SAINT BENOIT IV
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TOUSSAINT
CANTIQUE

QUATRIÈME SERMON POUR LA FÊTE DE SAINT BENOIT.

1. « Il le rendit saint en sa foi et sa douceur (Eccli. XLV, 4). » Ces paroles ont été écrites de Moïse, mais en ce jour, on les applique, non sans raison, au bienheureux Benoît. Comme il a été tout rempli de l'esprit des saints, on peut croire, à plus forte raison, qu'il a possédé ce qui fait le grand caractère de Moïse. Car si le Seigneur prit de l'esprit de ce grand patriarche, pour le communiquer à toute l'assemblée des vieillards qui furent appelés à partager son ministère, à combien plus forte raison Dieu répandit-il cet esprit sur notre saint qui remplit, dans toute sa plénitude, ce ministère avec d'autant plus de vérité que c'est spirituellement qu'il l'accomplit. Moïse fut le chef de ceux qui sortaient d'Egypte, Benoît le conducteur de ceux qui renoncent au siècle; Moïse fut législateur, Benoît le fut aussi: l'un fut ministre de la lettre qui tue, l'autre de l'esprit qui vivifie : le premier donna aux Juifs, à cause de la dureté de leur cœur, des préceptes qui n'étaient point bons, si l'on eu excepte quelques prescriptions morales; le second enseigna simplement la pureté évangélique et la règle des mœurs : Moïse écrivit des choses difficiles à entendre, impossibles à pratiquer, ou inutile ; Benoît rédigea une règle de vie très droite, parfaitement conçue, remarquable par sa sagesse. Enfin, le conducteur des enfants d'Israël n'introduisit point dans le repos promis ceux qu'il avait fait sortir d'Egypte ; notre chef, comme porte étendard de l'armée des moines, est entré aujourd'hui devant nous dans le ciel, en droite ligne, par le sentier de l'Orient. Il ne sera donc pas absurde de croire qu'il a égalé le mérite de celui dont il a surpassé le ministère. Il n'y aura aucune difficulté à lui appliquer ce qui a été écrit du législateur des Juifs ; « Il l'a rendu saint par sa foi et sa douceur : » Surtout lorsqu'il a été principalement le maître de ces deux vertus, de la foi et de la douceur, lui qui a toujours conformé sa vie à ses enseignements.

2. Quoi de plus digne d'attention que la foi de Benoît qui, dans l'âge le plus tendre, méprise le monde qui lui souriait, foule aux pieds comme une fleur desséchée la beauté du corps, la splendeur du monde, préfère en supporter les maux pour l'amour du Seigneur, que d'en goûter les prospérités temporelles? Quoi de plus semblable à la foi de Moïse, que l'Apôtre célèbre en ces termes : « C'est par la foi, que Moïse, devenu grand, nia être le fils de la fille de Pharaon, aimant mieux être affligé avec le peuple de Dieu, que d'avoir les jouissances du péché en ce monde? (Hebr. XI, 25). » Quoi de plus saint que la douceur de notre Père, que ne peut altérer la malice des faux frères qui ont attenté à sa vie en lui donnant du poison à boire au lieu de vin? L'Écriture dit bien que Moïse fut le plus doux des hommes de la terre, mais nie-t-elle que parfois son esprit fut ému (Num, XII, 3) ? ne rappelle-t-elle point qu'il fut irrité, très-irrité même contre ses ennemis (lbid). XVI, 15) ? Quant à notre saint maître, je me souviens d'avoir lu que sa douceur fut admirable envers ceux qui parlaient mal de lui et encore envers ceux qui lui faisaient du mal, je n'ai vu parler en aucun endroit de sa colère. Bien que, en lui, pas plus qu'en Moïse l'éloge de sa douceur ne doit rien perdre, si, dans sa justice, il se montre plein de zèle contre les pécheurs : sans zèle, la douceur est torpeur ou timidité. En effet, comment une douceur de ce genre rendrait-elle saint quelqu'un, lorsqu'elle est condamnée dans Elie qui, du resté, était juste (IV. Req. 1) » ? Mes frères,« ayez la paix entre vous, » tel est l'ordre du maître doux et pacifique : cependant il dit auparavant : «Ayez en vous du sel (Marc, IX, 49) : » Il sait, en effet, que la douceur de la paix nourrit les vices, si l'ardeur du zèle ne les recouvre avant tout d'un sel piquant, de même que les temps trop doux font pourrir les viandes que n'a pas desséchées le piquant du sel. C'est pourquoi , ayez la paix entre vous, mais une paix imprégnée du sel de la sagesse : pratiquez la douceur, mais une douceur embrasée de foi.

