Des Tentations

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DES TENTATIONS ET DES PERSÉCUTIONS.

 

Le docteur Luther dit : « Le Seigneur notre Dieu est le Dieu des humbles et des affligés; il manifeste en eux ses perfections; si nous étions toujours forts, nous nous enorgueillirions, et Dieu ne peut montrer sa puissance suprême que dans notre infirmité. Il n'éteint pas une lampe fumante; le diable au contraire ne songe qu'à nous tenter et à nous perdre. Si vous êtes dans la prospérité, louez Dieu et rendez-lui-en grâces; si vous vous trouvez dans la tribulation, priez et invoquez le Seigneur dont la volonté s'accomplit sur ceux qui le craignent. Il est un temps pour la paix , pour la guerre, pour la sagesse, pour l'ignorance , pour la joie, pour la tristesse, pour l'affliction, pour la tentation. Se sentir faible dans la foi, c'est désirer être fort. Ah ! c'est une bonne portion de la justice que d'aspirer à être juste. Ne vous abandonnez jamais au désespoir, mais appuyez-vous sur la parole de Dieu et sur les exemples des Écritures. Dieu qui a prêté assistance à tous les patriarches et aux prophètes ne vous abandonnera pas. » 

Les gens pieux doivent, quand le diable s'efforce de les tenter, lui Opposer cette prière, en le tournant en dérision : «Saint Satan, 

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prie pour nous ; nous n'avons point péché contre toi, ô diable! ce n'est point toi qui nous as crées on qui nous as donné la vie : pourquoi nous accuses-tu donc en présence de Dieu? Fusses-tu le plus grand des saints et le juge suprême de tous les saints , reçois le pet que nous faisons en tes mains (1), et va-t'en avec à Rome trouver le pape qui est ton ministre. 

Le docteur Luther se tournant vers H. W. lui conseilla, lorsqu'il était dans l’abattement, de recourir à la société des hommes et de ne pas rester dans la solitude. « Malheur, dit Salomon, malheur à ceux qui sont seuls! Je fuis la solitude lorsque je ressens de la tristesse. Ce fut quand Jésus-Christ était seul dans le désert qu'il fut tenté par le diable. Les tentations de l'esprit surpassent de beaucoup les souffrances du corps. Un moine, éprouvant îles tentations dans sa cellule, s'écria : « Je ne resterai point ici isolé; mais je sortirai plutôt et j'irai trouver les livres. » Le docteur dit ensuite à quelqu'un qui se plaignait de son sort : « La vie de nul homme n'est tranquille ni exempte de tentation, et personne n'est satisfait de sa destinée. L'homme marié voudrait être célibataire, le célibataire voudrait être marié; le serviteur aspire à être maître, et le pauvre à devenir riche.» 

Le 2 août 1538, le docteur Luther, après avoir été, la nuit précédente, fort abattu par la dysenterie , ressentit des douleurs très-vives de sciatique, et il dit : « Que le nom du Seigneur soit béni! ces paroles peuvent encore se dire, parce qu'il y a des tentations que l'on peut supporter; le péril le plus extrême n'est pas encore venu ; maudit le jour où je suis né. Jésus-Christ était comme mort lorsqu'il fut tenté dans le jardin des Oliviers et qu'il dit : « Mon Père, éloigne de moi ce calice, si telle est ta volonté» ; il y avait là une lutte de la volonté, mais bientôt il se

 

1 In manu sume crepitum ventris. 

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résigna à la volonté de son Père et l'ange vint le consoler. Jésus-Christ a été tenté en notre chair ; c'est un puissant intercesseur pour nous auprès de Dieu dans nos tentations. Que la colère de Dieu se manifeste dans les malheurs qui nous frappent ; si nous faisons pénitence dans des sentiments de foi, alors la bonté et la miséricorde de Dieu se manifestent sous sa colère. » 

Le 8 août, le docteur Luther était malade et sa femme avait la fièvre, et il dit: «Dieu m'a assez frappé et châtié, et j'ai été impatient, étant accablé de tant de maux, dyssenterie , sciatique, gravelle; mais Dieu sait bien de quelle utilité il est pour nous «le souffrir, et c'est ce que nous ne pouvons comprendre. Dieu est semblable à un imprimeur qui range les caractères de façon qu'il faut les lire à rebours ; dans l'autre vie cette impression se lira tout naturellement; en attendant, il nous faut prendre patience. Que de bon cœur je mourrais et quitterais les traces de cette vie! car je suis faible et épuise par de grands travaux, et j'ai a peine un instant de tranquillité ; mais puisque saint Paul n'a pu obtenir d'être délivré de l'ange de Satan qui lui donnait des soufflets , nous ne devons pas nous attendre à être exempts de tentation. » 

