TRAITÉ XLI
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QUARANTE ET UNIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CE PASSAGE : « JÉSUS DISAIT DONC AUX JUIFS QUI AVAIENT CRU EN LUI », JUSQU’À CET AUTRE : « SI DONC LE FILS VOUS AFFRANCHIT, VOUS SEREZ LIBRES ». (Chap. VIII, 31-36.)

LA LIBERTÉ.

 

Le Sauveur ayant dit que la vérité affranchirait ceux qui croiraient en lui, ses interlocuteurs en prirent occasion de s’irriter, comme si le peuple juif n’avait jamais subi et ne subissait pas encore le joug de l’étranger. S’ils avaient été moins charnels, ils auraient compris qu’il n’était nullement question d’un esclavage matériel. Jésus-Christ avait voulu parler de la servitude spirituelle du péché, car dans l’état de péché on ne s’appartient plus, on est aux ordres de ses passions, et l’unique moyen d’y échapper, c’est de suivre la voie des commandements et des exemples du Sauveur; à mesure qu’on s’avance dans le chemin des vertus chrétiennes, on s’émancipe on devient plus libre, mais la liberté ne devient complète qu’au moment où l’on contemple la vérité en face dans le ciel.

 

1. Les passages du saint Evangile qui terminaient la leçon précédente, vous ont été lus aujourd’hui. Je n’ai pas voulu vous les expliquer dans ma dernière instruction, car je vous avais déjà longuement entretenus, et il m’était, d’autre part, impossible de passer sous silence ou de traiter légèrement la question de la liberté à laquelle nous appelle la grâce du Sauveur. C’est pourquoi j’ai résolu de vous parler aujourd’hui avec l’aide de [608] Dieu. Ceux à qui s’adressait Notre-Seigneur Jésus-Christ, étaient Juifs : la plupart d’entre eux étaient les ennemis déclarés du Sauveur; d’autres, en certain nombre, étaient devenus déjà ou devaient plus tard devenir ses amis : il en voyait dans la foule qui devaient, comme nous l’avons dit précédemment, croire en lui après sa mort. En reposant sur eux ses regards, il avait dit : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que je suis (1) ». Comme il disait ces choses, il y en eut pour croire immédiatement en lui. C’est à eux qu’il adressa les paroles dont on vous a fait lecture aujourd’hui. « Jésus disait donc aux Juifs qui avaient cru en lui : si vous persévérez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples ». Vous serez mes disciples en persévérant : maintenant vous croyez ; en persévérant dans votre foi, vous verrez plus tard. Aussi ajoute-t-il : « et vous connaîtrez la vérité ». La vérité est immuable. La vérité est une sorte de pain elle ranime les âmes et n’est jamais elle-même exposée à défaillir : celui qui en fait sa nourriture est changé par elle, mars il ne la change pas en lui-même. La Vérité n’est autre que le Verbe de Dieu, Dieu en Dieu, Fils unique de Dieu. Cette Vérité s’est faite homme à cause de nous, et elle est née de la Vierge Marie, en sorte que cette prophétie : « La Vérité est sortie du sein de la terre (2) », a reçu son accomplissement. Pendant qu’elle conversait avec les Juifs, cette Vérité se cachait donc sous le voile de la chair : elle s’y cachait, non pour être méconnue, mais pour ne pas se montrer immédiatement : elle se dérobait pour un temps aux regards des hommes, pour souffrir dans son corps; et elle voulait souffrir dans sa chair, pour racheter la chair de péché. Facile à voir selon l’infirmité de sa nature humaine, caché aux yeux de ses auditeurs, quant à la grandeur de sa divinité, Notre-Seigneur Jésus-Christ se tenait donc au milieu d’eux, et s’adressant à ceux qui avaient cru en lui pendant qu’il parlait, il leur dit : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples » ; car celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, sera sauvé (3). « Et vous connaîtrez la vérité », que vous n’apercevez pas maintenant et qui vous parle, « et la vérité vous délivrera ». Cette parole : « Vous

 

1. Jean, VIII, 28. — 2. Ps. LXXXIV, 12. — 3. Matth. X, 22.

 

délivrera », le Sauveur l’a employée comme un dérivé de liberté. Délivrer ne signifie effectivement rien autre chose que rendre libre. De même, sauver ne veut pas dire autre chose que rendre sauf, comme guérir n’a pas d’autre signification que celle d’opérer la guérison, comme enrichir ne veut dire que ceci: faire riche ou donner des richesses. Délivrer signifie donc rendre libre. En grec, c’est plus évident qu’en latin. En effet, selon le génie de la langue latine, nous avons presque toujours l’habitude de dire qu’un homme a été délivré, non pour faire entendre qu’il a été rendu à la liberté, mais uniquement pour affirmer qu’il a été sauvé : ainsi, on dit de quelqu’un qu’il a été délivré d’une maladie : cette manière de s’exprimer est conforme à l’usage, mais elle n’est pas d’accord avec la propriété des termes. Si le Sauveur a employé ces expressions : « Et la Vérité vous délivrera », elles sont telles, dans la langue grecque, que tous doivent, sans hésitation, les entendre dans le sens de la liberté.

