COMBAT CHRÉTIEN
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DU COMBAT CHRÉTIEN

Traduction de M. THENARD.

In Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois sous la direction de M. Raulx, Bar-Le Duc, 1869, Tome XII. P. 44-59

 

 

CHAPITRE PREMIER. LA COURONNE EST PROMISE AUX VAINQUEURS. — SATAN NOTRE ENNEMI EST VAINCU AVEC L'AIDE DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE II. VAINCRE SATAN, C'EST VAINCRE SES PASSIONS.

CHAPITRE III. PRINCES DES TÉNÈBRES.

CHAPITRE IV. INTERPRÉTATIONS DES MANICHÉENS.

CHAPITRE V. DANS QUEL SENS FAUT-IL ENTENDRE QUE LES ESPRITS DU MAL SONT DANS LES HAUTEURS DE L'AIR.

CHAPITRE VI. CHATIER SON CORPS POUR VAINCRE SATAN ET LE MONDE.

CHAPITRE VII. POUR QUE NOTRE CORPS NOUS SOIT SOUMIS, IL FAUT NOUS SOUMETTRE A DIEU, DE QUI DÉPEND TOUTE CRÉATURE, DE GRÉ OU DE FORCE.

CHAPITRE VIII. TOUT EST GOUVERNÉ PAR LA DIVINE PROVIDENCE.

CHAPITRE IX. COMBIEN LE SEIGNEUR EST DOUX.

CHAPITRE X. POUR NOUS LE FILS DE DIEU S'EST FAIT HOMME.

CHAPITRE XI. CONVENANCES MAGNIFIQUES DE L'INCARNATION.

CHAPITRE XII. PARTOUT LA FOI CHRÉTIENNE PEUT SE DÉVELOPPER ET REMPORTER LA VICTOIRE.

CHAPITRE XIII. SE SOUMETTRE A DIEU EN TOUTES CHOSES.

CHAPITRE XIV. LA SAINTE TRINITÉ.

CHAPITRE XV. LES TROIS PERSONNES NE SONT PAS TROIS DIEUX.

CHAPITRE XVI. ÉGALITÉ ET ÉTERNITÉ DES PERSONNES DIVINES.

CHAPITRE XVII. DIVINITÉ DU CHRIST.

CHAPITRE XVIII. RÉALITÉ DE L'INCARNATION.

CHAPITRE XIX. ESPRIT HUMAIN DANS JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE XX. LE CHRIST EST LA SAGESSE MÊME DE DIEU.

CHAPITRE XXI. LE CHRIST N'AVAIT PAS UN CORPS SANS AME.

CHAPITRE XXII. JÉSUS-CHRIST NÉ D'UNE FEMME.

CHAPITRE XXIII. LE FILS DE DIEU N'EST-IL QU'UNE CRÉATURE ?

CHAPITRE XXIV. IDENTITÉ DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST RESSUSCITÉ.

CHAPITRE XXV. ASCENSION.

CHAPITRE XXVI. LE CHRIST ASSIS A LA DROITE DE SON PÈRE.

CHAPITRE XXVII. LE JUGEMENT FUTUR.

CHAPITRE XXVIII. A QUI ÉTAIT PROMIS L'ESPRIT-SAINT.

CHAPITRE XXIX. L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES DONATISTES.

CHAPITRE XXX. L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES LUCIFÉRIENS.

CHAPITRE XXXI. L'ÉGLISE ET LES CATHARES.

CHAPITRE XXXII. LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.

CHAPITRE XXXIII. IL FAUT GRANDIR PAR LA FOI.

 

 

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DU COMBAT CHRÉTIEN

 

Lutte à soutenir contre Satan. — Satan vaincu et subjugué quand on parvient à dompter les passions et à réduire le corps en servitude. — Le corps est soumis, quand on le soumet à Dieu, de qui dépend toute créature, de gré ou de force. — La faiblesse humaine a pour appui la foi, et elle trouve le remède le plus efficace dans le Fils de Dieu fait chair. — Parcourant ensuite les différents points de lit foi catholique renfermés dans le Symbole, saint Augustin fait voir les diverses hérésies qui se sont élevées contre elle, et apprend à les fuir.

 

CHAPITRE PREMIER. LA COURONNE EST PROMISE AUX VAINQUEURS. — SATAN NOTRE ENNEMI EST VAINCU AVEC L'AIDE DE JÉSUS-CHRIST.

 

1. La palme de la victoire n'est offerte qu'à ceux qui combattent. Dans les saintes Écritures, nous trouvons à chaque pas la promesse de la couronne, si nous sortons victorieux de la lutte; mais pour éviter une foule de citations, ne lit-on pas en termes clairs et précis dans l'apôtre saint Paul : « J'ai achevé mon « oeuvre, j'ai fourni ma course, il ne me reste « plus qu'à recevoir la couronne de justice qui « m'est réservée (1) ? » Il faut donc connaître quel adversaire nous avons à vaincre pour être couronnés; c'est celui que Notre-Seigneur lui-même a vaincu le premier, afin que nous aussi, en lui demeurant unis, nous puissions le vaincre à notre tour.

La Vertu et la Sagesse de Dieu, le Verbe par qui tout a été fait, c'est-à-dire le Fils unique de Dieu, demeure éternellement immuable au-dessus de toute créature.

Or, si toute créature que n'a pas souillée le péché, est sous sa dépendance, à plus forte raison en est-il de même pour celle que le péché a dégradée. Si tous les anges restés purs sont sous lui, encore ne sont-ils pas bien davantage sous lui, tous ces anges prévaricateurs dont Satan est le chef? Mais, comme Satan avait séduit notre nature, le Fils unique de Dieu a daigné revêtir notre humanité, pour vaincre Satan avec elle, et mettre sous notre dépendance celui qu'il tient' sans cesse sous- la sienne; c'est ce qu'il fait entendre lui-même quand il dit : « Le prince du monde a été

 

1. II Timot. IV, 7, 8.

 

chassé (1) ». Non qu'il ait été chassé hors du monde, comme le pensent quelques hérétiques, mais il a été rejeté hors des âmes de ceux qui restent fidèles à la parole de Dieu, loin de s'attacher au monde dont Satan est le maître; car s'il exerce un pouvoir absolu sur ceux qui recherchent les biens éphémères du siècle, il n'est pas pour cela le maître du monde ; mais il est le prince de toutes ces passions qui nous font convoiter les biens périssables; de là vient l'empire qu'il exerce sur tous ceux qui négligent Dieu, dont le règne est éternel, pour n'estimer que des frivolités que le temps change sans cesse ; « car la cupidité est la racine de tous les maux ; et c'est en s'y laissant aller que quelques-uns se sont écartés de la foi et se sont attirés de nombreux chagrins (2) ». C'est à cause de cette concupiscence que Satan établit sa domination sur l'homme, et prend possession de son coeur. Voilà l'état de ceux qui aiment ce monde. Or, nous bannissons Satan, toutes les fois que nous renonçons du fond du coeur aux vanités du monde; car on se sépare de Satan, maître du monde, quand on renonce à ses attraits corrupteurs, à ses pompes, à ses anges. Aussi Dieu lui-même, une fois revêtu de la nature triomphante de l'homme, nous dit-il : « Sachez que j'ai vaincu le monde (3)».

 

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CHAPITRE II. VAINCRE SATAN, C'EST VAINCRE SES PASSIONS.

 

2. Bien des gens s'écrient: Comment vaincre Satan, quand nous ne le voyons pas? Mais n'avons-nous pas un maître qui n'a point dédaigné de nous montrer comment on arrive à

 

1. Jean, XII, 31. — 2. I Timot, VI, 10. — 3. Jean, XVI, 33.

 

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subjuguer des ennemis invisibles? C'est en parlant de ce maître que l'Apôtre a dit (5) : «Se dépouillant lui-même de la chair, il a exposé les principautés et les puissances à une ignominie publique, triomphant d'elles cou« rageusement en lui-même (1) ». Ainsi donc nous aurons vaincu ces puissances invisibles, nos ennemies, dès que nous aurons subjugué les passions qui sont au fond de notre coeur ; et si nous éteignons en nous-mêmes les désirs qui nous font rechercher les biens de ce monde, nous arrivons nécessairement à vaincre en nous celui qui a établi son empire dans le coeur de l'homme en y allumant ces mêmes désirs. Quand Dieu dit à Satan: « Tu mangeras « de la terre »,il a dit au pécheur: «Tu es terre,  et tu retourneras en terre (2) ». Ainsi le pécheur a été livré à Satan pour que Satan fît de lui sa nourriture. Donc, ne restons pas terre, si nous ne voulons pas servir de pâture à Satan. La nourriture que nous prenons devenant partie de notre corps, les aliments eux-mêmes, par l'action des organes, s'assimilent à notre substance ; ainsi la perversité, l'orgueil et l'impiété, avec leurs habitudes pernicieuses, font de chacun de nous un autre Satan, c'est-à-dire un être semblable à lui. L'on demeure alors soumis à Satan, comme le corps est soumis à l'âme. Voilà ce que signifie « être mangé par le serpent ». Quiconque redoute le feu éternel, allumé pour Satan et ses anges (3), doit chercher à vaincre en soi ce mauvais génie. Nous repousserons victorieusement de notre coeur ces ennemis du dehors qui nous assiègent, en étouffant les désirs de la concupiscence qui nous asservissent. Ces esprits viennent-ils à rencontrer des hommes qui leur ressemblent? ils les entraînent à partager leurs châtiments.

 

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CHAPITRE III. PRINCES DES TÉNÈBRES.

