TRAITÉ XXXII
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TRENTE-DEUXIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES MOTS : « EN LA DERNIÈRE ET GRANDE JOURNÉE DE LA FÊTE, JÉSUS ÉTAIT LÀ, CRIANT « ET DISANT : SI QUELQU’UN A SOIF, QU’IL VIENNE À MOI, ET QU’IL BOIVE », JUSQU’À CES AUTRES : « CAR LE SAINT-ESPRIT N’ÉTAIT PAS ENCORE DONNÉ, PARCE QUE JÉSUS N’ÉTAIT PAS ENCORE GLORIFIÉ ». (Chap. VII, 37-39.)

LES DONS DU SAINT-ESPRIT.

 

Ce que nous aimons le plus dans nos semblables, c’est leur âme, parce qu’elle est supérieure au corps ; mais Dieu qui est le maître de nos âmes, ne devons-nous pas l’aimer par-dessus toutes choses? Si nous avons soif de lui, nous recevrons l’Esprit-Saint, et en lui nous trouverons l’union avec les autres membres de l’Eglise, et cette précieuse charité qui fera notre bonheur ici-bas et dans le ciel.

 

1. Au milieu des discussions et des doutes, dont Notre-Seigneur Jésus-Christ était l’occasion pour les Juifs; pendant le cours de ces instructions du Sauveur, qui confondaient les uns et éclairaient les autres, « en la dernière journée de cette fête » (car tout ceci se passait pendant la fête), que l’on appelait scénopégie, c’est-à-dire construction des tabernacles {votre charité se souvient que nous avons précédemment fait une dissertation à ce sujet); Notre-Seigneur Jésus-Christ appelle à lui, non pas à voix basse, mais en criant, tous ceux qui ont soif, et il les engage à venir à lui. Si nous sommes altérés, approchons-nous de lui, et, pour cela, nous n’avons nul besoin de nos pieds; nos coeurs nous suffisent : ne quittons point l’endroit où nous sommes, mais aimons-le. Celui qui aime se déplace, même en tant qu’homme intérieur; autre chose est de se déplacer corporellement, autre chose de le faire de coeur : changer corporellement de place, c’est se transporter, par un mouvement du corps, d’un lieu en un autre: se déplacer de coeur, c’est, par un mouvement du coeur, modifier ses affections. Si tu aimes aujourd’hui une chose différente de celle que tu aimais hier, tu n’es plus où tu étais.

2. Le Sauveur nous crie donc, car il était là criant et disant : « Si quelqu’un a soif,  qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, suivant ce que dit l’Ecriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein ». Puisque l’Evangéliste nous a fait connaître le sens de ces paroles, nous n’avons pas à nous y arrêter. Pourquoi Jésus a-t-il dit: « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive; et celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein? » L’Evangéliste nous l’a expliqué immédiatement après, dans ce passage : « Or, il disait cela à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car l’Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié». Il y a donc une soif intérieure, comme il y a un sein intérieur : la raison en est qu’il y a aussi un homme intérieur. L’homme intérieur ne se voit pas; mais on aperçoit l’homme extérieur: le premier est bien préférable au second. Ce qu’on ne voit pas, on l’aime davantage, et il est sûr qu’on a pour l’homme intérieur une affection bien plus vive que pour l’homme du dehors. Où en est la preuve? Chacun peut la trouver en lui-même. Ceux qui vivent mal, condamnent leurs esprits à être les esclaves de leurs corps ; néanmoins, ils désirent vivre, ce qui est le propre de l’esprit, et, par là, ils montrent qu’ils estiment plus dans leur personne ce qui commande que ce qui obéit: ce sont, en effet, les âmes qui gouvernent, tandis que les corps sont gouvernés. Un homme aime la volupté; c’est le corps qui lui procure cette jouissance ; mais si tu les sépares l’un de l’autre, il n’y a plus rien dans le corps pour se réjouir, et s’il est en lui quelque chose qui ressente du plaisir, c’est uniquement l’âme. Si la maison de boue qu’elle habite lui procure des jouissances, ne doit-elle pas en trouver en elle-même? Si elle en trouve au dehors, doit-elle en être privée à [560] l’intérieur? Il est donc parfaitement certain que l’homme préfère son âme à son corps, et, comme il agit pour lui-même, il agit aussi pour les autres; il donne aussi la préférence à leur âme. Qu’aime-t-on, en effet, dans un ami? Où est l’affection la plus sincère et la plus pure? Qu’aime-t-on davantage dans un ami? Est-ce l’âme? Est-ce le corps? Si tu aimes sa foi, tu aimes son âme; si tu aimes sa bienveillance, le siége n’en est-il pas dans son âme? Tu en affectionnes un autre, parce qu’il t’affectionne lui-même : fais-tu autre chose que chérir son âme? Pourquoi? Parce que l’affection qu’il ressent pour toi procède de son âme, et non pas de son corps. Tu l’aimes parce qu’il t’aime : vois d’où procède son amour pour toi, et tu sauras ce que tu chéris en lui. Ce qu’on affectionne le plus, on ne le voit donc pas.

