Paradis Terrestre

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LE PARADIS TERRESTRE, ADAM ET DIVERS PERSONNAGES NOMMÉS DANS LA BIBLE.

 

Quelqu'un demanda au docteur Luther quel était, selon lui, le lieu qu'habita Adam; il répondit : « Je crois que le nom de paradis s'applique au monde entier, mais Moïse nous apprend que le séjour d'Adam était arrosé par quatre fleuves (1). Après son péché, Adam se dirigea du côté de la Syrie, et la terre perdit la fertilité qu'elle possédai! auparavant ; c'est ainsi que la Judée et le pays de Samarie étaient autrefois des régions très-fertiles et dignes du paradis; maintenant elles sont arides et sablonneuses. Le comte de Stolberck, qui les a visitées, les a trouvées telles; car Dieu leur a donné sa malédiction. Nul homme ne saurait assez considérer combien est admirable la providence de Dieu dans la manière dont il entretient le monde: la nourriture du

 

1 Il n'est guère, dans l'Ecriture, de question sur laquelle les avis se soient plus partagés que sur la situation du paradis terrestre. On l'a placé dans la Syrie, dans la Palestine, dans l'Arabie; en Arménie, en Tartarie, à la place qu'occupe de nos jours la mer Caspienne ; dans l'Ile de Ceylan, dans tes Indes, sur les bords du Cange, en Chine, dans un lieu inhabité par delà le Levant. D'autres l'ont mis en Europe, quelques-uns en Afrique; ceux-là à l'extrémité du Midi, dans la terre de Feu ; ceux-ci aux régions les plus éloignées du Nord et même sous le pôle arctique. On trouve dans l’Histoire de la géographie du nouveau Continent, par M. de Humboldt (t. III, p. 119), une lettre de M. Letronne sur la position que les Pères de l'Eglise ont assignée au paradis terrestre. — L'évêque d'Avranches , Huet, dans un traité spécial, De la situation du Paradis terrestre (1691, 1698, I701), assigne à l'Eden le point de jonction de l'Euphrate et du Tigre ; un auteur basque, J.-B. de Erro, dans son Mundo primitivo (Madrid, 1815), trace une carte où il le met au pied des Pyrénées, et en outre il démontre que la langue parlée par Adam, Abel et Noé était le basque. Plus d'un érudit, ne trouvant aucun lieu qui répondit complètement à la description de la Genèse, s'est imaginé que Dieu avait caché sous terre le jardin d'Eden ; d'autres ont prétendu qu'il était dans la région moyenne de l'air, dans la lune, dans le ciel de la lune, dans le troisième ou le quatrième ciel. Il y a dans l'ouvrage de Malvenda (Commentatio de paradiso, Romae, 1605) un chapitre remarquable : Si paradisus adhuc integer existit, quid causœ est quod a nemine unquam potuit hactenus reperiri? Voir également Hopkineon, Synopsis paradisi, et Relaud, De situ paradisi.

 

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monde en un seul jour excède grandement en valeur tous les trésors du plus puissant monarque; et cependant, ingrats que nous sommes, nous ne voulons pas mettre notre confiance en Dieu. » Jouant ensuite avec sa chienne, il dit : « Le chien est un animal très-fidèle, et il aurait un très-grand prix s'il n'était pas aussi commun. Dieu a voulu que ses plus grands dons ne fassent rien moins que rares. Les yeux sont un don bien précieux, et il a été accordé à tous les animaux. Les plus petits oiseaux ont des yeux fort perçants, et ils aperçoivent de très-loin une mouche ; mais nous sommes si stupides, que nous laissons échapper, sans les voir, ces grâces que Dieu a répandues si abondamment. Mais nous les verrons dans l'autre vie. »

 

