Des Conciles

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DES CONCILES 

En 1583, des envoyés de l'empereur vinrent trouver l'électeur de Saxe, Jean Frédéric, pour s'entendre au sujet delà réunion d'un concile; les princes de Saxe répondirent qu'ils s'y rendraient en personne ou par leurs représentants, sous certaines conditions, mais qu'ils voulaient avoir l'assurance que ce serait un concile chrétien et indépendant. Ensuite le docteur Luther et Philippe Mélanchton, soupant ensemble, gémirent et se lamentèrent sur le temps actuel, or il s'élevait beaucoup d'esprits présomptueux qui se combattaient les uns les autres sans qu'aucun voulut céder ni reconnaître un maître. Chacun, comme Osiander et Grickel, veut être un grand docteur, et de là résultent beaucoup 

1 On peut rapprocher de ce passage l'assertion contenue dans la profession de foi que le père de la reforme en Suisse, Ulrich Zwingle , adressa en 1536 à François 1er : « Dans cette réunion céleste de toutes les créatures admises à contempler la gloire du Très-Haut, vous devez espérer de voir l'assemblée de tout ce qu'il y a eu d'hommes saints, courageux, fidèles et vertueux dès le commencement du monde, là vous verrez un Abel, un Enoch, un Noé, un Abraham, un Isaac, un Jacob, un Juda, un Moïse, un Josué, un Gédéon, un Samuel, un Phinée, un Elie, un Isaïe, un David, un Ézéchias, un Jonas, un Jean-Baptiste, un saint Pierre, un saint Paul. Vous y verrez Hercule, Thésée, Sacrale , Aristide , Numa, Camille, les Caton, les Scipion. Enfin, il n'y aura aucun homme de bien, aucun esprit saint, aucun ami fidèle, que vous ne voyiez là avec Dieu » 

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de troubles et d'inquiétudes. Il serait donc bon que l'on réunit un concile, mais les papistes ne le veulent pas; ils fuient la lumière et se cachent comme des chats-huants, parce que leur cause est mauvaise et leur conscience corrompue (1). 

Le 24 août 1538, le docteur Luther dit : « Il ne peut y avoir en ce moment de concile, car le pape redoute la clarté et ne veut aucun jugement ; il sent qu'il serait condamne lui et sa doctrine. Voyez ce qui se passa au concile de Nicée, où toute l'assemblée se laissa guider par le seul Paphnuce, qui dit que la 

1 Lorsque le pape eut convoqué le concile de Trente, l'humeur guerroyante de Luther se réveilla de plus belle. Un de ses derniers ouvrages fut un écrit à cet égard; il ne contient pas moins de 80 pages in-folio d'injures furibondes. Nous en transcrirons textuellement quelques passages. 

«Nos ullo opus habemus concilio, et si ob id nobis irascuntur, age, facimus eis jus concacandi femoralia, et a collo suspendendi, et hoc esset bulla amaracini et osculum pacis pro id genus delicalis sanctulis... Progredere caute, care mi Paulule, mi asine, ne subsileas. Ah ! mi Papaselle, ne subsileas. Carissime mi asellule, ne facias ne forte labaris et tibiam frangas, et si forte inter cadendum tuam podicis animam amitteres; nam toti mundo te ridendum propinares, dicerelque, Vah diabolo , ut Papasinus  se totum fœdavit …. Audis, sed quodos hic intelligit? Num per quod ventris crepitus deflare soles ? Istos libi servandos relinquo, vel per quod dulce illud vinum corsicum influit? In illud canis alvum dejiciat... crepitus et excretales (volui dicere decretales) vestros..... Hermaphrodilarum

et pediconum episcopus ac papa, diaboli apostolus... qui vult auditor esse diaboli, legat excreta et decretales papœ... Ipsi domini seculares, cur patiuntur sibi tot injurias ab illo pigro ventre, rudi papasino Romae alvum crepitus semper deflanle fieri ? »

Plus loin, Luther discute : « Qualis debeat esse pœna papae et omnium papatus sectatorum. Il faudrait les pendre, tractis eorum linguis ; et il ajoute: » Dominus vult virtutem baptismalis perpetuo efficacem esse. Asinus Retus crepitibus negat.»

Il fait dire au pape : «Qui non ventris mei crepitus adorat, qui non osculatur pedes meos, et si ita ligare velim, nates mihi lambit, mortaliter peccat et inferno dignus est. Et ailleurs : Horrebam et profecto putabam me tonitru fragorem audire, tam magnum et terribilem crepitum ventris papasinus hic defluebat : fieri non potuit quin prius magna vi contenti halitus laboraverit quam hac tuba crepitus, instar tonitru , clangeret : mirum est si neque anus, neque venter illi diruptus sit.... Il n'y a qu'un seul remède : Agere cum papa, cardinalibus et tota romana familia jure (ut vulgus ait) vulpino, cute videlicet corporis detracta , poenas luendo satisfacere, et excoriata viscera in salutare balneum juxta Ostiam vel in flammas abjicere. »

        Les adversaires de la réforme imitèrent de leur côté semblables emportements de style ; nous n'irons pas remuer ces vieux livres de controverse couverts au fond des dépôts publics, d'une inamovible poussière, mais nous citerons, comme échantillon de pareilles aménités, quelques lignes de la Singerie des Huguenots, satire amère dirigée par Arius Désiré « contre les apostats lubriques et charnels sortis de leur cloître par la chaleur du feu de paillardise, » tissu d'invectives assez originales contre ces  « hérétiques charcutiers d'enfer, moines reniés, sacrilèges, simoniaques, larrons, homicides et voleurs. »