3. Je vais vous dire autre chose, pour faire mieux comprendre à votre dilection combien on aime une âme, et quelle préférence on lui accorde sur le corps. Les libertins qui trouvent leur plaisir dans la beauté du corps, et chez qui la forme des membres allume une passion impure , les libertins aiment plus vivement lorsqu’ils se sentent payés de retour. Si au contraire un pareil homme donne son affection à une malheureuse créature, et qu’il s’en voie repoussé, alors la haine pour elle l’emporte dans son coeur sur l’amour. Pourquoi la déteste-t-il plus qu’il ne l’affectionne ? Parce qu’elle ne lui rend point en amour ce qu’il en dépense pour elle. Si ceux qui aiment les corps veulent être aimés à leur tour, si ce qui leur cause la plus douce jouissance, c’est d’être aimés, que penser de ceux qui chérissent les âmes ? Et puisqu’il en est pour aimer si passionnément les âmes, que dire des hommes qui aiment Dieu, auteur de la beauté des âmes? De même, en effet, que l’âme est l’ornement du corps, ainsi Dieu est-il l’ornement de l’âme. On aime un corps uniquement pour l’âme qui l’anime ; qu’elle s’en retire, il devient un hideux cadavre à tes yeux, et si vivement que tu aies aimé ses membres à cause de leur beauté, tu te hâtes de les rendre à la terre. De là il suit que l’ornement du corps, c’est l’âme, et que l’ornement de l’âme, c’est Dieu.

4. Le Seigneur nous crie donc de nous approcher de lui, et de boire si nous avons soif, et il nous dit que, lorsque nous aurons bu, des fleuves d’eau vive jailliront de notre sein. Le sein intérieur de l’homme, c’est sa conscience, c’est le sanctuaire de son coeur: dès qu’il a pris ce précieux breuvage, sa conscience purifiée retrouve la vie ; à force de puiser, elle rencontrera la source elle deviendra elle-même une source. Qu’est-ce que cette source, qu’est-ce que ce fleuve qui jaillit du sein de l’homme intérieur? C’est cette bienveillance qui le porte à se rendre utile au prochain; car s’il s’imagine que ce qu’il boit ne doit profiter qu’à lui-même, c’est que l’eau vive ne jaillit pas de son sein : si, au contraire, il s’empresse de faire du bien au prochain; la source, loin de tarir, coule en abondance. Voyons maintenant en quoi consiste ce breuvage de ceux qui croient en Notre-Seigneur, parce qu’à coup sûr noue sommes chrétiens, et que si nous croyons, nous buvons. Chacun de nous doit rentrer en lui-même, examiner s’il boit, et voir si ce qu’il boit le fait vivre. Car la source ne s’éloigne de nous qu’autant que nous nous éloignons d’elle.