Le docteur Jonas posa une fois sur la table une belle grappe de raisin, et le docteur Luther en prit occasion de louer la bonté de Dieu, qui fait croître les moissons et les fruits, et dit: «C'est surtout dans nos corps que nous pouvons admirer les merveilles de la création. Voyez comme ils croissent, comme ils se nourrissent ; mais les hommes sont des aveugles qui passent sans considérer les biens que Dieu leur octroie et dont ils font un si mauvais usage. » Il ajouta que «si Adam n'avait point pèche, ou n'aurait point connu le pain, et que l'on se serait nourri de fruits. » Quelqu'un ayant fait remarquer que Jésus-Christ avait mangé après sa résurrection, le docteur dit : «Ce n'était point par nécessité et qu'il eût faim, c'était pour donner une preuve qu'il était réellement ressuscité. »

 

Il tenait un jour dans sa main une rave pleine de sue, et il dit : « Il n'y a pas de doute que les patriarches ne vécussent de fruits et de racines, et je suis convaincu qu'Adam y trouvait un très-grand plaisir, et qu'il n'avait nullement l'envie de manger une perdrix. En lisant autrefois que les solitaires se nourrissaient de racines, je croyais qu'il s'agissait de racines d'arbres, mais la multiplicité des dons de Dieu nous accable. »

 

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Il ne nous convient pas de rechercher pourquoi Dieu , par suite de sa résolution divine, impénétrable à l'esprit humain, étend sa miséricorde sur un homme, et pourquoi il en endurcit un autre, ainsi que l'Écriture le dit de Pharaon. Nous devons nous tenir pour certains et assurés qu'il ne l'ait rien sans cause et sans motif déterminant, et s'il fallait qu'il rendît compte à chacun de nous de ses actions et de ses paroles, ce serait un triste et pauvre Dieu.

 

Quelqu'un demandant à saint Augustin où était Dieu avant qu'il créât le monde, le saint répondit : « Il était en lui-même. » Et un autre lui ayant l'ait la même question, il répondit : « Il construisait l'enfer pour les esprits présomptueux, inquiets et curieux tels que le lien. » Après que Dieu eut créé toutes choses, ajouta le docteur Luther, il était partout, et encore n'était-il nulle part, car je ne poux nie saisir de lui par aucune de mes pensées. Mais il se trouvera là où il a promis qu'il sérail. Les Juifs le trouvèrent à Jérusalem, à côté du trône de la grâce; nous le trouvons dans la parole et dans la loi, dans le baptême et dans les sacrements, mais nulle part on ne peut le trouver dansa majesté. »

 

Luther rencontrant accablé de mélancolie un homme qu'il avait autrefois bien connu à Wittemberg, le salua et lui dit : « Ah ! créature humaine, que fais-tu? n'as-tu rien de plus à faire que de songer à tes péchés, à ta mort et à ta damnation? Détourne promptement les yeux de ces objets et regarde Jésus-Christ. Il a été écrit que le Christ avait été conçu du Saint-Esprit et de la vierge Marie, qu'il avait souffert, qu'il était mort, qu'il avait été enseveli, que le troisième jour il était ressuscité d'entre les morts, qu'il était monté au ciel, etc. Pourquoi penses-tu que tout cela s'est accompli? N'était-ce pas pour que lu prisses courage contre la mort et contre le péché? Rassure-loi donc, n'aie point de crainte, et ne défaille pas; car, véritablement,

 

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tu n'en as pas de motifs, puisque Jésus-Christ a souffert la mort pour toi, qu'il a pourvu à la protection et à la défense, et que, pour ce motif, il est assis, pour te délivrer, à la droite de Dieu, son père céleste. »

 

Je crois qu'Adam fut le plus simple et le plus modeste des hommes, et je ne pense pas qu'il ait jamais allumé de chandelle, car il ne savait pas que le corps d'un taureau renfermât du suif, puisqu'alors on ne tuait pas les animaux; je ne sais comment il s'est procuré son habit de peau. Il vécut dans la plus grande tempérance, ne buvant ni vin, ni bière. Je voudrais que la bière n'eût jamais été inventée (1); il en résulte la perte de beaucoup de grains, et cependant il ne se l'ait point de bonne bière, a quoi servent tant de recherches dans les festins et tant d'inventions que suggère la gourmandise ?

