ÉGYPTIENS

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HOMÉLIE SUR LES MARTYRS ÉGYPTIENS.

 

AVERTISSEMENT ET ANALYSE.

 

Nous n'avons aucun renseignement qui puisse nous apprendre d'une manière certaine si cette homélie fut prononcée à Antioche ou à Constantinople. Tillemont pense que ce fut dans cette dernière ville, et voici sur quoi il se fonde : l'occasion de ce discours fut une translation de reliques que l'on avait amenées d'Egypte dans la ville où il fut prononcé : or, on en transportait beaucoup plus souvent à Constantinople qu'à Antioche. Du reste, il n'y a pas d'autre preuve ; c'est aux érudits à juger de la valeur de cette conjecture.

 

1° Saint Chrysostome loue les Egyptiens de répandre en tous pays les reliques de leurs saints; elles sont pour les villes une protection puissante. — 2° Tourmenter les martyrs, c'est s'attaquer à Dieu même. — Les chrétiens condamnés aux mines. — Nous devons préférer la vie pénible et dure à une existence molle et passée dans les plaisirs.

 

1. Dieu soit béni de ce qu'il nous vient des martyrs de l'Egypte même, de cette terre de révolte contre Dieu, de ce pays d'insigne folie, de ce foyer du langage de l'athéisme et des paroles blasphématoires; béni soit Dieu de ce qu'il se trouve des martyrs non-seulement en Egypte, mais encore dans le voisinage, dans les contrées environnantes et même par toute la terre. Lorsqu'il arrive une année où les denrées sont abondantes , les habitants du pays voyant que le rapport est plus que suffisant aux besoins de la population, envoient une partie de la récolte aux contrées étrangères, tant pour leur prouver leur bon vouloir que pour acheter d'elles avec facilité, en échange des biens dont ils regorgent, ceux dont ils ont besoin à leur tour. C'est ce qu'ont fait les Egyptiens pour les champions de la foi. Voyant que la grâce de Dieu en avait produit chez eux un grand nombre, ils n'ont pas voulu restreindre à leur pays cet insigne présent de Dieu; ils ont envoyé ces trésors par toute la terre, afin de prouver leur charité pour leurs frères, de rendre gloire à notre Maître à tous, et en même temps pour faire honneur auprès de toutes les nations à leur propre pays, et montrer qu'il est la métropole de la terre entière. Ainsi des motifs frivoles et mesquins, des bienfaits qui ne profitent qu'à notre vie actuelle ont été assez puissants pour attirer cet honneur à plusieurs cités; or, voici une contrée qui nous envoie dans sa munificence, non pas un de ces dons fragiles et périssables, mais des héros qui ont valu, même après leur mort, une puissante protection aux villes qui ont eu le bonheur de les posséder : je vous le demande, n'est-il pas juste qu'un tel pays, bien plus que tout autre, recueille d'un tel bienfait ce titre de prééminence? En effet, les corps de ces martyrs sont pour notre ville un rempart plus assuré que les murailles les plus solides, les plus indestructibles; tels que des roches élevées qui s'avancent de tous côtés, ils repoussent non-seulement les attaques de ces ennemis sensibles et visibles, mais encore les embûches des esprits invisibles, ils renversent et détruisent toutes les combinaisons de Satan, avec autant de facilité qu'un homme vigoureux renverserait et bouleverserait des jeux d'enfants. Les différentes inventions humaines, telles que les murailles, les fossés, les armes, la multitude des soldats, tous les moyens enfin qu'on a pu imaginer pour la sécurité des habitants, un ennemi peut en venir à bout avec des ressources (429) de même nature, mais plus nombreuses et plus puissantes encore; lorsqu'au contraire, une ville est défendue par les corps des saints , ses ennemis auront beau dépenser des sommes immenses, ils ne pourront jamais opposer à cette place des moyens d'attaque proportionnés. Mais ce n'est pas seulement contre les piéges des hommes et les artifices des démons que ce trésor nous est utile , mes chers auditeurs ; notre commun Maître fût-il irrité contre