D'Érasme

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D'ÉRASME.

 

Erasme de Rotterdam est le plus grand scélérat qui soit jamais venu sur la terre. Il cherche beaucoup à m'attirer dans ses pièges, et si Dieu ne m'avait pas prêté une assistance toute spéciale, il m'aurait réduit en captivité. En 1525, il m'envoya un de ses docteurs chargé d'un présent de 200 ducats de Hongrie qu'il fit donner à ma femme Catherine; mais je refusai de les recevoir, et je prescrivis à ma femme de ne pas se mêler de semblables choses, car, grâce à Dieu, je n'ai jamais passé pour convoiter l'argent.  

Je hais Erasme de tout mon cœur (1) ; il fait usage du même argument qu'employa Caïphe quand il dit : Il convient qu'un seul meure pour tout le peuple. C'est ainsi que s'expriment Erasme et tous les épicuriens. Il est préférable que l'Évangile tombe ou cesse d'être prêché , plutôt que si toute l'Allemagne et tous ses princes se prenaient aux cheveux et si l'Europe entière était ébranlée. Saint Jean l'Évangéliste, par suite de cet avis, devint 

1 Luther n'avait pas toujours manifesté pareils sentiments ; au début de sa carrière, le 28 mars 1518, il lui écrivait dans les termes les plus flatteurs, il adulait, il cajolait le philosophe batave, alors au comble de sa gloire. « Quel est le coin de terre où n'a retenti le nom d'Erasme ? Qui ne reconnaît Erasme pour son maître?..... Vous avez reçu de Dieu les dons les plus magnifiques, et je reconnais toute la splendeur de votre génie.... Mon cher Érasme, mon tout aimable, tournez donc les regards, je vous en conjure, sur un petit frère qui vous aime si tendrement d'amour. »  

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l'ennemi déclaré de Caïphe. Du moins le Christ donna à Caïphe un coup dont il se ressentira éternellement, je le crains bien, et ce fut lorsque le Christ dit à Pilate : Celui qui m'a remis en tes mains a le plus grièvement péché. Et le docteur Luther, s'échauffant beaucoup, dit au docteur Jonas et à Pomeranus : « Je vous recommande, dans mon testament et dans mes dernières volontés, de haïr et de détester cette vipère d'Erasme. Je n'ai point d'égards pour ses paroles; vraiment elles sont bien ornées, mais ce ne sont que maximes de Démocrite et d'Epicure ; de propos délibéré, il parle de toutes choses d'un ton de doute ; ses assertions sont équivoques, et il s'arrange de manière à leur donner le sens qu'il voudra. De semblables paroles, ne surviennent point à aucun homme honnête, encore moins à un chrétien. Voyez, quel poison il répand dans ses Colloques sous le masque d'interlocuteurs supposes, et comme, s'attachant à plaire à la jeunesse, il s'efforce de l'infecter. Aussitôt qu'il plaira à Dieu de me remettre sur mes jambes, je lui appliquerai la sentence d'Isaïe au sujet des omis du basilic ; ils sont un régal tout prêt pour les dents d'Erasme. »

Une autre fois, le docteur Luther, étant dans son lit, fit ces deux vers contre ce même Erasme de Rotterdam : 

Qui Satanam non odit, amet tua carmina, Erasme,

Atque idem jungat furias et mulgeat orcum. 

Le 1er avril 1526, le docteur Luther étant malade dans son lit, passa presque toute la journée à lire les préfaces d'Erasme sur le Nouveau Testament, et il en fut extrêmement affecté ; il dit : « Quoique ce serpent soit si glissant qu'il nous est difficile de le saisir, cependant, nous et notre Eglise, nous le condamnerons avec ses livres, et quoique beaucoup de gens mondains soient fâchés contre nous et qu'ils soient courroucés de ce que nous agissions ainsi, il vaut mieux pour nous les offenser que renier le Christ, notre Sauveur. » 

