Du Mariage

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Déclaration Justification

 

DU MARIAGE ET DU CÉLIBAT (1).

 

Entre époux , il ne doit jamais être question de ces mots : Le

 

1 Le fameux sermon de Luther sur le mariage ne saurait être ici passé sous silence; il fut prêché en pleine église, à Wittemberg, en 1522, et jamais paroles plus étranges n'ont été prononcées en chaire. Luther admet le divorce contre la femme qui refuse deux ou trois fois de suite le devoir conjugal; il s'écrie : «Il faut que le mari dise : Si tu ne veux pas, une autre voudra; si la maîtresse refuse, vienne la servante.» Il veut que le magistrat emploie la force et, en cas de besoin, le glaive contre la femme revêche. En cas d'impuissance, le mari doit introduire son frère ou un de ses parents dans le lit de sa femme; sinon, qu'elle prenne clandestinement la suite et qu'elle aille, en pays étranger, chercher un autre époux. Citons quelques passages de cette plus qu'étrange homélie, tels qu'on les trouve dans les diverses éditions latines.

Verbum enim hoc quo Deus ait : Crescite et multiplicamini, non est praeceptum, sed plus quam praeceptum: divinum puta opus, quod non est nostrarum vinum ut vel impediatur, vel omittatur. Sed tam est necessarium quam ut masculus sim, magisque necessarium quam edere, bibere, purgare, mucum emungere, somno et obsoniis intentum esse. Ut  non est in meis viribus situm ut vir non sim, tam non est etiam mei juris

 

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tien, le mien.Tout doit être en commun, et il ne doit pas y avoir moyen de distinguer ce qui est à l'un once qui est à l'autre.

 

ut absque muliere sim. Rursum ni in tua manu non est ut femina non sis, nec in te est ut absque viro degas.

« Si mulieri ad rem apte contingat maritus impotens, ita mariium illam compellare debere. « Ecce, mimarite, debitam mihi benevolentiam praestare non potes, meque et  juvenile corpus decepisti; praeterea in famae et salutis meae periculum me adduxisti, nequo coram Deo inter nos matrimonium est. Fave, quœso, ut cum fratre tuo, aut proxime tibi sanguine juncto occultum matrimonium paciscar, sic ut tu nomen habeas, ne res tuae in alienos hœredes perveniant. » Perrexi porro maritum debere in ea re assentiri uxori, eique debilam benevolentiam, spemque sobolis eo pacto reddere. Quod si renuat, ipsa clandestina fuga saluti suae consulat, et in aliam proferta terram , alii etiam nubat.

« Reperiuntur adeo pertinaces uxores, quœ etiam si decies in libidinem prolaberetur maritus, pro sua duritia non curarent. Hic oportunum est ut maritus dicat : « Si tu nolueris, alia volet. » Si domina nolit adveniat ancilla. Ita tamen, ut antea iterum et tertio uxorem admuneat maritus, et coram aliis ejus pertinaciam delegat, ut publice et ante conspectum Ecclesiœ duritia ejus et agnoscatur et reprehendatur. Si tum renuat, repudia eam, et in vicem Vasthi, Esther surroga, Assueti regis exemplo. »

Il est permis de s'étonner que M. Michelet, après s'être donné la peine d'extraire dans les écrits de Luther nombre de passages assez insignifiants, n'ait rien dit d'un morceau aussi remarquable.

Ajoutons que parfois Luther se montrait en chaire digne rival d'Olivier Miallard de Menot et d'autres prédicateurs grotesques. Le passage suivant de son sermon sur la trompette du jugement dernier le démontre suffisamment. « Quand Sodome et Gomorrhe furent englouties en un clin d'œil, tous les habitants de ces villes, hommes, femmes et enfants, tombèrent morts et roulèrent dans les abîmes de l'enfer. Alors on n'eut pas le temps de compter son argent, ni d'aller courir la prétantaine avec la p......, mais en un instant tout ce qui vivait tomba mort. Ce fut la timbale et la trompette du bon Dieu; c'est ainsi qu'il fit son poumerle poump ! poumerlé poump ! pliz ! pluz ! shmi ! schnur ! Ce fut le coup de timbale de Dieu notre Seigneur, ou, comme dit saint Paul, la voix de l'archange et la trompette de Dieu; car, lorsque Dieu tonne, cela fait presque comme un coup de timbale, poumerlé poump ! Ce sera le cri de guerre et le taratantara du bon Dieu. Alors tout le ciel retendra de ce bruit : Kir ! kir ! poumerle! poump ! poump!» (On trouvera le passage entier dans Flogel : Geschichte der Komischem litteratur, 1784 , t. I, p. 258.)

 

 

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Saint Augustin a dit une chose charmante : « Un mariage sans enfants, c'est le monde sans soleil. »

 

Le mariage est une institution divine d'où toutes choses déroulent ; sans lui, le monde serait resté vide ; toutes les créatures eussent été inutiles, s'il n'y avait pas eu Eve et ses mamelles.

 

Le 22 novembre, maître A. Bern. parlait en secret a sa fiancée. Le docteur Luthier dit en riant : « J'admire qu'un fiancé ait quelque chose de particulier à dire à sa fiancée; je crois pourtant que cet entretien n'est nullement désagréable pour eux; laissons-les donc, ils ont un privilège de l'empereur qui est au-dessus de toute coutume. » Il se mit ensuite à faire un grand éloge du mariage que Dieu a institué, puisqu'il a voulu qu'il y eût au monde mâle et femelle; si quelqu'un croit pouvoir faire mieux, qu'il l'essaye à ses périls et risques. Quoique la femme ne soit qu'un vase infirme, la maternité est cependant chose fort glorieuse, puisque tous les hommes sont conçus, enfantes, nourris par les femmes. Toutes les lois ont dû favoriser la multiplication des familles. Il y a un canon qui porte que si quelqu'un laisse par testament mille florins à une vierge, à condition qu'elle demeure dans le célibat, elle a le droit, si elle se marie, de revendiquer ce legs. C'est le pape qui a voulu faire une loi du célibat, et faire mieux que Dieu n'avait fait.» — Quelqu'un demanda alors si saint Paul était marié ; le docteur Luther répondit: « C'est très-vraisemblable, car les Juifs avaient coutume de se marier de bonne heure, et ils vivaient chastement.»