2. Les Juifs eux-mêmes, non pas ceux qui avaient déjà cru, mais ceux de l’assemblée qui ne croyaient pas encore, les comprirent en ce sens, et lui répondirent: « Nous sommes la race d’Abraham, et jamais nous n’avons été les esclaves de personne. Comment dis-tu : Vous serez libres? » Le Seigneur n’avait pas dit: Vous serez libres; mais: «La Vérité vous délivrera », expression où les Juifs ne virent que la liberté, comme l’indique clairement le texte grec, ainsi que je vous l’ai fait observer. Fiers alors d’être les descendants d’Abraham, ils reprirent : «Nous sommes la race d’Abraham, et jamais nous n’avons été les esclaves de personne. Comment dis-tu :Vous serez libres? » O peau soufflée ! ce n’est point là de la grandeur, c’est de l’enflure. Ce que vous dites est-il vrai, même par rapport à la liberté dont on peut jouir en ce monde? « Nous n’avons jamais été les a esclaves de personne? » Joseph n’a-t-il pas été vendu (1) ? N’a-t-on pas conduit en captivité les saints Prophètes (2)? N’est-ce pas ce même peuple qui, en Egypte, faisait des briques, subissait le dur joug des rois de ce pays, se livrait pour eux, non-seulement à des ouvrages d’or et d’argent, mais encore à des ouvrages de terre (3) ? Si jamais vous n’avez été esclaves, pourquoi, hommes ingrats, pourquoi

 

1. Gen. XXXVII, 28. — 2. IV Rois, XXIV. — 3. Exo».I, 14.

 

609

 

Dieu vous reproche-t-il sans cesse d’avoir été délivrés par lui de la maison de servitude (1) ? Et si vos pères ont été esclaves, vous qui parlez, n’avez-vous jamais ressenti le poids de l’esclavage ? Pourquoi payiez-vous dès lors un tribut aux Romains? N’est-ce pas en raison de ce fait que vous tendiez à la Vérité même un piège où vous désiriez la faire tombe: ? Ne disiez-vous pas au Christ : « Est-il permis de payer le tribut à César? » S’il avait répondu : Oui, c’est permis, vouas auriez mis la main sur lui, comme s’il avait exprimé une pensée contraire à la liberté de la race d’Abraham. Si, par contre, il avait            dit : Non, cela n’est pas permis, vous l’auriez accusé au tribunal des rois de la terre, comme empêchant de leur payer les impôts. Vous lui avez montré une pièce de monnaie, et par là même il vous a, comme vous le méritiez, réduits au silence, et, pris dans vos propres filets, vous vous êtes vus obligés de répondre vous-mêmes à votre question. Vous avez donc avoué que cette pièce de monnaie portait l’effigie de César : aussi, le Sauveur vous a-t-il dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (2) ». La raison de ces paroles est que, si César a droit de réclamer des pièces de monnaie marquées à son effigie, Dieu réclame aussi la possession de l’homme, sur qui il a gravé son image. Voilà donc ce que le Christ a répondu aux Juifs. Mes frères, je me sens ému, en considérant le vain orgueil des hommes, et en voyant que les Juifs ont soutenu une fausseté, puisqu’ils ont prétendu que jamais ils n’avaient perdu la liberté, entendue même dans le sens temporel : « Jamais nous n’avons été les esclaves de personne ».

3. Ecoutons de préférence et avec plus d’attention la réponse du Sauveur, afin de ne point mériter nous-mêmes le titre d’esclaves. Jésus leur répondit: « En vérité, en vérité, je vous le dis; celui qui commet le péché, est esclave du péché ». Oui, il est esclave. Si seulement il était l’esclave d’un homme, au lieu d’être l’esclave du péché ! Qui est-ce qui ne tremblerait pas, à entendre de semblables paroles? Daigne le Seigneur notre Dieu nous taire la grâce, à vous et à moi, de bien saisir ses paroles; daigne le Sauveur m’accorder la faveur de vous parler bien, et de la liberté que nous devons conquérir, et de la servitude

 

