Des Sacrements

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DES SACREMENTS.

 

On demanda si les Hussites agissaient bien en donnant la communion aux petits enfants, prétendant que les grâces de Dieu s'appliquent à toutes les créatures humaines. Le docteur Luther répondit qu'ils avaient, tort, et que les enfants n'avaient point besoin de la communion pour être sauvés; que cependant il ne fallait pas regarder cette innovation comme un péché, car autrefois saint Cyprien en avait donné l'exemple. 

Un hérétique peut-il administrer les sacrements? Le docteur Luther répondit à cet égard : « Oui, si l'on ignore qu'il est hérétique. Mais aussitôt qu'il avancerait ses erreurs au sujet des sacrements, ce ne serait plus des sacrements véritables. Les sacramentaires nient le corps de Jésus-Christ; les anabaptistes qui nient le baptême, ne baptisent pas réellement. Si quelqu'un s'adressait a un sacramentaire, ignorant qui il était, et ayant la persuasion de recevoir le véritable corps du Seigneur, c'est en effet le véritable corps du Seigneur qu'il recevrait. » 

Les anabaptistes disputent sur la manière dont les hommes peuvent être sauves par Peau. Il faut répondre que tout est possible à celui qui croit en Dieu tout-puissant. Si un boulanger disait : «Ce pain est un corps, et ce vin est du sang», je ne le croirais pas, et j'en rirais. Mais quand Jésus-Christ, le Dieu tout-puissant, dit, en prenant du pain et du vin :« Voici mon corps et mon sang», il faut bien observer qui est-ce qui parle. Dieu a parlé, et toutes choses ont été faites; il a ordonne, et tout a été crée; il accomplit d'un mot bien des choses que nos yeux ne peuvent voir. Telle est la vertu de l'imposition des mains. Il faut donc croire fermement en Dieu tout-puissant qui peut et veut selon sa promesse. Sa toute-puissance a fécondé la matrice morte de

 

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Sara (1). Les conceptions et générations de tous les hommes, provenant d'une petite gouttelette de sang, ne sont pas un miracle moindre que la formation d'Adam et d'Eve du limon de la terre et d'une côte de chair. Le monde est tout plein de ces divins prodiges, et toutefois il demeure aveugle. La naissance d'un enfant est un plus grand miracle que la création d'Adam du limon de la terre. Le monde entier ne saurait créer un membre ou une feuille. 

On demanda si, en cas de nécessite, un père de famille pouvait administrer à ses enfants et à ses serviteurs la cène du Seigneur. Le docteur Luther répondit : « Il ne le peut nullement , car il n'y est point appelé. Nous lisons dans le Pentateuque: «Seigneur, fais défense à ceux qui prophétisent. «Ceux qui ne sont point appelés ne doivent point s'aviser de prêcher, à plus forte raison d'administrer le sacrement. Il en résulterait de grands scandales, car beaucoup de gens n'auraient plus recours aux ministres de l'Eglise, s'ils pouvaient se dispenser de leur ministère. » 

Un pasteur demanda comment il fallait agir avec ceux qui, méprisant la parole de Dieu, n'avaient pas, depuis vingt ans, participé à la cène. Le docteur Luther répondit: « Il faut les envoyer au diable, et, après leur mort, les ensevelira part des fidèles. » — Interrogé ensuite si l'on devait les contraindre à approcher du sacrement, il répondit : « Non, car ce serait agir comme les papistes. Qu'on les instruise, les attire, les exhorte, afin qu'ils viennent spontanément. Mais je suis surpris qu'ils s'abstiennent ainsi des sacrements : peut-être redoutent-ils la confession particulière. »

On cita le cas de trois frères qui étaient brouillés: l'âme avait voulu s'attribuer, sur la succession paternelle, une part plus forte

 

1 Sarae mortuam vulvam faecundavit.

 

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que celle qui devait lui revenir, et l'affaire était soumise au jugement du sénat. On demandait si les deux autres frères pouvaient participer à la communion. — Le docteur Martin Luther répondit : «Comme ils n'ont point donné cause au procès et comme ils ont cherché à se réconcilier avec leur frère aîné, il doit leur être permis d'approcher du sacrement, d'autant que ce n'est pas d'eux , mais des juges que dépend la décision du différend. » 