 

Une fille, à dix-huit ans, est très-propre au mariage ; car cet âge éprouve la brûlure de la chair.

 

Dieu ne change pas les règles qu'il a imposées au mariage, il

 

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les conserve, et il ne s'en est écarté que lors de la conception de son Fils, quoique les Turcs pensent que des vierges conçoivent et enfantent fréquemment ; ils ne sont nullement étonnés que Marie soit restée mère et vierge tout ensemble, car ils disent que ce n'est point rare. Je ne voudrais pas que cette croyance-là s'établit dans ma maison.

 

 

D'où vient que l'on condamne et interdit le mariage, qui est de droit naturel ? C'est connue si l'on prétendait défendre démanger, de boire, de dormir, etc. Ce que Dieu a réglé et institut: ne dépend plus de noire volonté; nous ne sommes plus maîtres de le rejeter ou de le changer. Il faut adopter ce que Dieu a voulu; autrement il en résultera de grands désordres, ainsi que l'expérience l'a déjà démontré.

 

Dans la première année du mariage, l'on a d'étranges idées. Si l'on est à table , on peut se dire : « Tu étais jadis seul ici, et maintenant tu es deux. » Si l'on est couché, et qu'on vienne à se réveiller, on voit près de soi une tête qu'on ne voyait pas autrefois. Ma Catherine, la première année de notre mariage, se tenait près de moi quand j'étudiais; et comme elle ne savait ce qu'elle devait dire, elle me faisait des questions connue celle-ci : « Seigneur docteur, le grand-chambellan, en Prusse, est-il le frère du margrave (1)? »

 

Dieu a béni l'état de mariage, et il le protège contre le pape et le diable qui en sont les ennemis. Une marque certaine de l'inimitié de Dieu contre la papauté , c'est qu'il a voulu qu'elle se déchaînât contre l'union conjugale et qu'elle fit tous ses efforts pour la proscrire.

 

Le docteur Martin Luther dit un jour : « Il est aussi impossible de se passer de femmes que de boire et de manger ; car tous les

 

1 C’était le même personnage

 

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penchants de la nature nous portent vers les femmes. La raison en est que nous avons été conçus et portés dans le corps d'une femme ; notre chair est donc ainsi, pour la plus grande partie, la chair d'une femme, et il ne nous est pas possible de nous séparer complètement d'elles (1).

 

Le docteur Luther parla de l'apparence trompeuse de mérite du célibat et des peines infinies du mariage . disant que la grande raison du célibat des prêtres, c'était leur avarice et la crainte de laisser leurs enfants dans la misère. Les évêques et le pape tramaient pu, sans le célibat, étendre, leur domination. Un autre motif, c'étaient les vices, des femmes des prêtres ; car s'ils avaient prêché dans leurs sermons contre le désordre, on aurait pu leur répondra : « Pourquoi ne corriges-tu pas d'abord ta femme?» Des épouses modestes sont donc indispensables, aux évêques BUTtOUl, mais elles sont fort rares ; car à cause de leurs méchantes femmes, de pieux ministres peuvent encourir la déposition. Ainsi, beaucoup d'inconvénients résultent de l'état de mariage, mais l'ordre que Dieu a donné aux choses et l'autorité de l'Écriture doivent l'emporter sur les opinions humaines ; aussi Satan a-t-il, par le moyen des papiste, , vomi d'horribles

 

1 Dans plusieurs de ses écrits, Luther a reproduit des pensées analogue? avec une intraduisible énergie.

 

Caro seminat si sicut ipsam Deus creavit.

Si fluxus non fuit in carnem, fluit in camisiam.

Tu veux m'empêcher de procréer: mais dis donc au feu de cesser de brûler, à l'eau d'humecter, à l'animal de boire et de manger.

Facile dicunt ipsi, quia concumbunt mulieribus quandocumque volunt, et dant naturae suae sufficiens spatium ac aerem.

Faire des enfants, c'est chose aussi implantée dans la nature que de boire et de manger : propterea dedit corpori membra, venas, fluxus et omnia quae ad hoc deserviunt.

C'est de la bouche même de Luther qu'est tombé ce fameux proverbe

Wer nicht liebt wein, weiber und gesang

Der bleibt ein narr sein leben lang.

Quiconque n'aime ni les femmes, ni le vin, ni le chant,

Celui-là est un sot et le sera sa vie durant.

 

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injures contre l'institution du mariage. Cyprien, dans ses livres De Singularitate clericorum, dit que s'il entendait une femme parler, il la fuirait comme une vipère sifflante, et si les p —ns sont pour nous un objet de terreur , alors on tombe facilement dans le péché de Sodome, comme il arriva presque à saint Jérôme.

 

Le pape Jules avait un grand attachement pour un cardinal qui était d'une grande érudition; et ce cardinal ayant une intrigue avec une religieuse, le pape n'en prit nul souci. Mais comme il l'épousa, alors le pape, rempli de colère, le priva de tous ses bénéfices et de toutes faveurs, disant que le mariage était une chose impure.

