préparé quelque chose de mieux, puisque aujourd'hui il nous est donné, non-seulement d'entendre, mais encore de voir le Verbe de Dieu, si pourtant «nous allons à Bethléem considérer cette parole que le Seigneur a accomplie et qu'il nous a fait entendre (Luc. II, 15). » Le Seigneur savait que le cœur des hommes est incapable de saisir les choses invisibles, indocile aux influences célestes, et rebelle à la foi, si, ce qui en est l'objet même, n'est placé sous leurs sens pour leur inculquer la conviction. Car, bien que la foi vienne de l'ouïe, la vue la produit néanmoins plus facilement et plus promptement, comme nous l'apprend l'exemple de l'Apôtre à qui il fut dit : « Parce que vous avez vu vous avez cru (Joan. XX, 29) ; » vous qui étiez incrédule quand je vous parlais. Parce qu'on croit avec plus de difficulté ce que l'on entend dire que ce que l'on voit, le Seigneur proclame bienheureuse la foi de ceux qui n'ont pas vu, parce qu'ils ont plus accordé à l'autorité de la parole, qu'à l'expérience de leurs sens et de leur raison. Dieu voulant néanmoins contenter en toutes manières notre lenteur, a montré visible aussi, à l'œil, aujourd'hui même, ce Verbe, qu'il avait auparavant fait retentir à nos oreilles, et même il l'a rendu palpable, tellement que certains d'entre nous ont pu dire: « Ce qui a été dès le principe, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons considéré, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie (I Joan. I,1 ). » Il a existé dès le commencement de cette éternité qui n'a point de début :nous l'avons entendu promettre dès le commencement du temps, nous l'avons vu et touché quand il s'est révélé à la fin du temps. En un autre sens, le Verbe de Dieu a été non-seulement visible et palpable pour nous, mais même nous avons pu le goûter et le sentir, parce que, par toutes les voies des sens, il s'est ouvert un passage pour arriver à l'âme, en sorte que comme ils avaient laissé entrer la mort, ils laissassent revenir la vie. Si donc « le Verbe s'est fait chair, » c'est pour nous qui sommes entièrement chair, afin que, si autrefois nous ne pouvions que l’entendre, maintenant nous puissions le voir et le goûter depuis qu'il s'est incarné, il appelle tous nos sens à confirmer le témoignage de l'ouïe, et que nous nous écriions tous d'un commun accord et d'une voix unanime : « Ce que nous avions ouï, nous l'avons vu (Psalm. XLVII, 9). » Cependant, en cette circonstance, on a accordé à la vue incomparablement plus qu'il n'avait été donné à l'ouïe. Actuellement, on voit le Verbe qui est Dieu, et auparavant, c'était chose très-considérable d'entendre seulement une parole tombée de la bouche du Seigneur. Parfois, mes frères, j'ai remarqué que l'on écoutait avec ennui la parole de Dieu, pourra-t-on le voir sans éprouver de la joie ? Je me condamnerais le premier, si le Verbe qui, aujourd'hui, se montre revêtu de ma nature, ne me réjouissait pas, je serais un impie, s'il ne m'édifiait pas, je serais un réprouvé.