 

3. C'est ainsi que l'Apôtre, d'après son propre témoignage, lutte contre les puissances extérieures. « Nous n'avons pas, dit-il, à combattre contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes de ces ténèbres, contre les esprits malfaisants qui habitent dans les cieux (4)». On nomme ciel aussi cet air où se forment les vents, les nuées, les tempêtes et les tourbillons.

 

1. Coloss. II, 15. — 2. Gen. III, 14, 19. — 3. Matt. XXV, 41. — 4. Eph. 6-12.

 

 

L'Ecriture ledit en plusieurs endroits: « Dieu a tonné du haut du ciel (1) »; «les oiseaux du ciel (2) »; « les animaux qui volent dans le ciel (3) ». Il est de toute évidence que les oiseaux volent dans l'air. Nous aussi, nous avons l'habitude d'appeler ciel cet air qui nous entoure. Quand nous voulons savoir si le temps est serein ou nuageux, il nous arrive de dire, tantôt: Quel est l'état de l'air, ou, quel est l'état du ciel? Si je suis entré dans ces détails, c'est pour ne pas laisser croire que les mauvais esprits habitent là où Dieu a placé, dans un ordre admirable, le soleil, la lune et les étoiles. Si les mauvais démons sont appelés par l'Apôtre des êtres spirituels, c'est parce que dans les saintes Ecritures les mauvais anges sont nommés esprits ; l'Apôtre les nomme aussi les princes des ténèbres de ce monde, parce qu'il appelle ténèbres, les pécheurs sur lesquels ces mauvais anges ont établi leur domination. Aussi dit-il dans un autre passage: « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur (4) ». — C'est qu'après avoir été pécheurs, ils avaient obtenu leur justification. Gardons-nous donc de penser que Satan avec ses légions habite dans les hauteurs du ciel, d'où nous croyons qu'il est tombé.

 

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CHAPITRE IV. INTERPRÉTATIONS DES MANICHÉENS.   

 

4. Les Manichéens, dans leur aveuglement, soutiennent qu'avant la formation du monde il existait une race d'esprits de ténèbres, qui osa se révolter contre Dieu. Selon l'opinion de ces malheureux, Dieu, dont la puissance est infinie, n'aurait pu résister à cette attaque qu'en envoyant contre les rebelles une partie de lui-même. Les chefs de cette légion, d'après les Manichéens, auraient dévoré cette partie divine, et le monde aurait été formé de cette assimilation. Pour obtenir la victoire, Dieu donc, d'après eux,-éprouva dans ses membres des pertes, des. tourments, des misères sans nombre; et ses membres assimilés aux entrailles des esprits de ténèbres, modifièrent leur caractère, et calmèrent leur fureur. Cette secte ne voit pas qu'elle pousse le sacrilège jusqu'à croire que ce n'est point par ses créatures, mais par sa propre personnalité que ce Dieu tout-puissant est entré en lutte contre les ténèbres. Une pareille opinion est un

 

1. Ps. XVII, 14. —2. Ib. VIII, 9. — 3. Matt. VI, 26. — 4. Ep. V, 8.

 

 

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crime. Ils ne s'arrêtent pas là. Pour les vaincus , une fois leur fureur réprimée , leur état serait devenu meilleur, tandis que la nature divine, qui était victorieuse, aurait été réduite à l'état le plus misérable. Ils osent dire encore que par suite de ce contact, de cette mêlée, la partie divine aurait perdu l'intelligence et le bonheur, pour tomber dans les fautes et les tourments les plus graves. Encore si les Manichéens admettaient qu'un jour cette partie de Dieu pût se trouver purifiée ; bien qu'il y eût une insigne impiété envers ce Dieu tout-puissant , d'affirmer qu'une partie de lui-même ait été, si longtemps, et sans avoir commis aucun péché, en proie à l'erreur et aux châtiments ; mais non ; ces malheureux insensés osent dire encore, que la nature divine ne saurait tout entière rependre son premier état de pureté, et que la partie qui n'a pu être purifiée, va être enchaînée et attachée au mal comme à un tombeau ; ainsi cette partie qui n'a point failli, serait aussi tourmentée pour l'éternité dans une prison de ténèbres.

Voilà ce qu'avancent les Manichéens pour abuser les âmes simples; mais peut-on pousser la simplicité au point de croire à de pareils sacrilèges? Quoi ! Dieu, qui peut tout, aurait été forcé et contraint de livrer une partie- de lui-même, pure et sans tache, sans pouvoir la soustraire à tant de châtiments, à tant de corruption ? Et ce qu'il n'aurait pu affranchir, serait par lui-même retenu dans d'éternelles chaînes? Qui n'est saisi d'horreur en entendant ce blasphème ? qui n'en voit l'impiété et l'abomination ? Mais quand ces hérétiques cherchent à faire des victimes, ils ne tiennent pas d'abord ce langage. Autrement on se rirait d'eux, on les fuirait ; mais ils prennent, dans les Ecritures, des passages que les âmes simples n'entendent pas, et alors ils abusent des ignorants en leur demandant quelle est l'origine mal. C'est ainsi qu'à propos de ce verset de l'apôtre : « Les princes des ténèbres : les esprits du mal qui habitent dans les cieux », ils demandent à un homme, qui ne comprend pas les saintes Ecritures, comment il se peut qu'il y ait dans le ciel des princes des ténèbres. L'infortuné ne pouvant répondre, se laisse, dans sa curiosité, séduire et tromper par eux ; car la curiosité est le propre de toute âme ignorante.

Mais quand on est solidement instruit des vérités de la foi catholique, qu'on a pour appui des moeurs honnêtes et une piété sincère, ignorât-on les subtilités de leur hérésie, on n'est pas embarrassé pour leur répondre. Jamais ils ne séduiront le fidèle qui connaît ce que comprend la foi chrétienne, cette foi catholique, répandue dans l'univers, et qui, sous la conduite de Dieu, n'a rien à craindre des impies, des pécheurs, ou même de l'indifférence de ses enfants.

 

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CHAPITRE V. DANS QUEL SENS FAUT-IL ENTENDRE QUE LES ESPRITS DU MAL SONT DANS LES HAUTEURS DE L'AIR.

 

5.Nousledisions. l'apôtre saint Paul a déclaré que nous avons une lutte à soutenir contre les princes des ténèbres, et les esprits du mal qui habitent dans l'air; nous avons montré que l'air même qui environne la terre, s'appelle ciel; il faut donc admettre que nous combattons contre Satan et ses satellites , qui mettent leur joie à nous tourmenter. Aussi le bienheureux Paul appelle, ailleurs, Satan le prince de la puissance de l'air (1). Cependant le passage où il parle des esprits du mal habitant dans les cieux, pourrait s'interpréter encore autrement, ne pas désigner les anges prévaricateurs, mais s'adresser à nous-mêmes ; car ailleurs il est; dit à notre sujet: « Notre séjour est dans les cieux (2) ». En conséquence, comme si nous étions placés dans les hauteurs du ciel, c'est-à-dire, parce que nous suivons les préceptes spirituels de Dieu, nous devons résister aux esprits du mal, dont les efforts tendent à nous en écarter. Oui, cherchons plutôt comment il nous faut combattre et vaincre ces ennemis invisibles de cette manière ces gens d'un esprit si étroit ne pourront s'imaginer que nous avons à lutter contre l'air.

 

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CHAPITRE VI. CHATIER SON CORPS POUR VAINCRE SATAN ET LE MONDE.

 

6. L'Apôtre veut bien nous l'enseigner lui-même: « Je ne combats pas, dit-il, en donnant des coups en l'air; mais je châtie mon corps, je le réduis en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres je ne sois réprouvé

 

1. Eph. II, 2. — 2. Philip. III, 2.

 

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moi-même (1) ». Il dit encore : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis à mon tour de Jésus-Christ (2) ». Que signifient ces paroles, sinon que l'Apôtre avait triomphé des puissances de ce monde, comme il enseigne que l'avait fait d'abord le Seigneur ! dont il se déclare l'imitateur? Suivons donc son exemple, comme il nous y engage, châtions notre corps, et réduisons-le en servitude, si nous voulons vaincre. le monde.

Comme le monde exerce sur nous son empire par ses plaisirs défendus, par ses pompes et par un esprit de curiosité funeste, c'est-à-dire, par tous ces biens séducteurs et dangereux qui enchaînent les amateurs des biens du siècle, et les forcent à servir Satan et ses complices; si nous résistons à toutes ces tentations, notre corps sera réduit en servitude.

 

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CHAPITRE VII. POUR QUE NOTRE CORPS NOUS SOIT SOUMIS, IL FAUT NOUS SOUMETTRE A DIEU, DE QUI DÉPEND TOUTE CRÉATURE, DE GRÉ OU DE FORCE.