 

Il n'est pas au monde de plus grand fléau qu'une épouse morose et impudique. Salomon dit qu'être marie avec une femme que l'on hait, c'est le plus affreux des malheurs. Le docteur Luther plaignit ensuite le sort du 1res-honorable personnage M. Ant., qui eut une femme d'une extrême impudicité, et qui n'a pas voulu se séparer d'elle, ce qui lui aurait été très-facile s'il s'était plaint de ses débordements. C'est une chose bien cruelle d'avoir un rival sans qu'on h; sache, mais le savoir et le supporter, voilà ce qui afflige surtout l'esprit. C'est un effet de la grande malice de Satan de venir ainsi jeter la discorde entre les époux.

 

On parla d'Adam et d'Eve, et quelqu'un dit que si une femme trompait de nos jours son mari comme avait fait Eve, semblable faute lui serait difficilement pardonnée. — Le docteur Luther dit : « Si c'était par sottise qu'elle faisait mal, que dirait-on? Heureux et bienheureux celui dont le mariage est heureux , mais ce don est rare. Les Italiens sont jaloux et ne laissent pas aller leurs femmes aux festins, aux temples, aux places publiques; ils les retiennent dans l'intérieur des maisons; et si elles sortent, c'est couvertes d'un masque. Ils s'étonnent fort des habitudes des

 

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Allemands, qui laissent leurs femmes se montrer aux étrangers. Les Français sont libertins; les Espagnols orgueilleux et féroces: nul peuple ne peut les souffrir, et, cette année, le roi de Hongrie n'a pas voulu recevoir chez lui de soldats espagnols; ils sont plus féroces que les Turcs.

 

Si quelqu'un avait avec lui une concubine qu'il ne pût épouser sans compromettre sa sûreté, et pourtant s'ils se conservaient mutuellement la foi, et s'ils avaient dans leur conscience fait vœu de mariage, ce serait un mariage devant Dieu, quoique donnant du scandale ; mais les scandales ne nuisent pas.— Voici un exemple. Un gentilhomme , Nicolas de Seck , vivant dans le célibat, eut une gouvernante qui devint sa concubine, et il eut d'elle de très-beaux enfants; ensuite, touché de la doctrine de l'Évangile, et par amour pour ses enfants, il voulut l'épouser afin de tranquilliser sa conscience et légitimer ses fils. La jurisprudence enseigne qu'un mariage subséquent légitime les enfants. Ces enfants légitimés héritent des biens de leur père, ils peuvent en disposer, mais ils ont de la peine à conserver le blason et les armoiries, la noblesse ne le permettant pas

 

Si un prédicateur chrétien est oblige de supporter la persécution et la prison pour la parole de Dieu, n'est-il pas tenu d'embrasser aussi l'étal de célibat, tout gênant qu'il est? — Le docteur Luther répondit : « Il est plus facile de supporter la prison et les fers que la brûlure de la chair; celui auquel le don de continence n'a pas été accordé ne conserve pas sa chasteté en recourant au jeûne et aux veilles. Quant à moi, je n'étais pas excessivement tourmenté (1), et toutefois, plus je me macérais, plus je brûlais. »

 

Ce qui est dû en mariage doit être rendu pieusement et chastement,

 

1 Cependant il a dit ailleurs : Carnis meœ indomitae uror magnis ignibus, carne, libidine.

 

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selon la règle de Dieu. — Il a réuni deux personnes en une chair, ainsi que l'a dit saint Paul : Le mari n'a pas la disposition de son corps; mais bien son épouse, et réciproquement. Us ne doivent donc pas se tromper l'un l'autre, mais se séparer d'un consentement mutuel pour quelque temps, dans le but de plier. — Ensuite , le docteur Luther tournant les yeux du côté de M femme qui était enceinte, dit : «Ma Catherine, lu m'as fait un grand honneur, puisqu'avec la bénédiction de Dieu ta fécondité m'a rendu père de six enfants; et quoique j'aie rarement affaire a toi. il s'ensuit que des enfants sont conçus afin que nous reconnaissions que Dieu est le père et le créateur de toutes choses, et que le fruit du ventre est son ouvrage et une bénédiction de sa part; ainsi que le dit le psaume CXXVIII : « Ta femme sera dans la maison comme une vigne abondante en fruits, et les enfants comme des plants d'oliviers autour de ta table. Ainsi sera béni celui qui craint l'Éternel. » Mais ces sales coureurs depuis, ces très-impurs célibataires, moines et papistes, qui fuient le mariage, sont indignes d'une pareille bénédiction. C'est à cause des soucis qu'il cause qu'ils fuient le mariage, et ils se couvrent du Basque de la religion, feignant d'être très-chastes; mais leurs paroles s'écartent beaucoup de leur cœur. Aussi saint Paul a-t-il dit : « Ce mensonge de ceux qui parlent dans l'hypocrisie ; » c'est-à-dire de ceux qui s'expriment d'une manière, et qui, dans leur âme, pensent tout différemment.

 

Le mariage des prêtres est défendu par les canons, et la loi civile y ajoute une peine, c'est-à-dire qu'elle les dépouille de leur charge. Voyez ces tyrans qui séparent et qui tuent les époux. Le pape, tyran très-cruel, a abrogé les anciens canons et en a imaginé de nouveaux; mais nous affirmons qu'il est soumis à l'Écriture, et c'est ce qui le confondra. Cet âne insensé de pape à montré sa malice en voulant que son ordre fût irréfragable et sans appel. La papauté ne peut subsister en présence du mariage des prêtres.