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Erasme écrit de très-lourdes et basses préfaces, bien qu'il les adoucisse; il semble ne pas mettre de différence entre Jésus-Christ notre Sauveur et le sage législateur païen Solon. Il méprise aussi saint Paul et saint Jean, comme ses préfaces de l'épître aux Romains et de saint Jean le témoignent. Il ose dire que l'épître aux Romains n'est ni convenable ni appropriée à l'époque actuelle, et qu'elle est plus inquiétante et fâcheuse que profitable. N'est-ce pas là l'aire un bel éloge de l'écrivain de ce livre ? Honte à toi, misérable maudit! 

Le docteur Luther dit une autre fois : « Erasme est un véritable Momus ; il se moque de tout, et ses livres, remplis d'équivoques, pourraient être lus par les Turcs. Lorsqu'on s'imagine qu'il a beaucoup dit, de l'ail il n'a rien dit du tout. Il ne peut être saisi ni par nous, ni par les papistes; il est plein de termes ambigus et louches, que l'Écriture défend ainsi que les lois de l'empire, car elles portent : « Si quelqu'un fait usage d'expressions douteuses, obscures et incertaines, elles seront entendues et relevées contre lui. » 

Voici, dit un autre jour le docteur Luther, ce que je laisse dans mon testament, et je vous en prends à témoin : je tiens Erasme de Rotterdam pour l'ennemi le plus décide qu'ait Jésus-Christ (1). Dans son Catéchisme (celui de tous ses écrits que je peux le moins supporter), il n'enseigne rien de certain ; il n'est pas un mot qui dise : fais cela, ou : ne fais pas ceci. Il ne fait que jeter dans l'erreur et le désespoir les consciences de la jeunesse. 

1 Luther a dit ailleurs : Erasme est un pauvre esprit qui n'a jamais su loger dans sa cervelle qu'une idée opiniâtre, celle de vivre en paix ; il ne sait pas ce que c'est que la croix de Jésus-Christ..... C'est un païen qui voudrait rétablir le culte des faux dieux. Dans son traité De servo arbitrio adversus liberum arbitrium ab Erasmo defensam, le docteur saxon donne à son antagoniste les épithètes de blasphémateur, d'épicurien, de pyrrhonien et d'athée. 

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Il écrivit un livre contre moi, intitulé Hyperaspites (1), dans lequel il avait l'intention de défendre son livre sur le libre arbitre contre lequel j'ai écrit mon livre au sujet de la dépendance de la volonté; mon livre n'a pas été encore combattu, et Erasme ne sera pas capable de le réfuter, car je suis sûr et certain que ce que j'ai écrit à cet égard est l'immuable vérité île Dieu. Mais si Dieu vit dans le ciel, Erasme sentira et connaîtra ce qu'il a fait. 

Erasme est l'ennemi de la véritable religion, l'adversaire déclaré de Jésus-Christ, l'image complète et fidèle d'Epicure et de Lucien. 

Le docteur Luther, ayant appris la mort d'Erasme, dit : «Je ne voudrais pas, au prix de dis mille florins, courir la chance d'avoir, dans l'autre vie, la place qu'a saint Jérôme, et pour beaucoup plus forte somme, je ne voudrais pas de celle d'Erasme. » 

Erasme ne peut que soulever des chicanes et faire des moqueries ; il n'est pas en état de réfuter et de détruire. Si j'étais papiste, je le combattrais et le terrasserais bien facilement. Il tourne en dérision le pape et ses cérémonies, mais il ne l'a pas culbuté et abattu ; et même, tout en se moquant du pape, il se moque de Jésus-Christ. 

Erasme, Eck, Cochlœus et consorts ont un autre idiome que le mien. Erasme est un impie, et je veux un jour le délivrer du soupçon répandu parmi les papistes qu'il est luthérien. Il frappe en cachette, il n'avance jamais droit en face sur quelqu'un ; aussi 

1 Hyperaspites, diatribae adversus servum arbitrium Martini Lutheri (Bâle, 1526). Luther dit une fois que ce livre était comme le sifflement de la vipère. 