1. Exod. XIII, 3; Deut. V, 6, et suiv.— 2. Matth. XXII, 15-21.

 

qu’il nous faut éviter. « En vérité, en vérité, je vous le dis ». La Vérité parle : que signifient dans sa bouche ces paroles : « En vérité, en vérité, je vous le dis? » La manière dont il s’exprime est vraiment à considérer : s’il est permis de le dire, ces paroles sont, en un sens, un jurement. « En vérité, en vérité, je vous le dis ». « En vérité », signifie, d’après l’interprétation commune c’est vrai. Néanmoins, quoiqu’on puisse le dire, on ne l’a jamais interprété par ces mots : « Je dis la vérité». Ni l’interprète grec, ni l’interprète latin n’a osé le faire ; car le mot: « En vérité », n’est pas plus grec que latin ; il est hébreu. On ne l’a donc pas expliqué autrement que nous l’avons dit, et il reste comme le signe d’une chose secrète : on n’a pas voulu en nier le sens; on n’a prétendu que le conserver respectable, en ne disant pas toute sa valeur. Et ce n’est pas une fois, c’est deux fois que le Seigneur a prononcé ce mot : « En vérité, en vérité, je vous le dis ». En vous le disant deux fois, il a voulu attirer sur lui toute votre attention.

4. A quoi la Vérité veut-elle nous rendre attentifs? Je vous dis vrai, je vous dis vrai, nous dit-elle. Il est évident que, quand même elle ne nous dirait pas : Je vous dis vrai, elle ne pourrait mentir; ce serait impossible. Pourtant, elle veut fixer notre attention et nous persuader : nous dormons en quelque sorte, et elle veut nous éveiller; elle nous excite à l’écouter; elle ne prétend pas que nous fassions peu de cas de ses paroles. Que nous dit-elle donc? « En vérité, en vérité, je vous le dis : quiconque commet le péché est esclave du péché ». O la misérable servitude ! Le plus souvent, quand les hommes ont de méchants maîtres, ils cherchent à se vendre : non qu’ils ne veuillent avoir aucun supérieur, mais parce qu’ils désirent en changer. Mais l’esclave du péché, quelle ressource a-t-il à sa disposition? Qui peut-il appeler à son secours? Devant qui porter ses plaintes? A quel maître se ventre? Parfois, l’esclave d’un homme, fatigué des exigences exorbitantes de son maître, trouve le repos dans la fuite. Mais où peut fuire l’esclave du péché? Partout- où il dirige sa course, il se trouve avec lui. Une conscience mauvaise n’échappe jamais à elle-même, elle ne sait en quel lieu secret se retirer, car elle se suit elle-même, elle est incapable de se séparer d’elle-même ; [610] le péché qu’elle commet se trouve au dedans d’elle. Le pécheur se rend coupable d’une faute, dans l’intention de se procurer un plaisir sensible : le plaisir passe, la faute reste : tout ce qui le charmait s’est évanoui, il ne lui reste que le tourment. O le triste esclavage ! On voit de temps en temps des hommes chercher un refuge dans nos églises ; d’habitude, nous les subissons comme des individus indisciplinés ; car ils veulent ne pas avoir de maîtres, tout en prétendant commettre le péché. Il arrive aussi quelquefois qu’un homme, né libre, vienne se réfugier à l’église pour se soustraire à une illégitime et insupportable servitude; il y vient réclamer la protection de l’évêque : et si l’évêque néglige l’affaire et ne donne pas tous les soins à sauvegarder la liberté de cet homme, celui-ci est remis sans pitié aux mains de son maître. Réfugions-nous tous auprès du Christ, demandons à Dieu qu’il nous délivre de la servitude du péché : demandons à nous vendre, afin d’être rachetés au prix de son sang; ; car le Seigneur a dit : « Vous avez été « vendus pour rien, et vous serez rachetés « sans rançon (1) ». Sans rançon qui vienne de vous, parce que votre rançon vient de moi. Le Seigneur parle ainsi, car il a payé notre rançon, non avec de l’argent, mais avec son sang. Pour nous, nous étions restés esclaves et dénués de toute ressource.

