RÉSURRECTION I
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TOUSSAINT
CANTIQUE

PREMIER SERMON POUR LA RÉSURRECTION DU SEIGNEUR.

1. « Ils portaient la nouvelle à Jacob, en ces termes : Joseph est en vie. En entendant ces paroles, son esprit se ranima et il dit : C'est assez, si Joseph, mon fils, est en vie. J'irai et je le verrai avant de mourir (Gen. XLV, 26). » Vous me direz peut-être, c'est bien. Mais quel rapport ce texte a-t-il avec votre sujet ? Quelle relation entre Joseph et la joie de ce jour, et la gloire de la résurrection de Jésus-Christ? Nous sommes à Pâques et vous évoquez des souvenirs empruntés au carême? Préparée par des jeûnes si longs, notre âme est affamée de l'Agneau pascal. Notre cœur brûle pour Jésus, c'est Jésus que nous voulons, nous ne méritons pas encore de le voir ou d'entendre parler de lui. C'est après Jésus, non après Joseph, après le Sauveur, non après le songeur, que nous soupirons; après le Dominateur du ciel, non après le maître de l’Égypte, non après celui qui nourrit les estomacs, mais après celui qui alimente les âmes, pourvu qu'elles soient affamées. Que votre discours nous aide au moins à avoir plus faim encore de celui dont nous sommes affamés. Nous avons lu cet oracle « Bienheureux ceux qui ont faim, parce qu'ils seront rassasiés (Matth. V, 6). » Quand nous en entendons parler, notre appétit augmente. Car celui qui vante les repas aiguise la faim. Si on nous parle de Jésus, la joie et l'allégresse retentiront: à nos oreilles, et nos os humiliés tressailleront. Ils ont été humiliés par l'affliction et le deuil da carême et encore plus par les douleurs de la passion, mais ils tressailleront à l'annonce de sa résurrection. Pourquoi donc nous entretenez-vous de votre Joseph, lorsque tout ce que vous pourriez nous dire, si ce n'est Jésus, n'a point de goût pour nous; aujourd'hui surtout que l'on mange l'Agneau, et que Jésus-Christ, notre pâque, vient d'être immolé.

2. Je vous ai donné un veuf ou une noix, mes frères, brisez l'enveloppe et vous trouverez l'aliment. Dépouillez Joseph et vous trouverez Jésus; cet Agneau pascal dont vous êtes affamé, on le mange avec d'autant plus de douceur, que, caché plus profondément. on le cherche avec plus de soin et on le trouve avec plus de difficulté. Vous me dites : Qu'y a-t-il entre Joseph et Jésus-Christ? Quelle analogie entre l'histoire que j'ai indiquée et ce jour ? Il y en a une grande. Rappelez-vous l'histoire, et la piété de notre mystère éclatera d'elle-même à vos yeux, si vous avez pour interprète Jésus qui, ressuscitant aujourd'hui, s'entretient en chemin avec ses disciples de la lettre qui tue, et leur ouvre le sens des Écritures. Y a-t-il dans tous les patriarches et les prophètes, rien de plus manifeste que cette pensée, que Joseph est la figure du Sauveur? Et, afin de toucher en peu de mots l'ensemble de ce sujet, selon cette parole: « Donnez occasion au sage, et la sagesse lui sera ajoutée (Prov. IX, 9), u si nous examinons avec foi et piété la signification de son nom; ensuite, que plus que ses frères, il fut « d'un beau visage et d'un extérieur ravissant (Gen. XXXIX, 6), » innocent dans sa conduite, rempli de sagesse dans son intelligence ; vendu par les siens il les délivra de la mort, humilié d'abord jusqu'à être mis dans un cachot, il fut élevé jusqu'à monter sur un trône et ensuite, à raison de ses mérites, il reçut parmi les nations un nom nouveau qui signifie : « Sauveur du monde (Gen. XLI, 45); » si nous examinons avec piété et fidélité toutes ces circonstances, ne reconnaîtrons-nous pas, sans balancer, avec quelle vérité le Seigneur a dit « Ils m'ont représenté sous des images prophétiques (Ose. XII, 10).»