nous à cause du nombre de nos péchés, nous pourrions encore, en lui présentant ces corps sacrés, obtenir pour notre cité une prompte miséricorde. Même du temps de nos ancêtres, les personnages qui avaient accompli de grandes choses se servaient ainsi des noms des saints ; en ayant recours à l'invocation d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, ils obtenaient des consolations et recueillaient un grand fruit de la mémoire qu'ils faisaient de leurs noms; et nous, qui avons à présenter à Dieu, non pas de simples appellations, mais les corps même qui ont combattu, combien ne pourrons-nous pas davantage obtenir sa miséricorde, nous le rendre indulgent et favorable ! Ce que je vous dis là n'est point une vaine exagération, plusieurs le savent tant parmi les gens d'ici que parmi ceux qui sont venus d'autre part, ils savent quelle est la puissance de ces saints et ils rendent témoignage à mes paroles, ayant appris par expérience de quel crédit ces martyrs jouissent auprès de Dieu, et cela est tout naturel. En effet, ce n'est pas avec indifférence qu'ils ont lutté pour la cause de la vérité; ils ont résisté contre la violence impétueuse et insupportable du démon avec autant de patience et d'énergie que s'ils eussent été dans des corps de pierre ou de fer, et non dans une enveloppe périssable et mortelle ; ils ont combattu comme s'ils eussent déjà passé à l'état impassible et immortel que ne sauraient abattre les dures et douloureuses nécessités de la matière. Des bourreaux, pareils à une troupe de bêtes sauvages, cruelles et féroces, environnaient leur corps de toutes parts, occupés à déchirer leurs flancs, à lacérer leurs chairs, à dépouiller, à mettre à nu leurs os, sans que rien pût les arrêter dans leur fureur inhumaine et sanguinaire. Tourmentant avec acharnement leur dos et leurs entrailles et pénétrant jusqu'au plus profond de leur organisation, ils ne pouvaient parvenir à trouver, pour l'en arracher, le trésor de la foi renfermé en eux. Vous eussiez dit le siège d'une ville très-opulente, regorgeant de richesses, renfermant d'immenses trésors, et une soldatesque qui, après s'être emparée des murs, serait arrivée auprès de la précieuse cachette, et là enlevant les portes, arrachant les verroux, creusant le sol et fouillant partout, n'aurait pu trouver enfin les trésors, pour s'en aller chargée de ce butin. Tels sont, en effet, les biens de l'âme: les souffrances physiques ne nous les font pas livrer si notre âme les garde avec fermeté ; quand même on enfoncerait notre poitrine, qu'on y saisirait le coeur et qu'on le déchirerait en mille pièces, du moment que la foi a confié à notre âme ce trésor, notre âme ne le lâchera point. Or, ceci est l'œuvre de la grâce de Dieu qui gouverne toutes choses et qui a le pouvoir d'opérer des choses extraordinaires dans des corps débiles. Et ce qui est le plus étonnant, c'est qu'avec toute leur rage , non-seulement ils n'ont pu rien soustraire de ces trésors si bien renfermés , mais qu'ils les ont fait garder avec plus de sûreté encore, et qu'ils ont même ajouté à leur éclat et à leur abondance. Car ce n'était plus seulement leur âme , mais leur corps lui-même qui avait reçu un accroissement de grâce, et ce corps, loin de perdre par ce morcellement et ces déchirements multipliés la force qu'il avait déjà, acquérait au contraire une plus grande et plus puissante énergie. Quoi de plus admirable qu'une pareille victoire? ces captifs complètement réduits que l'on garrottait, et que l'on torturait ensuite arbitrairement, on ne put parvenir à les vaincre, au contraire, ce furent leurs persécuteurs qui éprouvèrent un pitoyable, un misérable échec. C'est qu'ils ne faisaient pas la guerre à leurs victimes, mais à Dieu qui habitait en elles; or, lorsqu'on s'attaque à Dieu , il est de toute nécessité que l'on soit vaincu, et d'une manière notable; on est puni rien que pour sa tentative : ce sont là, je crois, des vérités claires pour tout le monde.