 

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Le monde ne comprend ni n'aperçoit les œuvres de Dieu. Peut-on assez admirer l'union conjugale que Dieu a réglée et établie, et d'où dérive l'espèce humaine ainsi que les institutions domestiques? où serions-nous si elle n'existait pas? Mais , dans son impiété, le monde ne tient nul compte de la volonté de Dieu. Nous sommes tous sortis du corps de notre mère , empereurs, rois , princes ; Jésus-Christ lui-même , le fils de Dieu, n'a pas dédaigné de naître d'une vierge. Les contempteurs et blasphémateurs du mariage devraient être accrochés à une potence , tout comme les anabaptistes et les adamistes (1), qui ne reconnaissent pas le mariage et qui vivent entre eux comme des bêtes. Voyez aussi quelle belle vie mènent les papistes qui attaquent le mariage et le repoussent, et qui en même temps entretiennent des p —ns. S'ils veulent ainsi, au nom du diable, rejeter le mariage, que du moins ils soient conséquents et qu'ils chassent leurs p — ns.

 

Lorsque je commençai à reconnaître l'impiété et la tyrannie du célibat, me défiant de moi, j'allai trouver le docteur Jérôme Schurff pour qu'il m'indiquât, d'après les décrétâtes, pourquoi une pareille tyrannie était imposée aux misérables consciences des pleins ; je ne pensais pas de même à l'égard des moines qui étaient liés par un vœu. Il ne put rien m'alléguer de certain , mais il me répondit que le pape ne contraignait personne d'embrasser le sacerdoce; de sorte qu'il me laissa dans le doute et qu'il ne résolut point la difficulté que je lui avais exposée.

 

1 Hérétiques qui avaient l'habitude de paraître dans leurs réunions dépouillés de tout vêtement, sous prétexte d'imiter l'état d'innocence primitive d'Adam. On rencontre, dès le second siècle, quelques traces de cette secte; elle reprit une vie nouvelle du temps des hussites, mais elle ne sortit guère de la Boème et de la Moravie; elle fit quelques prosélytes en Hollande. A la suite de l'Histoire de la guerre des Hussites, par Lenfant (1731. 2 vol. in-4°), se trouve une dissertation de Beausobre sur les adamistes.

 

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Le mariage est la plus belle institution que Dieu ait réglée; les lois impies du pape ne sont qu'une oppression violente de la nature, car le but de la vie humaine, toute pauvre, pénible et courte qu'elle est, c'est d'engendrer des enfants. Lorsqu'une femme a , durant vingt ans, eu des enfants, c'en est fait d'elle.

 

On dit à table au docteur Luther qu'il venait de paraître à Leipzig un livre qui contenait l'apologie delà bigamie; il ne répondit rien , mais il demeura assis et plongé dans de graves réflexions. Il dit enfin : « Je suis souvent surpris que le roi de l'Arabie ait pu avoir sept cents femmes. » Alors un des convives lui demanda : « Seigneur docteur, que pensez-vous de Salomon, qui a eu trois cents femmes ou reines et sept cents concubines (1)? Et le texte dit que le nombre des jeunes filles qui étaient à sa cour n'était pas compté. » Le docteur repartit : « Il faut remarquer que ces reines dont parle l'Écriture doivent s'entendre de la race royale et de la famille de David, qui étaient nourries aux frais du roi. L'électeur de Saxe a un grand nombre de femmes autour de lui, des princesses, des demoiselles nobles, une dame du palais , des filles de service, et il ne s'ensuit pas que ce soient ses épouses. Comment serait-il possible que toutes ces femmes eussent été à Salomon afin qu'il dormît avec elles? La raison nous dit que la chose est impraticable. Salomon s'était marié à dix-huit ans; il était très-fort, et je crois qu'il avait alors toute la vigueur d'un homme de trente ans. Il épousa ensuite la fille du roi d'Egypte, Pharaon; ce fut sa seconde, femme. En devenant vieux il épousa trois femmes de la race des Ammonites. S'il avait eu trois cents femmes, et que chaque nuit il eût dit en voir une nouvelle, l'année se serait écoulée sans qu'il eût un jour de repos. Cela ne peut pas être, il lui fallait s'occuper du gouvernement de ses États.»

 

1 Nous pouvons citer un souverain arabe qui, à cet égard, se montra imitateur fidèle de Salomon. Le khalife Youssouf-Balkin, fondateur de la dynastie des Zizeïdes (en Afrique), compta mille femmes dans son sérail, et il lui naquit dix-sept enfants le même jour. Ce prince mourut l'an 984. Voir la Biographie universelle, t. LI, p. 514.

 

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Quelqu'un demanda alors si l'Écriture Sainte faisait mention que Salomon eût fait pénitence. — Le docteur Luther répondit : «Non, mais l'Écriture dit qu'il s'endormit avec ses pères; de là je conclus qu'il a été admis à la béatitude. » Tel est le sens de cette expression, et elle n'est point employée à l'égard de Jacob et d'Absalon. Scott a formellement damné Salomon.

 

Le docteur Luther dit un jour que Dieu , en lui donnant une femme pieuse , lui avait accordé un trésor qu'il regardait comme plus précieux que tous les Étals du roi de France ou que la seigneurie de Venise (1).

 

C'est une grande chose lorsque deux époux vivent ensemble dans une parfaite union ; le diable ne le permet guère ; s'ils sont éloignés l'un de l'autre, ils ne peuvent supporter cette séparation, et s'ils sont ensemble, ils ne peuvent se supporter l'un l'autre. Ainsi que l'a dit un poète : « Nec tecum vivere posum, nec sine te. » Il faut donc prier assidûment. J'ai vu bien des ménages où l'on commençait par ressentir une telle passion que l'on aurait voulu se manger mutuellement (2) ; au bout de six mois on était séparé. C'est le diable qui inspire d'abord aux mariés cette ardeur, pour les détourner de la prière : Primo ardent in sexum, deinde frigent et oderunt. Il y eut dans une ville, non loin de Wittemberg, un jeune couple nouvellement marié, et ils étaient si beaux l'un et l'autre que l'on n'aurait rien trouvé de pareil en quatre principautés. Ils ressentirent d'abord une très-grande passion , mais au bout d'un an, la femme était une p — n , le mari ne faisait que courir après les filles ; leurs débordements étaient tels, que s'était une honte: et pourquoi? parce qu'ils ne priaient pas.