3. Maintenant, si nous en venons aux paroles mêmes de l'histoire que je vous ai proposée, je pense qu'elles n'auront pas besoin d'explication, mais qu'elles exciteront plutôt l'admiration et la joie, en nous faisant voir avec quelle extrême évidence la résurrection de Jésus-Christ a été annoncée par la loi et les prophètes; en nous montrant que l'ancien Testament parle si particulièrement des mystères de la loi nouvelle, que, lorsqu'on lit une prophétie, Ion croit entendre presque l'Evangile, les noms seuls sont changés. « Ils annoncèrent à Jacob cette nouvelle, Joseph est en vie. » Que pouvons-nous entendre ici autre chose, sinon qu'on annonça aux apôtres que Jésus vivait ? En effet, par Jacob, je comprends le choeur des apôtres, et cela non sans raison, à mon avis, puisqu'ils sont issus de Jacob, non-seulement parce que de Jacob ils sont devenus Israël, lorsque de la lutte de la vie active ils sont venus à let vision et au repos de la contemplation, mais encore parce qu'ils sont les pères d'une multitude des croyants, c'est-à-dire des véritables Israëlites, ainsi que Jacob en est la souche selon la chair. Comme Jacob, ils croyaient, eux aussi avoir perdu leur Joseph, ils étaient livrés à une inconsolable douleur : lorsqu'on leur annonça qu'il était en vie, ils se montrèrent difficiles et lents à le croire : et lorsqu'ils le virent, ils furent transportés d'une joie ineffable : « Ils dirent à Jacob : Joseph vit. A cette nouvelle Jacob, sortant comme d'un profond sommeil, ne les croyait pas (Gen. XIV, 26). » I1 me semble qu'on me raconte en d'autres termes ce qui est écrit dans l'Évangile : « Se retirant, » il s'agit ici de Marie Madeleine, « elle porta cette nouvelle à ceux qui avaient été avec elle et qui pleuraient et se lamentaient : mais eux, en apprenant qu'il était en vie, qu'il s'était montré à elle, ne croyaient pas. Après cela, il se fit voir dans une roule, à deux d'entre eux qui vinrent l'annoncer aux autres, ceux-ci ne crurent point non plus (Marc. XVI, 10). » On lit aussi en saint Luc : « Et revenues du sépulcre, elles annoncèrent tous ces événements aux onze et à tous les autres : ces paroles leur parurent du délire, et ils n'y ajoutaient point foi (Luc. XXIV, 9) : » Sans doute parce qu'ils sortaient du lourd sommeil de l'ennui et du désespoir. « Mais quand Jacob vit tous les objets que Joseph lui avait envoyés, son esprit reprit vie et il s'écria : «c'est assez pour moi, si Joseph mon fils est en vie. J'irai et le verrai avant de mourir (Gen. XLV, 28). » De même les apôtres ne se rendirent que médiocrement aux paroles, jusqu'à ce qu'ils reçussent les présents. Car Jésus lui-même, en se montrant à eux, ne les persuada point tant en leur montrant son corps qu'en leur faisant part de ses dons.

4. Vous savez que lorsqu'il vint à eux, les portes fermées, et qu'il se tint au milieu d'eux. « effrayés et troublés, ils croyaient voir un esprit (Luc. XXIV, 37). »» Mais lorsqu'il souffla sur eux, en leur disant : « Recevez le Saint-Esprit (Joan. XX, 22), » ou bien, lorsqu'il envoya du ciel le même esprit qui était un don différent, ces présents furent, peureux, des témoignages indubitables et des preuves assurées de sa résurrection et de sa vie. C'est le Saint-Esprit, en effet, qui certifie dans le cœur des saints et par l'organe de leur bouche, que le Christ est vérité, résurrection réelle et vie. Aussi les apôtres qui auparavant doutaient, même après avoir vu son corps vivant, après qu'ils eurent goûté l'esprit vivifiant, prêchaient avec une grande force, cette même résurrection. Tant il est vrai qu'il est plus difficile de concevoir Jésus dans son cœur, que de le voir des yeux, ou d'entendre parler de lui, et que l'opération du Saint-Esprit est plus forte sur les sens de l'homme intérieur, que celle des choses corporelles sur ses sens extérieurs. Car quelle place pourrait rester au doute, lorsque c'est un même esprit qui rend et à qui on rend témoignage ? Si c'est un même, esprit, il n'y a qu'un sentiment et un consentement. aussi alors, ainsi qu'on le lit de Jacob, leur esprit reprit-il véritablement vie, après avoir été presque éteint parle deuil et enseveli dans le désespoir. Chacun alors, si je ne m'abuse, se disait : c'est assez, si mon Joseph vit, car vivre pour moi, c'est le Christ, et mourir un gain. Je me rendrai donc en Galilée, sur la montagne que Jésus m'a indiquée, je le verrai et je l'adorerai avant de mourir, pour ne plus mourir jamais (Joan. VI, 50) parce que, quiconque voit le Fils et croit en lui, à la vie éternelle, en sorte que fût-il mort, il vivra. (Joan. XI, 25).

