De la Foi

Accueil
Introduction
Diable & Co.
Contes
Des Turcs
Des Juifs
Du Mariage
La Polygamie
Du Pape
Diète de Worms
Paradis Terrestre
Pères de l'Eglise
Oiseaux
Rois et Princes
Excommunication
Ménage de Luther
Génération
Sur les Maladies
Pronostications
Prodiges
Du Suicide
De la Guerre
Des Sacrements
Du Péché Originel
De la Foi
Des Légendes
Du Jugement dernier
Les Anges
De l'Ecriture Sainte
Des Tentations
De la Patience
Les Adversaires
D'Érasme
Mélanchton
Des Jurisconsultes
De l'Ivrognerie
De l'Astrologie
De l'Astrologie
Des Conciles
Les Éléments
Visions
Sa Mort
Table
Déclaration Justification

 

DE LA FOI, DU ROYAUME DE DIEU, ETC.

 

Puisque Dieu savait que l'homme ne persévérerait pas dans son état d'innocence, pourquoi l'a-t-il créé? — Le docteur Luther répondit en riant: «Le Seigneur, puissante! magnifique, savait bien qu'il lui fallait dans sa maison des latrines et des égouts; il sait bien ce qu'il l'ait. Abstenons-nous de ces pensées et questions abstraites; considérons la volonté de Dieu telle qu'il nous l'a révélée. Il y a bien des gens qui, ayant entendu et compris la parole de Dieu, voudraient qu'elle ne fût pas venue à leurs oreilles; mais le serviteur qui connaît la volonté de sou maître, et qui ne l'accomplit pas, sera puni plus rigoureusement. En toute parole et en toute action, Satan est l'opposé de Dieu. Ainsi, tout impie est très-assurément possédé de Satan, quoique ce ne soit pas toujours corporellement. » 

Le docteur Henning demanda au docteur Luther si la raison n'a point d'autorité parmi les chrétiens, puisqu'elle doit être écartée dans les choses de la foi. Le docteur répondit : « Avant la foi et la connaissance de Dieu, la raison n'est que ténèbres; mais pour ceux qui croient, c'est un excellent instrument; et toutes les facultés et tous les dons sont pernicieux chez, les impies, mais salutaires chez les gens pieux, la raison, l'éloquence, la parole. La raison doit être illuminée par la foi et vivifiée par l'esprit, alors elle est régénérée. C'est ainsi que ma langue est tout autre que ce qu'elle était, quand j'étais dans les erreurs du papisme. La raison est sujette à la vanité, mais la foi sépare la vanité de la substance, comme David a fait usage de son arc, de son glaive et de ses armes, disant : « Je ne mettrai pas ma confiance en mon arc;» cependant il ne le jette pas. De. même, les gens pieux savent que leur femme, leurs enfants, leur or ne servent nullement à acquérir la vie éternelle ; cependant ils n'y renoncent point, mais ils séparent la substance de la vanité. L'or reste de l'or au cou d'une p—n. Le corps d'une p—n est l’oeuvre de Dieu tout comme celui d'une femme vertueuse. 

De tous les dons accordés à l'homme, il n'en est pas de plus grands que celui de la parole ; c'est ce qui le met au-dessus de

 

264

 

tous les autres animaux ; il en est qui nous surpassent sous le rapport de la vue, de l'ouïe, de l'odorat; mais la faculté de parler leur manque. Les filles parlent et marchent plus promptement que les garçons. L'ivraie croit plus vite que le bon grain. A quatorze ans, une fille est nubile, tandis que l'homme est encore trop jeune pour le mariage. La misère est grande dans la vie humaine, et ce que nous devons le plus souhaiter, c'est d'avoir une heureuse nuit et de dire adieu au monde. Toute la vie n'est que folie. Enfants, nous avons tous les défauts de l'enfance; dans la jeunesse, l'amour nous fait succomber; vieux, nous devenons pires, nous sommes avares, adorateurs de Mammon. 

La foi est la dialectique, car ce n'est autre chose que la sagesse et la prudence. L'espérance est la rhétorique, car ce n'est autre Chose qu'une élévation de l'esprit. De même que la prudence, sans le courage, est vaine, la foi n'est rien sans l'espérance, parce que l'espérance supporte les maux et elle en triomphe, tout comme le courage, sans la prudence, n'est que témérité. L'espoir sans la foi est la présomption dans l'esprit. La foi est donc la clef de l'Ecriture sainte, et la vraie cabale qui est reçue des mains de la tradition, tout comme les prophètes laissèrent leur doctrine à leurs disciples. On dit que saint Pierre versait des larmes toutes les fois qu'il lui revenait dans la mémoire avec quelle douceur Jésus-Christ enseignait. C'est l'espérance qui accomplit toutes choses dans le inonde. Nul cultivateur ne sèmerait un grain de blé, s'il n'avait pas l'espoir de la récolte; nul jeune homme ne se marierait sans l'espoir d'avoir des enfants; nul marchand ou ouvrier ne se livrerait au travail, s'il n'espérait pas un profit ou un salaire; l'espérance nous encourage bien plus à mériter la vie éternelle. 

