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ÉVÉNEMENTS EXTRAORDINAIRES, PRODIGES, CRIMES.

 

Le 1er décembre 1538, on écrivit de Nuremberg qu'une femme avait eu quatre enfants d'une seule couche, deux fils et deux filles, et que tous étaient pleins de vie. Le docteur Luther dit : « Accoucher est une opération divine quoique dangereuse ; un fœtus ordinaire a des ressources naturelles, mais ces grossesses monstrueuses sont un fardeau bien pesant. »

 

En 1538, une femme, qui s'était mariée le jour de saint Vitus, accoucha le jour de saint Blaise, c'est-à-dire, au bout de six mois et un jour. Le mari désavoua l'enfant. L'affaire fut portée devant les échevins de Magdebourg, qui décidèrent qu'il était légitime.

 

Un habitant de Nuremberg enleva la femme d'un de ses concitoyens; étant revenu, il voulut corrompre la femme d'un diacre ; elle le dénonça au sénat : il fut mis en prison ; alors il se donna à Satan afin d'en être secouru. Un autre prisonnier entendit ce pacte, et il vit apporter à ce malheureux deux lumières et deux pierres avec lesquelles il brisa les chaînes dont il était lié, mais il y en eut une qu'il ne put rompre. Enfin, sous les veux des gardes et des magistrats, il fut enlevé de leurs mains par un coup de vent impétueux et transporté à travers les airs, et on ne le revit jamais. Le docteur Luther dit : «Telle est la malice du diable, qu'il peut aveugler les hommes au point qu'ils ne sont plus en état de voir ni de comprendre. » Il dit alors qu'une femme avait, de concert avec ses deux enfants, tué son mari dans la Marche de Brandebourg et qu'ils avaient jeté le cadavre dans un étang, après lui avoir attaché une pierre au cou. — Il dit ensuite que, près de Magdebourg, un frère et une sœur avaient tué leur père dans une forêt. Ce sont des temps bien déplorables que ceux où les hommes deviennent ainsi impies et

 

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scélérats ; Dieu veuille nous assister, afin que nous amendions notre vie.

 

Le 14 juillet 1543, Vitus Théodore écrivit de Nuremberg qu'il s'était passé une chose horrible à Straulingen. Une veuve fut engrossée par un ecclésiastique. Lorsqu'on porta l'enfant pour le baptiser, le prêtre voulut savoir quel était le père, et comme on ne le lui dit pas, il renvoya l’enfant sans baptême. La mère aussitôt tua l'enfant et se suicida ensuite. L'ecclésiastique, père de l'enfant, se perça lui-même, et le prêtre, dont le refus avait occasionné ces malheurs, se pendit de ses propres mains, lorsqu'il les apprit. — Le docteur Luther déplorant une telle réunion de calamités dit : « Ah ! quels ne peuvent être les effets de l'ignominie pour la perte de l'âme et du corps! Prions et veillons, car Satan ne dort pas. Voici ce qui est arrivé dans la Nouvelle-Marche. Une femme lavait son enfant dans un baquet, et, entendant crier un autre de ses enfants, qui venait de se blesser grièvement avec un couteau, elle courut vers lui, abandonnant le petit enfant qu'elle tenait et qui se noya dans le baquet. Le mari, étant survenu, pensa que lanière avait voulu faire périr l'enfant, et, des qu'il la vit, il la perça de son poignard. C'est une horrible histoire.»

 

Un voyageur vint à tomber entre les mains de brigands qui le massacrèrent, et an moment d'expirer, il vit en l'air des corneilles auxquelles il cria : « Je vous prie de venger ma mort.» Trots jours après, les brigands allèrent dans une ville, et une troupe nombreuse de corneilles étant venue se poser sur l'auberge où étaient ces scélérats, l'un d'eux dit ironiquement: « Voici des corneilles qui veulent tirer vengeance de la mort de ce voyageur que nous avons tué l'autre jour. » Un valet de l'auberge ayant entendu ces paroles, les rapporta à son maître, et ces bandits ayant été arrêtés, subirent la peine réservée aux homicides (1).

