Des Légendes

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Déclaration Justification

 

DES LÉGENDES.

 

Sainte Elisabeth est née l'an 1207, lorsque l'empereur Othon et Philippe se disputaient la couronne impériale. Elle n'a pas

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vécu au delà de vingt-quatre ans. Cinq ans après sa mort, elle a été canonisée et inscrite au rang des saints par le pape Grégoire IX. Beaucoup de gens qui l'avaient connue et qui avaient vécu de son temps, l'invoquaient. — Lorsque le docteur Luther lut cette légende et d'autres, il soupira et il dit : « Hélas! nous avons renversé les évoques et nous avons été assez négligents pour laisser subsister dans l'Église semblables erreurs. Mais, lorsque la Bible est mise en oubli, pareilles choses s'enseignent, et c'est un indice frappant de la colère de Dieu. » 

On demanda au docteur Luther quelles étaient les légendes canoniques, c'est-à-dire sincères, et quelles étaient les apocryphes, et il dit : « Il en est fort peu d'authentiques; celles des martyrs sont les moins corrompues; ils ont appuyé ce qu'ils disaient du témoignage de leur sang. L'histoire des ermites qui vivaient dans la solitude est remplie de miracles étranges et d'actions folles. J'ai une considération toute particulière pour les saints dont la vie n'offre aucune circonstance extraordinaire, dont l'existence paraît avoir été la même que celle habituelle aux hommes, et qui n'ont nullement cherché à se faire remarquer. » 

On raconte de sainte Anne qu'elle eut trois maris, et de chacun d'eux une fille nommée Marie. De Joachim, Marie, la mère de notre Seigneur Jésus-Christ ; de Salomé et de Cléophas, les deux autres Marie (1). On dit aussi que saint Jean l'évangéliste 

1 Voir le singulier ouvrage de Jean Venelle (mort en 1369) : La vie des trois Maries, écrite d'abord en vers, mise en prose par J. Drouin, et réimprimée plusieurs fois au commencement du seizième siècle. Lacurne de Sainte-Palaye (Mém. de l'Acad. des Inscript., 4°, t. XIII, p. 520-533; 8°, t. XX, p. 267-387) et Gouget (Bibl. franc., t. IX, p. 146-155;,ont donné des extraits de l'ouvrage en ryme resté manuscrit; quant à la rédaction en prose, il en est question dans les Mémoires de d'Artigny, t. VI, p. 237-291, et dans les Mélanges d'une grande bibliothèque, t. E).

 

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devait épouser Marie-Madeleine; mais il y renonça, afin de suivre le Messie. 

Le docteur Luther prêcha au sujet de saint Christophe le jour de la fête de ce saint (1), et il dit que ce n'était point une histoire, mais une légende imaginée par les Grecs, gens sages, instruits, et doués d’une grande imagination, afin de montrer quelle devait être la vie et la conduite d'un chrétien, le représentant comme un homme très-grand, très-fort et très-robuste, qui porte sur ses épaules l'enfant Jésus, ainsi que l'indique le nom de Christophe. Mais l'enfant est si lourd que celui qui le porte se couche sous ce fardeau ; il traverse une mer orageuse, agitée, c'est-à-dire le monde, et les vagues qui l'assaillent, ce sont les tyrans et les factions, ainsi que tous les diables, qui cherchent à lui donner la mort de l'âme et du corps; mais il s'appuie sur un grand arbre qui lui sert de soutien, c'est-à-dire sur la parole de Dieu. De l'autre côté de la mer est un petit vieillard avec une lanterne qui renferme une lumière allumée; ce sont les écrits des prophètes ; il se dirige de ce côté et il arrive sur la plage où il se trouve en sûreté. Il a à son côté un panier où se trouvent du pain et du poisson ; ceci signifie que Dieu n'abandonne point 

1 Au sujet de la curieuse légende de saint Christophe, consultez le tome premier de la traduction que nous avons donnée en 1843 de la Légende dorée de Jacques de Voragine ; elle fait partie de la Bibliothèque d'élite. Nous ajouterons que l'importance de l'ouvrage de Voragine se fait chaque jour sentir de plus en plus, sous le rapport de l'étude des idées du moyen âge et pour la connaissance de l'art chrétien devenu l'objet d'une attention persévérante et générale. Depuis la publication de notre version, il a paru en Allemagne la première partie d'une édition nouvelle et critique du recueil que nous avons tenté de faire passer dans notre langue : Jacobi à Voragine Legenda aurea, vulgo Historia lombardica dicta. Ad optim. libr. fidem recensuit, emendavit, supplevit, potiorem lectionis varietatem adspersit, notas historicas , prolegomena et catalogum sanctorum bibliographicum adjecit Dr. J. G. Th. Graesse. (Dresdœ e Lipsiœ, Arnold, gr. 8°.) Le docteur Graesse occupe une des premières places parmi les plus savants et les plus infatigables bibliographes de cette Germanie si laborieuse et si docte ; il suffit de rappeler son Lehrbuch einer literargeschichte, son travail sur les Gesta Romanorum, sa Bibliotheca magica

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ses fidèles sur la terre, au milieu de tous les maux et de toutes les tribulations qu'ils ont à endurer, mais qu'il les nourrit et ne les laisse point mourir de faim. C'est un beau poème chrétien. Il en est de même du chevalier saint George, car George, en grec, veut dire un architecte qui élève des édifices avec justice et régularité, et qui chasse et repousse les ennemis qui veulent les détruire et les endommager. 

C'est un grand fléau dont le diable est l'auteur que nous n’ayons aucune bonne légende des saints. Celles qui existent sont un amas des plus houleux mensonges, et il est difficile de les corriger.— Le docteur Luther lut le même soir la légende de sainte Catherine, et il dit : « C'est contre toutes les histoires romaines, car Maxence s'est noyé dans le Tibre devant Rome, et il n'est jamais allé à Alexandrie ; mais Maximum y est allé, ainsi qu'on le lit dans Eusèbe, et depuis le temps de Jules-César il n'y a pas eu de roi en Egypte. Celui qui a troublé les chrétiens par de pareils mensonges était sûrement un scélérat désespéré ; il doit être plonge bien profondément dans l'enfer. Nous avons cru toutes ces fables monstrueuses, mais alors nous ne les comprenions pas. Rendez grâce au Seigneur Dieu, vous autres jeunes gens, de ce que vous n'êtes plus tenus de croire de semblables choses ou d'autres encore plus honteuses. »

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