3. Vous aussi, vous serez saints par la foi et la douceur : votre douceur ne sera pas suspecte, si la foi la précède, pourvu que cette foi ne soit pas feinte mais véritable; non morte mais vivante et vive. Non-seulement la foi de Moïse, dont saint Paul a dit : « Par la foi, il quitta l'Egypte , ne craignant pas le courroux du roi (Hebr. XI, 27), » était vivante et vive, mais constante et intrépide. Les rois sont forts, plus forte est la foi : elle voit que leur puissance est nulle, et, par là, en sûreté, et comme supérieure, elle se rit de toute la fureur des persécuteurs, elle est plus prompte et plus courageuse pour souffrir, que leur colère ne l'est à attaquer. L'Apôtre me semble recommander deux choses dans la foi mémorable de Moïse, à laquelle nous avons comparé, à l'occasion de la lecture faite eu ce jour, la foi de notre père saint Benoit, c'est que ce même Moïse qui a été un modèle de foi, a méprisé les caresses de ce monde et n'en a pas redouté les rigueurs. Il a dédaigné la prospérité, et estimé l'opprobre de Jésus-Christ, une fortune plus grande que les trésors des Égyptiens : il ne craignit point l'adversité, et n'eut point peur du courroux du roi. En indiquant ces deux effets, l'Apôtre en a marqué la cause, il fait voir où Moïse avait puisé cette force, afin que nous apprenions d'où vient que notre foi est faible en nous. a Il regardait comme un bien préférable à l'opulence des Égyptiens, l'opprobre du Christ. Car, ajoute l'Apôtre, il « regardait la récompense qui l'attendait. » Il ne redoute pas la colère du Pharaon ; « il considérait l'invisible, comme s'il le voyait. » Ce qui veut dire, on regarde comme rien, les biens temporels, si l'on a sous les yeux ceux qui sont éternels : on méprise facilement la puissance des hommes, si on redoute celle de Dieu comme toujours menaçante. La foi produit ce double effet : ses yeux sont si vifs, si clairvoyants, qu'elle porte puissamment son regard sur l'avenir : et, dans ce qui est présent, elle aperçoit ce qu'il y a de caché. La foi qu'éclaire l'esprit éternel n'est gênée ni par le retard du temps, ni par la masse des corps : elle vole au devant du temps, voit d'avance ce qui sera, elle dépasse les corps et voit ce qui est esprit. La force de la foi est double : elle contemple non ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas, elle est la pure raison de ce qui ne s'aperçoit pas. Car, ou bien les choses ne se voient point, parce qu'elles ne sont pas présentes, ou bien, si elles sont présentes, elles sont spirituelles. Les biens futurs qui nous sont promis ne sont pas présents : mais il est présent, quoique caché, le Dieu qui promet ou menace pour la vie à venir, parce qu'il est esprit. Or, la foi qui est « la substance des choses à espérer (Hebr. XI, 1), » saisit comme présents les biens futurs qu'elle attend, et les fait exister, pour ainsi dire , dans le cœur du fidèle. De même, « parce qu'elle est la démonstration des choses qui ne paraissent pas, » elle se montre, elle se prouve, elle se fait voir à Dieu, comme présent, bien qu'il n'apparaisse pas. Pour celui qui disait : « Il nous a co-ressuscités et fait asseoir avec Jésus-Christ dans les hauteurs (Epla. II, 6), » la foi était la substance des choses qu'on doit espérer : pour celui, « qui contemplait l'invisible comme le voyant, »n elle était la démonstration de ce qui n'apparaît pas. En effet, lorsqu'il disait : « Nous avons été sauvés par l'espérance (Rom. VIII, 24), » ne montrait-il point que ce qu'il espérait et attendait par le patience, était déjà dans son cœur, y subsistait par la foi ? Et celui qui avait toujours le Seigneur devant les yeux (Psalm. XV, 8), n'était-il point persuadé, par l'argument de la foi, de la présence de celui qui n'apparaissait pas ?