 

1 C'est trait pour trait l'histoire du poète grec Ilycus, qui vivait cinq à six siècles avant notre ère, et qui, au moment de périr sous les coups de quelques bandits, aperçut au-dessus de lui une volée de grues et s'écria que ces oiseaux seraient ses vengeurs.

 

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Un vaurien avant été convaincu d'avoir commis un vol, fut mis eu prison dans la petite ville de Beltzig, et, par l'intercession de quelques personnes compatissantes, il fut relâché en considération de sa grande jeunesse. Il quitta la ville et se mit à la tête d'une bande de brigands et commit les plus grands ravages; il attaqua un jour la ville et il y mit le l'eu, de sorte que beaucoup de maisons brûlèrent. Il finit par être arrête, et, interroge par ses juges, il dit : « Que les coupables étaient ceux qui l'avaient pas agi selon les règles de l'équité à son égard, en ne le faisant point pendre comme il l'avait mérité par le vol qu'il avait commis, et qu'ils étaient dignes d'être également pendus. » Il subit la peine de mort.

 

A Iéna un jeune homme pauvre s'était marié, et il n'avait pas de quoi subsister; un vieillard, qui était veuf, le recul chez lui, et le jeune homme sut que ce vieillard avait amassé de l'argent, rai en un seul endroit il aperçut plus de soixante florins ; il tua son hôte qui était sans méfiance, jeta le cadavre dans la cave et s'empara de l'argent; mais il ne put s'enfuir au delà de la petite maison qui est située à l'entrée du pont de la ville. La porte de la maison du vieillard restant fermée, les voisins conçurent des soupçons ; on ouvrit, et l'on trouva le cadavre dans la cave. Le jeune homme fut arrêté, et il avoua qu'il n'avait pu aller au delà du pont. A cette même époque, le docteur Luther, Philippe Mélanchton et d'autres ecclésiastiques se rendirent à Iéna dans le cours d'une visite pastorale, et le jeune homme les pria d'intercéder pour lui auprès du prince. Mais ils lui répondirent que son crime était tellement atroce qu'ils ne pouvaient, sans blesser leur conscience, agir pour l'arracher au châtiment qu'il méritait, mais qu'ils tâcheraient de faire mitiger la peine. — Le jeune homme, en entendant cela, resta trois jours entiers plongé dans l'abattement et le désespoir, et se refusant à boire et à

 

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manger. Frédéric Myconius vint à lui pour le consoler, et, au bout de trois jours , le jeune homme le remercia très-vivement de son zèle et de ses soins, disant : « O seigneur Frédéric, Satan me pressait beaucoup de mettre fin à ma vie en me pendant ; mais, soutenu par la parole de Dieu, je me prépare à la mort en me résignant au supplice. » Et ce fut en cette foi qu'il subit sa peine. Il s'est passé quelque chose de semblable à Wittemberg, où un paysan, en ayant tué un autre dans la ville, ne put, après avoir commis son crime , s'enfuir au delà du pont. Cela montre quelle est la douleur et la blessure de la conscience.

 

Il y a quarante ans, dans un village près de Leipsick, un homme tua toute une famille, père, mère et enfants, et, ayant pris l'argent, il s'enfuit. Ayant été arrêté, il dit qu'il était resté trois jours couché sous l'escalier, hésitant s'il commettrait ce crime qui lui faisait horreur, et qu'il avait enfin entendu une voix qui lui disait tout bas : « Va, va, tue-les», et que c'était poussé par cette voix qu'il avait agi.

 

En 1550, un fils tua , à Kœnigsberg, son père et sa mère; un paysan, sa femme et trois petits enfants; un autre paysan, un de ses compagnons, à cause de quatre florins. A Joachimsthal, un frère tua son frère, parce qu'il refusait de lui compter une somme d'argent.

Ce sont des horreurs dont Satan est la cause ; il nous faut donc veiller et prier. 