5. Le Christ seul affranchit donc de cette servitude : jamais il n’y a été soumis, et pourtant, il en brise les chaînes ; car seul il est devenu homme sans être souillé par le péché. Les enfants que vous voyez entre les bras de leurs mères, ne marchent pas encore, et ils ne sont déjà plus libres de leurs mouvements : ils ont reçu d’Adam les liens dont le Christ doit les délivrer. Lorsqu’on les baptise, la grâce que le Seigneur promet leur est accordée comme aux autres ; car celui-là seul peut affranchir du péché, qui est venu ici-bas exempt de péché, et qui s’est offert en sacrifice pour expier le péché. Vous avez entendu lire ces paroles de l’Apôtre : « Nous remplissons », dit-il, « la fonction d’ambassadeurs pour Jésus-Christ, et c’est Dieu même qui vous exhorte par notre bouche. Nous vous conjurons au nom de Jésus-Christ » ; ou, en d’autres termes, c’est comme si Jésus-Christ vous conjurait

 

1. Isa. LII, 3.

 

lui-même. De quoi faire? « de vous réconcilier avec Dieu ». Puisque l’Apôtre nous exhorte et nous conjure de nous réconcilier avec Dieu, il est évident que nous étions en inimitié avec lui. Si l’on n’est pas ennemi d’une personne, pourquoi se réconcilier avec elle ? Or, ce n’est point par nature que nous sommes en guerre avec Dieu : c’est la conséquence de nos péchés. Et par cela même que nous sommes devenus ses ennemis, nous sommes devenus les esclaves du péché. Dieu n’a jamais compté ses adversaires parmi les hommes libres, il les a nécessairement rencontrés parmi les esclaves, et ils demeureront plongés dans la servitude, tant qu’ils ne seront pas affranchis par Celui dont ils ont voulu se faire les ennemis dès lors qu’ils ont commis le péché. « Nous vous conjurons donc au nom de Jésus-Christ de vous réconcilier avec Dieu ». Mais comment se réconcilier avec lui, si nous laissons subsister ce qui établit un abîme entre lui et nous? Or, n’a-t-il pas dit par la bouche d’un Prophète : « Son oreille n’est point appesantie, et peut encore entendre; mais vos crimes vous ont séparés de votre Dieu (1) ». Nous ne pouvons donc nous réconcilier avec lui qu’à la condition de faire disparaître ce qui nous en sépare, et d’établir entre nous un lien qui nous unisse. Il y a entre Dieu et nous un mur de séparation, mais il peut y avoir un médiateur qui nous réconcilie ensemble. L’intermédiaire qui nous sépare, c’est le péché; le médiateur qui nous réconcilie, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Car il n’y a qu’un Dieu, et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme (2) ». Pour faire disparaître ce mur de séparation, qui n’est autre que le péché, ce médiateur est venu, et comme prêtre, il s’est lui-même offert en sacrifice; et parce qu’il est devenu victime pour le péché, et qu’il s’est offert lui-même en holocauste sur la croix où il est mort, l’Apôtre continue l’expression de sa pensée. Il avait dit : « Nous vous conjurons, au nom de Jésus-Christ, de vous réconcilier avec Dieu » ; et, comme si nous lui demandions à connaître le moyen d’opérer cette réconciliation, il ajoute : « Il a traité celui », c’est-à-dire ce même Christ, « qui ne connaissait pas le péché, comme s’il eût été le péché même, afin qu’en lui nous devinssions justes de la

 

1. Isa. LIX, 1, 2. — 2. I Tim. II, 5.

 

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la justice de Dieu (1) ». « Celui », le Christ Dieu, « qui ne connaissait pas le péché », il est venu dans la chair , c’est-à-dire dans une chair semblable à celle du péché (2) ; cette chair n’était pas, néanmoins, celle du péché; elle n’était souillée par aucune faute; le Christ est devenu la véritable victime pour le péché, parce qu’il était lui-même exempt de péché.

6. Mais dire que « le péché » est devenu la victime pour le péché, n’est-ce point une imagination de ma part? Non; et ceux qui ont lu les saintes Écritures le savent; pour ceux qui ne les ont pas lues, qu’ils ne se montrent pas négligents ; qu’ils ne soient point négligents à les lire , cela s’entend ainsi seront-ils plus à même de juger en connaissance de cause. Parmi les sacrifices que le Seigneur avait prescrit d’offrir pour le péché, plusieurs s’offraient, non pour expier les péchés, mais pour figurer l’avenir; pourtant, c’étaient les mêmes cérémonies, les mêmes hosties, les mêmes victimes, les mêmes animaux que pour les sacrifices expiatoires, où le sang répandu était l’emblème du sang du Sauveur;. or, la loi donne à ces victimes non expiatoires le nom de péchés : cela est si vrai qu’en plusieurs endroits de l’Écriture la recommandation est faite aux prêtres sacrificateurs de placer leurs mains sur la tête du péché, c’est-à-dire sur la tête de la victime à immoler pour le péché : c’est ce péché, ou, en d’autres termes , cette victime pour le péché qu’est devenu Notre-Seigneur Jésus-Christ, « en qui ne se trouvait aucun péché ».