5. J’en ai fait la remarque : l’Evangéliste a fait connaître la raison pour laquelle le Sauveur avait crié, le breuvage qu’il avait invité à recevoir, ce qu’il avait promis à ceux qui boiraient ; il nous l’a expliqué en ces termes: « Or, il disait cela à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, car le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié». Qu’appelle-t-il l’Esprit, sinon l’Esprit-Saint? Tout homme possède en lui-même un esprit qui lui est propre; j’en parlais tout à l’heure en vous entretenant de l’âme humaine. L’âme de chacun de nous est notre esprit propre voici ce qu’en dit l’apôtre saint Paul: « Qui, d’entre les hommes, connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? » Puis il ajoute : « De même personne ne connaît ce qui est en Dieu, sinon l’esprit de Dieu (1) ». Il n’y a, pour connaître ce qui nous concerne, que notre esprit. Et de fait, je ne connais pas plus tes pensées que tu ne connais les miennes : les pensées secrètes de notre âme sont notre propriété personnelle : l’esprit d’un chacun en est le témoin. « De même, personne ne connaît ce qui est en Dieu, sinon l’Esprit de Dieu ». Nous sommes avec notre esprit: Dieu est

 

1. I Cor. II, 11.

 

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avec le sien : avec cette différence, néanmoins, qu’avec son Esprit Dieu sait ce qui se panse en nous, tandis que sans le sien nous sommes incapables de savoir ce qui se passe en lui. Dieu sait ce qui se passe en nous, même ce que nous ignorons s’y trouver. Pierre n’ignorait-il pas sa faiblesse, quand le Sauveur lui annonça qu’il le renierait trois lois (1)? Le médecin connaissait sa maladie, et lui, malade, ne savait pas même qu’il en fût atteint. Il est donc en nous des choses que Dieu y voit et que nous n’y apercevons pas. Et toutefois, autant que cela peut se faire, humainement parlant, une personne ne peut jamais être mieux connue que par elle-même: une autre ne peut savoir ce qui se passe en elle : son esprit propre en est seul capable. Mais si nous recevons l’Esprit de Dieu, nous apprenons à connaître même ce qui se passe en lui. Non pas tout ce qui s’y passe, néanmoins, parce que nous ne recevons pas l’Esprit de Dieu dans toute sa plénitude. Par ce gage d’amour, nous avons appris une foule de choses; car nous l’avons reçu, et plus tard nous le recevrons dans toute sa plénitude. En attendant, qu’il nous console pendant le cours de ce terrestre pèlerinage, car si Dieu a bien voulu nous donner pour l’avenir une telle assurance, il est prêt à nous accorder beaucoup. Si telles sont les arrhes, que penser de ce pourquoi elles nous ont été données ?

6. Mais que veut dire l’Evangéliste par ces paroles: « Car le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié ? » Sa pensée est évidente ; il est impossible de ne pas la saisir. Sans aucun doute, l’Esprit, qui était en Dieu, ne lui faisait pas défaut ; mais il n’était pas encore descendu dans l’âme de ceux qui croyaient en lui : car le Seigneur Jésus avait résolu de ne leur donner l’esprit dont nous parlons, qu’après sa résurrection : à cela, il y avait une raison. Si nous cherchons à la connaître, il nous aidera sans doute à y parvenir ; et si nous frappons, il nous ouvrira, afin que nous puissions entrer. C’est par la piété, et non par les mains, que nous frapperons ; et dans le cas où nous nous servirions, pour cela, de nos mains, qu’elles soient, du moins, toujours occupées, à faire des oeuvres de miséricorde, Pourquoi donc Notre-Seigneur Jésus-Christ

 