4. Et cette foi ,s'applique parfaitement à ce que l'Écriture dit : « le juste vit de la foi (Habac. II, 4 et Rom. I, 17). » C'est cette vertu qui fait et conserve le juste pour qu'il vive pour l'éternité, elle le nourrit en attendant, de la joie de l'espérance. Quel principe éloigne et préserve l'homme du péché comme la foi qui porte et observe l'invisible comme s'il était présent ? Quelle pensée réjouit par l'espérance, comme la foi qui a les yeux toujours fixés sur la récompense ? Et nous, mes frères, pourquoi sommes-nous négligents, sinon parce que nous regardons avec moins de vigilance la présence de notre juge ? Ou bien, pourquoi sommes-nous presque entièrement absorbés par la tristesse, sinon parce que nous réfléchissons moins fidèlement à la récompense qui nous est promise ? Voilà les deux maux qui attaquent tristement notre infidélité, la négligence ou la tristesse; en effet, ou bien, nous négligeons d'accomplir ce qui nous est commandé, ou, si la crainte nous fait sortir de notre négligence, jamais nous ne travaillons avec empressement et joie, jamais, comme la foi le voudrait, nous ne nous consolons, dans nos fatigues, par l'espoir de la récompense. « Ceux qui approchent de Dieu, dit l'Apôtre, doivent croire qu'il est, et qu'il récompensera ceux, qui le cherchent (Hebr. X, 6). » Si nous ne nions pas « qu'il existe, » nous avons la garde de la crainte; si nous ne nions point qu'il récompense ceux qui les cherchent, nous avons la consolation de l'espérance. Où la crainte garde, il n'y a pas de place pour la négligence : là où se fait goûter la consolation de l'espérance, la tristesse n'a pas d'entrée. De même que la foi qui fait croire en Dieu, produit la crainte salutaire ; de même, lorsque cette foi n'existe pas ou est dissimulée, la bride est lâchée à tous les maux. En effet, pourquoi les hommes « sont-ils devenus corrompus et abominables dans leurs iniquités, sinon parce que l'insensé qui les représente tous, a dit dans son cœur : il n'y a point de Dieu (Psalm, XIII, 1) ? » ou bien, s'il n'est pas possible de ne point connaître Dieu : « La crainte du Seigneur n'est pas devant ses yeux (Psalm. XXXV, 1),» mais il agit avec ruse en sa présence, et dissimule ce qu'il est contraint de connaître, « en sorte que son iniquité l'a rendu l'objet de la haine. » Oui, c'est avec raison que l'homme trompeur sera haï, car il a la haine et non l'ignorance de Dieu. Comment ne hait-il pas Dieu, celui qui en fuit le regard, qui en méprise les ordres, qui voudrait que son jugement ne s'exerçât jamais? Celui qui ignore sera ignoré ; celui qui hait sera haï. L'un sera réprouvé dans la vérité du jugement, la sévérité de la colère tirera vengeance de l'autre.