7. Il a le droit d’affranchir de cet esclavage du péché celui qui dit dans un psaume : « Je suis devenu comme un homme privé de secours, libre entre les morts (3) ». Il était seul à jouir de la liberté, parce qu’il était le seul sans péché ; car il a dit dans l’Évangile : « Voilà que le prince de ce monde vient »; par là, il voulait dire que le démon viendrait dans la personne des Juifs pour le persécuter : « Voilà qu’il vient, et il ne trouvera a rien en moi (4) ». Dans les justes mêmes qu’il fait mourir, il trouve toujours quelque péché, si petit qu’il soit : en moi il ne trouvera rien. Et comme si on lui disait : Puisqu’il ne trouvera rien en vous, pourquoi vous ferait-il mourir? il ajoute: « Mais afin que le monde connaisse que j’aime mon

 

1. II Cor. V, 20, 21.— 2. Rom. VIII, 3. — 3. Ps. LXXXVII, 5, 6. — 4. Jean, XIV, 30, 31.

 

Père et que je fais ce que mon Père m’a ordonné, levez-vous, sortons d’ici ». Si je meurs, dit-il, ma mort n’est pas la conséquence nécessaire de péchés que j’aurais commis ; mais, en mourant, j’accomplis la volonté de mon Père; et ici, il y a plus de volonté de ma part que de nécessité venant d’ailleurs, car si je n’y consentais pas, je ne mourrais pas. N’a-t-il pas, en effet, dit ailleurs : « J’ai le pouvoir de donner ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre (1) ? » Au milieu des morts, il est donc vraiment libre.

8. Puisque tout homme qui commet le péché en est l’esclave, quelle espérance pouvons-nous avoir d’arriver à la liberté? Le voici : « L’esclave », dit le Sauveur, « ne demeure pas toujours dans la maison ». La maison, c’est l’Église; l’esclave, c’est le pécheur. Un grand nombre de pécheurs entrent dans l’Église. Aussi n’a-t-il pas dit : « L’esclave » n’entre pas dans la maison, mais: Il « ne demeure pas toujours dans la maison ». S’il ne doit y avoir là aucun esclave, qui est-ce qui s’y trouvera? « Lorsque le Roi juste sera assis sur le trône du jugement », comme disent les saints livres, « qui est-ce qui pourra se glorifier d’avoir le coeur pur? Qui est-ce qui pourra se vanter d’être exempt de péché (2)? » O mes frères, il nous a fait trembler en nous adressant ces paroles . « L’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ». Mais le Sauveur ajoute : « Mais le Fils y demeure toujours ». Le Christ sera-t-il donc seul dans sa maison ? Aucun peuple ne s’y trouvera-t-il. avec lui ?A qui servira-t-il de tête, s’il n’a pas de corps? Ou bien, le Fils est-il tout à la fois tête et corps? Ce n’est pas sans motif qu’il a voulu nous inspirer la crainte et la confiance; il nous a effrayés, afin que nous n’aimions pas le péché; il nous a rassurés, pour nous faire espérer notre affranchissement par rapport au péché. « Tout homme qui commet le péché est l’esclave du péché; mais l’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ». Nous, qui ne sommes pas exempts de péché, quelle espérance pouvons-nous avoir? Écoute; le voici : Le Fils y demeure toujours. Si le Fils vous affranchit, alors vous serez véritablement libres. Tel est donc, mes frères, l’objet de nos espérances : c’est que celui qui est libre nous affranchira, et qu’en nous faisant part de sa ‘

 

1. Jean, X, 18.– 2. Prov. XX, 8, 9.

 

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liberté, il fera de nous ses serviteurs. Nous étions les esclaves de nos passions ; par notre délivrance, nous devenons les esclaves de la charité. L’Apôtre ne dit pas autre chose: « Car,  mes frères, vous êtes appelés à la liberté. Ayez soin seulement que cette liberté ne soit point, pour vous, une occasion de vivre «selon la chair, mais assujettissez-vous les  uns aux autres par esprit de charité (1) ». Qu’aucun chrétien ne dise donc : Je suis libre, j’ai été appelé à la liberté ; j’étais esclave, mais j’ai été racheté, et, par mon rachat, je suis devenu libre ; j’agirai à ma guise; puisque je suis libre, personne n’a le droit d’imposer des règles à ma volonté. Mais si cette volonté te conduit au péché, tu es l’esclave du péché. N’abuse donc pas de ta liberté pour pécher sans contrainte; au contraire, fais-en ton profit, pour ne pas offenser Dieu. Si ta volonté se soumet aux règles de la piété, elle sera libre. Tu seras libre, si tu es esclave; libre à l’égard du péché, esclave par rapport à la justice; car l’Apôtre a dit : « Lorsque vous étiez esclave du péché, vous vous affranchissiez de la justice; mais, maintenant que vous êtes affranchis du péché et devenus esclaves de Dieu, le fruit que vous en tirez est votre sanctification, et la fin  en sera la vie éternelle (2) ». Qu’à ce but tendent tous nos efforts; agissons dans ces vues.

