TRAITÉ XXXV
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TRENTE-CINQUIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT : « ALORS LES PHARISIENS LUI DIRENT : TU RENDS TÉMOIGNAGE DE TOI-MÊME », JUSQU’À CET AUTRE : « MON TÉMOIGNAGE EST VÉRITABLE, PARCE QUE JE SAIS D’OÙ JE SUIS VENU ET OU JE VAIS ». (Chap. VIII, 13, 14.)

LE CHRIST SE REND TÉMOIGNAGE.

 

Les Juifs récusaient le témoignage du Sauveur ; mais ce témoignage n’était pas seul en sa faveur, il était appuyé sur celui des Prophètes. D’ailleurs, Jésus-Christ n’était-il pas la lumière véritable ? Une lumière, en montrant les objets environnants, ne peut-elle servir à se manifester elle-même ? S’il a envoyé les Prophètes devant lui, c’était afin de s’en servir comme de lampes, et de ménager la faiblesse des yeux de notre âme. Un jour, dans le ciel, il nous apparaîtra tel qu’il est, et nous contemplerons, sans ombre et sans nuage, la splendeur de ses rayons.

 

1. Vous, qui étiez ici hier, vous devez vous souvenir que nous avons longuement parlé de ce passage, où Notre-Seigneur Jésus Christ a dit: « Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie (1)». Néanmoins, si nous voulions encore discuter ce sujet, il nous serait facile de le faire et d’y employer de longues heures; car il est impossible de donner en une seule instruction des explications suffisantes sur pareille matière. Aussi, mes frères, devons-nous suivre le Christ, qui est la lumière du monde, pour ne point marcher dans les ténèbres. Les ténèbres à craindre sont celles qui se répandent sur notre conduite, et non celles qui frappent nos yeux; et si ces ténèbres redoutables viennent parfois à tomber sur l’organe de la vue, c’est, non pas sur celui du corps, par lequel nous discernons le blanc du noir, mais sur celui de l’âme, qui nous fait distinguer le juste de l’injuste.

2. Après que Notre-Seigneur Jésus-Christ eut prononcé ces paroles, les Juifs répondirent : « Tu rends témoignage de toi-même; ton témoignage n’est pas véritable ». Avant de venir sur la terre, le Sauveur avait envoyé devant lui un grand nombre de prophètes, comme autant de flambeaux allumés par lui; de ce nombre était Jean-Baptiste, à qui la lumière par excellence , c’est-à-dire Jésus-Christ, rendit elle-même un témoignage tel qu’elle n’en rendit jamais à nul autre un pareil; voici ses paroles : « Aucun ne s’est élevé

 

1. Jean, VIII, 12.

 

d’entre les enfants des femmes plus grand que Jean-Baptiste (1) ». Cet homme, qui ne compta point de plus grand que lui parmi les enfants des femmes, dit, en parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ :  « Moi, je baptise dans l’eau; mais celui qui vient après moi est au-dessus de moi, et je ne suis pas digne de délier les courroies de sa chaussure (2) ». Voyez comme le flambeau se met au-dessous de la lumière du jour. Que Jean ait été un flambeau, le divin Maître lui-même en rend témoignage: « Il était », dit-il, « une lampe ardente et brillante, et, pour un peu de temps, vous avez voulu vous réjouir à sa lumière (3) ».Un jour les Juifs lui dirent: « Apprends-nous donc par quelle autorité tu fais toutes ces choses ». Le Seigneur savait qu’ils avaient une haute idée de Jean-Baptiste, et que cet homme, pour lequel ils éprouvaient une si profonde vénération, leur avait rendu témoignage du Fils de l’Homme. « Il leur répondit donc : J’ai moi-même une question à vous faire; dites-moi d’où vient le baptême de Jean; du ciel ou des hommes?» Cette question les jeta dans l’embarras; et ils se firent cette réflexion que, s’ils disaient: il vient des hommes, la foule pourrait très-bien les lapider, parce qu’elle regardait Jean comme un prophète; si, au contraire, ils disaient : son baptême vient du ciel, Jésus leur ferait cette réponse: Vous avouez que Jean a reçu d’en haut le don de prophétie, eh bien ! ce Prophète m’a rendu témoignage, et il vous a appris de quelle autorité je fais toutes ces