2. Telles sont donc les victoires des saints. Or, si les luttes et les combats sont si admirables et si surprenants, que dirons-nous des récompenses et des couronnes qui leur sont réservées pour leur patience. Car ils n'en furent pas quittes pour ces épreuves, et là ne s'arrêta pas leur course ; ils avaient encore à s'avancer plus loin dans la carrière : l'esprit du mat espérait, en ajoutant de nouveaux supplices aux premiers, faire tomber les athlètes, et (430) Dieu, dans sa miséricorde, le permit ainsi au lieu de s'y opposer, car c'était rendre plus évidente à tous les yeux la fureur des infidèles et faire tresser pour les martyrs des couronnes plus nombreuses et plus brillantes. On vit se renouveler l'exemple de Job et du démon : celui-ci demandait à Dieu contre Job un surcroît de tourments, espérant qu'en ajoutant à ses malheurs il viendrait à bout de ce valeureux champion de la foi ; et Dieu y consentait; il acquiesçait aux malicieuses demandes de l'esprit malin, rendant ainsi plus illustre son propre athlète. C'est ce qui eut lieu pour nos martyrs. Quand le tyran, avec plus de cruauté que les bêtes les plus féroces, eut lacéré leur corps de toutes parts, et ensanglanté sa langue et sa bouche, sinon du sang même des martyrs, du moins de ces sentences barbares et inhumaines, vaincu enfin par la fermeté des victimes, et suffisamment gorgé de cet atroce festin, il se retira pris de satiété. Voyez en effet combien fut grande la patience des saints, pour avoir pu, avec leurs souffrances, rassasier une pareille rage. Mais il revint à la charge avec fureur, jaloux de surpasser les bêtes sauvages par d'autres espèces de cruautés. Car les bêtes ne vont à leurs sanglants repas que poussées par la nécessité de leur nature, et quand elles sont rassasiées, elles s'éloignent; verraient-elles alors des milliers de cadavres, elles ne toucheraient à aucun. Mais ce monstre ne vint assouvir sa voracité que par une méchanceté calculée, et une fois repu de leurs chairs, il trama contre eux un autre stratagème, ce fut de les livrer à la mort la plus lente et la plus cruelle, en les condamnant à travailler sans relâche dans les mines. O démence ! après une preuve si claire de leur courage et de leur constance, il espéra encore qu'il en viendrait à bout par ce nouveau moyen. Les voilà donc dans la compagnie des bêtes sauvages, ces saints personnages, les compagnons des anges, les citoyens du ciel, inscrits pour l'éternité au nombre des habitants de la Jérusalem d'en-haut. Le désert était devenu désormais plus saint que n'importe quelle cité. Car chaque jour dans les cités on avait l'audace de donner de ces ordres inouïs et tyranniques; tandis que le désert était exempt de ces mesures d'inhumanité. Ce n'étaient dans les tribunaux qu'actes impies et ordres sacrilèges ;les déserts, au contraire, n'avaient pour citoyens que les plus fidèles observateurs des lois, des hommes qui étaient devenus des anges; et le désert était devenu le rival du ciel quant à la vertu de ses habitants. Et si par nature le supplice était des plus cruels, il devenait par le zèle des victimes, léger, facile, aisément supportable. Ils croyaient alors voir une multiplication de lumière, et selon l'expression du Prophète : La lune sera comme le soleil et le soleil sera septuple (Isaïe, XXX, 26), ils croyaient que cette lumière était déjà leur partage. Car il n'est rien, non, rien de plus joyeux qu'une âme que Dieu a jugée digne de souffrir pour Jésus-Christ quelqu'une de ces choses qui nous paraissent terribles et intolérables. Ils se figuraient déjà être transportés au ciel et mêlés aux choeurs des anges. En effet, qu'avaient-ils besoin dès lors du ciel et des anges, puisque Jésus-Christ, le Maître des anges était avec ces saints martyrs dans le désert? Si Jésus-Christ est au milieu de nous, lorsque nous sommes deux ou trois rassemblés en son nom, à plus forte raison était-il au milieu d'eux, puisqu'ils étaient réunis là pour être continuellement tourmentés, non pas en son nom, mais pour son nom. Car, sachez-le, sachez-le bien, il n'est pas de supplice plus cruel que celui-là, ceux que cette sentence vint frapper, eussent préféré souffrir mille morts d'un genre différent, plutôt que d'avoir à supporter les douleurs dont cette condamnation est la source. On les jeta dans les mines, où il fallait déterrer l'airain, eux qui étaient bien plus précieux qu'une mine d'or, eux qui étaient d'un or immatériel, que ne déterrent pas les mains des condamnés, mais qu'avait découvert le zèle de ces hommes fidèles; ils travaillaient aux mines, eux qui regorgeaient de trésors immenses. Quoi de plus dur et de plus douloureux qu'une pareille existence? Ils voyaient s'accomplir aussi sur eux ce que dit saint Paul en parlant des grands hommes, des saints illustres d'autrefois : Ils allèrent çà et là, vêtus de peaux de moutons, de peaux de chèvres, dans les privations, dans l'oppression et les mauvais traitements, eux dont le monde n'était pas digne. (Hébr. XI, 37, 38.) Ils erraient dans les déserts, les montagnes, les antres et les cavernes. C'est l'exemple qui s'est renouvelé sous notre génération.