9. Le premier pas à faire vers la liberté, c’est d’être exempt de crime. Attention, mes frères, attention, car je crains de ne pouvoir vous faire toucher du doigt et comprendre ce qu’est maintenant et ce que sera plus tard cette liberté. Examine de près la conduite, en’ ce monde,, de l’homme quel qu’il soit : fût-il vraiment juste, il a beau mériter à tous égards le titre de juste, il n’est pas, néanmoins, exempt de péché.. Écoute saint Jean lui-même, dont nous expliquons en ce moment l’Évangile nous dit dans son épître : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité ne se trouve, pas en nous (3) ». Celui qui, au milieu des morts, avait conservé sa liberté, pouvait seul tenir ce langage : on n’a pu le dire que de celui eu qui né se trouvait aucune iniquité; non, on n’a pu le dire que, de lui, puisque, par sa ressemblance avec nous, il a éprouvé toutes sortes de maux, excepté le péché (4). Seul, il a

 

1. Galat. V, 13.— 2. Rom.VI, 20, 22. — 3. I Jean, I,8. — 4. Hébr. IV, 15.

 

pu dire : « Voilà que le prince de ce monde viendra, et il ne trouvera rien en moi ». Examine de près la conduite de n’importe quel juste, et tu trouveras nécessairement en lui quelque péché. Job était certainement pur: le Seigneur lui rendait en ce sens un témoignage si flatteur, que le démon en devint jaloux, et demanda à l’éprouver: le tentateur fut vaincu, et la vertu du saint homme clairement démontrée(1). Sa vertu a été manifestée au grand jour, non pour être connue et récompensée de Dieu, mais afin que les hommes n’en ignorassent pas, et pussent la prendre pour modèle. Que dit donc aussi Job : « Quel est l’homme innocent? Pas même l’enfant qui n’a encore vécu que l’espace d’un jour (2) ». Bien des hommes ont acquis sans conteste, c’est-à-dire sans reproche, le titre de juste ; dans les choses humaines, celui dont la conduite n’est pas souillée de crime ne peut évidemment encourir aucun reproche. Un crime est une faute grave, digne, sous tous rapports, d’accusation et de condamnation; or, Dieu ne distingue pas entre péchés et péchés, pour condamner les uns, justifier et louanger les autres. Il n’en approuve aucun, il les déteste tous. Comme un médecin déteste la maladie de l’homme cloué sur un lit de douleur, et s’efforce, pour le guérir, d’éloigner le mal et de garantir le malade : ainsi, par sa grâce, Dieu agit de manière à détruire le péché et à délivrer le pécheur. Mais, diras-tu, quand le péché est-il détruit? Pourquoi ne l’est-il pas, dès qu’il perd de sa force? Il perd de sa force chez ceux qui deviennent meilleurs; il n’existe plus chez les parfaits.

10. Le premier lias à faire vers la liberté, c’est donc d’être exempt de crime. Aussi, quand il choisit des hommes pour les ordonner prêtres ou diacres , l’apôtre Paul exige-t-il d’eux ce qu’on doit exiger de tout homme destiné à devenir, par l’ordination, chef dans l’Église ; mais il ne dit pas si quelqu’un est sans péché; en ce cas, on écarterait des ordres n’importe qui; personne n’y serait admis; il s’exprime eu ces termes : « Si quelqu’un est exempt de crimes », comme, par exemple, d’homicide, d’adultère, de souillure provenant de la fornication, de vol, de fraude, de sacrilège, et, de toute faute de ce genre. Dès, qu’un homme en est là (et tout chrétien doit en être là), il commence à

 

1. Job, I, II.— 2. Id. XIV, 4, selon les Sept.— 3. I Tim.III,10; Tit. I, 6.

 