 

1. Matth. XI, 11.— 2. Jean, I, 26, 27. — 3. Id. V, 35.

 

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choses. Quel que fût leur aveu, ils ne pou,aient éviter le piége; ils s’en aperçurent et dirent : « Nous l’ignorons ». « Alors », répliqua le Sauveur, « je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses (1) ». Je ne vous dis pas ce que je sais, parce que vous ne voulez point avouer ce que vous savez vous-mêmes. Ainsi remis avec à-propos à leur place, ils se retirèrent tout confus, et alors se trouva accompli ce que Dieu le Père, avait prédit par l’organe du Prophète-Roi dans un psaume: « J’ai allumé le flambeau de mon Christ », c’est-à-dire, Jean-Baptiste; « je couvrirai de honte ses ennemis (2) ».

3. Le Seigneur Jésus avait donc pour lui le témoignage des Prophètes qu’il avait envoyés devant lui, des hérauts qui précédaient le souverain Juge; il avait aussi celui de Jean; maïs il se rendait encore 1ui-même témoignage, et ce témoignage était plus puissant que tous les autres. Avec leurs yeux malades, les Juifs avaient besoin de lampes, car ils ne pouvaient supporter l’éclat du jour. En effet, l’évangéliste Jean, dont nous tenons le livre entre nos mains, nous parle en ces termes de Jean le précurseur, au commencement de son Evangile : « Et un homme fut envoyé de Dieu, et son nom était Jean; il vint pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à celui qui était la lumière. Et celui-là était la véritable lumière qui s éclaire tout homme venant en ce monde ». Si elle éclaire tout homme, elle éclairait donc Jean lui-même. C’est pourquoi l’Evangéliste précité dit encore: « Nous avons tous reçu de sa plénitude (3) ». Comprenez bien tout ceci: par là, votre âme grandira dans la foi de Jésus-Christ; et ainsi vous ne serez pas toujours des enfants à la mamelle, qui repoussent des aliments solides. Vous devez être sevrés et nourris dans le sein de notre mère, la sainte Eglise du Christ; vous devez vous préparer à prendre de coeur, et non de corps, une nourriture plus substantielle. Comprenez. le donc bien: autre est la lumière qui éclaire par elle-même , autre est celle qui reçoit d’ailleurs son éclat. Nous disons que nos yeux sont notre lumière; chacun de nous, en y portant la main, jure par eux et s’exprime de la sorte : Ainsi vivent mes lumières; car

 

1. Matth. XXI, 23-27. — 2. Ps. CXXXI, 17, 18. — 3. Jean, I, 8-9, 16.

 

voilà le jurement en usage. Si ces lumières en sont de véritables, qu’elles se montrent et t’éclairent, quand, dans un appartement bien fermé, toute autre lumière te fait défaut. Elles en sont absolument incapables. Ces lumières que nous portons sur notre visage, et que nous appelons de ce nom, ont donc besoin des rayons d’une autre lumière, placée en dehors d’elles, même lorsqu’elles sont nettes et que rien ne les empêche de se montrer; retirez-leur ou ne leur présentez pas cette lumière extérieure, elles ont beau être nettes et bien visibles, elles ne peuvent nous éclairer. De même en est-il de notre esprit: c’est l’oeil de notre âme; il faut qu’il reçoive les rayons de la vérité; il faut qu’il soit merveilleusement illuminé par celui qui éclaire et n’est éclairé par personne; sans cela, il ne pourra jamais parvenir ni à la sagesse ni à la justice. Nous conduire suivant les règles de la justice, voilà notre véritable chemin. Mais comment ne pas trébucher dans le chemin, si l’on n’a devant soi de la lumière? Elle est indispensable pour parcourir une telle voie, et, quand par son secours on voit son chemin, c’est un immense avantage. Tobie portait sur son visage des yeux fermés à la lumière; son fils le conduisait par la main, mais il donnait à celui-ci les indications nécessaires pour ne pas s’écarter de la voie droite (1).