 

7. N'allez pas me demander comment nous soumettrons notre corps; rien n'est plus facile à comprendre et à exécuter, une fois que nous nous serons soumis à Dieu, de tout notre coeur, et avec un abandon complet ; car toute créature est, bon gré, mal gré, soumise à un seul Dieu,son Seigneur. Ce que nous recommande la foi, c'est de le servir de tout notre coeur ; car le juste le sert sans rien perdre de sa liberté, et le pécheur, en restant dans ses entraves. Tous sont soumis à la divine Providence ; l'un montre une obéissance fidèle, et sous ses aspirations accomplit le bien ; l'autre est à la chaîne comme un esclave, et subit le sort qu'il mérite. Ainsi le Dieu suprême, l'Auteur de toute créature, qui a fait toute chose excellente, comme il est écrit dans la Genèse (4), a réglé la création de manière à tirer le bien des bons et des méchants. Un acte juste est en même temps: un acte bon : or, les bons sont heureux à juste titre, et les méchants sont justement punis; par conséquent Dieu tire le bien des bons et des méchants, puisqu'il fait tout selon les lois de la justice. J'appelle bons ceux qui servent Dieu de tout coeur, et méchants ceux qui le font par contrainte ; car personne ne peut se soustraire aux lois du

 

1. I Corint. IX, 26. — 2. Ib. XI, 1. — 3. II Corint. II, 14, et Coloss. II,15. —  4. Gen. I, 31.

 

Tout-Puissant ; mais il y a une différence complète entre exécuter et subir les prescriptions de la loi. Les justes agissent conformément à la loi, et les méchants souffrent d'après cette même loi.

8. Ne nous tourmentons .pas à la pensée que les justes ont, ici-bas, selon la chair dont ils sont revêtus, beaucoup de peines et d'ennuis à supporter. En effet, ils ne sauraient éprouver aucun mal, ceux qui peuvent répéter ces paroles que l'Apôtre fait entendre sous l'inspiration de l'Esprit-Saint:. «Nous nous réjouissons même au milieu de nos tribulations,.sachant que la tribulation produit la constance, la constance la pureté, et la pureté l'espérance. Or, l'espérance n'est point n confondue, puisque l'amour de Dieu est répandu jusqu'au fond de nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (1) ». Si dans cette vie, où l'on a tant à souffrir, les bons et les justes sont capables, non-seulement de supporter avec calme les tribulations qui leur surviennent, mais encore de s'en glorifier dans l'amour de Dieu; que penser de cette autre vie qui nous est promise, où notre corps n'aura rien à souffrir? En effet, les corps des justes et des impies ne ressusciteront pas pour avoir le même sort; il est écrit : « Nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés »; et pour qu'on n'aille pas croire que ce changement n'est pas promis aux justes, mais aux impies, et qu'il y a là un châtiment, l'Apôtre ajoute : « Les morts ressusciteront incorruptibles, et c'est nous qui « serons changés (2)».

Ainsi le sort des méchants est parfaitement réglé: chacun d'eux est nuisible à soi-même, et tous se portent préjudice réciproquement. Ils recherchent, en effet, ce qu'on ne peut aimer sans se faire tort, et ce qui peut  être ravi facilement; et ce bien, quand ils se persécutent, ils cherchent à s'en dépouiller les uns les autres. De là des tourments pour ceux qui perdent les faveurs du monde, parce qu'ils y ont mis leur affection. La joie est pour ceux qui les leur ravissent; mais cette joie n'est qu'aveuglement, que misère profonde; elle n'est, en effet, qu'entraves pour l'âme qu'elle entraîne dans des angoisses plus douloureuses. Le poisson aussi se sent heureux, lorsque, sans voir l'hameçon, il dévore l'appât; mais que le pêcheur l'attire à lui, d'abord ses entrailles se

 

1. Rom. V, 3-5. — 2. I Cor. XV, 51, 52.

 

 

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déchirent, et bientôt il périt victime de la joie qu'il a éprouvée dans son avidité. Tel est le sort de ceux qui croient trouver le bonheur dans les biens d'ici-bas : ils ont saisi l'hameçon, ils le portent partout avec eux; mais le moment va venir où ils sentiront quels tourments ils ont mis en eux par leur avidité. Les impies, toutefois, ne portent aucun préjudice aux vrais fidèles, parce qu'ils leur enlèvent des biens auxquels ces derniers ne sont pas attachés. Car ce qu'ils aiment et ce qui fait leur bonheur, personne ne peut le leur ravir. Quant aux souffrances du corps qui accablent si tristement les âmes des méchants ; les âmes des justes s'y retrempent et s'y fortifient. Ainsi l'homme méchant et le mauvais ange servent sous les ordres de la divine Providence; mais ils ignorent le bien que Dieu opère par eux; aussi sont-ils payés, non d'après leurs services, mais d'après leur malice.

 

 

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CHAPITRE VIII. TOUT EST GOUVERNÉ PAR LA DIVINE PROVIDENCE.

 

9. De même que ces âmes qui ont l'intention de nuire et qui calculent les conséquences de leur action, sont placées sous les lois divines de manière que personne ne souffre injustement; ainsi, tous les êtres organisés et vivants sont, chacun dans son espèce et sa classe, dirigés conformément aux lois de la divine Providence. Aussi le Seigneur a dit : « Deux passereaux ne se vendent-ils pas une obole? et « pas un d'eux ne tombe sur la terre sans la « volonté de votre Père (1) ». Par ces paroles, que veut-il faire voir, sinon que ce qui paraît le plus vil aux yeux des hommes, est gouverné par la toute-puissance de Dieu ! En effet, par lui sont nourris les oiseaux du ciel, par lui sont vêtus les lis des champs (2); ainsi s'exprime la Vérité même, et elle ajoute que nos cheveux mêmes sont comptés (3). Mais si Dieu veille par lui-même sur les âmes pures qui ont la raison en partage, soit sur les anges qui ont gardé leur dignité et leur grandeur, soit sur les hommes qui servent Dieu avec une entière soumission , Dieu aussi les emploie pour gouverner le reste. Aussi l'Apôtre a-t-il pu dire avec vérité : « Dieu ne prend point souci des boeufs (4) ». En effet, Dieu enseigne aux hommes, dans l'Ecriture, la manière de se conduire

 

1. Matt. X, 29. — 2. Matt. VI, 26, 28, 29, 30. — 3. Id. X, 30. — 4. I Corinth. IX, 9.

 

envers leurs semblables, et de le servir lui-même; mais les hommes savent assez le traitement qu'ils doivent employer pour leurs bestiaux, c'est-à-dire, les procédés que l'expérience, l'habileté, les talents naturels fournissent pour veiller à la conservation de ces animaux. Et tous ces biens, ne les tiennent-ils pas des trésors immenses de leur Créateur? Ainsi, quand un homme peut comprendre comment Dieu, auteur de la création universelle , la gouverne par l'intermédiaire des âmes pures, qui lui servent de ministres et sur terre et dans les cieux, attendu que ces saintes âmes sont l'ouvrage de ses mains, et qu'elles occupent le premier rang dans la création; quand un homme donc peut comprendre tout cela, eh bien ! qu'il comprenne et qu'il entre dans la joie de son Seigneur (1).

 

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CHAPITRE IX. COMBIEN LE SEIGNEUR EST DOUX.

 

10. Si ce bonheur nous est refusé pendant que nous sommes dans les liens du corps, et que nous accomplissons notre pèlerinage loin de Dieu (2), cherchons du moins à goûter combien le Seigneur est doux (3), lui qui nous a donné comme gage d'amour son Esprit-Saint (4), pour nous faire jouir de son ineffable douceur et nous faire soupirer après cette source même de la vie, où sans perdre la raison nous pouvons nous plonger et nous enivrer sans manquer à la sobriété, comme cet arbre planté le long d'un cours d'eau, qui se charge de fruits à la saison, sans jamais se dépouiller de ses feuilles (5). L'Esprit-Saint n'a-t-il pas dit : « Les  enfants des hommes s'abandonneront à l'espérance sous l'abri de vos ailes, ils s'enivreront à l'abondance de votre maison, et vous les désaltérerez au torrent de vos voluptés (6)? » Une pareille ivresse, loin de troubler l'esprit, l'élève et lui donné l'oubli des choses de la terre; surtout , si nous pouvons dire dans toute l'effusion de notre coeur : « Comme le « cerf soupire après les fontaines, ainsi mon « âme soupire après vous, ô mon Dieu (7) ».

 

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CHAPITRE X. POUR NOUS LE FILS DE DIEU S'EST FAIT HOMME.

 

11. Si les chagrins que l'attachement au monde

 

 

1. Matt. XXV, 21. — 2. II Cor. V, 6. — 3. Ps. XXXIII, 9. — 4. II Cor. I, 22, V, 5. — 5. Ps. I, 3. — 6. Psal. XXXV, 8, 10. — 7. Psal. XLI, 2.

 

 

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cause à notre âme nous empêchent de goûter combien le Seigneur est doux , du moins ayons confiance en l'autorité divine que Dieu même a bien voulu placer dans la sainte Ecriture, où il est parlé de son Fils, « qui lui est venu de la race de David selon la chair (1) », comme dit l'Apôtre. « Tout a été fait par lui, et rien n'a été fait sans lui », dit l'Evangile (2). C'est lui qui a eu compassion de notre faiblesse, dont il n'est pas l'auteur, mais que nous ne devons attribuer qu'à nous-mêmes, car Dieu a créé l'homme immortel (3) et lui a donné le libre usage de sa volonté; eh ! serait la perfection pour lui s'il obéissait aux commandements de Dieu, par force et non librement ?

A mon avis, rien de plus simple ; mais c'est ce que ne veulent pas comprendre ces hommes qui, ayant abandonné la foi catholique, désirent cependant conserver le nom de chrétien. S'ils conviennent avec nous que notre nature ne peut se corriger que par la pratique du bien, ils avoueront nécessairement qu'elle s'altère parle péché. Il suit donc que nous ne devons pas croire que notre âme soit un même être avec Dieu ; s'il en était ainsi, ni sa volonté, ni une force étrangère ne sauraient la pousser au mal ; puisque Dieu est absolument immuable, comme en conviennent ceux qui n'aiment pas à parler des questions qu'ils ignorent, dans un esprit de lutte, de rivalité, d'amour de vaine gloire , mais avec une humilité toute chrétienne; jugent du Seigneur d'après sa bonté, et le cherchent dans la simplicité de leur cœur (4). Ainsi donc le Fils de Dieu a daigné se revêtir de notre faiblesse. a Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous (5) » ; son éternité n'a pas été changée, mais il a montré aux regards muables de l'homme, une créature également muable dont il s'est revêtu dans son immuable majesté.