2. Si donc, mes frères, il se trouve parmi nous quelque cœur engourdi, je ne veux point fatiguer davantage ses oreilles de mes paroles méprisables : qu'il passe à Bethléem et qu'il y considère celui que les anges brûlent de contempler, c'est-à-dire, le Verbe de Dieu, que le Seigneur nous a montré : qu'il se représente en esprit celui qui est le verbe Dieu, vif et efficace, qu'il admire comment il est étendu dans une crèche. Si la piété éclaire son œil, que peut-il apercevoir de plus ravissant, que peut-il méditer de plus salutaire? Quelle vue peut également édifier ses mœurs, fortifier son espérance, enflammer sa charité ? C'est une doctrine tout-à-fait certaine et entièrement digne d'être accueillie; mais votre parole toute puissante, Seigneur, qui au milieu d'un profond silence est tombée du trône royal du Père dans la crèche des animaux, nous parle encore plus éloquemment dans le silence qu'elle garde (Sap. XVIII, 15). Que celui qui a des oreilles, entende ce que nous dit ce pieux et mystérieux silence du Verbe : parce que, si je le comprends bien, entre autres choses, il parle de paix pour le peuple des saints, à qui son respect et son exemple a imposé, et très-justement imposé silence. Qu'est-ce qui inculque avec autant de poids et d'autorité la discipline du silence, qui arrête avec tant de force le mal inquiet de la langue et les tempêtes de paroles, que le Verbe de Dieu se taisant au milieu des hommes? Il n'y a point de paroles sur mes lèvres, semble s'écrier le Verbe tout-puissant, tant qu'il est soumis à sa mère, et nous, qu'elle démence peut nous porter à nous écrier : « Nous glorifierons notre langue, nos lèvres sont à nous, qui est notre maître (Psalm. XI, 5) ? » Je désirerais, si cela m'était permis, me taire, m'humilier, cesser même de prêcher le bien, afin de pouvoir prêter plus soigneusement et plus attentivement l'oreille aux accents cachés, aux significations sacrées de ce divin silence : et apprendre en silence à l'école du Verbe tout le temps que lui-même se tût sous la conduite de sa mère.

3. O mes frères, si nous arrêtons avec piété et diligence notre attention sur la parole que le Seigneur a faite et qu'il nous a montrée en ce jour, avec quelle facilité pourrons-nous en recevoir les plus grands enseignements ? C'est une parole abrégée, de telle sorte néanmoins qu'en elle se trouve consommée toute doctrine de salut, parce; qu'elle est elle-même le Verbe qui couronne et résume tout dans la justice. « Et cette consommation abrégée a répandu la justice, » ainsi qu'Isaïe l'a promis, comme vous vous en souvenez (Isa. X, 22) : parce que la sainteté s'est répandue de sa plénitude, sur ses compagnons, afin de rendre leur justice plus abondante que celle des pharisiens et des scribes, bien que ceux-ci s'exerçassent à accomplir les prescriptions multiples de la loi, tandis que les autres se contentent de la parole courte et simple de la foi. Mais pourquoi nous étonner que le Verbe de Dieu nous ait abrégé toutes paroles, quand il a voulu se raccourcir, et, en quelque manière, se diminuer lui-même, tellement que de son incompréhensible immensité il s'est resserré en quelque façon dans l'étroit espace du sein de sa mère, et, lorsque, renfermant le monde en soi, il a voulu être enfermé dans une crèche ? Au ciel, ce Verbe jette les anges dans la stupeur par son effrayante grandeur; dans la crèche, il nourrit les simples et les ignorants : insondable là haut pour la subtilité des intelligences angéliques, il est palpable ici-bas et accessible même aux sens grossiers des hommes. Dieu ne pouvait s'adresser à nous qui sommes charnels comme si nous étions spirituels. Son Verbe s'est fait chair, afin que toute chair pût non seulement entendre, mais encore, voir ce que la bouche du Seigneur a proféré. Et parce que, dans sa sagesse, le monde n'a point connu la sagesse de Dieu, par une tendresse ineffable cette même sagesse de Dieu, s'est faite folie, afin de se mettre à la portée des esprits les plus simples et les plus louches, et de sauver par la folie de la prédication, tous ceux qui y donneraient leur foi. « Je vous loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché votre sagesse aux sages et aux prudents, et l'avez révélée aux petits. Il en a été ainsi, mon Père, parce qu'il vous a plu (Luc. X, 21), » que le petit enfant qui nous est né, nous fût donné en cet état : parce que la hauteur des orgueilleux a trop en horreur l'humilité de ce petit enfant, et parce que, ce qui est grand aux yeux des hommes, est en exécration pour le Seigneur ; celui qui est véritablement grand, s'est fait petit enfant pour nous. Ce petit enfant ne s'accorde qu'avec ceux qui sont petits, il ne se repose que dans les humbles et les tranquilles. Aussi, de même les petits enfants, chantent à son sujet, en se glorifiant : « Un petit enfant nous est né; » de même, lui se glorifie d'eux, et s'écrie : « Me voici, et les enfants que le Seigneur m'a donnés ( Isa. VIII, 18). » Et pour que le père donnât à son fils, devenu petit enfant, des compagnons de son âge, la gloire du martyre a été accordée avant tous autres, à de nombreux petits innocents (Matth. II, 16). Le Saint Esprit a voulu montrer par là que le royaume du ciel n'est que pour ceux qui leur ressemblent.