1. Matth. XXVI, 33-35.

 

a-t-il résolu de ne nous donner le Saint-Esprit qu’après sa glorification ? Avant de le dire de notre mieux, il nous faut d’abord, afin d’éviter tout scandale, chercher à savoir pourquoi le Saint-Esprit ne se trouvait pas encore en des hommes déjà saints, puisque, au rapport de l’Evangile, le Saint-Esprit fit reconnaître le Sauveur au vieux Siméon, immédiatement après sa naissance: sous l’inspiration du même Esprit-Saint, Anne la veuve, la prophétesse, le reconnut aussi (1). Il en fut de même de Jean, lorsqu’il baptisa le Sauveur (2). Rempli encore du Saint-Esprit, Zacharie prédit beaucoup de choses (3) : Marie elle-même, pour concevoir Jésus Christ, reçut le Saint-Esprit (4). Nous en avons donc plus d’une preuve : le Saint-Esprit a été donné avant que Jésus fût glorifié par la résurrection de son corps. C’était encore le même Esprit qui donnait aux Prophètes d’annoncer la venue du Christ; mais la manière de donner le Saint-Esprit après sa résurrection devait être toute différente, car auparavant, on ne l’avait jamais vu descendre du ciel : c’est de cette manière nouvelle qu’il est ici question. Nulle part nous ne lisons, qu’avant la mort du Sauveur, des hommes réunis en uni même lieu aient reçu le Saint-Esprit et parlé la langue de toutes les nations, Mais ta première fois qu’il apparut à ses apôtres après sa résurrection, il leur adressa ces paroles: « Recevez le Saint-Esprit ». C’était de ce même Esprit qu’il était question dans cet autre passage : « Le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. Et il souffla sur eux (5) ». C’était déjà lui qui, de son souffle, avait fait sortir de terre le premier homme, et lui avait donné la vie : c’était lui qui avait, par son souffle, donné une âme à Adam (6). Par là, il montrait d’avance que ce serait encore lui qui soufflerait sur ses Apôtres, pour les élever au-dessus des choses de ce monde et les porter à renoncer aux oeuvres de la terre. Telle fut la première circonstance, où, après sa résurrection que l’Evangéliste appelle sa glorification, le Seigneur donna l’Esprit-Saint à ses disciples. Il le leur donna encore, lorsqu’après être resté pendant quarante jours avec ses disciples, comme le démontre le texte sacré, il monta au ciel en leur présence et sous

 

1. Luc, II, 25 - 38.— 2. Jean, I, 26-34.— 3. Luc, II, 67-79.— 4. Ibid. 35. — 5. Jean, XX, 22. — 6. Gen. II, 7.

 

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leurs yeux (1). Puis, dix jours s’étant écoulés, il fit descendre sur eux le Saint-Esprit, à la fête de la Pentecôte : alors, selon ce que je viens de dire, tous ceux qui se trouvaient réunis dans le même endroit furent remplis de l’Esprit-Saint et parlèrent le langage de toutes les nations (2).

7. Maintenant, mes frères, de ce qu’aujourd’hui un homme reçoit le baptême du Christ et croit en lui, sans néanmoins parler toutes les langues, est-on en droit de croire qu’il n’a pas reçu le Saint-Esprit? Plaise à Dieu d’écarter de notre coeur une aussi injuste pensée. Nous en sommes sûrs, tout chrétien a reçu l’Esprit de Dieu ; mais plus grand est le vase de foi qu’il a apporté à cette source féconde, plus grande est la quantité d’eau qu’il y puise. Mais, dira quelqu’un, puisqu’on reçoit encore aujourd’hui l’Esprit-Saint, comment se fait-il qu’on ne parle plus toutes les langues ? Parce que maintenant toutes les langues sont parlées dans l’Eglise. Auparavant, cette Eglise qui parlait toutes les langues, ne comprenait dans son sein qu’une seule nation. Parler toutes les langues, c’était de sa part annoncer qu’elle étendrait ses limites parmi les divers peuples, et parlerait comme eux tous. Celui qui ne fait point partie de cette Eglise ne reçoit pas, même maintenant, le Saint-Esprit, car il est retranché et séparé de l’unité des membres : qu’il se renonce lui-même, et il le possédera: et s’il le possède, qu’il en donne donc la preuve qu’en donnaient les Apôtres. Qu’il en donne la preuve qu’en donnaient les Apôtres, qu’est-ce à dire? Qu’il parle toutes les langues. Eh quoi ! me répond le chrétien auquel je m’adresse, parles-tu toutes les langues? — Oui, je les parle, car ma langue est universelle, ou, en d’autres termes, ma langue est celle du corps auquel j’appartiens. Répandue parmi toutes les nations, l’Eglise en parle les différentes langues; or, l’Eglise, c’est le corps du Christ: tu fais partie de ce corps, en qualité de membre, et puisque tu fais partie d’un corps qui parle toutes les langues, crois donc que tu les parles aussi. L’unité des membres est le résultat de la charité, et leur ensemble parle comme chaque Apôtre parlait immédiatement après la venue du Saint-Esprit.