Le 3 juin 1530, on raconta un fait que l'on dit s'être passé auprès de Ziltau, du temps de la famine. Une femme pieuse et croyant à l'Evangile souffrait beaucoup, ainsi que ses deux enfants, du manque de vivres, et n'ayant plus aucune ressource, elle résolut d'aller avec ses enfants auprès d'une fontaine, pour prier Dieu de venir à son secours. Et, tandis qu'elle était en route, un homme vint au-devant d'elle et lui demanda si l'eau

 

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de cette fontaine pouvait lui tenir lieu de nourriture. La femme répondit que tout était possible à Dieu; il a, durant quarante ans, alimenté le peuple d'Israël avec de la manne dans le désert, et il peut aussi me nourrir avec cette eau, si tel est son bon plaisir. Alors cet homme (c'était peut-être un ange) lui dit: « Puisque tu crois fermement, retourne chez toi ; tu y trouveras trois boisseaux de farine. » Elle revint chez, elle avec beaucoup de joie, étoile trouva en effet ce qui lui était promis.— Le docteur Luther répondit : « Si c'est vrai, c'est un miracle insigne de la foi. Si c'est une fable, elle a été pieusement et ingénieusement imaginée, afin d'attirer les hommes à la foi.

 

Les voleurs sont maudits de Dieu ; la bénédiction du Seigneur se retire d'eux, même sous le rapport terrestre, et lorsqu'ils se croient dans une haute prospérité, ils succombent, ainsi que le dit un proverbe grec.

 

La peine rendue contre le vol n'est nulle part aussi sévère qu'en Allemagne et en Angleterre. En France, un vol considérable est puni, pour la première fois, par la flagellation ; en cas de récidive, par l'amputation de l'oreille ; et si le coupable est arrêté une troisième fois, il subit la peine de mort. Le docteur Luther dit alors : « Les Lacédémoniens avaient un singulier usage : ils permettaient le vol clandestin, pourvu qu'il ne fût pas découvert; c'était afin que les citoyens apprissent à redoubler de vigilance pour garder leurs biens. »

 

Le 20 juillet 1539, le docteur Luther était fort courroucé contre quelques-uns de ses voisins, qui, après avoir emprunté chez lui divers objets, niaient ensuite les avoir reçus. « Ah! bon Dieu! quelle est cette malice, qu'aucune crainte et qu'aucun remords n'empêche ? Ce sera un grand malheur pour eux, puisqu'ils doivent faire serment sur leur âme; car le serment est la

 

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fin de tout différend. S'ils font serment, il vaudrait mieux pour eux qu' ils fussent pendus; car celui qui se parjure perd son âme et ses biens. »—  Il envoya ensuite vers celui avec lequel existait le différend, pour qu'il fût admonesté de nouveau, afin qu'il ne tombât pas dans un semblable péril; car semblables exemples ne doivent se tolérer.

 

Aujourd'hui j'ai eu à m'occuper des prévarications d'un boulanger qui ne donne pas à son pain le poids juste et légal, bien que semblables affaires regardent le magistrat et ne me concernent pas. Si ou laissait les boulangers voler tant qu'ils voudraient, ou verrait de belles choses !

 

Il arriva une circonstance étonnante à Wittemberg, en 1533 ; trois voleurs apportèrent à la femme d'un orfèvre une boite eu or, connue celles où l'on garde le pain consacré; elle leur dit de revenir dans une heure, et elle donna avis au magistral. En revenant, ils trouvèrent le magistrat, et, saisissant leurs armes, ils blessèrent un sergent et prirent la fuite; un d'eux fut tué, un autre se sauva ; le troisième, poursuivi sur le pont et ne pouvant s'enfuir, blessa un soldat, et, se dépouillant, il se jeta dans l'Elbe, où il périt. — Le docteur Jonas ajouta que l'on assurait que, tandis qu'il se débattait dans l'eau, on l'avait entendu implorer l'assistance de Dieu, mais inutilement; car c'était un insigne garnement et presque un parricide, il avait coupe deux doigts à son père. Le même jour, le gouverneur avait envoyé demander ace père des renseignements sur le compté de son fils, et la réponse avait été : « Je voudrais que mon fils se noyât aujourd'hui dans l'Elbe» ; ce qui arriva en effet, la voix de la colère divine s'étant fait entendre par la bouche du père.— Le docteur Luther dit qu'il avait lu en saint Augustin que, lorsque des mères souhaitaient du mal à leurs enfants, ces malédictions avaient un effet funeste.