L'empire du Christ est un empire de grâce, de miséricorde et de toute consolation, ainsi que le décrit le psaume CXVII, v. 2 : « Sa gratuité est très-grande sur nous, et la vérité de l'Éternel

 

265

 

demeure à toujours. » Le royaume de l'antéchrist, c'est-à-dire du pape, est un royaume de mensonge et de corruption, ainsi que l'a dit David (psaum. X, v. 7). Sa bouche est pleine de malédictions, de tromperies et de fraudes; il n'y a sous sa langue que tourments et qu'outrages. Le royaume de Mahomet est un royaume de vengeance, de courroux et de dévastation. 

Les faibles dans la foi appartiennent aussi an royaume de Jésus-Christ, autrement le Seigneur n'aurait pas dit à saint Pierre : « Fortifie tes frères.» Il est dit aussi dans l'Epître aux Romains (XIV, 1) : « Recevez celui qui est faible dans la foi », et dans la première aux Thessaloniciens (v. 14) : « Nous vous prions de consoler ceux qui ont l'esprit abattu, et de soulager les faibles. » Si les faibles dans la foi n'appartenaient pas à Jésus-Christ, que seraient devenus les apôtres que le Seigneur a souvent gourmandes pour leur incrédulité, même après sa résurrection ? 

Nous devons nous réjouir sans réserve en Jésus-Christ, comme saint Paul nous y exhorte, nous recommandant d'être pleins de joie et d'allégresse, et de ne pas nous laisser aller à rabattement et à la maladie. Mais le malin esprit met tous les obstacles qu'il peut à cette joie; il tourne sans relâche autour de nous, nous vexe et nous tourmente, nous attaque de ses flèches de feu, déchaîne contre nous de méchantes gueules pleines de venin. J'ai souvent beaucoup à en souffrir. 

Tant que Jupiter, Saturne, Apollon, Mars, Diane, Junon, Vénus, etc., gouvernaient, c'est-à-dire, étaient adorés par les païens comme des dieux (les Juifs avaient aussi adopté souvent des idoles étrangères), Jésus-Christ, d'abord, et les apôtres ensuite, durent employer les miracles et les signes visibles pour amener les infidèles à la véritable doctrine et pour détruire le culte des Idoles. C'est pour que ces signes durassent jusqu'à ce que la

 

266

 

doctrine de l'Évangile fût affermie et consolidée, que le baptême et l'eucharistie lurent institués. 

Les miracles spirituels, ceux que Jésus-Christ regarde connue les vrais miracles, durent encore, et s'effectueront jusqu'à la lin du monde. Il y a tous les jours des personnes qui croient en Jésus le crucifié, et qui sont prêtes à sacrifier la vie et tout ce qu'elles possèdent plutôt que de déserter sa parole. Elles sont les émules du centurion, qui était païen, mais dont notre Seigneur a loue la foi, et de la Chananéenne à laquelle il a dit: «Femme, ta foi est grande. » 

La plus grande punition que Dieu nous inflige dans son courroux, c'est lorsqu'il nous relire sa parole, ou qu'il ne nous parle plus, et qu'il laisse les gens s'égarer. C'est ainsi qu'il en a usé pour les Grecs, les abandonnant à Mahomet et aux Turcs; et nous, il nous avait livrés aux Italiens, au pape, et aux plus houleux excès. 

Le docteur Luther, voyant un jour des animaux paître dans une prairie, dit : « Je regarde ces bêtes comme des prédicateurs chargés de nous annoncer d'avoir confiance en Dieu, qui nous nourrit et qui nous traite comme ses enfants; ne nous apportent-elles pas du lait, du beurre, du fromage, de la laine? » 

Personne ne peut faire le compte de ce que la Providence divine distribue, même aux animaux qui nous semblent les moins utiles. Je suis sûr que la nourriture des moineaux, durant une seule année, excède, sous le rapport de la valeur, la totalité des revenus du roi de France.