4. Si nous voulons devenir petits enfants, mes frères, allons, retournons à Bethléem, considérons avec attention ce Verbe que le Dieu immense a fait chair, ce Dieu qui est devenu petit enfant, pour apprendre dans ce Verbe véritable et abrégé, la sagesse de Dieu, qui s'est faite humilité. Car la puissance infinie s'est renfermée tout entière dans cette vertu. La sagesse souveraine s'est contentée d'apprendre cette humilité que plus tard elle a fait profession d'enseigner. Et ce maître, je le dis à ma confusion, c'est à juste titre que nous le tenons pour un excellent professeur d'humilité, car bien qu'il ne l'ignorât pas, puisqu'il la tenait originellement de sa mère et naturellement de son Père, néanmoins il l'apprit, dès sa sortie du sein virginal, de tout ce qu'il eut à souffrir. Il naquit dans une hôtellerie de voyageurs, afin que instruit à son école, nous confessassions que nous ne sommes que des étrangers et des voyageurs sur la terre. Dans cette hôtellerie même, il choisit la dernière place, et se fait déposer dans une crèche, pour nous apprendre, par les actes, cette leçon du roi David : « J'ai choisi d'être bas dans la maison de Dieu, plutôt que d'habiter sous les tentes des pécheurs (Psalm. LXXXIII, 11). » Il est enveloppé de langes, afin que ayant le nécessaire pour nous couvrir, nous soyons contents : il est satisfait en tout de la pauvreté de sa mère, il est soumis en tout à ses ordres, et, dans sa nativité il nous montre le type de la vie religieuse tout entière. Heureuse la foi des pasteurs après avoir trouvé l'enfant enveloppé de langes, ils ne sont pas scandalisés, ils ne sont point incrédules et n'éprouvent point de sentiments moins dignes de lui, mais ils sont excités plutôtà la piété et se montrent pleins de reconnaissance pour une si grande grâce, et plus cette majesté s'est montrée humiliée et anéantie pour eux, plus aussi, si nous voulons rendre justice à leurs dispositions, la charité enleva et ravit leur cœur.

5. Mes frères, vous aussi vous honorez un enfant enveloppé de langes et placé sur la crèche de l'autel : prenez garde que sa frêle enveloppe n'offense, ou ne trouble l'œil de votre foi, en apercevant la réalité de son corps sacré sous les apparences qui l'entourent. De même, en effet, que Marie entoure l'enfant de quelques lambeaux de linges, de même la grâce nous a caché la vérité de son corps sacré sous les voiles nécessaires et sages d'apparences étrangères : de même aussi, la sagesse a recouvert de figures et d'énigmes la profonde majesté du Verbe divin, afin que la simplicité de la foi d'un côté, l'application de l'étude d'un autre, augmentassent le mérite pour le salut. Car, mes frères, lorsque je vous prêche la vérité, qui est Jésus-Christ, que fais-je autre chose que d'envelopper le Christ dans des langes grossiers ? Heureux néanmoins celui pour qui Jésus n'est pas vil à raison de ces langes, il est comme le marchand prudent aux yeux de qui les marchandises précieuses ne sont pas avilies par les enveloppes vulgaires qui les renferment. C'est le Christ que je désire vous donner dans mes discours quelque ordinaires qu'ils soient, «pour que vous le sanctifiez dans vos cœurs; » selon l'expression de l'apôtre saint Pierre (I. Petr. III, 15). « Recevez en douceur le Verbe enveloppé qui peut sauver vos âmes (Jac. I, 21),» et que la parole du Christ , je veux dire l'amour et la mémoire du Verbe incarné, habite abondamment en vous, afin qu'avec bonheur et fidélité vous chantiez : « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous. » Méditons donc avec piété le Christ couvert des langes dont sa mère l'a enveloppé, afin de voir, dans la félicité éternelle, la gloire et l'éclat dont son Père l'a revêtu, gloire du Fils unique du Père, à qui soit avec le Fils et le Saint Esprit, honneur et triomphe dans les siècles des siècles. Amen.

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