4. Les Juifs lui répondirent donc: « Tu rends témoignage de toi-même; ton témoignage n’est pas selon la vérité ». Voyons ce que Jésus leur a dit : écoutons-le nous-mêmes, mais avec des dispositions différentes. Eux l’écoutaient avec mépris: écoutons-le avec esprit de foi; eux voulaient faire mourir le Christ désirons vivre par lui; mettons entre nos oreilles et nos esprits et les leurs cette différence qui les distingue les uns des autres; écoutons ce que le Seigneur Jésus répondit aux Juifs. « Jésus leur répondit: «Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage est véridique, car je sais d’où je suis et où je vais». Une lumière fait voir les objets environnants, et se fait voir elle-même. Ainsi tu allumes une lampe pour chercher une tunique : par son éclat, elle t’aide à trouver cette tunique ; mais allumes-tu cette lampe pour l’apercevoir quand elle brûlera? Une lampe allumée est propre à

 

1. Tobie, II, 11 ; IV.

 

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faire bien voir ce qui était plongé dans les ténèbres, comme aussi à se présenter elle-même à tes regards. De même en est-il de Notre-Seigneur Jésus-Christ : il voyait la différence qui se trouvait entre ses disciples et les Juifs, ses ennemis, comme on voit la différence qui se trouve entre la clarté du jour et la nuit : il distinguait ceux qu’il illuminait des rayons de la foi, et ceux dont il épaississait l’aveuglement. Le soleil éclaire en même temps le visage de l’homme qui voit, et le visage de l’aveugle; tous deux se tiennent tournés de son côté; ses rayons tombent également sur les traits de l’un et de l’autre mais la prunelle de leurs yeux n’en est point pareillement affectée : celui-ci voit autour de lui, celui-là ne voit rien ; et pourtant le soleil se présente à tous les deux, mais l’un des deux est absent par rapport au soleil. Ainsi, la sagesse de l’Eternel, le Verbe divin, Notre-Seigneur Jésus-Christ est présent partout, parce qu’en tous lieux se trouvent la vérité et la sagesse. En Orient, on a l’idée de la justice, on l’a aussi en Occident; mais de ce que celui-ci en a l’intelligence comme celui-là, s’ensuit-il que la justice n’est point partout la même? Ces hommes sont matériellement éloignés l’un de l’autre; mais, par la pénétration de leur esprit, ils en viennent à avoir les mêmes sentiments sur le même objet. En cet endroit-ci, je trouve une chose juste; si elle l’est véritablement, un homme vertueux, placé à je ne sais quelle distance, lui reconnaîtra la même qualité : quoique séparé corporellement de moi, il s’y trouvera uni spirituellement. Voilà l’effet de l’éclat de la justice. La lumière se rend donc témoignage à elle-même : elle ouvre les yeux qui sont sains, et elle est à elle-même son propre témoin pour se faire connaître. Que dire des infidèles? N’est-elle pas aussi présente devant eux? Oui, elle se présente même à eux, mais ils n’ont pas, pour la voir, les yeux du coeur. Ecoute la sentence portée contre eux dans l’Evangile lui-même : « Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise (1) ». Aussi, est-ce avec raison que le Sauveur dit aux Juifs : « Si je rends  témoignage de moi-même, mon témoignage  est véritable; car je sais d’où je viens et où je vais ». Il voulait parler de son Père : le Fils rendait gloire à son Père. Egal à celui

 

1. Jean, II, 5.

 

qui l’a envoyé, il le glorifie; à combien plus juste raison l’homme doit-il glorifier son Créateur !