 

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CHAPITRE XI. CONVENANCES MAGNIFIQUES DE L'INCARNATION.

 

12. Il se rencontre des insensés qui disent Dieu dans sa sagesse ne pouvait-il sauver les hommes qu'en se faisant homme, en prenant naissance dans le sein d'une femme, et en se soumettant à tout de la part des pécheurs ? Voici notre réponse : Oui, Dieu pouvait agir

 

1. Rom. I, 3. — 2. Jean, I, 3. — 3. Sag. II, 23. — 4. Sag. I, 1. — 5. Jean, I, 14.

 

autrement, mais s'il l'eût fait, votre sottise trouverait également à redire. En ne se montrant pas aux yeux des pécheurs, sa lumière éternelle, qui n'est visible que par les yeux de l'âme , ne pourrait être vue des esprits souillés. Mais comme le Fils de Dieu a daigné nous instruire en prenant une forme visible afin de nous préparer à la possession des biens invisibles, il froisse les avares, parce qu'il n'a pas revêtu un corps d'or massif ; il froisse les impudiques, parce qu'il est né de la femme, car les impudiques ne peuvent supporter que les femmes conçoivent et enfantent ; il froisse les orgueilleux, parce qu'il a supporté les outrages avec la plus admirable patience ; il froisse les voluptueux, parce qu'il a enduré les souffrances; il froisse les peureux, parce qu'il est mort. Et pour n'avoir pas l'air de prendre la défense de leurs vices, ils disent que ce n'est pas parce qu'il est homme, mais parce qu'il est le Fils de Dieu, que cela les révolte dans Notre-Seigneur. Ils ne comprennent donc pas quelle est cette éternité divine qui s'est faite homme; ils ne comprennent pas non plus ce qu'est l'humanité qui par ce changement recouvrait sa première énergie, et par là nous montrait que sous la conduite de Dieu nous pouvions, en pratiquant la vertu, nous affranchir des faiblesses causées par le péché. Ne voyons-nous pas en effet à quel degré de misère l'homme était descendu par sa faute, et comment aujourd'hui, par le secours divin, il peut se relever de cet état? Voilà pourquoi Dieu s'est fait homme et a souffert, comme homme, ce qui peut arriver à notre humanité. Ce remède à nos maux est tel que nous ne saurions nous en faire une assez grande idée. Comment guérir l'orgueil, s'il ne s'abaisse pas devant l'humilité du Fils de Dieu ? Comment renoncer à l'avarice, si on n'y renonce en face de la pauvreté du Fils de Dieu? Quelle colère pourra se calmer, si elle résiste en présence de la résignation du Fils de Dieu? Quel est l'impie qui s'amendera, s'il résiste à la charité du Fils de Dieu? Enfin, quelle pusillanimité pourra être surmontée, si elle ne cède devant la résurrection de Notre-Seigneur?

Que les hommes reprennent courage et reconnaissent leur nature, qu'ils voient le rang qu'ils occupent dans les oeuvres de Dieu. O hommes, ne vous méprisez pas vous-mêmes: le Fils de Dieu s'est fait homme ; ô femmes, (50) n'ayez pas de mépris pour vous-mêmes: le Fils de Dieu est né d'une femme. Cependant, ne vous attachez pas à la chair, car en Jésus-Christ disparaît en nous toute distinction de sexe. Ne vous attachez pas aux choses du monde, parce que si on pouvait les aimer légitimement, le Fils de Dieu fait homme les eût aimées; gardez-vous de craindre les outrages, les croix et la mort, parce que s'il pouvait en résulter un dommage pour nous, l'humanité prise par le Fils de Dieu ne les aurait pas soufferts. Eh ! cette leçon qui déjà est répandue et pratiquée partout, et qui sauve toute âme obéissante, serait-elle donnée ici-bas, si tout ce qui froisse les passions de ces insensés, ne s'était pas accompli ? Qui donc daigneront imiter ces fanfarons du vice, pour arriver à pratiquer la vertu, s'ils rougissent de suivre Celui dont il a été dit, avant qu'il naquît : « Il sera appelé le Fils du Très-Haut (1) », et qui aujourd'hui est appelé ainsi parmi toutes les nations, comme on n'en saurait douter? Avons-nous de nous-mêmes une haute idée? daignons imiter Celui qui est appelé le Fils du Très-Haut? Nous défions-nous de nous-mêmes? osons imiter les pécheurs et les publicains qui ont été ses imitateurs. O remède salutaire à tous ! il comprime toute enflure, restaure toute faiblesse, écarte tout ce qui est superflu, conserve tout ce qui est nécessaire, répare toutes les forces perdues et redresse tout ce qui est dépravé. Qui s'élèverait maintenant contre le Fils de Dieu? Qui pourrait désespérer de soi quand pour nous le Fils de Dieu a voulu s'humilier à ce point? Qui croira que le bonheur de la vie consiste dans des biens que Jésus-Christ nous a appris à mépriser? Quelles adversités pourraient abattre, quand on voit la nature de l'homme triompher en Jésus-Christ de si grandes épreuves? Peut-on penser que le royaume des cieux nous est fermé, quand on voit que des publicains, des courtisanes ont pu imiter le Fils de Dieu (2) ? A quels désordres ne se soustrait-on pas, quand on examine, pour les aimer et les suivre, les actions et les paroles de cette nature humaine en qui le Fils de Dieu nous a tracé un modèle de conduite ?

 

1. Luc, I, 32. — 2. Matt. XI, 31.

 

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CHAPITRE XII. PARTOUT LA FOI CHRÉTIENNE PEUT SE DÉVELOPPER ET REMPORTER LA VICTOIRE.

 

13. Aussi tous les sexes et tous les âges, les grands mêmes de ce monde, se sont laissé entraîner à l'espérance de la vie éternelle. Les uns, méprisant les biens de la terre, n'aspirent plus qu'aux choses divines. Les autres, tout en ne pratiquant pas les vertus qu'ils voient pratiquer, louent ce qu'ils n'osent pas imiter. Un petit nombre murmurent encore, en proie à une haine impuissante :ce sont ceux qui cherchent leur intérêt dans l'Eglise, bien qu'ils- affectent les dehors du catholique; ou ces hérétiques qui, sous le nom même du Christ, cherchent à faire parler d'eux; ou ces Juifs qui travaillent à se disculper du crime de leur impiété; ou bien encore des païens qui redoutent de renoncer à leurs mystères licencieux- Quant à l'Eglise catholique répandue. dans toute l'étendue de l'univers, après avoir repoussé dans les premiers temps les attaques de ses ennemis, elle s'est de plus en plus fortifiée, non par la résistance, mais par la patience. Et aujourd'hui, en voyant leurs objections insidieuses , elle en rit dans sa foi, les dissipe par sa vigilance, les réduit à néant par sa science; elle ne se préoccupe pas si ses accusateurs trouvent quelques pailles dans son grain : elle a assez de prudence et de zèle pour reconnaître le temps où l'on doit moissonner, battre dans l'aire, entasser dans les greniers. Mais quant à ceux qui décrient son pur froment, elle tâche de les ramener de leurs erreurs, ou ne fait pas plus de cas de leur maligne jalousie que des ronces et de l'ivraie.

 

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CHAPITRE XIII. SE SOUMETTRE A DIEU EN TOUTES CHOSES.

 

14. Soumettons notre âme à Dieu, si nous voulons tenir notre corps en servitude et triompher de Satan. C'est la foi d'abord qui attache notre âme à Dieu; ensuite la morale, dont la pratique fortifie notre foi, nourrit la charité, et donne un vif éclat à ce qui n'était auparavant qu'une simple croyance. En effet, dès que la connaissance et l'action rendent l'homme heureux, il faut d'un côté se garder de l'erreur; de l'autre, éviter toute souillure. C'est une erreur grave de croire qu'on puisse connaître la vérité, tout en vivant dans le désordre. Or, (51) c'est un désordre que d'aimer le monde, d'en estimer tous les biens passagers et périssables, de les désirer, de faire des efforts pour les acquérir, de mettre sa joie dans leur abondance, de craindre qu'on ne les perde, et de se désoler, quand ils nous sont enlevés. L'homme qui vit ainsi ne peut ni contempler la vérité pure et immuable, ni s'attacher à elle, ni prendre son essor pour l'éternité. Aussi , pour purifier notre esprit, nous devons croire d'abord ce que nous ne sommes pas encore capables de comprendre. Car le prophète a dit avec vérité : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez point (1) ».

15. L'Eglise enseigne en peu de mots ce qu'on doit croire:elle parle des choses éternelles que ne peuvent comprendre encore les âmes charnelles; des choses temporelles accomplies ou à accomplir, de tout ce que l'éternelle Providence a fait et fera pour le salut des hommes. Croyons donc au Père, au Fils et au Saint-Esprit: voilà lesbiens éternels et immuables, c'est un seul Dieu, l'éternelle Trinité en une seule substance ; Dieu, de qui tout est sorti , par qui tout a été fait, en qui tout réside (2).

 

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CHAPITRE XIV. LA SAINTE TRINITÉ.