Dieu exerce tous les métiers avec une habileté consommée; comme tailleur, il prépare pour un cerf un habit dont il le revêt, et qui peut lui durer neuf cents ans sans avoir besoin d'être renouvelé. Comme cordonnier, il lui donne d'excellents souliers,

 

267

 

en munissant ses pattes de sabots qui résistent à toutes les fatigues. Dieu se montre aussi comme cuisinier; il cuit et apprête toutes sortes de plats au feu qu'il a allumé, c'est-à-dire au soleil.

Que tout ce qui respire loue le Seigneur, dit le psaume et ; d'où il suit que Dieu doit être loué et honoré dans tous les idiomes. Pourquoi donc l'empereur a-t-il défendu de prier et de chauler en allemand? 

A coup sûr, Dieu a bien plus de bonté et d'attachement pour moi que ma Catherine n'en a pour son petit Martin. Ni ma Catherine ni moi ne voudrions arracher un œil à notre enfant, ou lui couper la tête; Dieu bien moins encore. Il voit d'un cœur tendre et affectionné ceux qui lui sont fidèles, ainsi qu'un père et une mère considèrent leurs enfants, comme Dieu lui-même l'a dit par la bouche du prophète Isaïe. ,chap. XLIX,v. 15): «La femme peut-elle oublier son enfant qu'elle allaite? Mais quand même elle l'aurait oublié, encore ne t'oublierai-je pas. » Mais Dieu montre de la patience et de la clémence à notre égard. Il a voulu que son fils se revêtit de notre chair, et s'incarnât afin de nous sauver. 

Lorsque je pense à la miséricorde divine, je suis effraye de voir jusqu'à quel point Dieu l'a portée. 

Lorsque Jésus-Christ dit un mot, il ouvre la bouche d'une telle grandeur qu'il embrasse le ciel et la terre, même lorsqu'il ne parle que du bout des lèvres. La parole de l'empereur a de la puissance, mais celle de Jésus-Christ gouverne l'univers entier. 

Jésus-Christ est venu une fois sur la terre ; il s'est manifesté par des signes et des miracles visibles, et il doit apparaître une

 

268

 

seconde fois. Je ne demande pas qu'il m'envoie un ange. Et lors même qu'un ange viendrait vers moi et se montrerait à mes yeux sous une forme corporelle, je ne croirais point en lui. Je ne veux n'attacher qu'à la parole de Dieu, telle qu'il me l'a révélée par ses apôtres et ses prophètes, et je ne veux écouter ni entendre aucune autre voix. Le docteur Luther ajouta : « Il y a maintenant bien plus de chrétiens qu'il n'y en avait du temps de saint Paul ; mais y a-t-il plus de justes et de fidèles observateurs de la parole de Dieu? Ah ! je crains bien qu'au moment où viendra la fin du monde, elle ne trouve la terre aussi corrompue que lorsque survint le déluge, lorsqu'il n'y eut que huit personnes sauvées dans l'arche. » 

Le diable prétend être le prince et le Dieu du inonde ; il est donc l'ennemi juré, implacable de Jésus-Christ, de sa parole et de ceux qui la suivent avec sincérité et sans corruption. Il est impossible que Jésus-Christ et le diable restent ensemble dans le même lit; l'un doit étouffer l'autre. De même, nous autres, luthériens et papistes, nous ne pouvons demeurer ensemble sous le même toit; nous ne pouvons nous souffrir mutuellement ; il faut qu'une des parties succombe. Les Juifs et les apôtres habitèrent quelque temps sous le même toit; mais les Juifs finirent par plier bagage. 

Tout ce qu'il y a dans le monde, hors de Jésus-Christ, quelque élevé et pompeux que cela soit, quelque angélique que cela paraisse, qu'on l'appelle sainteté, vertu, honneur, mérite, ce n'est qu'un masque imposteur sous lequel se cachent la plus extrême malice et le diable lui-même. Ce n'est pas qu'il ne soit bien d'être savant, sage, vertueux ; mais si l'on ne rapporte pas à Dieu toutes ces qualités et tous ces dons, le diable en profite pour abriter dessous les péchés les plus honteux.

 

269

 

En 1546, le docteur Luther étant à Eissleben, dit que jusqu'à sa quarantième année un homme était presque comme un enfant, et il cita ce proverbe qui est d'une grande vérité: « Celui qui, à vingt ans, n'a pas de beauté, à trente ans, pas de force, à quarante ans, pas de prudence, et à cinquante ans, pas de sagesse, peut bien renoncer à connaître le bonheur. » 

La grâce de Dieu est si grande qu'elle ne peut être embrassée, ni saisie sans combat, sans tribulations et sans épreuves, ainsi que saint Paul en a offert un exemple, lorsqu'il dit qu'un ange de Satan lui donne des soufflets; il en est de même de tous les justes. 