 

1 « Je regarde le mariage comme un paradis, même avec la plus extrême misère en partage; » c'est ainsi que s'exprimait Luther dans une lettre à Nic. Gerbell, datée du 1er novembre 1521. Paradisum arbitror coniugium, vel summa inopia laborans.

2 Einander haben fressen wollen.

 

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Il ne faut avoir aucune relation avec ceux qui veulent rétablir la maison de filles publiques. Il aurait mieux valu ne pas chasser le diable que le recevoir de nouveau et lui rendre ses prérogatives. Ceux qui songent à rétablir semblables maisons ne sont point des chrétiens, mais des païens qui n'ont aucune connaissance de Dieu. Le Seigneur a dit qu'il punirait la débauche; il châtiera également ceux qui la tolèrent et l'autorisent. Mais, répond-on, si l'on ne permettait pas semblables maisons, il en résulterait de grands désordres domestiques. Je réponds que Dieu, dans sa grâce, a établi un remède, le mariage ou l'espoir de contracter mariage. D'ailleurs , l'exemple de la débauche publique peut amener beaucoup de femmes et de jeunes filles à se livrer au vice. Nous ne pouvons rien faire , rien permettre , rien tolérer qui soit contre la volonté de Dieu: fiat justitia et pereat mundus.

 

Le 27 août 1538, on parla beaucoup des erreurs des saints Pères, qui n'ont rien écrit de digne au sujet du mariage ; tous se sont laissé décevoir par l'immonde célibat, d'où il est sorti tant d'horreurs, et ils n'ont pas aperçu la dignité et l'éminence qu'attribuent au mariage l’Ancien et le Nouveau Testament, car Dieu a uni le mâle et la femelle. Le trés-pieux Abraham a eu trois épouses. Jésus-Christ a assisté à des noces, et c'est là qu'il a fait son premier miracle. Saint Paul veut qu'un évêque soit le mari d'une seule femme , et il prédit que les temps où les noces seront défendues seront féconds en périls. Nous avons vu autant de péchés , de débauches, d'incestes, de débordements que la lettre de saint Ulrich en déplore. Mais restitue superstitieuse qu'inspira le célibat remporta ; les premiers Pères ont été des hommes pieux , mais ils n'ont pas prévu tous les maux qu'enfanterait cette hypocrisie du célibat, et ils se laissèrent séduire par elle. Le concile de Nicée prohiba expressément la castration (1), car beaucoup d'hommes, tourmentés des

 

1 On sait qu'Origène donna cet exemple, et il trouva, dans l'antiquité, d'assez nombreux imitateurs; plus récemment, des sectaires suisses, des Mommiers, se sont livrés sur eux-mêmes à semblables excès, et il existe

 

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désirs de la passion, et voulant conserver les bénéfices de l'église et ses honneurs, s'étaient volontairement rendus eunuques. C’était une grande folie d'opposer des décrets à la castration et de ne pas vouloir permettre le mariage que Dieu a institué. L'édit qui défendit le mariage fut une loi impie et malheureuse. Saint Paphnuce, évoque célibataire, combattit seul cette mesure dans le concile ; il donna le nom de chasteté au lit conjugal.

 

Le célibat est une superstition extrêmement empestée ; elle ce pèche beaucoup de bien , elle nuit à l'ordre politique et domestique , elle cause des crimes affreux, des adultères, incestes, débauches, pollutions, illusions nocturnes, ainsi que le dit saint Ambroise dans une de ses hymnes:

 

Procul recedant somnia

Et noctium phantasmata

Ne polluantur corpora.

 

Saint Ambroise connaissait bien pareilles tentations. Ah! bon Dieu! les choses que Dieu a ordonnées et créées ne se laissent pas facilement abroger, et il est difficile d'empêcher et entraver la nature. La doctrine du célibat commença à lever la tête du temps de saint Cyprien , qui vécut 250 ans après Jésus-Christ; elle a donc duré 1300 ans.

 

Il est très-certain et très-positif que l'état de mariage tel que Dieu l'a ordonné est digne de tout respect; mais Satan, le monde pervers et les hommes ingrats lui ont opposé toutes sortes d'entraves; il faut beaucoup de peine pour décider des mariages,

 

dit-on, aux environs d'Odessa une secte d'eunuques. Un fait curieux d'exaltation mentale, c'est celui d'un cordonnier né dans le Krioul et domicilié à Venise, Matthieu Lovat, qui en 1802, à l'âge de 42 ans, se fit une amputation des plus entières, jeta dans la rue ce dont il venait de se priver, guérit complètement sans aucun secours de médecine, et finit en 1806 par se crucifier après s'être couronné d'épines. Il en mourut. Il existe à l'égard de cette histoire étrange, un opuscule du docteur C. Ruggieri (Venise, 1806, 24 p. in-8°). Le Mercure 1809, t. XXXVIII, en a donné l'analyse.