 

Après qu'Adam eut perdu la justice dans laquelle Dieu l'avait créé, il fut, sans aucun doute, bien affaibli dans sa force corporelle, par suite de sa douleur et de l'angoisse de son cœur. Je crois qu'avant sa chute il pouvait distinguer des objets à cent milles de distance tout aussi bien que nous les apercevons à un demi-mille, et qu'il en était de même de ses autres sens (2). Nul doute qu'après sa faute il n'ait dit :« Ah! mon Dieu, que s'est-il passé en moi ? je suis à la fois sourd et aveugle. » Ce fut une horrible chose, puisqu'auparavant il voyait que toutes les créatures

 

1 Luther avait, en dépit de celle boutade, un goût si bien connu pour le breuvage en question, que tes sacramentaires, ses antagonistes décidés , l'appelaient le pape-bière de la Saxe : der Sachsische Bier-Pabst.

 

2 Parmi diverses opinions bizarres relatives à Adam, nous mentionnerons celle d'un membre de l'Académie des inscriptions, Henrion, qui prétendit démontrer que ce patriarche avait une taille de 123 pieds 9 pouces, et que la stature d'Eve n'était pas moindre de 118 pieds 10 pouces 314. Henrion mourut en 1720, victime de l'ardeur avec laquelle il se livrait à ses rêveries sur les poids et mesures des anciens.

 

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lui étaient soumises, si bien qu'il pouvait jouer même avec un serpent.

 

A quoi servent tant d'objets superflus, de luxe, d'étalage et de jouissance pour la vie, comme l'usage en est venu de nos jours? Si Adam revenait sur la terre, et qu'il vit notre genre de vie, notre façon de boire, de manger, de nous vêtir, comme il serait étonné! Il dirait : « A coup sûr, ce n'est pas le monde dont j'ai l'ait partie. C'était sans doute un autre Adam que moi qui a paru autrefois parmi les hommes. » Car Adam buvait de l'eau, cueillait dis fruits sur les arbres, habitait une cabane que supportaient quatre pieux de bois ; il n'avait ni couteau, ai outil eh

fer, et il ne portail d'autre vêtement qu'une peau de bête. Maintenant l'on dépense des sommes énormes pour le boire et pour le manger; l'on élève des palais splendides, on les meuble avec un luxe auquel rien ne peut se comparer. Les anciens Israélites s'entretenaient avec beaucoup de modération et de tranquillité, comme le disait Booz : « Trempe ton pain dans du vinaigre, et rafraîchis-toi. » La Judée était couverte d'habitants, ainsi que nous le lisons dans le livre de Josué. Une grande abondance de population enseigne à vivre avec sobriété.

 

Lorsque Dieu dit à Gain, par l'entremise d'Adam : « Si tu fais bien, ne sera-t-il pas reçu? mais si tu ne fais bien , la peine du péché est à la porte » (Genèse, ch. IV, V. 7), il montre ainsi quelle est l'assurance des pécheurs, et il parle avec Caïn comme avec le plus grand hypocrite et le plus vénéneux des frères capucins. C'était comme si Adam disait : « Tu as su ce qui m'était arrivé dans le paradis. J’aurais voulu cacher mon offense, et je me couvris de feuilles de figuier, et je me tapis derrière un arbre ; mais apprends, mon cher, que le Seigneur ne peut être déçu de la sorte ; les feuilles de figuier ne servirent à rien. »

 

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Ah ! ce fut sans doute pour Adam un grand crève-cœur et une tâche pénible, lorsqu'il fut forcé de bannir et de proscrire son nouveau-né et son fils unique, de l'expulser de sa maison et de lui dire : « Éloigne-toi de moi et ne parais plus devant mes yeux; je sens encore tout ce que j'ai déjà perdu en perdant le paradis; je ne veux pas, pour toi, accroître mon mal. J'apporterai dorénavant une nouvelle application à me conformer aux Commandements de Dieu. » Et il n'y a pas de doute qu'Adam, depuis, ne prêcha avec un redoublement de zèle.