5. « Je sais d’où je suis venu, et où je vais». Cet homme, qui se trouve en votre présence et qui vous parle, a un séjour qu’il n’a jamais quitté, quoiqu’il soit venu sur la terre : en venant parmi nous, il ne s’en est pas éloigné: il ne nous a pas abandonnés en y retournant. Pourquoi vous en étonner? Il est Dieu. Pareille chose ne peut être le fait d’un homme : le soleil lui-même en est incapable. Pour s’avancer vers l’Occident, il s’éloigne de l’Orient, et tant qu’il n’y revient pas pour y paraître à nouveau, il ne s’y voit pas. Pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, il est venu en ce monde, et, pourtant, il n’a pas quitté le ciel; il y est retourné, et, néanmoins, il est encore ici-bas. Ecoute, voici des paroles écrites en un autre endroit de l’Evangile par l’apôtre Jean : « Personne », dit-il, « n’a jamais vu Dieu, sinon le Fils unique, qui est dans le sein du Père (1) ». Il ne dit pas : Qui a été dans le sein du Père, comme si, en venant sur la terre, il avait quitté le sein de son Père. Jésus parlait ici-bas, et il disait qu’il était dans le sein du Père; et au moment de quitter ses disciples, que leur dit-il? « Voilà que je suis  avec vous jusqu’à la consommation du siècle (2) ».

6. Le témoignage de la lumière est donc véritable, soit qu’elle se fasse connaître elle. même, soit qu’elle éclaire d’autres objets: sans elle, en effet, tu ne peux ni la voir elle-même, ni apercevoir ce qui se trouve en de. hors d’elle. Si elle est propre à jeter le jour sur tout ce qui n’est pas elle, est-elle inutile par rapport à elle-même? Ne peut-elle se manifester clairement, elle qui met seule en relief les autres objets? Le Prophète a dit vrai; mais aurait-il parlé de la sorte, s’il n’avait auparavant puisé à la source de la vérité? Jean a dit vrai ; mais d’où lui est venue la vérité de ses paroles? Demande-le-lui. « Nous avons tous », dit-il, « reçu de sa plénitude ». Notre-Seigneur Jésus-Christ est donc apte à se rendre témoignage à lui-même. Mes frères, au milieu des ténèbres de ce monde, écoutons avec soin et attention les Prophètes; car le Sauveur a bien voulu venir en ce monde et s’abaisser jusqu’à nous pour soutenir notre faiblesse, et dissiper les secrètes ténèbres de

 

1. Jean, II, 18. — 2. Matth. XXVIII, 20.

 

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notre coeur. Il s’est fait homme, homme condamné au mépris et réservé aux honneurs, comme destiné à être méconnu et à compter de fervents adeptes : condamné à se voir méprisé et méconnu des Juifs, destiné à recevoir nos honneurs et l’hommage de notre foi: homme, qui devait être jugé et juger à son tour, qui devait être injustement jugé et juger suivant toutes les règles de la justice. Il nous est donc apparu dans un état d’infirmité telle qu’il lui fallait recevoir le témoignage de la lampe. Si, en effet, nos yeux avaient pu supporter l’éclat du jour, aurait-il eu besoin que Jean, pareil à une lampe, lui rendît témoignage? Mais nous ne pouvions en contempler la splendeur. Parce que nous étions faibles, il est devenu faible; et, par sa faiblesse, il a guéri la nôtre : en se revêtant d’un corps sujet à la mort, il a détruit la mort, qui devait frapper notre corps : et son humanité a été comme un collyre destiné à guérir l’infirmité de nos yeux. Puisque le Sauveur est venu parmi nous, et que nous sommes encore plongés dans les ténèbres de cette vie terrestre, il nous faut écouter les Prophètes.