5. Maintenant donc, mes frères, que vous atteste la joie de votre cœur touchant votre amour pour Jésus-Christ? Je pense, et je vous laisse le soin de dire si c'est avec raison, je pense que si jamais vous avez aimé ce divin Sauveur vivant, mort, ou rendu à la vie, aujourd'hui que, dans l'Eglise, d'un commun accord, tant de messagers annoncent sa résurrection, votre cœur se glorifie en tous et s'écrie : une nouvelle m'est parvenue, attestant que Jésus mon Dieu vit. Alors, mon esprit, qui dormait dans la tristesse, qui languissait dans la tiédeur, et défaillait par une faiblesse excessive, mon esprit s'est ranimé. Car la voix agréable qui annonce un événement si heureux tire du sein de la mort, les criminels. Sans cela, il faut désespérer et ensevelir dans l'oubli celui que Jésus, sortant des enfers, a laissé au fond de l'abîme. Vous connaîtrez que votre esprit a pleinement repris vie à cette marque, s'il dit avec sentiment la parole qui suit : Jésus vit, c'est assez pour moi. O parole de foi et bien digne de ceux qui aiment Jésus-Christ ! ô très-chaste affection que celle qui parle de la sorte : Si Jésus vit, c'est assez pour moi. S'il vit, je vis, puisque de lui dépend ma vie, puisqu'il est mon existence et tout ce qu'il me faut. Que pourra-t-il me manquer, si Jésus vit? Bien plus, que tout le reste me manque, rien ne me touche, pourvu que Jésus vive. Que je me manque à moi-même, s'il lui plait qu'il en soit ainsi : il me suffit qu'il vive lui, quand même il ne vivrait que pour lui. Lorsque l'amour de Jésus-Christ absorbe ainsi tout le cœur de l'homme, au point que, se négligeant lui-même, il ne goûte plus que Jésus et ce qui est à ce divin maître, alors, je le crois ainsi, la charité est parfaite en lui. A qui est animé de si nobles sentiments, la pauvreté n'est pas onéreuse; il ne ressent pas les injures, il se rit des opprobres, bien plus, il ne croit point mourir, il sait que plutôt il passe de la mort à la vie, et il s'écrie avec confiance j'irai, et je le verrai avant de mourir.

6. Pour nous, cependant, mes frères, bien que nous n'ayons pas conscience d'une si grande pureté, allons néanmoins, allons voir Jésus sur la montagne de la Galilée céleste, au rendez-vous qu'il nous a donné. En nous dirigeant vers ce but, notre affection croîtra et arrivera à sa perfection quand nous toucherons au terme. En y allant, le chemin, d'abord étroit et difficile , s'élargit, et la force s'augmente eu ceux qui sont faibles. Car pour que ni Jacob, ni aucune personne de sa maison ne s'excuse de se mettre en route, outre les autres présents, on a envoyé au pauvre vieillard des chariots et les fonds nécessaires, afin que nul ne prétexte sa pauvreté ou sa faiblesse. La chair du Christ est le viatique, son esprit le véhicule. C'est lui qui est l'aliment, le char d'Israël et son conducteur. Quand vous serez arrivé, vous obtiendrez ce qu'il y a de meilleur, non dans l'Égypte, mais dans le ciel votre Joseph vous a préparé un lieu de repos dans la meilleure contrée de l'Égypte. Celui qui d'abord a envoyé les anges, les saintes femmes et les apôtres pour annoncer et attester sa résurrection, vous crie maintenant du haut du ciel : Voici celui que vous pleuriez mort durant ces trois jours; j'ai été livré au trépas à cause de vous, mais je vis et toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre (Matth. XVIII, 18). Venez à moi, vous tous qui êtes affamés, et je satisferai votre faim (Mat. XI, 28) . » Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume que je vous ai préparé (Matth. XXV, 34). Qu'il daigne vous conduire, puisqu'il vous y appelle, en ce royaume où, avec le Père et le Saint-Esprit, il vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

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