 

Adam engendra plus d'enfants qu'il n'en est mentionné dans la Bible. Si elle fait une mention particulière de Seth, c'est à cause de la généalogie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui devait descendre de ce patriarche. Adam eut sans doute beaucoup de fils et de filles. Je suis persuadé qu'il eut au moins deux cents enfants, car il atteignit à une extrême vieillesse, à neuf cent trente ans. Il est probable que Caïn naquit trente ans après la chute de ses parents, puisqu'ils furent alors consolés. Je pense que les anges leur apportèrent souvent des consolations; autrement, il leur aurait été impossible de supporter l'existence, tant ils devaient ressentir de chagrin et d'effroi. Au dernier jour, Eve se trouvera avoir surpassé toutes les femmes en affliction et en misère. Il n'a jamais existé une femme qui ait éprouvé des peines aussi amères que celles d'Eve ; elle sut qu'à cause d'elle, nous devions tous mourir. Quelques-uns affirment que Caïn fut conçu avant la promesse de la semence qui devait écraser la tête du serpent. Mais je suis persuadé que la promesse fut faite moins d'une demi-journée après la chute.

 

Philippe Melanchton fit un jour au docteur Luther diverses

questions concernant le roi David et les grandes tribulations qu'il eut à souffrir, quoique Dieu lui-même l'eût investi delà puissance royale; et le docteur lui ayant répondu, dit ensuite :

 

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« Ah ! mon Dieu ! comment peux-tu souffrir que de si grands personnages succombent? Ce David avait six femmes, qui, sans doute, étaient des femmes sages et prudentes, comme cette sage Abigaïl. Si elles étaient toutes ainsi, il avait vraiment d'excellentes femmes. De plus, il avait dix concubines, et cependant il fut adultère.

Quelques-uns pensent qu'il commit une faute, lorsqu'à son lit de mort il ordonna à son fils Salomon de punir Shiméï, qui l'avait maudit et qui lui avait jeté des ordures à la face lorsqu'il fuyait devant Absalon. Mais je dis qu'il fil bien, car il est du devoir d'un magistrat de punir les coupables et les malfaiteurs. Il fit un vœu de ne pas le punir, mais cela ne doit s'entendre qui; durant sa vie.

Dans un gouvernement aussi étrange et aussi confus, où personne ne savait, comme dit le proverbe, qui est cuisinier et qui est sommelier, David fut forcé souvent de fermer un œil, ct, pour nous servir d'une expression vulgaire, de regarder, à travers les doigts, beaucoup d'abus, beaucoup de méfaits ; mais, plus tard, lorsque du temps de Salomon la paix l'ut rétablie, il punit les coupables par l'entremise de Salomon. Dans des temps de troubles et d'agitation , un prince n'ose pas agir comme il le ferait durant des époques de tranquillité, mais il faut que le mal soit puni à la fin.

 

Ni Cicéron, ni Virgile, ni Démosthène, ne sont à comparer à David sous le rapport de l'éloquence, comme nous le voyons dans le psaume CIX qu'il divise en vingt-deux parties composées chacune de huit versets, et cependant dans chacune d'elles, il n'y a qu'Une même pensée : « Ta loi (ou la parole) est bonne , Seigneur. » David avait reçu de grands dons et il était l'objet des faveurs spéciales de Dieu ; je pense que Dieu l'a laissé chuter d'une manière si horrible, afin qu'il ne devint pas trop fier et trop superbe.

 

Ezéchias était un roi très-bon et pieux, plein de foi ; cependant il tomba. Dieu ne peut souffrir qu'une créature humaine

 

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se repose sur ses propres œuvres et mette sa confiance en elles. Nul homme ne peut entrer au ciel sans la rémission des péchés.