Ah ! si saint Paul vivait encore, que je voudrais apprendre de lui quelle est cette tentation dont il se plaint ! ce ne fut point une révolte de la chair (comme le prétendent les papistes ) et de l'attachement pour Thècle (1). Je crois que ce fut un sentiment de désespoir au souvenir de ses anciens péchés. Il y a dans les psaumes des sentiments semblables ; ainsi dans le XXIIe : « Mon

 

1 L'histoire apocryphe de sainte Thècle est rapportée dans le Spicilegium Patrum saeculi primi, précieux recueil publié à Oxford en 1698, par les soins du savant L. Grabe. Cette légende pleine de naïveté , offrant à la fois le double intérêt d'un poème populaire et d'un monument historique, a été l'objet d'une appréciation remarquable de M. Saint-Marc-Girardin ( Revue de Paris, 1829, t. 1er). L'ingénieux critique a très-habilement fait ressortir le double caractère de merveilleux d'une part, de vérité de mœurs de l'autre, dont est empreint ce récit. 

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Dieu! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné?» Le livre de Job est plein de pareilles idées; les plaintes du patriarche peuvent se résumer en ceci : « Je suis juste et innocent ; donc Dieu n'a nul égard à la justice et à l'innocence des hommes. » Je regarde le livre de Job comme ayant une base historique, mais l'on en a fait un poème; la chose est arrivée, mais les paroles prononcées ont été autres. Saint Jérôme et d'autres Pères n'ont pas été exempts de tentations, mais ce sont des tentations de la chair et puériles, ce n'est rien auprès de l'ange de Satan qui souffletait l'apôtre; ne nous y arrêtons donc pas. Si je devais vivre encore quelque temps, j'écrirais un livre au sujet des tentations sans lesquelles nul homme ne peut comprendre l'Ecriture sainte , ni parvenir à la crainte et à l'amour de Dieu. Dans chaque verset des psaumes il n'est guère question que de tentations, de tribulations, d'afflictions. La persécution extérieure est préférable à l'intérieure; mais les justes tomberaient bientôt dans la tiédeur s'ils demeuraient exempts de tentations. — Le docteur Jonas exposa alors diverses tentations qui affligent les gens pieux, et le docteur Luther répondit : « Il faut prendre patience et s appliquer à l'oraison. Si tout advenait selon notre volonté, nous deviendrions négligents, ainsi qu'il arrive aux papistes. La tentation est un remède qui peut devenir fort profitable.» 

Le diable s'efforce de nous tenter en nous inspirant des pensées de tristesse et de désespoir. Toute joie et toute paix vient de Dieu, l'Esprit saint est notre consolation et notre encouragement dans les périls et dans les tentations de la mort; alors il faut dire : « Va-t'en, péché, mort, diable et enfer; si tu veux m'ôter la vie, tu peux me tuer, mais ma mort ne te servira de rien, et quand même tu m'étranglerais, tu ne nuirais en rien à mon âme ; va donc dans le ciel et essaye de faire périr celui qui est ma vie; voilà ce que tu ne pourras faire. » — Un esprit allègre et content est ainsi un don bien précieux. Dans la loi de Moïse, les gens affligés n'étaient pas admis aux sacrifices, ni près de l'autel. 

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Les papistes ont écrit an sujet de saint Benoit que, ressentant un jour de violentes tentations d'impureté, il s'était roulé nu parmi des épines, afin de chasser le malin esprit. Ils ont exprimé beau coup de plaintes au sujet de ce genre de tentations diaboliques; il aurait fallu leur donner le conseil de suivre le précepte et l'institution de Dieu, lorsqu'il a dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. » 

Lorsque le diable me trouve oisif, et que je ne pense pas a la parole de Dieu, alors il trouble ma conscience, me suggérant que je ne prêche pas la vérité, mais que j'ai occasionné du trouble dans le gouvernement, et qu'avec ma doctrine j'ai soulevé de grandes rébellions et entraîné de grandes offenses. Mais lorsque j'ai repris la parole de Dieu, alors je reprends le dessus, je résiste au diable, et je lui dis : « Je sais, et, d'après la parole de Dieu, je suis certain que cette doctrine n'est pas de moi, mais la doctrine du Fils de Dieu »; et je pense en moi-même: quel son Dieu a-t-il du monde, fût-il dix fois plus vaste qu'il ne l'est! Il a voulu que son Fils fût roi, et il l'a si fermement établi dans son royaume, qu'il ne peut être ébranlé; car Dieu lui-même a dit: « C'est mon Fils, écoutez-le. »— Le docteur Luther répéta alors ce passage du psalmiste : « Maintenant donc, ô rois, soyez entendus; juges de la terre, recevez instruction. Servez l'Eternel avec crainte, et vous égayez avec tremblement. Baisez le Fils.de peur qu'il ne se courrouce et que vous ne périssiez quand sa colère s'embrasera tant soit peu. Oh ! que bienheureux sont tous ceux qui se retirent vers lui! » C'est-à-dire : «vous coaliserez-vous contre le Fils de Dieu? Alors, ainsi qu'il est arrivé aux royaumes des Juifs et à d'autres, vous serez entièrement consumés et anéantis avec tous vos royaumes, principautés, gouvernements, privilèges, ordres, lois, pouvoirs, trésors et richesses. » Soyons pardessus tout sors et certains de notre cause. Saint Paul se rend ainsi témoignage à lui-même: « Je suis un apôtre et serviteur de Jésus-Christ, et envoyé pour instruire les gentils. » Aucun homme dont l'esprit est charnel n'est capable de comprendre 