5. Mes frères, la foi feinte, la fui artificieuse qui se dissimule elle-même, est plus dangereuse que la foi nulle. La foi nulle dit au fond de son cœur et dans son manque de sens: « Il n'y a point de Dieu. » La foi feinte, dans sa malice, agit avec artifice en présence du Seigneur, » et dissimule qu'elle connaît Dieu ou que Dieu la connaît, lorsqu'elle le sait et le remarque, bien plus, tandis que avec imprudence et impudeur, elle pèche sous ses yeux. Je ne sais cependant pas comment on peut appeler foi, un sentiment qui fait des artificieux, des dissimulés plutôt que des fidèles. Je sais que la terre entière est pleine de la confession de la foi, et cependant, j'entends le Prophète se plaindre « que la foi est morte (Jerem. vu, 28). » Croyez-vous, en effet, que si le Fils de l'homme venait actuellement, il trouverait de la foi en ce monde (Luc. XVIII, 8) ? Prendrait-il pour foi, cette foi feinte des hommes qui le négligent et le méprisent, lui qui traite plus doucement l'aveuglement des infidèles et estime meilleure la foi même des démons ? « Les démons croient et tremblent (Jac. II, 14), » les hommes croient et ils ne tremblent pas. Les démons respectent celui en qui ils croient; les hommes, en ne respectant ni ne craignant celui en qui ils croient, sont jugés plus gravement, à cause de ce mépris. Que ce mot générique de foi ne nous trompe point, mes frères, comme si toute espèce de foi devait être imputée à justice; rappelons-nous comment le Docteur des nations dans la foi et la vérité, définit la foi qui seule plaît à Dieu. « La foi, dit-il, est la substance des choses à espérer, la démonstration de ce qui ne paraît pas (Hebr. XI, 1). » Voilà la foi qui opère par la charité, en sorte que sous l'influence de la conscience des mérites, l'espérance naisse de la foi, et que la foi soit placée comme un fondement et un support, sur lequel on édifie les biens éternels qui sont à espérer. « Sans cette foi, il est impossible de plaire à Dieu (Ibid.), » et avec elle, il est impossible de lui déplaire. « Vos yeux, Seigneur, regardent la foi, » disait un saint qui se tenait constamment en votre présence par la foi (Jerem. V, 3). C'est entièrement juste et vrai. C'est un retour bien mérité : vos yeux, Seigneur, regardent la foi, parce que mes yeux sont toujours dirigés vers le Seigneur fidèle.

6. Pour nous, mes frères, si nous sommes comme sans foi, si nous plaçons Dieu derrière nous, en sorte que dissimulant la crainte, nous regardions de préférence la vanité, avec quelle faveur pensons-nous que le Seigneur nous regardera. Il nous regardera sans doute; mais avec quel visage? « Le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal (Psalm. XXXIII, 19), » mais combien irrité, combien terrible combien intolérable ? c'est ce qu'on saura lorsque ceux qui l'ont haï fuiront loin de sa face. Mais où fuiront-ils, Seigneur, loin de votre présence, sinon dans les ténèbres extérieures, dans ce chaos et dans cet abîme de feu et de brouillards ? Alors, « ils diront aux montagnes : tombez sur nous, et aux collines : couvrez-nous (Luc. XXIII, 30), » trouvant plus supportable d'être absorbés par les gouffres de l'enfer, que de soutenir les regards d'un Dieu irrité. Alors les justes seront dans une grande constance : alors la foi qui se tient maintenant avec inquiétude en la présence du Seigneur, pour voir sa volonté, se tiendra en sûreté pour contempler sa gloire. «Veillez, mes frères, tenez-vous dans la foi (I Cor. XVI, 13). » Celui que la foi agite par la crainte ne peut dormir dans la négligence : celui que la foi enracine dans l'espérance ne peut chanceler par la défiance. Que toutes vos actions se fassent en la charité , afin que la douceur s'ajoute à la foi , en sorte que l'on dise de chacun de vous : « Le Seigneur l'a rendu saint en sa foi et sa douceur : » daigne nous l'accorder, le Saint des saints qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

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