 

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Un homme vola un calice dans une église près de Torgau, et il avoua ensuite à un ministre qu'il était tourmenté par ses reperds, et qu'il rendrait ce qu'il avait soustrait si on lui donnait dix florins pour l'assister, car il était dans une extrême détresse. Le ministre consulta le docteur Luther, qui répondit qu'il fallait donner les dix florins et réprimander très-sévèrement le voleur. Il ne renonça pas à ses habitudes coupables, et il fut plus tard arrêté, et puni.

 

Un courtisan de l'électeur Jean apporta quarante florins au docteur Luther. comme une restitution à laquelle il se croyait tenu en conscience, et qu'il désirait que l'on fit sans le nommer. Le prince se mit à rire; il dit qu'il voudrait bien connaître cette personne pour lui conférer une place plus importante, et il donna cet argent au docteur Luther pour l'aider dans sa traduction de la Bible; le docteur le distribua à des collaborateurs pauvres, qui l'aidaient dans ses travaux.

 

Dans la basse Allemagne, il apparut un monstre qui avait la taille d'un homme et la ligure d'un chien ; il flairait les gens qui devaient mourir, et d'autres que ceux qu'il flairait le virent. Ces personnes destinées à la mort recoururent, dans leur superstition, à des messes. Le docteur Luther apprenant cela, dit : Seigneur Dieu, fais-nous miséricorde et conserve-nous la parole; car, lorsqu'elle se perd, nous croyons et nous adorons huit; il n'est rien de si absurde qui ne trouve alors des adorateurs, ainsi que Priape en rencontra chez les Romains. »

 

Un enfant étant né eu Prusse, un génie ou un esprit de ténèbres (car nous ne savons pas ce qui en est) vint séjourner auprès de lui, et en prit tant de soin, que l'enfant n'eut besoin ni de sa mère, ni d'aucune servante. Quand il grandit, l'esprit continua

 

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d'agir de même. Il visita les écoles avec lui, mais, ni celui auquel il s'était attaché, ni personne au monde, ne l'aperçut jamais. Le jeune homme étant parti pour l'Italie, l'esprit l'accompagna, et, toutes les fois que quelque danger ou quelque obstacle était sur son chemin, il l'en avertissait en le touchant ou en faisant quelque bruit; il lui tirait ses bottes, comme aurait fait un valet, et à son retour, il ne le quitta point. Le jeune homme obtint un canonicat, et, un jour qu'il était à table avec quelques amis, se livrant à la gaieté, l'on entendit soudain frapper un coup violent sur la table, et tous les assistants furent saisis de frayeur. Le chanoine dit aussitôt : « Ne craignez rien ; c'est moi qu'un grand malheur menace. » Le lendemain, il fut attaqué d'une lièvre violente , et après en avoir souffert durant trois jours, il mourut misérablement.

 

Le comte Jean Henri de Schwarzburg raconta qu'une fois l'on apporta à un pape, à Rome, un homme marin qui avait jusqu'au milieu du corps la forme d'un homme. Comme il était en danger de mourir, le pape le fit derechef jeter dans la mer en disant : « Bon Dieu ! que tu es admirable dans les créatures qui sont sur la terre ! »— Alors le monstre prit la parole et il dit : « Bien plus admirable dans les eaux. »Le docteur Martin dit : « Ce monstre était un diable, car le diable habite dans les eaux et dans  les grandes forêts. Beaucoup de gens ont vu des monstres marins et c'était très-certainement des diables. »

Là-dessus, le noble seigneur de Volrat, comte et seigneur de Mansfeld, dit qu'en Dannemarck , des pêcheurs, en jetant leurs filets dans la mer, avaient pris deux gros monstres marins ; l'un s'était sauve en brisant les filets, mais l'autre avait été capturé et conduit à terre, où il était bientôt mort, et le roi de Dannemarck en fit faire le portrait, que le comte avait vu et qui n'était rien autre chose que celui d'un moine ayant une aumusse et un capuce. Le comte ajouta que le seigneur d'Hulten avait écrit, des îles d'Or, à son père, le comte Albert, qu'ils avaient pris nu monstre marin qui était comme un évêque, ayant une mitre, un camail et tous les ornements épiscopaux (1).