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cette espèce de louange de soi-même, qui alors était aussi nécessaire et indispensable pour saint Paul qu'un article de foi. 

Le docteur Luther dit un jour : «Aucun papiste ne se jettera de lui-même dans le feu, tandis que nos gens affrontent volontiers le feu et la mort, imitant en cela l'exemple des saints martyr, de sainte Agnès, sainte Agathe, saint Vincent et saint Laurent. Si l'on voulait menacer du feu les papistes qui tiennent à leur doctrine, vous verriez combien ils se hâteraient de l'abandonner. Les empereurs, les rois, les princes, les seigneurs traquent et massacrent aujourd'hui les chrétiens; mais le Turc les châtiera. Les papistes rejettent la domination de Dieu; ils auront celle du diable. Nous sommes, nous, des brebis destinées à la boucherie, oves occisionis

Tout récemment on a brûlé, à Paris, à la fois, deux nobles et deux magistrats pour la cause de l'Evangile ; les théologiens ont pressé le roi de France si bien, qu'il a mis de ses mains le feu au bûcher (1). Nous sommes un innocent troupeau de moutons qui n'ont point la liberté d'aller paître dans les prairies, mais qui sont 

1 Luther enchérit un peu sur la conduite de François 1er ; ce monarque porta cependant le zèle jusqu'à déclarer que si l'un des membres de son corps venait à être infecté de l'hérésie, il ne balancerait pas à le faire couper, et que si l'un de ses fils avait le malheur d'avaler ce poison, il l'immolerait de sa propre main. Le 21 janvier 1535, il fil brûler, à la suite d'une procession expiatoire, six luthériens et une femme, accusés d'avoir affiché des placards injurieux à l'Eucharistie et au clergé. On avait renchéri sur le supplice ordinaire en imaginant une estrapade ou balançoire qui élevait et faisait retomber à plusieurs reprises dans les flammes les malheureux condamnés. Il y a souvent dans l'histoire des hommes, des traits qui souilleraient celle des bêtes féroces. Quelques auteurs ont prétendu que François 1er portait une torche et que, parvenu auprès du bûcher, il la remit au cardinal de Lorraine; voir Théodore de Bèze, Hist. ecclésiastique, I. I, p. 21 ; Sleidan, I. IX, f° 144 ; Belcarius, I. XX, p. 644 ; Garnier, t. XII, p. 652 ; Daniel, t. V, p. 654 ; Gaillard, Hist. de François Ier, t. VI, p. 458; Sismondi, Hist. des Français, t. XVI, p. 452, etc. 

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tenus à l’étable; ils attendent qu'on vienne les mettre à la broche mi les jeter dans le poêlon. 

Le chancelier du comte Albert de Mansfeld, George Lauterbach, arriva de Francfort à Eisleben en 1546, et, étant à table avec le docteur Luther, il lui dit que l'empereur Charles et le pape étaient extrêmement courroucés contre l’évêque de Cologne, Herman, et qu'ils voulaient le priver de ses États; le docteur dit : « Ils ne peuvent s'armer contre nous de la parole de Dieu et de l'Écriture sainte; ils emploient alors pour nous nuire la ruse, la force, la trahison et l'astuce. Eux-mêmes nous rendent ainsi le témoignage que la sagesse, la vérité et la parole de Dieu sont de notre coté. Il arrive ce qu'a annoncé le psalmiste: « Les rois de la terre se trouvent en personne, et les princes consultent ensemble contre l'Éternel. » Mais quel sera le résultat de leurs complots? c'est encore ce que nous apprend le même psaume (II, v. 4): « Celui qui réside aux cieux rira, le Seigneur se moquera d'eux. » Ces petits messieurs en colère ne peuvent rien contre le Seigneur; ils ne gagneront que les remerciements du diable. Dieu leur dit: « Voici six mille ans que je règne et que je fais toutes les lois ; nies petits amis, ne faites pas les insolents; écartez-vous de la muraille, ou elle tombera et vous écrasera la tête. Instruisez-vous, rois et juges de la terre; soumettez-vous à Jésus-Christ, ou le diable vous enlèvera tous.

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