 

Un chrétien fidèle est comme Jonas qui fut jeté dans la mer, c'est-à-dire, dans l'enfer. Il vit la gueule du monstre ouverte pour l'engloutir; il resta trois jours dans son ventre ténébreux sans y périr. Celle histoire doit être pour nous un motif delà plus abondante consolation et un signe manifeste de la résurrection des morts. De cette manière Dieu a coutume d'humilier ceux qui sont à lui. Mais ensuite Jonas alla trop loin, il eut la présomption de commander au Dieu tout-puissant; il devint un grand homicide et meurtrier, car il voulait qu'une si grande fille et une si grande multitude fussent détruites, quoique Dieu eût résolu de les épargner. C’était un étrange saint.

 

Le livre de l’Ecclésiastique, c'est-à-dire de Jésus Syrach (1) nous est parvenu fort corrompu ; son auteur est un vrai légiste, il ne sait rien de Jésus-Christ. Le livre de l’Ecclésiaste n'est pas entier, il y manque bien des choses, il n'a mis ni bottes ni souliers, c'est-à-dire qu'il ne montre aucune sentence complète; il chevauche sur un long roseau, comme je le faisais dans mon monastère.

 

Je ne crois pas que Salomon soit condamné, mais ces choses ont été écrites pour effrayer les rois. Ce n'est pas lui qui a écrit l’Ecclésiaste ; il a été composé du temps des Macchabées; mais il est excellent et on le fit avec plaisir à cause des conseils sur

 

1 Jésus, fils de Syrach, florissait trois siècles avant notre ère ; le livre l’Ecclésiastique, dont il est l'auteur et dont nous ne possédons qu'une version grecque, ne fait point partie de ceux que les Juifs regardaient comme inspirés, mais l'Église catholique l'a admis ; les protestants le rejettent.

 

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l'administration intérieure. Dans le livre des Proverbes, il y en a qui ont été recueillis de la bouche du roi ; sa sagesse et sa majesté y éclatent.

         Je rejette entièrement le troisième livre d'Esdras. Dans le quatrième il y a des sentences divertissantes, comme celle-ci : «Le vin est fort, le roi est plus fort, les femmes sont encore plus fortes, la vérité l'emporte sur tout cela.»

 

Il était sagement défendu chez les anciens Juifs de lire le livre de Judith avant d'avoir trente ans, car il contient des choses mystérieuses que les ignorants ne sauraient saisir. Je ne puis croire que ce livre de Judith soit historique ; il ne s'accorde pas avec la géographie; je crois qu'il est une fiction comme les légendes des saints ou un poème composé par un homme pieux afin d'énoncer que Judith (c'est-à-dire le royaume des juifs mettant leur confiance en Dieu) doit vaincre Holopherne, c'est-à-dire tous les royaumes du monde. Judith me parait une tragédie retraçant la fin des tyrans, Tobie une comédie qui roule sur les femmes. Le docteur Jonas dit qu'il y avait dans Tobie bien des choses ridicules et sottes (1), surtout au sujet des trois nuits et du foie de poisson qui est grillé pour faire fuir le diable. Le docteur Luther répondit : «C'est un poème hébraïque. Le diable est un ennemi fort redoutable qu'il n'est pas aisé de mettre en fuite ; il possède la lance de Goliath avec laquelle il nous attaque; en outre, Dieu raffermit son char et lui donne des armes, pour qu'étant vaincu par les hommes pieux, son dépit et son frémissement augmentent. » Parlant du second livre des Machabées, il dit : « Je hais ce livre et celui d’Esther; j'aimerais mieux qu'ils n'existassent pas ; ils ressemblent beaucoup aux livres «les païens. » Maître Forsteim dit : « Les Juifs font plus de cas du livre d’Esther que de quelque prophète que ce soit, de

 

1 Ridicula et stulta.

 

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Daniel ou d'Isaïe, qu'ils méprisent, » Le docteur Luther repartit : « C'est une chose horrible qu'ils méprisent ces deux saints prophètes dont l'un a prédit Jésus-Christ de la façon la plus formelle, dont l'autre a décrit les monarchies qui précédèrent l'avènement de Jésus-Christ. Je ne mets Jérémie qu'après eux et je lui préfère Isaïe. Philippe (Mélanchton) pense à cet égard l'opposé.