Le 22 février 1539, un bourgeois de Leipzick, vieux et pieux, étant dangereusement malade , demanda la communion sous les dent espèces; il demanda aussi qu'elle lui fut donnée par un diacre de Wittemberg qui lui donnât l'absolution et le consolât. — Le docteur Luther répondit : «Il faut le consoler par la parole de Dieu, et qu'il demande le sacrement à ses pasteurs. Car les ecclésiastiques de Wittemberg n'ont aucun droit sur l'église de Leipsick. » 

Le diable, ennemi de Jésus-Christ, s'efforce d'obscurcir par diverses profanations la cène du Seigneur. Epiphane écrit que de son temps quelques fanatiques avaient poussé l'impiété jusqu'à avaler le sang menstruel des femmes en disant : « Ceci est mon sang. » Il faut donc veiller pour la vraie religion , afin que nous ne participions pas aux scandales. 

Le docteur Luther dit en 1531 : « Dieu a souvent changé les sacrements et les signes dont il fait usage. Depuis le temps d'Adam jusqu'à celui d'Abraham, l'Église offrait des sacrifices, et le feu du ciel, descendant sur les victimes, les consuma à Noël en l'arc-en-ciel pour signe. La circoncision a été recommandée à Abraham , elle a duré jusqu'à la venue de Jésus-Christ. C'est alors que le baptême a été institué, et il dure encore de nos jours. Les signes visibles se sont amoindris, mais les mystères

 

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et les œuvres qu'ils couvrent sont devenus bien plus considérables. » 

Le docteur Luther ayant un jour demandé à Jérôme Weller Itéraient il se trouvait, celui-ci répondit qu'il était troublé et mal à l'aise ; alors le docteur lui répliqua : « N'as-tu pas reçu le baptême? Oh ! quelle grâce Dieu nous a faite en instituant ce sacrement, que les Turcs et les infidèles ne reçoivent pas ! Remercions de tout notre cœur Dieu qui nous régénère, nous fortifie et nous console. » 

Lorsque Jésus-Christ recommanda à ses apôtres d'aller instruire toutes les nations et de les baptiser, il voulut que les enfants ne fussent pas exclus ; les apôtres devaient baptiser tous les gentils qu'ils fussent jeunes ou vieux, grands ou petits. Le baptême des enfants a été ainsi prescrit. Jésus-Christ a dit : «Le royaume de Dieu est aux petits enfants (Saint Marc, ch. X, v. 14). Il ne faut pas que nous regardions ce texte avec les yeux d'un veau ou que nous le contemplions comme une vache considère une porte neuve ; il faut que nous agissions à son égard comme, à la cour, l'on agit à l'égard des lettres d'un prince; il faut le lire trois fois, c'est-à-dire souvent, et y réfléchir mûrement. 

Les papistes disent que le pape Melchiade baptisa l'empereur Constantin , mais c'est une fable; cet empereur fut baptise à Nicomédie, par Eusèbe, évêque de cette ville, dans la soixante-cinquième année de son âge et la trente-troisième de son règne.

 

Le docteur Luther raconta qu'un docteur en médecine avait vu baptiser un enfant dans une église et qu'il avait été tellement touché des paroles de la cérémonie, qu'il dit que s'il était sûr d'avoir, lui aussi, reçu le baptême, il ne ressentirait aucune frayeur en présence du diable. On assura au docteur qu'il avait été baptisé,

 

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et telle devint son audace que le diable lui ayant apparu sous la forme d'un boue, il le saisit, se confiant en son baptême, par les cornes, le renversa sur une table et le retint de force, si bien que les cornes lui restèrent dans la main, le bouc ayant disparu. Un autre voulut en faire autant, et le diable l'étrangla. « Il en est ainsi , ajouta le docteur Luther, lorsqu'on veut, par témérité, suivre des exemples qui ont été le fruit d'une inspiration de la foi. » 

Les anabaptistes prétendent que les enfants, n'ayant pas la raison, ne doivent pas recevoir le baptême; je réponds que la raison ne contribue en rien à la foi. De ce que les enfants sont dépourvus de raison, ils n'en sont que plus propres et plus aptes à recevoir le baptême. Car la raison est le plus grand adversaire qu'ail la foi : elle ne vient nullement en aide aux choses spirituelles; bien souvent elle tient pour folie tout ce qui vient de Dieu et elle lutte contre la parole divine. Si Dieu peut donner le Saint-Esprit aux adultes, il peut, bien davantage , le donna aux enfants. La foi vient de la parole de Dieu, lorsqu'on l'entend; les petits enfants entendent la parole de Dieu en recevant le baptême, et ils reçoivent ainsi la foi. 