 

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et il en faut plus encore pour que des époux ne se séparent pas, ainsi que nous l'enseigne l'expérience de chaque jour. Les magistrats . les pasteurs , les consistoires se fatiguent à juger des causes dont le mariage est la source, à concilier des époux, à prononcer sur des demandes en divorce. La variété de ces cas matrimoniaux est infinie. Chaque jour, avant ou aptes la consommation du mariage, s'élèvent de nouvelles difficultés , et les règles manquent souvent pour les trancher: il faut entrer dans l'esprit de nos lois et faire attention aux circonstances de Chaque affaire. — Le docteur Luther parla ensuite de la difficulté que présentait le double mariage de David, auquel Saül avait voulu donner en mariage ses deux filles, Mirab et Mical, et auquel il avait dit : «Tu seras mon gendre aujourd'hui par mes deux filles, »

 

Le 1er février 1534, le docteur Luther, accablé d'affaires et de lettres à écrire, dit: « Voici des jours de correspondance et d'ennui. Pareilles occupations nous ôtent le temps d'étudier, de lire, de prêcher, d'écrire, de prier. Je me réjouis de ce que les consistoires sont établis, surtout à cause des cas matrimoniaux qui se multiplient a l'infini. Beaucoup de parents croient avoir le droit d'empêcher, sans cause légitime, leurs enfants de se marier. L'office du magistrat et du pasteur doit tendre à favoriser les mariages, nonobstant la résistance des parents. Si les enfants sont jeunes et s'ils ont l'un pour l'autre un amour mutuel, (ce qui est la substance de l'union conjugale ), il ne faut pas, à moins de motifs très-graves, essayer d'entraver leur union. Depuis la prédication de l'Évangile , le mariage a repris son autorité, tandis qu'il était un objet de mépris du temps du papisme. »

Quel fardeau que le célibat ! l'exemple des saints Pères nous le montre. Augustin, déjà vieux, se plaint de pollutions nocturnes; Jérôme se meurtrit la poitrine a coups de pierre, mais il ne peut arracher de son cœur l'image des Romaines; François embrasse une boule de neige; Benoît se roule sur des épines

 

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Bernard se macère le corps d'une façon horrible. Il faut donc saisir le remède que Dieu nous a donné, c'est-à-dire le mariage; des hommes qui valaient mieux que nous ont été engagés en cet état. Saint Pierre avait un gendre; donc il était marié; saint Jacques, le frère du Seigneur, et tous les apôtres, excepté saint Jean, ont été mariés également. Saint Paul se met au rang des veufs, il parait qu'il s'était marié dans sa jeunesse selon l'usage des Hébreux. Spiridion, évêque de Chypre , était marié, ainsi que l'évêque Hilaire. Ce dernier, durant son exil, écrivait à sa fille et lui disait, entre autres choses, qu'il demeurait chez un homme riche qui lui avait promis que si elle était bien pieuse, il lui donnerait une robe ornée d'or. C'est ainsi qu'il correspondait avec cette enfant , en se mettant à sa portée.

 

Le docteur Luther dit une fois, dans un sermon, qu'il avait lu que saint Ulrich, ancien évêque d'Augsbourg, racontait dans une lettre le fait suivant (1) : Le pape Grégoire ayant voulu établir la règle du célibat pour les ecclésiastiques, résolut ensuite de faire nettoyer un étang qui était à Rome, à côté d'un couvent de religieuses; et quand l'eau eut été détournée, l'on trouva au fond de cet étang les crânes de plus de six mille enfants que l'en y avait jetés et noyés. Tels sont les fruits du célibat. Saint Ulrich ajoute que le pape Grégoire fut saisi d'horreur à ce spectacle, il qu'il révoqua la loi du célibat. Mais les autres papes qui lui succédèrent la remirent en vigueur.

 

Le docteur Luther dit aussi que de notre temps il y avait en Autriche, à Neubourg, un couvent de religieuses qu'on avait été forcé de transporter dans un autre endroit à cause de leur conduite

 

1 M. Audin dit avoir inutilement cherché celle lettre de Paul Ulrich ; nous nous sommes, de notre côté, livrés dans le même but à des investigations qui sont restées sans résultat. Saint Ulrich, évêque d'Augsbourg, est mort en 973. On trouvera sa vie dans la collection des Bollandisles, t. II de Juillet.

 

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irrégulière et déréglée, et l'on mit à leur place des franciscains. Ces moines ayant voulu ajouter au couvent de nouvelles hàti-ses, on trouva, en creusant la terre pour poser les fondements , douze pots de terre qui avaient été enfouis avec soin, et dans chaque pot il y avait le cadavre d'un petit enfant. C'est une autre preuve de la sagesse de la mesure du pape Grégoire, lorsqu'il rendit aux ecclésiastiques la faculté de se marier; et tout comme saint Paul a dit : « Il vaut mieux se marier que briller », ainsi je dis qu'il vaut mieux donner des épouses aux prêtres pour éviter un état de choses qui donne lieu à la mort de tant de pauvres petites créatures innocentes.

 

A Rome, les enfants des lemmes de mauvaise vie sont si nombreux que l'on a construit, en faveur de ces enfants trouvés, quelques couvents où ils sont élevés, et le pape porte le nom de leur père. Et dans les grandes processions qui se font à Rome , tous ces enfants marchent devant le pape.

 

Le 20 janvier 1536, neuf enfants fuient baptises a la fois; et le docteur Martin, le docteur Pomer, le docteur Philippe et d'autres personnages honorables et vertueux leur servirent de parrains. El le docteur Luther dit : «Voici que, depuis plus de 400 ans, le pape a détruit un très-grand nombre d'enfants par sa prescription du célibat. Mais le Seigneur notre Dieu réparera ce mal avant la fin du monde. »

 

Le docteur Luther dit un jour qu'il y avait deux sortes d'adultère : la première sorte est l'adultère spirituel, qui est commis devant Dieu lorsque l'on convoite le mari ou la femme d'autrui; la seconde sorte est l'adultère corporel, qui est un vice très-honteux, et cependant dans le monde on s'en fait honneur. Un homme honorable me dit un jour : « Je n'avais pas cru que l'adultère fût un aussi grand péché ; mais c'est pécher contre Dieu.