Tous les hommes sont les esclaves du péché ; il est le plus cruel et le plus barbare tyran qui puisse sévir contre la race humaine et comprimer les efforts de toutes les créatures. Ceux de tous les anges, pour briser son joug, auraient été sans résultat, sans l'intercession de Jésus-Christ, qui s'est offert en sacrifice pour nous en délivrer. C'est ce qu'exprime, avec beaucoup d'énergie, ce passage de saint Paul (Epître aux Galates, ch. I, v. 4) : « Jésus-Christ s'est donné lui-même pour nos péchés. » 

On demanda un jour au docteur Luther d'où venait le péché, et quelle en était la source. Il répondit : « La sainte Ecriture nous montre qu'il vient du diable, qui séduisit nos premiers parents, et qui les fit renoncer à l'obéissance qu'ils devaient à Dieu. Leur péché a non-seulement affaibli nos corps, et nous a rendus sujets à la mort, il a encore complètement corrompu et infecté la volonté, le cœur et la raison. L'homme a perdu la véritable connaissance de Dieu, et son libre arbitre est devenu tellement dépravé, qu'il ne s'attache qu'à ce qui est mauvais, c'est-à-dire, à ce qui est contre la parole divine. »

 

270 

Les péchés qui concernent le prochain sont supportables; mais ceux qui attaquent la miséricorde de Dieu sont sans excuse. Il n'en est pas de plus grand ni dont il sera tiré plus sévère vengeance que de persécuter les pauvres chrétiens. 

La nature humaine est tellement corrompue, qu'elle n'a plus aucun désir de la vie éternelle et des biens célestes. De même, un petit enfant, lorsqu'il vient d'arriver au monde, n'a aucune curiosité de savoir ce qui se passe sur la terre, et on lui offrirait toutes les richesses, toutes les grandeurs, tous les plaisirs imaginables, qu'il ne s'en soucierait nullement; il ne voudrait que le sein de sa mère. Nous agissons pareillement, nous autres hommes charnels; la prédication de l'Evangile nous offre de magnifiques trésors qui nous serviraient à gagner le royaume de Jésus-Christ ; nous en faisons fi, et nous ne pensons qu'à satisfaire notre goût pour les choses terrestres et passagères. 

Le docteur Luther disait souvent : « J'ai trois mauvais chiens : l'orgueil, l'ingratitude et l'envie. Celui qui est mordu de ces chiens l'est bien cruellement. » 

Je voudrais bien savoir ce qu'est l'âme humaine : le corps, lorsqu'elle ne l'anime plus, est comme une pierre. Il y a la des choses que je ne puis comprendre. 

Un mensonge est comme une boule de neige; plus il roule de çà et de là, plus il devient gros.

 

271

 

L'écorce de cannelle a la propriété de purger et de purifier les yeux; elle sert contre la morsure des vipères et celle des serpents. C'est l'image de l'Evangile, qui dissipe les ténèbres et qui ramène la lumière, et qui est aussi un excellent remède Contre les morsures du ver empoisonné, c'est-à-dire du diable et de ses sectateurs. 

En 1540, le docteur Luther donna un souper auquel il invita les principaux membres de l'Université, et maître Eissleben fut du nombre des conviés. Après que l'on eut mangé, comme chacun se livrait à l'allégresse, le docteur Luther fit apporter un grand verre, sur la surface duquel étaient tracés dos cercles successifs, et il y but à la saule de ses convives. Chacun lui rendit raison, et lorsque vint le tour d'Eissieben, il fit passer le verre au docteur Luther, et il dit : « Docteur, prenez que ce verre de vin représente, jusqu'au premier cercle, les préceptes du Décalogue, jusqu'au second, la foi, jusqu'au troisième, l'Oraison dominicale, et jusqu'au dernier, le catéchisme. » Le docteur Luther vida le verre, et, l'ayant derechef fait remplir, il le renvoya à maître Eissleben. Celui-ci voulut boire, mais cela lui fut impossible, et après avoir bu jusqu'au premier cercle, il le posa, et il parut confus. Alors le docteur Luther dit : « Je savais bien que maître Eissleben pouvait avaler les dix commandements; mais quant à la foi, à l'Oraison dominicale et au catéchisme, il y renonce volontiers. 

J'ai cru à tout ce que disaient le pape et les moines, et maintenant j'ai peine à croire à ce que dit Jésus-Christ lui-même, qui ne saurait mentir. C'est une chose bien désolante, et contre laquelle il nous faut lutter jusqu'à notre dernier moment.

Précédente Accueil Suivante