Lorsque, dans l'accouchement d'une femme, le bras ou la jambe de l'enfant se présente seul, il ne faut pas baptiser ce membre, dans l'idée que l'enfant peut ainsi recevoir le baptême (1). Encore moins peut-on prétendre baptiser un enfant qui n'est pas venu au monde en versant l'eau sur le ventre de la 

1 Il existe sur la question que discute ici Luther, et sur d'autres du même genre, un gros in-folio imprimé à Palerme en 1758, l'Embryologia sacra du  chanoine sicilien Cangiamila. L'abbé Dinouart , assisté du médecin Roux, a donné une version abrégée de cet ouvrage, lequel a été, de pins, traduit en diverses langues, et notamment en grec moderne parle jésuite Velastie. Cangiamila n'hésite pas à attribuer les accouchements laborieux la malice du démon.

 

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mère. Le texte de saint Jean nous montre évidemment que pareilles pratiques sont interdites et contraires à l'Ecriture : « Sinon que quelqu'un soit né de nouveau, il ne peut voir le royaume des cieux. » Il faut donc pour qu'un enfant soit baptisé qu'il soit né, ce qui n'a point lieu tant qu'il n'est pas sorti entier du corps de sa mère. Quand pareil cas se présente, les assistants doivent s'agenouiller et adresser leurs prières à Jésus-Christ, afin qu'il daigne délivrer le pauvre enfant de ses peines et souffrances; ils ne doivent plus douter ensuite que le Seigneur n'agisse selon ce que lui conseilleront sa miséricorde et sa sagesse. Cette prière est faite avec foi et elle introduit l'enfant auprès de Dieu, qui a dit : « Laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume des cieux leur appartient. » Nous devons donc nous tenir pour assures que l'enfant n'est point exclu du salut, lors même qu'il n'aurait pu recevoir le baptême régulièrement. S'il arrive qu'en venant au monde l'enfant soit extrêmement faible et débile, et qu'il coure un danger certain de mourir avant qu'on ait en le temps de le porter à l'église, alors les femmes doivent le baptiser elles-mêmes, en employant la formule consacrée. Eu pareil cas, il doit être recommandé à la mère d'avoir auprès d'elle, tout au moins, deux ou trois femmes ou individus qui puissent attester que le baptême a été administre à l'enfant. Car, ainsi que l'a dit l'Écriture : « En la bouche de deux ou trois, git tout témoignage. » 

Quelqu'un qui était absent écrivit pour que l'on demandât au dot leur Luther s'il était permis de baptiser avec de l'eau chaude. Le docteur répondit : « Mandez ace benêt que, chaude ou froide, l'eau est toujours de l'eau. » 

En 1541, le docteur Menais demanda au docteur Luther comment il fallait baptiser un juif, et le docteur lui dit qu'il fallait remplir une grande cuve d'eau, ôter au juif ses vêtements, le couvrir d'un habillement blanc et le faire asseoir dans l'eau et le

 

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baptiser sous l'eau. « De même, ajouta le docteur Luther, les anciens, lorsqu'ils recevaient le baptême , s'y présentaient revêtus de vêtements blancs. Aussi le premier dimanche après Pâques, consacré à cette cérémonie, était appelé dominica in albis; un pareil vêtement était d'autant plus convenable, que l'on avait coutume d'ensevelir les morts dans des linceuls blancs. Le baptême est un emblème de notre mort, et je prétends que lorsque Jésus-Christ reçut, dans le Jourdain , le baptême des mains de Jean , il était vêtu de blanc. Si un juif non converti de cœur me demandait le baptême , je le conduirais sur le pont de l'Elbe , je lui attacherais une pierre au cou et je le jetterais dans le fleuve, car les drôles nous insultent ainsi que notre religion.»