 

16. Gardons-nous de ceux que disent que le Père seul existe, qu'il n'a pas de Fils et que le Saint-Esprit n'est pas avec lui; mais que le Père s'appelle tantôt le Fils, tantôt le Saint-Esprit. Ils ne connaissent pas le Principe d'où tout est sorti, l'Image d'après laquelle il forme tout, la Sainteté par laquelle il ordonne tout.

 

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CHAPITRE XV. LES TROIS PERSONNES NE SONT PAS TROIS DIEUX.

 

17. Gardons-nous aussi de ceux qui s'indignent et s'irritent de ce que nous ne voulons pas qu'on adore trois dieux. Ils ignorent ce que c'est qu'une substance unique et immuable; leurs fausses imaginations les abusent. Parce qu'avec les yeux de la chair ils voient ou trois êtres, ou trois personnalités quelconques, distinctes et séparées, ils se figurent qu'il en est ainsi de la substance divine. Leur erreur profonde vient de leur orgueil, et ils ne peuvent s'éclairer parce qu'ils refusent de croire.

 

1. Isaie, VII, 9, secund. LXX. — 2. Rom. XI, 36.

 

 

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CHAPITRE XVI. ÉGALITÉ ET ÉTERNITÉ DES PERSONNES DIVINES.

 

18. Repoussons également ceux qui prétendent que le Père seul est le Dieu éternel; que le Fils n'est pas né du Père, mais qu'il est formé par lui et tiré du néant, et qu'il n'a pastoujours été; que le Saint-Esprit est inférieur au Fils en majesté, et qu'il a été formé après le Fils; que les substances de ces trois personnes sont différentes comme le sont l'or, l'argent et l'airain. Ces hérétiques ne savent ce qu'ils disent, et les idées qu'ils se font sur les objets qu'ils ont accoutumé de ne voir qu'avec les yeux de la chair, ils les transportent sottement dans leurs discussions. De fait, c'est un grand travail pour l'intelligence de comprendre une génération qui se fait, non dans le temps, mais dans l'éternité ; de comprendre la charité et la sainteté établissant entre le Père et le Fils une union ineffable; oui, notre intelligence, fût-elle calme et parfaitement tranquille, a peine à s'élever jusqu'à ces mystères.

A plus forte raison sont-ils inaccessibles à ceux qui considèrent de trop près les lois de la génération humaine, et qui à ces ténèbres inévitables ajoutent encore l'obscure fumée que leurs luttes et leurs disputes de tous les jours ne cessent de répandre. Leurs âmes sont affaiblies par leurs attachements à la chair, semblables à ce bois imprégné d'eau qui, tout en brûlant, ne donne que de la fumée sans jamais jeter une flamme brillante. Cette comparaison s'applique exactement à tous les hérétiques.

 

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CHAPITRE XVII. DIVINITÉ DU CHRIST.

 

19. Tout en croyant à l'immuable Trinité, nous devons croire aussi l'incarnation qui s'est faite dans le temps, pour le salut du genre humain. Loin de nous ceux qui prétendent que Jésus-Christ, Fils de Dieu, n'est qu'un homme, mais un homme si juste qu'il a mérité d'être appelé le Fils de Dieu. La discipline de l'Eglise catholique a banni de son sein ces hérétiques qui, séduits par l'amour d'une vaine gloire, ont voulu discuter sur ce sujet, avant de comprendre la Vertu de Dieu et la Sagesse de Dieu (1) ; ce que signifie : « Au «commencement était le Verbe, le Verbe par qui

 

1. I Cor. I, 24.

 

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tout a été fait », et comment « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous (1) ».

 

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CHAPITRE XVIII. RÉALITÉ DE L'INCARNATION.

 

20. Nous n'accepterons pas non plus le langage de ceux qui avancent que Jésus-Christ ne s'est pas revêtu d'un vrai corps humain, qu'il n'est pas né de la femme, mais qu'il n'a montré aux regards qu'une fausse chair, qu'une forme simulée de notre corps. Ces hérétiques ne comprennent pas comment la substance de Dieu, en gouvernant toute la création, ne saurait jamais recevoir la moindre souillure; et. cependant ils répètent partout que ce soleil suspendu au-dessus de nos têtes, pénètre de ses rayons les corps les plus vils et les plus corrompus, sans que ces mêmes rayons soient jamais altérés ni souillés. Or, si des objets visibles sont à l'abri des souillures et de la corruption d'autres objets visibles; à plus forte raison la vérité invisible et immuable prenant une âme par l'esprit, et un corps par l'âme, a-t-elle pu, en se revêtant de l'homme tout entier, le soustraire à toutes nos infirmités sans contracter elle-même aucune tache ! Aussi se trouvent-ils dans le plus grand embarras, et, quand ils craignent, chose impossible, que la Vérité ne soit souillée par le contact de la chair, ils accusent la Vérité de mensonge. Jésus-Christ lui-même a fait ce commandement : « Que votre bouche dise : cela est, cela n'est pas (2) »; l'Apôtre aussi nous crie à haute .voix : « Il n'y avait pas en lui le oui et le non, le oui était en lui (3) !». Cependant ces malheureux ajoutent que le corps entier de Jésus n'a été chair qu'en apparence; aussi ne croiraient-ils pas imiter le Christ, s'ils n'employaient le mensonge auprès de leurs auditeurs.

 

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CHAPITRE XIX. ESPRIT HUMAIN DANS JÉSUS-CHRIST.

 

21. Fermons encore nos oreilles à ceux qui, tout en admettant la Trinité dans une substance unique et éternelle, ne craignent pas d'avancer que l'humanité dont Jésus-Christ s'est revêtu dans le temps, n'a pas eu l'intelligence de l'homme, qu'elle n'en a eu que l'âme et le corps. Cela revient à dire: Il ne fut pas homme, il n'avait que les membres qui constituent le

 

1. Jean, I, 1, 3, 14. — 2. Matt. V, 37. — 3 II Cor. I, 19.

 

corps humain. En effet, les animaux eux-mêmes sont doués d'une âme et d'un corps; mais ils ne possèdent pas la raison, qui est l'apanage de l’intelligence.

Si nous devons avoir en horreur ceux qui avancent que Jésus-Christ n'a pas eu un corps humain, parce que le corps est chez l'homme la partie inférieure, je ne puis entendre sans surprise ces autres hérétiques, quand ils disent que Jésus-Christ n'a pas eu ce qu'il y a de meilleur dans l'homme. Sans doute, l'esprit humain est bien misérable, quand il se laisse vaincre par le corps, car alors il n'a pas été réformé par son union avec cet homme divin dont le corps même a reçu déjà une forme céleste; mais Dieu nous garde d'une opinion produite par l'audace et l'orgueil de l'aveuglement et du bavardage.

 

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CHAPITRE XX. LE CHRIST EST LA SAGESSE MÊME DE DIEU.

 

22. Gardons-nous également de ceux qui avancent que la sagesse éternelle a inspiré l'homme né d'une Vierge, comme elle inspire tous ceux qui, dociles à ses leçons, finissent par devenir parfaitement sages. Ils ne comprennent pas le cachet propre de cet homme; ils se figurent qu'il n'a d'autre avantage sur les bienheureux que d'être né d'une Vierge. Si toutefois ils apportaient un peu plus de réflexion, peut-être finiraient-ils par croire que Jésus-Christ a mérité cette faveur, entre tous, parce que ce privilège même comporte une supériorité. Eh 1 n'y a-t-il pas une grande différence entre être sage par la sagesse de Dieu, et être soi-même la sagesse de Dieu incarnée? Bien que le corps de l'Eglise soit un dans sa constitution, cependant, qui ne comprend qu'il y a une grande différence entre la tête et les membres? Si la tête de l'Eglise est Celui par l'incarnation duquel « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous », les autres membres comprennent tous les saints qui composent et remplisse l'Eglise. L'âme anime et vivifie tout notre corps ; mais c'est dans la tête seulement qu'elle a conscience tout à la fois de la vie, de l'ouïe, de l'odorat, du goût et du toucher ; dans les autres membres elle n'exerce que le toucher; aussi est-ce la tête qui les dirige tous pour l'action, et la tête est placée au-dessus d'eux comme en sentinelle, parce qu'elle représente pour ainsi dire l'âme (53) elle-même, qui est la sentinelle du corps; c'est dans la tête que sont réunis tous les selfs. De la même manière tout le peuple des saints, comme un seul corps, a pour tête le Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ fait homme (1). En conséquence, la Sagesse de Dieu, le Verbe par qui, dans le principe, tout a été fait, ne s'est pas communiquée à Jésus-Christ fait homme, de la même façon qu'aux autres saints, mais c'est à un degré infiniment plus élevé et plus sublime; lui seul devait être choisi pour que la Sagesse suprême se manifestât par lui aux autres hommes, de la manière qu'il lui convenait de se montrer sous des signes visibles. Aussi tous les hommes dans le présent, le passé et l'avenir, ne sauraient être sages comme le Médiateur divin, Jésus-Christ fait homme, car il ne possède pas seulement, à titre de bienfait;la sagesse même par qui tout homme acquiert la sagesse, mais encore il est en personne cette même sagesse. Quant aux âmes sages et spirituelles, on peut dire avec raison qu'elles portent en elle le Verbe de Dieu «par qui tout a été fait »; mais d'aucune d'elles on ne saurait dire qu'en elle « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous ». Cette parole ne convient qu'à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

 

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CHAPITRE XXI. LE CHRIST N'AVAIT PAS UN CORPS SANS AME.