        «Au lieu des orgues, ils usent de violons, lucs, guiternes et autres instruments provoquant à la luxure et paillardise pour réjouir leurs guenons montées sur les croupes de leurs grands chevaux. Au lieu d'encens, ils ont musc, civette, parfums et autres odeurs lubriques, pour corrompre la senteur des graisses et onguents de leur ministres goûteux et vérollés. Au lieu de la discipline régulière, ils ont fait des bordeaux de concubinage, pour accomplir leur paillardise et fornication, suivant la nature des marmots et guenons qui sont les plus luxurieuses bêtes de tout le monde.....Les guenons ont une longue queue et sont merveilleusement  chaudes et lubriques, comme sont celles de ladite division qui ont ordinairement un grand nombre de singes et marmots à leur suite et queue, et attirent à leur luxure et paillardise une infinité de moines reniés qu'elles font tomber en éternelle damnation, de sorte que lesdites guenons hérétiques attireront et divertiront plus d'hommes en une heure de nuit que ne sauraient faire les singes et marmots en un an.... Ils aiment trop mieux un jour de bonne chère que une heure de jeûne et d'abstinence. 

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chasteté conjugale était au-dessus de la sainteté dans le célibat. C'est aussi ce que j'ai répété bien souvent, et saint Paul a dit que le lit conjugal était pur. Mais aujourd'hui, supposez que deux cents Paphnuces vinssent parler ainsi; on les brûlerait.»

L'archevêque de Salzbourg avait réuni un grand nombre d'évêques, et comme ils s'étaient rassemblés dans une église pour tenir un concile, il survint un orage des plus violents, avec beaucoup de tonnerre et d'éclairs, et la foudre tomba parmi eux et 

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les dispersa tous; ils se rassemblèrent ensuite dans le château, et l'orage les en chassa une seconde fois. 

Le 27 janvier 1539, le docteur Luther étant à table, tenait en sa main un livre sur les conciles, où se trouvait l’énumération de soixante, tant généraux que provinciaux, réunis depuis l'époque des apôtres; quatre surtout se distinguaient au-dessus des autres et étaient dignes de louange; deux d'entre eux, celui de Nicée et celui de Constantinople, défendirent la Trinité et la divinité de Jésus-Christ; les deux autres, savoir, ceux d'Ephèse et de Chalcédoine, défendirent l'humanité de Jésus-Christ. Il n'est pas écrit qu'un évêque de Rome assista au concile de Nicée. Il n'y vint qu'un prélat de l'Occident, Osius, évêque de Cordoue ; les autres prélats étaient venus des Eglises de l'Orient, de la Grèce, de l'Asie Mineure, de l'Egypte, de l'Afrique. Ah! mon Dieu! les conciles et les synodes, que sont-ils? sinon vanité et convoitise? L'on s'y dispute pour des titres, des préséances et autres enfantillages et niaiseries. Voyez ce qui, depuis trois cents ans, est résulté de ces conciles, rien que ce qui concerne les cérémonies et les choses extérieures, rien qui eût trait à la véritable doctrine divine, au service de Dieu et à la foi. 

Les conciles n'ont point le droit de rendre des lois et des ordonnances sur ce que l'on doit enseigner et croire dans l'Eglise ; ils n'ont d'autre pouvoir que celui de promulguer les règlements sur les choses extérieures, les usages et les cérémonies, encore dans ce qui concerne uniquement certaines personnes, certains temps ou lieux. Lorsque ces circonstances ont changé, les règlements qui les concernaient tombent frappes de caducité et ne subsistent plus. Les lois romaines sont mortes et éteintes, car Rome n'est plus ce qu'elle était; elle est devenue tout autre chose. De même les décrets et les ordonnances des conciles n'ont plus de vigueur, parce que nous sommes dans un tout autre temps.

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Saint Paul a dit (Epître aux Colossiens, Ch. III, v. 20 ) : «  Si vous êtes morts au Christ, pourquoi vous charge-t-on d'ordonnances qui sont toutes choses périssables par l'usage, étant établies suivant les commandements et les doctrines des hommes? » Semblables commandements n'engagent donc pas les consciences, il aussitôt qu'une de ces trois circonstances, personnes, temps ou lieux, vient a changer, ils changent aussi et ne sont plus en vigueur. C'est un grand aveuglement que de vouloir prendre pour base et pour fondement semblables lois relatives à l'extérieur; il est écrit dans saint Luc : « Le royaume de bien ne vient point avec les apparences. » 

Le docteur Luther dit qu'un moine, Augustin-André Proles, homme pieux et éclaire, s'était exprimé ainsi au sujet de la parole de Dieu lorsqu'on prétendait la commenter, l'interpréter et l'expliquer d'après les écrits des Pères: « La parole de Dieu, en passant par les Pères, me fait l'effet d'une quantité de lait que l'on ferait couler à travers un sac à charbon ; ce lait serait gâté et tout noirci. » Il donnait ainsi a entendre que, par elle-même, la parole de Dieu est claire, limpide et nette, mais qu'elle s'obscurcit, se gâte et se corrompt en traversant les écrits et les doctrines des Pères.

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