8. Nous aussi, nous recevons l’Esprit-Saint, si nous aimons J’Eglise, si la charité nous

 

1. Act. I, 3,9, — 2. Id, II, 1, 6.

 

unit, si nous avons le bonheur de nous appeler catholiques et d’en avoir la foi. Croyons. le, mes frères: autant on aime l’Eglise du Christ, autant on entre en participation de l’Esprit - Saint; car, nous dit l’Apôtre, il a été donné « pour se manifester ». Et comment doit-il se manifester? Saint Paul nous le dit encore : « L’uni reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse : l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science : un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit; un autre reçoit du même Esprit le don de guérir les maladies; un autre, le don des miracles ». On reçoit de lui beaucoup de dons destinés à être manifestés, mais peut-être n’en as-tu reçu aucun de ceux que je viens de nommer. Si tu aimes l’Eglise, il est sûr que tu n’en es pas absolument dépourvu; car si tu tiens de coeur à l’ensemble de l’Eglise, tu partages avec ceux qui les possèdent les dons de l’Es. prit de Dieu. Ne sois point envieux: tout ce que je possède t’appartient : je ne veux moi-même nourrir aucun sentiment de jalousie, car ce que tu possèdes est à moi. L’envie produit la séparation; l’union, tel est l’effet de la charité. Dans le corps humain, l’oeil seul ale privilège de la vue; mais est-ce pour lui seul qu’il en jouit? Il le possède pour la main, pour le pied, pour tous les autres membres, et si le pied reçoit un coup, l’oeil ne s’en détourne pas, afin de ne rien voir et de ne rien prévoir. De même, la main est le seul de tous les membres pour travailler; mais travaille-t-elle pour elle seule? Elle le fait aussi pour l’oeil. Ainsi, qu’on vienne à vouloir frapper, non pas la main, mais le visage, celle-ci dit-elle : Je ne me remue point, puisque ce n’est pas moi qu’on veut blesser? Par la marche, le pied travaille encore pour tous les autres membres : tous les membres gardent le silence, la langue parle pour tous. Nous sommes donc en participation du Saint-Esprit, si nous aimons l’Eglise; et nous l’aimons dès que, par la charité, nous ne faisons qu’un avec tout son ensemble. Après avoir dit qu’aux différents hommes sont accordés différents dons, comme à certains membres sont dévolues certaines fonctions du corps humain, l’Apôtre ajoute : « Mais je vous montrerai encore une voie beaucoup plus excellente  ». Et il commence à parler de la charité : il la préfère au langage des anges et [563] des hommes, aux miracles opérés par la foi, à la science et à la prophétie, et même à cette grande oeuvre de miséricorde, qui consiste à distribuer son bien aux pauvres; et à toutes ces grandes et merveilleuses choses, il préfère la charité (1). Aie donc la charité, et tu posséderas toutes choses, car, sans elle, rien de ce que tu pourrais avoir, ne te serait de quelque utilité. Mais parce qu’au Saint-Esprit me rapporte cette charité dont nous parlons, (l’Evangile nous fournira bientôt l’occasion de vous entretenir encore de l’Esprit-Saint) écoute ces paroles de l’Apôtre: « L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (2)».