 

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contre la société civile et la famille, et une femme adultère apporte dans la maison de son mari , qu'elle trompe, un héritier étranger. »

 

Un habitant de Wittemberg ayant commis un adultère, la femme du docteur Martin Luther parla à son mari et lui dit : «Mon cher seigneur, comment les gens peuvent-ils être aussi méchants, et se souiller de semblables péchés? » Et il lui répondit: « Ma chère Catherine, ils ne prient pas, et le diable ne reste pas oisif; car il nous faut prier sans cesse pour nous défendre du démon d'impureté, et nous devons répéter: «Seigneur, ne nous abandonnez pas à la tentation, mais délivrez-nous du malin esprit. »

 

Le docteur Luther dit un jour à table : « Je suis persuadé que si Dieu n'avait pas ordonné le mariage , mais que l'homme eût pu s'unir Indifféremment à la première femme venue, alors les hommes auraient bien vite soupiré pour l'établissement du mariage, et ils se seraient promptement lassés d'une vie désordonnée ; car l'attrait de la défense est ce qui provoque le plus.» Et il cite à ce sujet deux sentences des anciens : Nimitur in vetitum semper cupimusque negata; et : Quod licet ingratum est, quod non licet acrius urit.

 

Le docteur Luther dit, en parlant de ceux qui composent des vers satiriques, et qui écrivent contre, les femmes et contre les jeunes filles, qu'ils ne resteront pas sans punition. Si c'est un noble qui agit ainsi, à coup sûr il n'est pas réellement d'origine noble, mais c'est un bâtard introduit dans quelque famille distinguée, si les femmes ont quelque tort et quelque défaut, il ne faut pas les en reprendre par écrit ni en public , mais par des paroles dites en particulier. Les femmes sont un vaisseau fragile, selon l'expression de saint Pierre (Ire ép.,ch. III, v. 7). Le docteur se retourna ensuite, et dit : «Parlons maintenant d'autres choses. »

 

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Une jeune fille avait été amenée par sa mère au fils d'un roi, afin qu'il accomplit ses projets coupables; et lorsqu'elle vit que sa résistance était vaine, et qu'il n'y avait plus pour elle espoir de conserver sa chasteté, elle s'élança vers une fenêtre et s'y précipita , de sorte qu'elle se tua en tombant. On disputa là-dessus, et on demanda si elle était répréhensible. Le docteur Luther dit : « Elle a eu la confiance que cet acte de désespoir était sa seule planche de salut, et ce n'est point pour se débarrasser de la vie qu'elle a agi ainsi, mais pour échapper à la perte de sa virginité. » On assure que la chose est arrivée au roi de France.

Le docteur Luther dit un jour : « Il n'y a pas de plus grand fléau, ni de pire croix sur la terre, qu'une femme méchante, acariâtre, hargneuse. Salomon a dit dans le livre des Proverbes (ch. XXX, v. 21-23) : « La terre tremble pour le serviteur quand il règne, pour le fou quand il est soûlé de viande, et pour la femme digne d'être haïe quand elle se marie. »

 

On demanda au docteur Luther si la simple fornication était un péché et un crime, car plusieurs légistes maintiennent que non, et qu'elle n'est passible d'aucune peine. Il répondit: «Pourquoi ne serait-ce pas un péché? Saint Paul déclare très-nettement que ni les débauchés, ni les adultères n'entreront en possession du royaume des cieux. »

 

Mention fut faite d'hérétiques nouveaux qui prétendent qu'entre époux l'un ne peut demander à l'autre le devoir conjugal parce qu'il n'est pas exempt de péché. — Le docteur Luther dit: « Satan répand dans le monde des erreurs innombrables aussitôt que nous nous écartons de la parole divine ; n'est-ce pas une grande honte que l'on fasse ainsi un péché d'une institution de Dieu , tandis qu'autrement il se commet impudemment une foule

 

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de péchés d'adultère, de fornication, d'inceste? Il a été écrit bien clairement que chacun devait avoir sa femme, non-seulement pour avoir des enfants, mais pour éviter la fornication. »

Une femme vint porter plainte an docteur Luther, et il publia la sommation suivante :

« Moi, Martin Luther, fais savoir et connaître, en ma qualité de ministre de l'Eglise de Wittemberg, que Marie, fille d'Urbain Pfeifer, de Schlieben , est venue vers moi et qu'elle s'est plainte de ce que son mari, Hans Schwalb, d'Atzamsdorf, près Erfurth , l'avait deux fois quittée, depuis six ans , sans motif légitime, et qu'il parcourait le pays avec une femme non mariée, à ce qu'assuraient des gens dignes de foi. Elle réclamait conseil sur ce qu'elle avait à faire, désirant se séparer de son mari qui l'abandonnait. Je cite donc, en vertu de mon autorité, ledit Hans Schwalb, pour la première, pour la seconde, pour la troisième fois, afin qu'il ait à comparaître devant moi et devant les dignitaires de la paroisse, le 10 juillet prochain, à huit heures avant midi, pour entendre la plainte portée contre lui et pour y faire réponse. En cas qu'il ne paraisse pas en personne ou par un fondé de pouvoir, il sera passé outre à la procédure et il sera décidé selon la justice. Donne à Wittemberg, le 29 juin 1538. »

 

Il y avait à Francfort sur l'Oder un maître d'école, homme pieux et savant dont le cœur s'était porte à la théologie et qui avait prêché plusieurs fois à la grande admiration de ses auditeurs. Il fut appelé à la dignité de diacre; mais sa femme, qui était fière et vaine, ne voulut pas y consentir, et elle dit qu'elle ne voulait pas être la femme d'un ministre. On demanda ce que devait faire ce digne homme pour sortir d'embarras; s'il devait renoncera la femme ou à l'emploi de prédicateur. Le docteur Luther dit d'abord en manière de plaisanterie et en riant : « S'il a épousé une veuve, comme vous le dites, qu'il fasse ce qu'elle veut. » Mais ensuite il dit : « La femme est obligée de suivre son