 

1 La figure de pareils prélats, dont le diocèse s'étend sous les flots amers, orne bon nombre d'ouvrages du seizième siècle; nous la rencontrons notamment dans le curieux Recueil de Descerpz de la diversité des habits : elle y est accompagnée de quatre soi-disant vers, que nous transcrirons ici en dépit des longueurs qu'on y trouvera sans doute :

« La terre n'a evesque seulement
Qui sont par bule en grand honneur et tiltre;
L'evesque croist en mer semblablement
Ne parlant point, combien qu'il porte mitre. »

 

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On raconta au docteur Luther qu'une jeune fille avait été dans une forêt pour garder des vaches, et qu'une grande quantité de neige étant tombée, on l'avait crue perdue, mais qu'au bout de trois jours on l'avait trouvée; sous un arbre, et tout autour d'elle était un grand cercle où il n'était point tombe de neige. Quand on l'interrogea, elle répondit :« Je suis ici à attendre mes vaches », comme si elle n'y était que depuis une heure. C'est Dieu qui la préserva.

 

Dieu emploie divers moyens pour appeler le monde à la pénitence; il fait usage de la parole de ses ministres, et parfois de divers prodiges et spectacles effrayants, afin d'intimider les cœurs endurcis. Le samedi 10 septembre 1536, entre six et sept heures, on entendit de violents coups de tonnerre qui avaient été précédés d'éclairs, et, durant les huit jours, il avait fait un froid très-vil; les mathématiciens disent que c'est un signe d'une extrême Sécheresse dans l'air. Le docteur Luther entendant ces coups de tonnerre de chez lui, dit au docteur Pomeranus: «C'est une chose merveilleuse, puisque nous sommes si près du cercle arctique; cela ne se voit qu'en Asie, en Afrique et sous la zone torride: c'est clairement l'œuvre de Satan. Je crois que des diables ont voulu entamer quelque controverse, mais un ange a déchiré leurs propositions. Mais le monde ne fait nulle attention à semblables prodiges. Une pareille merveille attira l'attention de Mélanchton lorsque François de Sickingen était au moment de mourir. Adolphe Melers se rendant , durant la nuit, à Torgau avec un paysan, aperçut dans le ciel une grande étoile; autour d'elle résonnait le bruit des trompettes, et des troupes de gens armés se battaient. L'électeur Jean vit en 1516, à Erfurth, une grande

 

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étoile de couleur rouge qui se changea successivement en un cierge, en une croix, en une étoile de couleur de safran, et qui prit enfin la forme d'une étoile ordinaire. C'était l'année qui précédait la prédication de l'Evangile, et c'était un signe que cette prédication deviendrait éclatante , serait poursuivie parla persécution, souillée un moment par des séditions et par des sectes, et qu'elle resterait enfin comme une étoile fixe, Mais je n'attribue aucune certitude à pareils signes; la plupart sont des tromperies de Satan : ce qu'il y a de sûr, c'est que depuis quelques années ils se sont multipliés, et que les épicuriens les méprisent. »

 

Le 21 octobre 1533, on vit, durant la nuit, une multitude de dragons qui volaient dans l'air et qui se montraient dans tous les coins du ciel; lis étaient en quantité innombrable, et dès que les uns disparaissaient, d'autres se montraient : on les aperçut de Wittemberg jusqu'à Halle, et ils étaient si peu élevés au-dessus de terre qu'ils paraissaient toucher le toit des maisons et les arbres.