Ainsi, mes chers auditeurs, puisque nous savons, nous aussi, que de nos jours comme autrefois, depuis enfin qu'il existe des hommes, tous ceux qui ont été chéris de Dieu ont eu en partage une vie de tristesse et de peines, une (431) vie remplie de maux , ne recherchons pas cette existence molle, relâchée, pleine de langueurs, mais au contraire la vie laborieuse, pénible, féconde en tribulations et en malheurs. De même en effet que ce n'est pas en se livrant au sommeil, à la nonchalance et au luxe, qu'un athlète peut obtenir des couronnes, ni un soldat conquérir des trophées, ni un pilote arriver au port, ni un cultivateur voir ses greniers bien garnis; de même, ce n'est pas non plus en passant sa vie dans la nonchalance que le fidèle peut obtenir les biens promis. Ainsi, pour toutes les choses de la vie , on fait passer la peine avant le plaisir, les dangers avant la sécurité, et cela, quand il doit nous revenir de ces peines un si mesquin et faible avantage; eh bien ! quand c'est le ciel qui nous est proposé , quand il s'agit d'arriver aux mêmes honneurs que les anges, de jouir d'une vie sans fin dans la société des anges, et au milieu de biens tels qu'il n'est pas même possible de l'imaginer ou de l'exprimer, ne serait-il pas insensé de s'attendre à obtenir tout cela par la mollesse et la lâcheté de la vie, par l'indolence de l'âme , et de ne pas daigner y mettre autant d'ardeur qu'à la poursuite des choses de cette vie? Non, je vous en conjure, ne soyons pas si mal avisés pour nous-mêmes et pour notre salut, mais considérons ces saints martyrs, ces généreux et patients athlètes, qui nous. ont été donnés pour nous servir de flambeaux; réglons notre vie sur leur constance et leur fermeté, afin qu'aidés de leurs prières nous puissions après notre départ d'ici-bas, les voir, les embrasser, et être admis dans leurs célestes tabernacles : fasse le ciel que nous obtenions tous ce bonheur par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel gloire au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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