 

23. Loin de nous encore ceux qui avancent que le Verbe divin n'a pris que le corps de l'homme. Cette parole : « Le Verbe s'est fait chair », ils l'interprètent en ce sens que l'Homme-Dieu n'a de l'homme que la chair, sans en avoir l'âme. Quelle erreur ! ils ne comprennent pas que si dans ces mots : « Le Verbe s'est fait chair », on n'a désigné que la chair, c'est que la chair seule pouvait se rendre visible aux yeux des hommes, pour le salut desquels Dieu s'était incarné. En effet, si comme nous l'avons démontré plus haut, on ne peut sans absurdité, sans indignité, dire que l'Homme - Dieu n'a pas eu l'esprit de l'homme, à plus forte raison est-ce le comble de l'absurdité et du sacrilège d'avancer que, privé de l'esprit et de l'âme humaine, il n'aurait eu en partage que la partie la plus vile et la moins noble même chez les animaux, je veux dire le corps. Mettons notre foi à l'abri

 

1. I Timoth. II, 5.

 

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de ces impiétés, et croyons fermement que le Verbe de Dieu s'est revêtu de l'homme tout entier et de l'homme dans son état de perfection.

 

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CHAPITRE XXII. JÉSUS-CHRIST NÉ D'UNE FEMME.

 

24. Il y en a, (mais leurs paroles ne nous en imposeront pas), qui prêtent à Notre-Seigneur un corps semblable à celui qui se montra sous la forme de la colombe que Jean-Baptiste vit descendre du ciel, et s'arrêter sur Jésus, comme emblème de l'Esprit-Saint : par là ils veulent persuader que le Fils de Dieu n'est pas né de la femme. S'il fallait, disent-ils, qu'il fût visible aux yeux de la chair, il a pu prendre un corps tel que l'avait pris l'Esprit-Saint. Or, ajoutent-ils, cette colombe n'est pas sortie d'un neuf; et cependant les yeux des hommes ont pu l’avoir. D'abord nous leur répondrons que dans le livre où nous lisons que l'Esprit-Saint est apparu à Jean sous la forme d'une colombe (1), nous trouvons aussi que Jésus-Christ est né de la femme (2). Il ne faut pas dans l'Evangile accepter tel passage pour rejeter tel autre. Pour quel motif croyez-vous que l'Esprit-Saint s'est montré sous la forme d'une colombe, si ce n'est parce que vous l'avez lu dans l'Evangile ? Moi aussi j'ai donc raison de croire que Jésus-Christ est né d'une Vierge, puisque je lis cela dans l'Evangile.

Mais l'Esprit-Saint n'est pas né d'une colombe, comme Jésus-Christ est né d'une femme; en voici la raison : l'Esprit-Saint n'était pas venu pour affranchir les colombes, mais pour faire connaître aux hommes l'innocence et l'amour spirituel dont la colombe est le symbole. Or, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui était venu pour sauver l'humanité (et le salut importe aux deux sexes), n'a pas dédaigné les hommes, puisqu'il s'est fait homme, ni les femmes, puisqu'il est né de la femme. Voyez encore cet admirable mystère

la mort nous était venue par la femme, c'est par la femme que la vie devait nous être rendue, et par ces deux natures, de l'homme et de la femme, Satan a eu la douleur de se voir vaincu ; et comme il avait eu la joie de les perdre toutes les deux, le châtiment restait incomplet, si les deux natures de l'humanité ne nous sauvaient l'une et l'autre.

 

1. Matt. III 16. — 2. Ib. I, 20, 25.

 

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Aussi ne disons-nous pas que Jésus-Christ seul s'est revêtu réellement d'un corps, tandis que le Saint-Esprit se serait montré aux yeux des hommes, sous de fausses apparences; nous affirmons que nous croyons à ces deux corps, que ces deux corps sont vrais. Si le Fils de Dieu ne devait -pas tromper- les hommes, le Saint-Esprit non plus ne pouvait les abuser. Mais à Dieu, quia tiré du néant toute créature, il n'était pas plus difficile de former en dehors des lois de la nature un vrai corps de colombe, que de créer un corps dans le sein de Marie, sans le concours de l'homme. Dans le sein de la femme pour former l'homme, comme dans le ciel même pour créer une colombe, la nature n'obéissait-elle pas à la volonté souveraine du Seigneur? Mais ces malheureux hérétiques se figurent, dans leur aveuglement, que Dieu lui-même, dont la puissance est infinie, n'a pu faire ce qu'eux-mêmes se sentent incapables de faire, ou ce qu'ils n'ont jamais vu !

 

 

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CHAPITRE XXIII. LE FILS DE DIEU N'EST-IL QU'UNE CRÉATURE ?

 

25. Eloignons-nous encore de ceux qui cherchent à nous faire considérer le Fils de Dieu comme une créature, par la raison qu'il a souffert. Voici leur raisonnement: s'il a souffert, il est sujet au changement ; s'il peut changer, il est une créature, parce que l'essence divine rie peut changer. Quant à nous, nous confessons avec eux que l'essence divine est immuable et que la créature peut changer ; mais entre la créature et l'abaissement au rôle de créature,-, il y a un abîme. Ainsi le Fils unique de Dieu, je veux dire la Vertu, la Sagesse de Dieu, le Verbe par qui tout a été fait, étant immuable, a bien voulu se revêtir de notre humanité ;elle était tombée et vieillie, il a daigné la relever et la rajeunir. Mais quand il a souffert sa passion pour elle, il n'a altéré en rien sa propre nature; au contraire, par sa résurrection il a amélioré le sort de notre humanité, et pourtant il faut reconnaître que le Verbe du Père, le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, est né et a souffert pour nous. En effet, ne disons-nous pas que les martyrs ont souffert et sont morts pour posséder le royaume des cieux? et cependant par ces souffrances, par cette mort, leurs âmes n'ont pas été anéanties : car le Seigneur a dit : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps, ils ne peuvent rien sur l'âme (1) ». Ainsi donc nous admettons que les martyrs ont souffert et sont morts dans les corps dont ils s'étaient revêtus, sans que leurs âmes aient été exposées à la destruction ou à la mort; nous reconnaissons de la même manière que le Fils de Dieu a souffert et est mort dans l'humanité à laquelle il s'était uni personnellement, sans qu'il y ait eu changement ou mort pour sa nature divine.

 

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CHAPITRE XXIV. IDENTITÉ DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST RESSUSCITÉ.

 

26. Nous repousserons aussi ceux qui prétendent que le corps du Sauveur n'était pas, après sa résurrection, tel qu'au moment où il fut placé dans le sépulcre. S'il en avait été ainsi, il n'aurait pas dit lui-même à ses disciples, après sa résurrection : « Touchez et regardez : car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous m'en voyez (2) ». II y aurait -sacrilège à croire que Notre-Seigneur, qui est la Vérité même , ait jamais pu faire un mensonge. Ne soyons pas non plus surpris de ce que l'Ecriture (3) dit qu'il apparut à ses disciples, bien que les portes fussent fermées; et n'allons pas lui refuser un corps humain, parce que nous voyons qu'il est contraire à la nature de ce corps de pénétrer à travers des portes fermées. « Tout n'est-il pas « possible à Dieu (4)? » Il est contraire en effet à la nature de nos corps de marcher sur les eaux, et cependant Notre-Seigneur avant sa passion y a marché, il y a même fait marcher saint Pierre (5). Ainsi donc, après sa résurrection, il a pu faire de son corps ce qu'il a voulu. Et si avant sa passion il a pu donner à son corps l'éclat resplendissant du soleil (6), pourquoi, après sa passion, lui aurait-il été impossible de rendre ce môme corps assez diaphane et délicat pour pénétrer à travers des portes fermées ?

 

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CHAPITRE XXV. ASCENSION.

 

27. Nous n'écouterons pas non plus ceux qui avancent que Notre-Seigneur n'a pas élevé avec lui son corps dans le ciel. Ils rapportent ces mots de l'Evangile : « Personne n'est monté au ciel, que celui qui est descendu du ciel (7) » ; puis ils ajoutent que comme son corps n'est pas descendu du ciel, il n'a puy monter. C'est

 

1. Matt. X, 28. — 2. Luc, XXIV, 39. — 3. Jean, XX, 26. — 4. Matt. IX, 26. —  5. Id. XIV, 25, 29. — 6. Id. XVII, 2. — 7. Jean, III, 13.

 

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qu'ils n'entendent pas ces mots : « Le corps « n'est pas monté au ciel ». En effet, Notre-Seigneur est monté, mais son corps n'est pas monté; il a été porté au ciel, élevé par Notre-Seigneur qui y est monté.

Un exemple : Qu'une personne descende nue du sommet d'une montagne, et qu'une fois descendue elle prenne des vêtements, et, dans cet état, monte. Nous avons raison de dire : Personne n'est monté que celui qui est descendu ; car nous ne faisons pas attention au vêtement que la personne a emporté avec elle, mais à la personne même qui s'est vêtue, et nous disons qu'elle seule est montée.

 

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CHAPITRE XXVI. LE CHRIST ASSIS A LA DROITE DE SON PÈRE.