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tourner ses regards vers la liberté; pour lui, elle existe déjà, mais pas encore dans toute sa perfection. Pourquoi, dira quelqu’un, pourquoi n’est-elle pas alors dans sa perfection? Parce qu’alors « je vois dans mes membres une autre loi tout opposée à la loi de mon esprit; en effet, ce que je veux, je ne le fais pas, et je fais ce que j’abhorre (1). Car », ajoute-t-il, « la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a d’opposés à ceux de la chair, en sorte que vous ne faites pas ce que vous voudriez faire ». D’un côté, la liberté; de l’autre, l’esclavage ; et, encore, cette liberté est-elle incomplète, obscurcie par des ombres, enfermée en d’étroites limites, parce qu’elle est encore de ce monde passager. Sous un rapport, nous sommes faibles; sous un autre, nous avons reçu le bienfait de la liberté. Tous les péchés que nous avons commis ont été précédemment effacés par le baptême; mais parce que toutes nos iniquités ont disparu, en est-il de même de toute faiblesse? S’il en était ainsi, notre vie s’écoulerait exempte de toute faute. Qui est-ce qui oserait rendre de sa conduite un pareil témoignage ? Personne, excepté l’orgueilleux, l’homme indigne de la pitié du libérateur, celui qui veut se tromper lui-même, et en qui ne se trouve pas la liberté. Par cela même qu’il est resté en nous de la faiblesse, j’ose le dire, nous sommes libres, en tant que nous servons Dieu, et nous sommes encore esclaves en tarit que nous sommes soumis à la loi du péché. Voilà pourquoi l’Apôtre dit lui-même ce que nous avons déjà dit: « Selon l’homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu ». La liberté nous vient donc de ce que nous trouvons du plaisir dans la loi de Dieu, car la liberté est chose agréable : tant que tu observes, par crainte, les règles de la justice, Dieu ne fait pas tes délices; tant que tu agis comme esclave, tu n’éprouves aucun charme ; dès que la joie du Seigneur entre dans ton âme, tu es libre. Ne redoute pas le châtiment, aime la justice. Peut-être ne peux-tu pas l’aimer encore? Alors, crains même le châtiment, afin de parvenir à aimer la justice.

11. L’Apôtre se sentait donc libre dans la portion la plus élevée de son être; voilà pourquoi il disait : « Selon l’homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de

 

1. Galat. V, 17.

 

Dieu ». La loi me charme; je trouve du plaisir à ce qu’elle me commande; c’est la justice même qui fait mon bonheur. « Je vois, dans mes membres, une autre loi » ; voilà ce qui reste de faiblesse en nous. « Elle est en opposition avec la loi de mort âme; elle me captive sous la loi du péché qui se trouve dans mes membres». Du côté où toute justice n’est pas accomplie, il rencontre l’esclavage; car, dès qu’on trouve du plaisir dans la loi de Dieu, ou n’est plus esclave, mais ami de la loi, et dès lors qu’on l’aime, on est libre. Que nous reste-t-il donc à faire? Rien autre chose qu’à nous tourner vers Celui qui a dit : « Si le Fils vous affranchit, vous serez alors vraiment libres ». L’Apôtre, dont nous citions tout à l’heure les paroles, s’est tourné vers lui : « Malheureux que je suis, qui est-ce qui me délivrera du corps de cette mort? La grâce de Dieu , par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Donc, si le Fils de Dieu vous affranchit, vous serez vraiment libres ». Enfin, voici comme il termine : « Ainsi, je suis moi-même soumis à la loi de Dieu par l’esprit, et à la loi du péché par la chair (1) ». « Moi-même », dit-il, car nous ne sommes pas deux, émanés de deux principes contraires et opposés l’un à l’autre; mais « je suis moi-même soumis à la loi de Dieu par l’esprit, et à la loi du péché par la chair », tant que ma faiblesse s’oppose à mon salut.

12. Mais si, par la chair, tu es soumis à la loi du péché, fais ce que dit le mérite a Apôtre : Que le péché ne règne donc point « dans votre corps mortel jusqu’à vous faire obéir à ses désirs déréglés; n’abandonnez point non plus vos membres au péché comme des instruments d’iniquité (2) ». Il ne dit pas : que le péché ne soit point, mais « ne règne pas ». Tarit que le péché sera nécessairement dans tes membres, ôte-lui l’empire sur toi; ne fais pas ce qu’il commande. La colère s’allume en toi ? Ne mets pas ta langue à son service pour prononcer des malédictions; ne lui prête ni ta main ni ton pied pour frapper. Evidemment, si le péché ne se trouvait point dans tes membres, ces mouvements déraisonnables de colère ne t’emporteraient pas; enlève-lui donc toute puissance, qu’elle n’ait pas d’armes à sa disposition pour te combattre, et dès lors qu’elle

 

1. Rom. VII, 19-25.— 2.  Id. VI, 12, 13.

 