7. De fait, avec ses oracles, nous réduisons au silence les païens qui nous attaquent. —Qui est le Christ? nous dit le païen. — Nous lui répondons : Celui qu’ont annoncé les Prophètes. — Quels Prophètes ? — Nous leur nommons, l’un après l’autre, ceux dont on nous lit tous les jours les prédictions. — Quels sont ces Prophètes? — Les hommes qui ont annoncé d’avance ce que nous voyons se passer sous nos yeux. —Vous, continue-t-il, vous avez mis à profit les événements qui ont eu lieu; vous les avez vus s’accomplir, puis vous en avez fait l’histoire à votre guise, et vous avez présenté les faits passés comme des faits à venir. — Ici, nous avons à faire valoir, contre ces ennemis païens, le témoignage d’autres ennemis. Nous leur présentons les livres en honneur chez les Juifs, et nous répondons: Vous êtes, vous et eux, les ennemis de notre foi. Les Juifs ont été dispersés parmi les nations, pour nous servir de preuve contre nos autres adversaires. Qu’ils montrent le livre d’Isaïe, nous verrons s’il ne renferme pas ce passage : « Il a été conduit à la mort comme une brebis, et il est resté muet comme un agneau devant celui qui le tond. « Son jugement a été enlevé au milieu des humiliations : nous avons été guéris par ses blessures : nous nous sommes tous égarés comme des brebis, et il a été livré pour nos péchés (1)». Voilà une lampe montrons-en une autre. Ouvrons le livre des psaumes, la passion du Sauveur y est aussi prédite. « Ils ont percé mes mains et mes pieds, tous mes os ont été comptés; ils m’ont regardé et considéré attentivement:  ils se sont partagé mes vêtements, ils ont tiré ma robe au sort. A vous s’adressent mes louanges : je publierai votre gloire dans une grande assemblée. Les peuples les plus reculés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui : toutes les nations se prosterneront en sa présence, parce qu’au Seigneur appartient l’empire, et qu’il régnera sur tous les peuples (2)» . Parmi mes ennemis, ceux-ci doivent donc rougir, puisque ceux-là me fournissent contre eux des témoignages écrits. Avec les passages que les uns m’ont mis en main, j’ai réduit les autres

au silence; mais je ne veux point abandonner ceux qui m’ont soutenu dans ma tâche, sans les convaincre eux-mêmes d’erreur : prenons de leurs propres mains de quoi les confondre. Je lis un autre Prophète, et j’y trouve les paroles adressées aux Juifs par le Seigneur :  « Mon amour n’est point en vous », dit le Seigneur, « et je ne recevrai pas de présents de  votre main; car, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, on offre une oblation pure à mon nom (3) ». O Juif, tu ne prends aucune part à cette oblation pure : tu es donc toi-même impur.

8. Si les lampes rendent elles-mêmes témoignage au jour, c’est en raison de notre faiblesse, car nous ne pouvons ni supporter ni voir son éclat. Néanmoins, nous sommes nous-mêmes, nous autres chrétiens, une véritable lumière, si l’on nous compare aux infidèles. Aussi l’Apôtre dit-il : « Vous étiez autrefois ténèbres, mais, maintenant, vous êtes lumière en Notre-Seigneur: marchez donc comme des enfants de lumière (4)». Il dit encore ailleurs : « La nuit est déjà avancée, et le jour s’approche. Quittons donc les oeuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière : marchons dans la décence comme durant le jour (5) ». Cependant le jour où nous vivons n’est que ténèbres, dès qu’on le met en regard du jour de notre

 

1. Isa. LIII, 5-8. — 2. Ps. XXI, 17-29. — 3. Malach. I, 10, 11. — 4. Ephés. V, 8. — 5. Rom. XIII, 12, 13.

 