 

Le 26 juin 1536, on vit dans le ciel, durant la nuit, un cercle formé d'étoiles, et au milieu était une étoile d'un très-grand éclat ; elle disparut ensuite, et le cercle subsista encore quelque temps. Le docteur Luther dit : « C'est peut-être une illusion dont le diable se sert pour se jouer des hommes. »— On dit que l'on avait vu le soleil entouré d'un cercle et surmonté d'une croix d'or, et que Ferdinand, se rendant de Bohême en Autriche, avait été inondé d'une pluie de sang Le docteur Luther dit : « Dieu envoie beaucoup de prodiges, mais les hommes les méprisent, et persistent dans leur sécurité. De là s'ensuivent de grandes calamités. »

 

En 1539, on aperçut durant deux jours une comète dans le signe du Lion. Le docteur Luther dit : « Une telle multiplicité de merveilles nous annonce bien la colère de Dieu. Ils nous invitent

 

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à la pénitence, mais hélas! l'on ne voit dans le monde nul amendement. Il faut que Dieu vienne châtier sévèrement le inonde, et peut-être tout cela indique-t-il que le dernier jour Et chaque chose sera close, n'est pas loin.» — La queue de cette comète n'était pas fort longue, et elle se dirigeait vers le midi.

 

En 1546, le dimanche après la Noël, il y eut, dans la nuit, un violent orage accompagne de tonnerre et de coups de vent ; beaucoup de tours, d'édifices, de clochers, d'arbres furent renverses. Un paysan, qui revenait d'un village près de Torgau, aperçut, durant cette même nuit, deux hommes dans le ciel, dont l'un s'écriait : « O malheureuse Allemagne ! o malheureuse Saxe! malheureux peuple chrétien ! » Et l'autre répondait : « Faites pénitence ! faites pénitence ! »

 

Il s'est commis cette année, en 1536, un forfait horrible en Silésie, dans le village de Kutzendorff: une femme, durant l'absence de son mari, a tué ses trois enfants ; elle a étranglé l'aîné qui avait quatre ans, étouffé le second âgé de trois ans, et elle a égorgé le plus jeune âgé de trois mois ; elle s'est ensuite tuée. Si nous n'étions des épicuriens, pareil crime devrait nous glacer d'effroi; mais telle est la malice du monde et du siècle, qu'aucune exhortation, aucun signe ne peut l'amender.

 

Une femme déguisée en homme a successivement abusé de deux femmes par un stratagème infâme (1). C'a été une abomination satanique. Elle a été brûlée à Heidelberg.

 

Du temps que j'étais jeune et non loin de ma patrie, il veut un gentilhomme de très-bonne famille et très-digne d'estime, qui

 

1 Ficto membro.

 

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surprit sa femme en adultère; il fit périr le galant de faim, le faisant attacher dans un cachot, et chaque jour il lui faisait apporter et mettre non loin de lui de la viande bien préparée et fumante à laquelle le malheureux ne pouvait toucher, mais dont l'aspect et l'odeur augmentaient ses souffrances. Il vécut ainsi onze jours et alors il expira. Ce gentilhomme agit avec justice, mais avec cruauté. La justice ne défend pas de faire périr l'adultère qu'on surprend, et ceci nous montre que des peines atroces punissent de grands crimes. Je pourrais les nommer tous deux, mais je veux passer leurs noms sous silence.

 

En 1505, il y avait un évêque de Trêves qui, dans les diètes, répondait aux Français en français, aux Italiens en italien, aux Allemands, aux Espagnols, aux Polonais, dans leurs langues respectives. Il était très-instruit, mais il était fort débauché, et il courait sans cesse après les femmes. Il fut enfin surpris chez une dame qu'il courtisait et dont le mari le tua.

Vers la même époque, il y avait à Heidelberg un évêque sous lequel vécut Rodolphe Agricola, et en entrant un jour dans un lieu de débauche où on lui avait tendu un piège, il tomba dans une cave qu'on avait laissée ouverte ; dans celle chute il se brisa la tête et il mourut sur le coup.

Le docteur Luther parla d'un maître ès arts d'Erfurth, homme instruit et de bonne vie, qui fut ensuite élevé à la prêtrise et qui tomba en adultère avec la femme d'un maçon, et qui, un jour, fut surpris par le mari en flagrant délit et mis à mort. Il dit ensuite : « J'ai reçu de Dieu cinq enfants qui me sont bien chers, mais quand je pense combien le monde devient pervers et combien il est facile à la jeunesse, entourée de tant de dangers, de se laisser corrompre par des vauriens, alors je souhaiterais que tous mes enfants fussent morts, car il n'est aucun espoir que le monde s'amende. »

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