 

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mari , mais le mari n'est pas tenu de suivre sa femme. Ce doit être une méchante femme et même un vrai diable, puis qu'elle a honte de cette charge de prédicateur dont le Seigneur Jésus-Christ et les anges ont été investis. Le diable fait tout ce qu'il peut pour jeter la déconsidération sur les prédicateurs et pour les vexer. Si elle était ma femme, je lui parlerais ainsi : «Veux-tu m suivre? dis promptement oui ou non. » Si elle disait non, j'en prendrais bien vite une autre. »

 

La peine que le pape a prononcée contre les maris qui ont manqué à la foi conjugale est injuste et mal calculée: ils peuvent s'acquitter du devoir conjugal , mais ils ne doivent pas le réclamer; cela peut devenir une cause d'incontinence. J'aimerais mieux qu'on leur infligeât quelque autre châtiment humiliant, tel que de jeûner au pain et à l'eau.

 

Si quelqu'un a une femme vieille, méchante, querelleuse et toujours malade, il peut dire qu'il est réellement en purgatoire.

 

On dit un jour au docteur Luther qu'il s'était élevé , au sujet du mariage, une nouvelle opinion hérétique, qu'aucun des époux ne pouvait demander à l'autre le devoir conjugal, car c'était un vrai pèche , et le docteur Luther dit : « Satan introduit dans le momie d'innombrables hérésies, si nous abandonnons la parole de Dieu et si nous ne nous y attachons pas fortement. N'est-ce pas une honte que l'on trouve du pèche dans les choses que Dieu a réglées, tandis que l'incontinence et l'adultère se commettent effrontément et sans que les pécheurs soient confus? Saint Paul a déclare en termes formels et précis : « A cause de l'incontinence, que chacun eût sa femme et que chaque femme eût son mari ; la femme n'est point la maîtresse de son propre corps, mais le mari ; aussi le mari n'est point le maître de son

 

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propre corps, mais la femme (Première Epître aux Corinthiens, ch. VII). L'apôtre ne dit pas que ce doit être seulement pour avoir des enfants, et il ajoute: « Ne vous fraudez point l'un l'autre, si ce n'est d'un consentement mutuel, pour un temps, afin que vous vaquiez au jeune et à l'oraison , et puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente. »

 

On demanda si celui qui enlève une jeune fille qu'il aime et qui donne son consentement, commet un péché ou un délit, puisque volenti non fil injuria. Le docteur Luther répondit : « Ce n'est pas à celle qui donne son consentement qu'on fait tort et dommage, mais à ses parents qu'on prive, maigri leur volonté, de leur fille. C'est donc un vol que le droit impérial punit avec raison de peines très-rigoureuses. Mais le pape, l’antéchrist de Rome, excuse ce crime dans ses décrétales. »

 

Une affaire de divorce fut portée devant l'autorité ecclésiastique de Wittemberg : un soldat avait, dix ans auparavant, épousé une fille de basse condition ; il fut mis en prison pour avoir grièvement blessé un bomme; il força la porte, s'enfuit, laissant sa femme enceinte. Deux ans plus tard, il était valet du bourreau dans une autre ville, et il voulut que sa femme vînt le rejoindre. Elle s'y refusa, et ils furent tous deux cités devant l'officialité. Elle comparut, mais, pour lui, il ne tint compte de la citation qui lui avait été faite; depuis huit ans il n'a pas donné de ses nouvelles. La femme, tomba alors dans l'incontinence et elle a eu deux enfants.

Les gens chez qui elle avait servi jusqu'à ce moment rendirent d'elle un bon témoignage ; ils ne savaient rien que de favorable sur son compte. Philippe Mélanchton l'interrogea, et il dit ensuite : « Son mari étant un homme grossier et féroce , et l'ayant délaissée sans motifs, je crois qu'il sera bon, pour qu'elle ne tombe pas dans de plus grands péchés, que nous la déclarions libre, » et il demanda aux assistants et aux diacres ce qu'ils en

 

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pensaient ; ils furent de son avis. Alors on la fit venir, et Philippe lui dit : « Vois à purifier ta conscience: quant à nous, nous te déclarons libre, non d'après notre puissance et autorité, mais d'après le jugement de Dieu et la sentence de saint Paul : « Si l'infidèle se sépare , qu'il se sépare , car l'innocent n'est point asservi en tel cas. (Première Epitre aux Corinthiens, ch. VII, v. 15). Que notre Seigneur Jésus-Christ te protège. Amen. »

 

Gunther de Brunau demanda au docteur Luther son avis dans la circonstance suivante : « Un noble avait rendu enceinte la veuve de son frère, qui avait déjà trois enfants, et il voulait l'épouser. Le prince se refusait à le permettre, et il avait enjoint, si l'on se saisissait du coupable, de lui trancher la tête. Le docteur Luther répondit : « Nous ne pouvons permettre ni autoriser ce qui serait contre la parole de Dieu. Le pape, l'autorise , mais c'est pour la perdition de l'âme et du corps. Je voudrais que ce noble et que cette femme fissent pénitence et qu'ils se séparassent , et qu'ils se remissent aux mains de l'électeur ; je prierais pour eux et j'intercéderais en leur faveur en écrivant au prince. »

 

C'est une grande grâce, bien remarquable, si les époux sont toujours d'accord : mais le diable est l'adversaire déclaré de cette union.

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