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ses livres sont pleins de poison. En mourant, je recommanderai à mes enfants de ne point lire ses Colloques, où il avance beaucoup d'impiétés sous des noms supposés, dans le dessein prémédite d'attaquer la foi et l'Église de Jésus-Christ. Qu'il se moque et se rie de moi et des autres, mais je ne lui conseille pas de se moquer de Dieu ; il ne s'en tirerait pas sans châtiment. Je pense qu'il finira mal. 

En écrivant son livre sur la folie, Erasme a engendré une fille telle que lui. Il veut badiner, ricaner et railler; mais c'est un bouffon et un extravagant, et le livre de ce fou est pure folie. 

Quelqu'un demanda au docteur Luther si, lorsqu'il priait, il maudissait en même temps. Il répondit : « Oui, lorsque je lais cette prière : Que ton nom soit béni, je maudis Erasme et tous les attires hérétiques qui blasphèment et outragent Dieu. » 

Erasme aurait pu rendre de grands services à la cause de l’Évangile et il a été plusieurs fois prié de le faire; mais il n'a pas voulu. Le voudrait-il à présent, il ne le pourrait; les choses sont trop avancées ; les cartes ne sont plus en sa main, il les a jetées. Je dis de lui ce qu'un évêque disait d'Arius : il cherche à déshonorer Jésus-Christ. 

Si Erasme avait à cœur la gloire de Jésus-Christ et de l'Évangile, au lieu de s'amuser à écrire des contes d'enfants et des folies, il donnerait un bon commentaire sur l'une des épitres de saint Paul; mais il n'en a cure. Il est maître consommé dans l'art d'embrouiller les questions, de s'exprimer en termes louches et obscurs, qui peuvent signifier noir ou blanc au gré de chaque parti. C'est le roi des amphibologies. Je veux lui offrir le combat; qu'il vienne, et avec l'aide de Dieu je le confondrai en 

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peu de mots. Si je vis, je délivrerai l'Église de pareilles immondices. 

Erasme a été infecté de doctrines épicuriennes à Venise et à Rome; il a donné plus de louanges aux ariens qu'aux catholiques, il a osé dire que Jésus-Christ n'est appelé Dieu qu'une fois dans l'Évangile de saint Jean, lorsque saint Thomas dit : «Tu es mon Seigneur et mon Dieu (ch. XX, v. 28). » Mais de tous les traits qu'il a décochés, celui qui me révolte le plus, c'est son Catéchisme, il n'enseigne rien avec certitude et à fond ;il ne fait que jeter le doute; et l'erreur chez les jeunes gens. 

Erasme regarde comme une chose ridicule que Dieu soit né d'une pauvre femme; je sais que, dans son cœur, il se moque de nous. Il imite Lucien qui s'est raillé de tous les dieux ; c'est un grand bouffon et un misérable. Mais, au jour du jugement dernier, il dira : « Voyez, ils sont parmi les saints de Dieu, ceux que nous regardions pendant leur vie comme des fous et des insensés (Sagesse, ch. V, v. 4). » C'est bien certainement ce qu'il reconnaîtra. 

Je m'étonne qu'un homme puisse s'écarter de la connaissance de Dieu autant que le fait Erasme. Erasme a la conviction qu'il n'y a ni Dieu, ni vie future, tout aussi fermement que moi, grâces à Dieu, j'ai la conviction opposée à la sienne. Il ne vaut pas mieux que Lucien, mais ce qui me surprend, c'est qu'il veut se donner pour théologien, et il ne sait pas pourquoi Dieu est venu au monde. Avec sa théologie, il fait de Jésus-Christ un légiste; Que notre Seigneur me laisse seulement une année de vigueur; je suis plein d'ardeur et de zèle chrétien pour tirer vengeance d'Erasme et de mes autres ennemis.

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