9. Mais pourquoi le Sauveur a-t-il voulu attendre jusques après sa résurrection pour donner l’Esprit-Saint, dont les opérations en uns âmes sont admirables, puisque l’amour de Dieu a été répandu par lui dans nos coeurs? Qu’a-t-il voulu nous apprendre par là? Qu’en ressuscitant nous-mêmes, nous devons être enflammés par la charité, et que, sous son influence, il faut étouffer en nous l’amour du monde, afin que rien ne nous empêche de tendre tout entiers vers Dieu. Nous prenons naissance et nous mourons ici-bas, mais ce bas monde ne doit pas être l’objet de nos affections: sortons-en donc par la charité ; fixons plus haut notre demeure à l’aide de cette vertu qui nous fait aimer Dieu. Pendant le cours de ce pèlerinage terrestre, n’ayons pas d’autre pensée que celle-ci : Nous n’avons point ici de demeure permanente, mais nous devons y bien vivre, pour nous préparer une place en ce séjour éternel d’où il ne nous faudra jamais sortir. Depuis sa résurrection, Notre-Seigneur Jésus-Christ « ne meurt plus: désormais », comme le dit l’Apôtre, « la mort n’aura plus d’empire sur lui (3) ». Voilà ce qui doit être l’objet de nos affections. Si nous vivons pour celui qui est ressuscité, si nous croyons en lui, il nous récompensera ; mais, pour cela, il ne nous donnera pas ce qu’aiment les hommes qui n’aiment pas Dieu; ce qu’ils aiment d’autant plus, qu’ils aiment moins le Seigneur; ce

 

1. Cor. XII, 7 ; XIII, 3. — 2. Rom. V, 5  — 3. Id. VI, 9.

 

qu’ils aiment d’autant moins, qu’ils aiment davantage le souverain Maître. Et, maintenant, voyons ce qu’il nous a promis : ce ne sont ni les richesses de la terre et du temps, ni les honneurs et la puissance de ce monde: tous ces avantages, il les départit même aux méchants, afin que les bons n’en fassent pas beaucoup d’estime. Il ne nous a pas non plus promis la santé du corps; non pas qu’il ne soit le maître de l’accorder, mais parce que, vous le voyez, il la donne même aux animaux. Serait-ce une longue vie? Pouvons-nous considérer comme une vie longue celle qui finira un jour? A des hommes de foi il n’a pas davantage promis la longévité ou une vieillesse avancée, que tous désirent atteindre avant qu’elle soit venue, dont tous se plaignent quand ils y sont une fois arrivés. Il n’est pas plus question de cette beauté du corps qui disparaît sous les atteintes d’une maladie ou sous les rides d’une vieillesse désirée avec ardeur. On veut jouir des agréments de la beauté : on prétend parvenir à un grand âge: deux désirs incapables de concorder ensemble. Si tu deviens vieux, adieu la beauté, car elle s’enfuira aux approches de la vieillesse; une fraîche vigueur et les douleurs de la caducité mie peuvent, en même temps, se trouver dans le même corps. Tous ces avantages restent donc en dehors des promesses de Celui qui a dit : « Que celui qui croit en moi, vienne et boive; et des fleuves d’eau vive couleront de son sein ». Il nous a promis la vie éternelle, où nous n’éprouverons aucune crainte, où nous ne ressentirons aucun trouble, d’où nous n’aurons pas à sortir, où nous ne mourrons point, où nous ne devrons ni pleurer ceux qui nous auront précédés, ni désirer d’être remplacés par d’autres. Voilà ce que le Sauveur a promis de nous donner, si nous l’aimons et si notre coeur brûle du feu de la charité du Saint-Esprit; aussi n’a-t-il voulu nous donner cet Esprit-Saint qu’après qu’il a été glorifié; car il voulait manifester dans son corps la vie, qui n’est pas encore notre partage, mais que nous posséderons après notre propre résurrection.

 

 

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