 

28 Nous rejetterons aussi ceux qui ne veulent pas que le Christ soit assis à la droite de son Père. Voici ce qu'ils disent : Dieu le Père a-t-il un côté droit et un côté gauche, comme les hommes ? Mais nous n'avons pas une telle idée de Dieu le Père. Dieu ne peut se limiter et se renfermer dans aucune forme physique. On entend par la droite du Père, le bonheur éternel promis aux saints; et la gauche désigne très-justement l'éternité de souffrances qui attend les impies. Ainsi la droite et la gauche ne doivent pas s'entendre par rapport à Dieu, mais par rapport aux hommes. Aussi le corps du Christ, qui est l'Eglise, est-il aussi à la droite de Dieu pour goûter cette béatitude : « Il nous a ressuscités, dit l'Apôtre, et nous a fait asseoir avec lui dans le ciel (1) ». Bien que notre corps n'y soit. pas encore, notre espérance s'y trouve déjà. Aussi Notre-Seigneur après sa résurrection commande-t-il aux disciples qu'il rencontre occupés à pêcher de lancer leurs filets à droite. A peine eurent-ils exécuté cet ordre , qu'ils prirent des poissons , qui tous étaient gros (2). C'est l'emblème des justes à qui la droite est promise. Voilà encore pourquoi, au jugement suprême, Dieu placera à sa droite les agneaux, et les boucs à sa gauche (3).

 

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CHAPITRE XXVII. LE JUGEMENT FUTUR.

 

29. Gardons-nous également d'écouter ceux qui ne croient pas au jugement dernier, et

 

1. Eph, II, 6. — 2. Jean, XXI, 6-11. — 3. Matt. XXV, 33.

 

qui s'appuient sur ces passages de l'Evangile « Qui croit en Jésus-Christ ne sera pas jugé ; « qui ne croit pas en lui est déjà jugé (1) ». Voici leur raisonnement : Si celui qui croit, n'est pas soumis au jugement, et si celui qui ne croit pas, est déjà jugé, où sont donc alors ceux que le Christ jugera au jour du jugement? Ils ne comprennent pas que les saintes Ecritures, en s'exprimant ainsi, prennent le passé pour le futur. C'est ainsi que plus haut, en citant ces paroles de l'Apôtre : « Il nous a fait asseoir avec lui dans le royaume des cieux» , nous avons remarqué que noirs n'y sommes pas encore; mais puisque nous y serons certainement un jour, l'Apôtre s'est exprimé comme si le fait s'était déjà accompli. C'est de la même façon que le Seigneur dit à ses disciples : « Tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître (2) ». Bientôt il ajoute « J'ai encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont au-dessus de votre portée (3)». Comment aurait-il dit . « Tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître », s'il n'avait parlé, comme d'un fait accompli, de ce qu'il devait certainement faire par le Saint-Esprit. Aussi, quand on nous dit « Quiconque croit en Jésus-Christ ne viendra pas en jugement », nous devons comprendre qu'il ne sera pas damné. Car ici, par jugement on entend damnation, suivant ces expressions de l'Apôtre : « Celui qui ne mange pas, ne doit pas juger celui qui mange (4) » ; c'est-à-dire, ne doit pas mal penser de lui. Le Seigneur aussi ne dit-il pas: « Ne jugez pas, pour qu'on « ne vous juge pas (5)? » Il ne nous ôte pas la faculté de pouvoir juger, puisque le prophète dit : « Enfants des hommes, si vous aimez sincèrement la justice, jugez selon la droiture (6) ». Le Seigneur lui-même ne dit-il pas aussi: «Ne jugez point d'après les apparences, « mais portez votre jugement selon la justice (7)? » Ici, en nous défendant de juger, il nous défend de condamner celui dont nous ne connaissons ni les pensées secrètes, ni la conduite à venir. Par conséquent, lorsqu'il a dit: « Il rie viendra « pas en jugement », le Seigneur a voulu faire entendre ceci: Il ne tombera pas sous un arrêt de condamnation. « Quiconque ne croit pas « est déjà jugé (8) » : cela signifie qu'il est déjà condamné par la prescience de Dieu, lequel sait tout ce qui attend les incrédules.

 

1. Jean, III, 18. — 2. Jean, XV, 15. — 3. Id. XVI, 12. — 4. Rom.XIV, 3. — 5. Matt. VII, 1. — 6. Ps. LVII, 2. — 7. Jean, VII, 24. — 8. Id. III, 18.

 

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CHAPITRE XXVIII. A QUI ÉTAIT PROMIS L'ESPRIT-SAINT.

 

30. Loin de nous encore ceux qui avancent que le Saint-Esprit, promis par le Seigneur dans l'Évangile à ses disciples, est venu à l'apôtre Paul ou à Montan et à Priscilla, d'après le sentiment des Cataphrygiens ; ou bien à je ne sais quel Manès ou Manichée, selon l'opinion des Manichéens. Ils sont assez aveuglés pour ne pas comprendre le sens si clair de l'Écriture, ou bien ils négligent assez leur salut polir ne pas la lire. Qui, en effet, à une simple lecture, ne comprendrait les paroles écrites dans l'Évangile même, après la résurrection du Seigneur, et où il dit en personne : « Je vous envoie ce que mon Père vous a promis; pour vous, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la vertu d'en haut (1) ». Et dans les Actes des Apôtres, quand le Seigneur a disparu aux yeux de ses disciples pour s'élever au ciel, ces impies ne voient pas que le jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit est venu sur eux d'une façon visible; et pendant que ces mêmes disciples étaient encore dans la cité, selon la promesse faite auparavant, il les a remplis de lui-même et leur a fait le don des langues. En effet, il y avait là des hommes de diverses nations, et chacun les comprenait dans la propre qu'il parlait (2). Mais ces incrédules abusent les âmes indifférentes qui ne veulent pas s'instruire de leur foi si clairement prouvée dans l'Écriture; et, ce qu'il y a de plus grave et de plus déplorable, c'est que ces âmes, si négligentes pour la foi catholique, prêtent une oreille attentive aux suggestions de l'hérésie.

 

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CHAPITRE XXIX. L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES DONATISTES.

 

31. Nous nous garderons aussi du langage de ceux qui prétendent que l'Église, une et catholique, n'est pas répandue dans le monde entier, mais qu'elle ne vit qu'en Afrique, c'est-à-dire dans le parti de Donat. C'est ainsi qu'ils se ferment les oreilles en présence du prophète qui s'écrie : «Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui; demande-moi, et je te donnerai pour héritage les nations, et pour possession, jusqu'aux extrémités de la terre (3) ». Et combien d'autres paroles ne trouve-t-on pas,

 

1. Luc, XXIV, 49. — 2. Act. II, 1-11. — 3. Ps. II, 7, 8.

 

soit dans l'Ancien, soit dans te Nouveau Testament, où l'on voit clairement que l'Église du Christ est répandue dans le monde entier? A cette objection ils nous répondent que tout, sans doute, en était rempli avant l'existence du parti de Donat, mais ils prétendent qu'ensuite l'Église entière a péri, et que ses restes ne se trouvent que parmi les Donatistes. O langage superbe et criminel ! Non , la chose n'est pas `possible, quand même ils vivraient de manière à conserver la paix entre eux.

Mais, ils ne remarquent pas qu'à l'égard de Donat s'est accomplie cette parole : R On vous « mesurera avec la même mesure qui vous « aura servi à mesurer les autres (1) ». Il a cherché à diviser le Christ, ainsi lui-même chaque jour est divisé et morcelé par les siens. C'est aussi ce que fait entendre cette autre parole du Seigneur,: « Qui frappe du glaive, périra par le glaive (2) ». En effet dans ce passage, le glaive, mis aux mains d'un méchant, désigne une langue amie de la discorde; or, ce malheureux en a alors frappé l'Église, mais sans la tuer. Car le Seigneur n'a pas dit : « Qui tuera par le « glaive, périra parle glaive » ; mais : « Celui « qui aura fait usage du glaive, mourra par « le glaive ». Donat a frappé l'Église avec sa langue séditieuse, et aujourd'hui il est lui-même déchiré de manière à disparaître et à mourir complètement.

Pourtant l'apôtre Pierre s'était servi du glaive, non pas poussé par l'orgueil, mais par l'amour de Dieu, amour tout humain encore; aussi sur un avertissement remit-il le fer au fourreau; mais cet impie, même vaincu, ne veut pas obéir. Comme il soutenait son hérésie devant Cécilien, à Rome, en présence des évêques qu'il avait lui-même convoqués, il ne put venir à bout de prouver aucune de ses propositions. Ainsi il persista dans son schisme pour mourir par le glaive. Mais le peuple même de cet impie, quand il n'écoute ni les prophéties, ni l'Évangile, où il est dit en termes si précis que l'Église du Christ est répandue dans toutes les nations, et que d'un autre côté, il s'en rapporte à des schismatiques qui ne cherchent pas la gloire de Dieu mais la leur, ce peuple fait assez voir qu'il est esclave et non libre, et que l'oreille droite lui a été coupée.

Pierre, en effet, dans son amour de Dieu, coupa par erreur l'oreille droite à un esclave et non à un homme libre. N'est-ce pas dire

 

1. Matt. VII, 2. — 2. Ib. XXVI, 52.

 

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que ceux qui sont frappés par le glaive du schisme, sont les esclaves des désirs charnels ? car ils n'ont pas encore été amenés à la liberté que donne l'esprit, de manière à ne point mettre leur confiance dans un homme; en outre ils n'entendent pas ce qui est à droite, c'est-à-dire la gloire de Dieu répandue au loin dans l'Eglise catholique entière, mais ils saisissent bien ce qui est à gauche, c'est-à-dire les erreurs de la présomption humaine.