 

Les discours d'aucun des prophètes ne furent rédigés en entier , mais une chose fut recueillie en un temps et une autre dans un autre. Les livres des Rois sont les annales des monarques hébreux ; elles dépassent de cent et de mille coudées les chroniques ou Paralipomènes qui passent souvent sans détail sur des faits importants. Le livre de Job est admirable ; ce n'est pas seulement de lui qu'il traite, mais encore de tous les affliges et de ceux qui ont à résister au diable. Quand Dieu châtie, l'homme devient impatient , il se scandalise de la félicité des impies et il murmure contre le Seigneur. Ce doit être pour nous une consolation dans l'affliction, de songer que Dieu nous réserve tant de biens dans la vie future.

 

Philippe (Mélanchton) s'entretint longuement avec le docteur Luther au sujet de la brièveté avec laquelle Moïse a raconté l'histoire des anciens patriarches. Elle peut nous faire comprendre comment les évangélistes ont rapporté avec si peu de détails les discours dans le Nouveau Testament. Voyez comme ils ont succinctement relaté les prédications de saint Jean-Baptiste, qui en a fait de très-belles.

 

Plusieurs ont bien sué sur l’épître de saint Jacques pour la faire concorder avec saint Paul; Philippe (Mélanchton) a été du nombre, mais il l'a fait sans succès, car elles se contredisent. La foi justifie, la foi ne justifie; pas ; je permets à celui qui fera accorder ces deux propositions de me traiter d'imbécile. Saint

 

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Luc a bien mieux que tous les autres décrit la passion du Sauveur; saint Jean se met sérieusement à l'œuvre et il décrit admirablement les oeuvres de Dieu ; il explique bien pourquoi Jésus-Christ fut mis à mort par ses juges. Il n'y a pas de doute que Pilate ne regardât Jésus connue un homme simple et ignorant, sorti peut-être d'une forêt comme un ermite qui ne connaissait rien de l'allure du monde.

 

Les Psaumes de David sont de divers genres, didactiques, prophétiques, eucharistiques, catéchétiques. Parmi les prophétiques, il faut distinguer le cent dixième : Dixit Dominus; et parmi les didactiques, Miserere mei..... De profundis..... Domine, exaudi orationem.... Le cent dixième psaume est le chef de tous; il décrit le royaume et le sacerdoce de Jésus-Christ, il expose que Jésus-Christ est le roi de toutes choses, qu'il intercède pour tous, que toutes choses lui ont été remises par son Père, et qu'il a pitié de tous. C'est un beau et bien remarquable psaume : si j’étais en bonne santé, je m'efforcerais d'en donner l'explication.

 

Le docteur Luther fut interrogé si l'histoire du riche et de Lazare était une parabole ou un fait réel, et il répondit : «Le commencement du récit est historique; les personnes, les circonstances, l'existence des cinq livres sont indiquées. Ce qu'il y est dit d'Abraham est allégorique et fort digne d'observation; nous y voyons qu'il y a des séjours qui ne sont pas connus, où résident les âmes, et ce sont des secrets que nous ne devons pas essayer de pénétrer. Il n'est rien dit de la sépulture de Lazare, ce qui mais montre que l'âme a bien plus de prix, aux yeux de Dieu, que le corps. Le sein d'Abraham, c'est la promesse et la certitude du salut et l'attente de Jésus-Christ ; ce n'est pas le ciel, mais c'est l'attente du ciel. »

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