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éternité; écoute donc l’apôtre Pierre : il affirme que ces paroles ont été adressées au Seigneur Jésus du sein de la suprême puissance : « Tu es mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances : nous avons nous-mêmes entendu cette voix, qui descendait du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la montagne sainte ». Mais parce que nous n’étions pas là, nous, et que nous n’avons pas entendu cette voix, le même Pierre nous dit « Nous avons, d’ailleurs, une preuve encore plus frappante dans les oracles des Prophètes ». Vous n’avez pas entendu la voix qui descendait du ciel, mais vous avez une preuve encore plus frappante dans les oracles des Prophètes. Notre-Seigneur Jésus-Christ a envoyé devant lui les Prophètes, car il prévoyait que des impies s’élèveraient plus tard, attaqueraient ses miracles et les attribueraient à la magie. Et, de fait, sites honneurs divins qu’on lui rendait, même après sa mort, pouvaient être considérés comme un effet de la magie, et prouvaient qu’il était un magicien, avait-on le droit d’en dire autant des prophéties faites avant sa naissance? Ecoute les Prophètes, ô homme que la mort a frappé, que les vers rongent déjà, et qui calomnies encore; écoute les Prophètes : je lis; prête l’oreille aux paroles d’hommes qui ont précédé le Sauveur sur la terre. « Nous avons », dit l’apôtre Pierre, « nous avons une preuve encore plus frappante dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous faites bien d’arrêter les yeux comme sur le flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos coeurs (1)».

9. Lors donc que Notre-Seigneur Jésus-Christ sera venu, et que, selon l’expression de l’apôtre Paul, il aura éclairé ce qui est caché dans les ténèbres, et découvert les plus secrètes pensées des coeurs, afin de rendre à chacun la louange à laquelle il a droit (2), alors brillera le véritable jour, et les lampes deviendront inutiles. On ne lira plus devant nous les oracles des Prophètes, on ne mettra plus sous nos veux le livre de l’Apôtre : nous ne nous appuierons pas davantage sur le témoignage de Jean, l’Evangile lui-même ne nous sera nullement nécessaire. Les Ecritures

 

1. II Pierre, I, 17—19. — 2. I Cor. IV, 5.

 

disparaîtront donc du milieu de nous: pareilles à des lampes allumées, elles nous ont été données pendant la nuit de ce siècle, pour nous empêcher de rester plongés dans les ténèbres; mais elles nous seront enlevées, parce que nous n’aurons plus besoin qu’elles nous éclairent: les hommes de Dieu eux-mêmes, qui nous les ont fournies, contempleront, comme nous, les éclatants rayons de la lumière véritable; tous secours nous seront retirés. Alors, que verrons-nous? De quoi notre âme se nourrira-t-elle? Quel spectacle réjouira nos yeux? D’où nous viendra ce bonheur que l’oeil de l’homme n’a point vu, que son oreille n’a point entendu,que son coeur n’a jamais compris (1)? Que verrons-nous ? Je vous en conjure, aimez avez moi; avec moi, courez par la foi : désirons .nous arriver à l’éternelle patrie? soupirons après elle, et souvenons-nous que nous sommes ici-bas des voyageurs. Que verrons-nous? Lisons l’Evangile: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Tu viendras puiser à la source du sein de laquelle s’est échappée la rosée si souvent répandue sur toi ; tu verras face à face la lumière, dont les rayons ne sont venus qu’obliquement et par réfraction, dissiper les ténèbres de ton coeur : c’est pour la voir et pouvoir la supporter que tu te purifies aujourd’hui. Aussi, Jean nous adresse-t-il ces paroles, que j’ai hier rappelées à votre souvenir : « Mes bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu; mais ce que nous serons un jour n’apparaît pas encore. Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous le verrons tel qu’il est (3)». Je le sens, vos affections sont, avec les miennes, dirigées vers le ciel; mais ce corps, condamné à se corrompre, appesantit l’âme, et cette habitation terrestre abat l’esprit capable des plus hautes pensées (4). Mais il me faut quitter ce livre, et chacun de nous va retourner à ses affaires personnelles. Nous nous sommes trouvés bien d’apercevoir ensemble les rayons de la même lumière : nous nous sommes réjouis, et nous avons tressailli d’allégresse. Puissions-nous toutefois, en nous séparant les uns des autres, ne pas nous éloigner de cette clarté brillante !

 

1. I Cor. II, 9.— 2. Jean, I, 1. — 3. I Jean, III, 2.— 4. Sag. IX,15.

 

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