Cependant, comme le Seigneur dit dans l'Evangile que la fin du monde arrivera quand l'Evangile aura été prêché par toutes les nations (1); comment osent-ils prétendre que déjà toutes les autres nations ont perdu la foi, que l'Eglise est restée seulement dans le parti de Donat; lorsqu'il est évident que, depuis la séparation de ce parti d'avec la grande unité, quelques nations sont venues à la foi, qu'il en reste plusieurs qui ne croient pas encore, mais auxquelles l'Evangile est annoncé sans relâche? N'est-on pas surpris de rencontrer un homme qui se déclare chrétien et se laisse entraîner à l'impiété contre la gloire du Christ, au point d'oser prétendre que tous les peuples de la terre qui viennent d'entrer dans l'Eglise de Dieu, qui se hâtent, pour ainsi parler, d'avoir la foi en Jésus-Christ, travaillent en vain, parce qu'un Donatiste ne leur donne pas le baptême? Sans aucun doute on repousserait avec horreur de pareilles propositions et on abandonnerait bien vite ces hérétiques, si on cherchait Jésus-Christ, si on aimait l'Eglise; si on était libre, et qu'on eût encore l'oreille droite intacte.

 

 

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CHAPITRE XXX. L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES LUCIFÉRIENS.

 

32. Nous n'écouterons pas non plus ces autres qui, sans réclamer pour personne un second baptême, se sont néanmoins retranchés de l'unité de l'Eglise, ont préféré s'appeler Lucifériens plutôt que catholiques. Ils sont dans la saine doctrine en comprenant que le baptême du Christ ne doit pas se réitérer. Ils voient, en effet, que le sacrement de la sainte ablution ne vient que de l'Eglise catholique, et que les sarments coupés conservent la forme qu'ils avaient prise sur le cep avant d'être tranchés. C'est à eux toutefois que s'adressent ces paroles de l'Apôtre : « Ils ont l'apparence de la piété, mais ils en ont rejeté la vertu (2)».

 

1. Matt. XXIV, 11. — 2. II Tim. III, 5.

 

En effet, la grande vertu de la piété, c'est la paix et l'unité, parce que Dieu est un. Or, les Lucifériens ne l'ont pas, cette vertu, parce qu'ils se sont séparés de l'unité. Aussi, quand l'un d'entre eux revient à la foi catholique, il n'a pas besoin de reprendre l'apparence de la piété, qu'il possède, mais il en reçoit la vertu, qu'il n'avait pas. Semblables à des branches coupées mais non desséchées, qui sont susceptibles d'être encore entées , eux aussi peuvent revenir à la foi, s'ils ne persévèrent pas dans l'incrédulité, ainsi que l'enseigne l'Apôtre en termes précis,. Voilà ce que comprennent les Lucifériens, et ils ne donnent pas le baptême une seconde fois; alors nous ne les blâmons pas. Mais lorsqu'ils ont voulu se séparer eux-mêmes de la racine, qui n'aurait jugé ce dessein condamnable ? surtout quand ce qu'ils rejettent dans l'Eglise catholique, est vraiment le caractère distinctif de sa sainteté. Nulle part, en effet, les entrailles de la miséricorde ne s'émeuvent autant que dans l'Eglise catholique; comme une véritable mère, elle ne traite pas avec orgueil ses fils quand ils commettent des fautes, elle leur pardonne aisément quand ils se sont corrigés. Ce n'est pas sans motif que Pierre, entre tous les Apôtres, représente le caractère de cette Eglise catholique; car c'est à elle que furent données les clefs du royaume des cieux lorsqu'elles furent remises à Pierre (2). A tous s'adresse cette parole qui lui fut adressée : « M'aimes-tu? pais mes brebis (3)» . L'Eglise catholique doit donc pardonner avec empressement à ses fils quand ils se sont amendés et fortifiés par la piété, puisque Pierre lui-même, qui la représente , obtint son pardon après avoir tremblé sur la mer (4); après avoir d'une manière trop charnelle, cherché à détourner le Seigneur de souffrir (5); après avoir coupé avec le glaive l'oreille d'un esclave; après avoir renié trois fois le Seigneur (6) et s'être ensuite laissé aller à une feinte superstitieuse (7); mais il s'était corrigé et fortifié au point de mériter la gloire de souffrir comme le Sauveur.

Aussi, après la persécution excitée par les Ariens, quand la paix, que l'Eglise catholique tient toutefois de son union avec le Seigneur, eut été rendue, même par les grands de ce monde, beaucoup d'évêques qui, dans cette persécution, étaient du parti d'Arius, préférèrent, après

 

1. Rom. XI, 23. — 2. Matt. XVI, 19. — 3. Jean, XXI , 17. — 4. Matt. XIV, 30. — 5. Ib. XVI, 22. — 6. Id. XXVI, 51, 70, 71. — 7. Gal. II, 12.

 

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s'être corrigés, rentrer dans la foi catholique, condamnant ce qu'ils avaient cru ou feint de croire. L'Eglise catholique les reçut dans son sein maternel, comme elle y avait reçu Pierre lorsqu'il pleura après que le chant du coq l'eut averti de son reniement, et lorsqu'après de coupables feintes, il se fut corrigé à la voix de Paul.

En traitant avec hauteur, en blâmant avec impiété cette charité de notre mère, ces hérétiques ont mérité, pour n'avoir pas félicité Pierre se relevant au chant du coq (1), de tomber avec Lucifer, qui le matin se levait avec éclat (2).

 

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CHAPITRE XXXI. L'ÉGLISE ET LES CATHARES.

 

33. Nous n'écouterons pas non plus ceux qui refusent à l'Eglise le pouvoir de remettre tous les péchés. Aussi ces malheureux, en ne voyant point la pierre dans Pierre, en ne voulant pas croire que les clefs du royaume des cieux ont été remises à l'Eglise, les ont laissé échapper de leurs mains. Ce sont eux qui condamnent comme adultères les veuves qui se remarient, et qui se prétendent plus purs que la doctrine des Apôtres (3). S'ils voulaient reconnaître leur véritable nom,ils s'appelleraient impurs, plutôt que purs. Puisqu'ils ne veulent pas se corriger quand ils ont péché, ne préfèrent-ils pas se damner avec ce monde? Car, en refusant aux pécheurs le pardon de leurs fautes, ils ne rendent pas la santé à leurs âmes, mais il privent les malades de tout remède; et, en ne permettant pas à leurs veuves de se remarier, ils les forcent de brûler (4).

 

 

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CHAPITRE XXXII. LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.

 

34. Nous ne devons pas écouter non plus ceux qui, pour n'admettre pas la résurrection de la chair, nous citent ces paroles de l'apôtre Paul « Ni la chair ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu ». Ils ne comprennent donc pas cet autre passage du même Apôtre: «Il faut que corruptible, ce corps se revête d'incorruptibilité, et que mortel, il se revête d'immortalité ». Alors il n'y aura plus ni chair ni sang, mais un corps célestes. Le Seigneur ne nous

 

1. Matt. XXVI, 75. — 2. Is. XIV, 12. — 3. I Tim. V, 4. — 4. I Cor. VII, 9. — 5. II Rétr. ch. 3.

 

en fait-il pas la promesse quand il dit : « Les hommes n'auront point de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu (1) ? » Une fois devenus semblables aux anges, ils ne vivront plus pour les hommes, mais pour Dieu seul. La chair et le sang seront ainsi changés et formeront un corps céleste pareil à celui des anges. « Les « morts ressusciteront dans un état d'incorruptibilité, et nous, nous serons transformés (2) ». Ainsi, il est vrai que la chair ressuscitera, et il l'est aussi que ni la chair ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu.

 

 

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CHAPITRE XXXIII. IL FAUT GRANDIR PAR LA FOI.

 

35. Allaités en quelque sorte par la simplicité et la pureté de la foi, croissons en Jésus-Christ, et pendant que nous ressemblons à de faibles enfants, ne désirons pas les aliments de ceux qui ont déjà grandi, mais développons-nous en Jésus-Christ en prenant une nourriture salutaire, en y ajoutant les bonnes moeurs et la justice chrétienne qui renferme l'amour de Dieu et du prochain dans toute sa perfection et dans toute sa force. Ainsi chacun de nous pourra triompher, en lui-même et en s'attachant au Christ dont il s'est revêtu, du démon et de ses anges. Effectivement, la charité n'a en elle ni les affections ni les frayeurs du siècle, c'est-à-dire qu'elle ne désire pas acquérir les biens de ce monde et ne craint pas de les perdre : car c'est par ces deux portes que pénètre en nos coeurs, pour y établir son empire, l'ennemi qui sera chassé d'abord par la crainte de Dieu, et ensuite par la charité.

Aussi devons-nous chercher avec d'autant plus d'ardeur à connaître clairement la vérité, à la voir avec une pleine évidence, que nous faisons plus de progrès dans la charité, et que, par la simplicité de la charité, nous possédons un coeur pur; car la vérité se fait voir aux yeux même de l'âme : « Heureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu (3). Enracinés donc et fortement établis dans la charité, puissions-nous comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur, c'est-à-dire, connaître quel est pour nous l'amour

 

1. Matt, XXII, 30. — 2. I Cor. XV, 50,-53. — 3. Matt. V, 8.

 

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de Jésus-Christ, qui surpasse toute connaissance, afin que nous soyons remplis de tous les trésors de la plénitude de Dieu (1) » ; et, après avoir soutenu contre l'invisible ennemi les luttes dont nous venons de parler, comme

 

1. Eph. III, 17-19.

 

le joug du Christ est doux pour ceux qui l'aiment et qui le cherchent, et comme son fardeau est léger (1), puissions-nous mériter la couronne due à la victoire.

 

1. Matt. XI, 30.

 

Traduction de M. THENARD.

 

 

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