Et le docteur Luther recommanda à Juste Menius de ne pas se laisser séduire par les paroles flatteuses des juifs. 

On demanda ce qu'il fallait faire dans l'incertitude que quelqu'un eût reçu le baptême; devait-on le baptiser une seconde fois sous condition en disant : « Si tu n'as pas été baptisé, je te baptise? » Le docteur Luther répondit : « L'Église ne doit point souffrir semblables baptêmes; si l'on doute qu'un homme ait été baptisé, il faut lui donner le baptême pur et simple.» — Quant aux motifs de cette décision, ils sont consignés dans une lettre que le docteur Luther écrivit au docteur Wenzel Linken, ministre à Nuremberg. 

L'eau et la parole divine sont l'essence du baptême ; si un juif se faisait baptiser dans de mauvaises intentions et par astuce, le baptême que nous lui aurions administré de bonne foi n'en serait pas moins valide. De même, ceux qui s'approchent du sacrement de l'Eucharistie sans en être dignes, reçoivent réellement la communion, bien qu'ils n'aient pas les dispositions nécessaires.

 

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Voyez quelles grâces Dieu nous a faites; il nous appelle à lui parle baptême et par la parole de l'Evangile, mais nous nous montrons constamment indignes de tant de faveurs, et nous ne renonçons point à nos péchés. Que la parole divine murmure tout bas ou qu'elle tonne, qu'elle chante aigre ou doux, elle ne nous émeut point. Aussi Dieu a-t-il dit : « Le juste vivra de sa foi » (Habacuc, ch. II, v. 4), c'est-à-dire, celui qui croira sera sauvé. 

Il n'y a pas de doute que les femmes qui meurent en mal d'enfant et qui meurent dans la foi, ne soient admises à la béatitude, car elles succombent dans l'emploi et les fonctions que Dieu leur a assignés. Le docteur Luther dit ensuite qu'autrefois il s'était introduit l'idée de différer le baptême jusqu'à ce que l'on fût devenu grand, afin d'effacer les péchés en même temps. Mais cette pieuse erreur devint une occasion de malice, et il y eut des gens, comme saint Augustin, qui retardaient et remettaient toujours le moment de leur baptême, ce qui marquait le peu d'estime qu'au fond ils éprouvaient pour ce sacrement. 

A propos de la confession auriculaire, on demanda si un prêtre pouvait être contraint de révéler en justice ce qui lui avait été confié. — Le docteur Luther répondit : « Il n'y est nullement tenu; ce qu'il a appris ne relève que du tribunal de Dieu et de la conscience, et il peut dire : «Seigneur juge, dès que je suis sorti du confessionnal, j'ignore totalement les faits au sujet desquels vous m'interrogez. » 

On demanda ceci au docteur Luther : si un prêtre a absous une femme qui a tué son enfant, et si ensuite le crime vient à se découvrir, le prêtre peut-il être interrogé parle magistrat? — Le docteur répondit : « Il ne le peut d'aucune façon ; il faut distinguer entre le droit politique et le droit ecclésiastique. Ce n'est pas à un homme qu'elle s'est confessée, mais à Jésus-Christ ;

 

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si Jésus-Christ se lait sur son crime, je dois me taire également et répondre tout simplement que je n'ai rien appris. Il ne faut pas laisser le droit politique empiéter au delà de ses prérogatives. » 

On raconta le trait suivant qui s'était passé à Venise : un moine avait donné l'absolution à une femme qui lui avait avoué, en confession, avoir coupé la gorge à un jeune homme couché avec elle et avoir jeté le cadavre à l'eau. Ensuite ce moine se laissa corrompre par une somme d'argent et il révéla l'action de cette femme. Elle se défendit en disant qu'elle avait eu l'absolution. Le conseil de Venise jugea que le moine devait être brûlé et la femme bannie de la ville.— Le docteur Luther dit : « C'est une décision juste, sage et équitable; elle fait honneur au sénat de Venise; le moine méritait fort bien d'être brûlé, comme traître et parjure »

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