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n‘aura pas d’armes à saisir, elle apprendra même à ne pas se montrer. « N’abandonnez point non plus vos membres au péché comme des instruments d’iniquité » ; autrement , vous deviendriez esclaves dans toutes les parties de votre être, et vous ne pourriez plus. dire : « Je suis soumis à la loi a de Dieu par l’esprit ». Si l’esprit se tient armé, les membres ne sont plus comme des instruments mis au service de la fureur du péché. Que le commandant intérieur défende la forteresse, parce qu’il est sous la protection d’un autre commandant plus fort; qu’il mette un frein à sa colère, qu’il enchaîne sa passion. Il y a certainement en nous de quoi modérer, maîtriser et retenir nos mauvais penchants ; et si ce juste, soumis à la loi de Dieu, désirait quelque chose, c’était bien de ne plus rien trouver en lui-même qu’il lui fallût maîtriser. Quiconque tend à la perfection, doit s’efforcer, en devenant meilleur, d’affaiblir chaque jour ses passions elles-mêmes; car s’il a des membres, ce n’est point pour en faire les serviteurs de ces mauvais penchants : « Je trouve en moi », dit l’Apôtre, « la volonté de faire le bien, mais je n’y trouve pas le moyen de l’accomplir (1) ». Dit-il : Je ne trouve pas le moyen de faire le bien? S’il avait ainsi parlé, il n’y aurait plus eu d’espoir pour lui. Mais il ne dit pas Je ne trouve pas le moyen de faire le bien; voici comme il s’exprime : « Je ne trouve pas a le moyen d’accomplir le bien ». Qu’est-ce qu’accomplir le bien, sinon détruire le mal et y mettre fin? Qu’est-ce que détruire le mal, sinon faire ce, que dit la loi : « Tu ne convoiteras pas (2)? » Ne rien convoiter, c’est la perfection du bien, parce que c’est la destruction du mal. L’Apôtre disait : « Je ne trouve pas le moyen d’accomplir le bien », parce qu’il ne pouvait s’empêcher de convoiter ; il ne faisait que mettre un frein à ses convoitises, pour n’y pas consentir et ne point mettre ses membres à leur service. « Je ne puis donc pas accomplir le bien » ; il m’est impossible de réaliser en moi cette parole : « Tu ne convoiteras pas ». Alors, que faut-il faire? Mettre en pratique ce conseil du sage : « Ne va pas à la suite de tes désirs (3) ». Tant que tu éprouveras dans ta chair 1’impression de penchants déréglés, agis de manière à ne pas te laisser aller au gré de tes

 

1. Rom. VII, 18. — 2. Exod. XX, 17.— 3. Eccli. XVIII, 30.

désirs. Persévère dans l’obéissance à l’égard de Dieu, dans liberté du Christ; soumets-toi de coeur à la volonté de ton Dieu. Ne t’abandonne pas à tes passions; en les suivant, tu doubles leur force; si tu leur donnes de l’énergie, si tu fortifies tes ennemis contre toi même et à tes propres dépens, comment pourrais-tu les dominer?

13. La pleine et parfaite liberté se trouve donc en Notre-Seigneur Jésus-Christ, puisqu’il a dit : « Si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres ». Mais nous, quand jouirons-nous de cette pleine et parfaite liberté ? Quand aucune inimitié n’existera plus entre Dieu et nous ; quand, surtout, la mort, notre dernière ennemie, sera détruite. Car il faut que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu d’immortalité. Et après que ce corps de mort sera revêtu d’immortalité, cette parole de l’Écriture sera accomplie : « La mort a été absorbée dans sa victoire. O mort,: où est ta victoire (1)? » Qu’est-ce à dire: « O mort, où est ta victoire? La chair » convoitait « contre l’esprit, et l’esprit contre la « chair »; mais pendant que vivait la chair du péché. « O mort, où est ta victoire? » Alors, nous ne mourrons plus, parce qu’alors nous vivrons en celui qui est mort et ressuscité pour nous : « Afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux (2) ». Nous sommes malades, appelons le médecin; faisons-nous porter à l’hôtellerie pour être guéris. Car celui qui nous promet la santé, a pris pitié du malheureux que les voleurs avaient laissé expirant sur les chemins; il a répandu de l’huile et du vin sur ses plaies, il a guéri ses blessures, il l’a mis sur son cheval, l’a conduit à l’hôtellerie et confié à l’hôtelier. Quel était cet hôtelier? Peut-être celui qui a dit : « Nous remplissons pour Jésus-Christ la fonction d’ambassadeurs (3)»,  il a aussi donné deux pièces d’argent pour qu’on prenne soin du malade (4). Ce sont peut. être aussi les deux commandements qui renferment la loi et les Prophètes (5). Donc, mes frères, l’Église est, en cette vie, l’hôtellerie du voyageur, puisque les infirmes y trouvent leur guérison ; mais à l’Église aussi est réservée la possession de l’héritage céleste.

 

1. I Cor.XV, 26, 53, 54, 55.— 2. II Cor. V, 15.— 3. Id. 20. — 4. Luc, X, 30-35.— 5. Matth. XXII, 37- 40.

 

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