MACCHABÉES

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ROMAIN II

HOMÉLIES SUR LES MACCHABÉES .

 

PREMIÈRE HOMÉLIE.

DEUXIÈME HOMÉLIE.

TROISIÈME HOMÉLIE

FRAGMENT DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME SUR LES MACCHABÉES.

 

PREMIÈRE HOMÉLIE.

 

AVERTISSEMENT ET ANALYSE.

 

Ces discours ont été prononcés à Antioche; ils ne portent aucune date. La premier a pour objet principal de louer le courage et la fermeté d'âme de la mère des Macchabées. Le second est l'éloge du septième et plus jeune fils, et l'orateur y exalte aussi leur mère de temps en temps. Ce second discours est plus court que le premier : c'est afin, nous apprend Chrysostome, de laisser un champ plus vaste à leur maître commun, l'évêque Flavien, qui doit prendre la parole après Chrysostome. La dernière homélie, la plus courte des trois, est soupçonnée par quelques-uns de n'être pas authentique et ce n'est pas sans raison, car elle a certainement un autre cachet; le style en est maigre; tout y est dit comme en courant. Nous n'avons pourtant pas cru devoir la retrancher; il suffira d'avoir indiqué ces motifs de défiance pour qu'on ne la regarde pas comme une production certaine du saint docteur. Nous l'avons fait suivre d'un fragment de saint Jean Chrysostome sur les Macchabées, cité par Jean de Damas au livre IIIe des Images, et qui ne se trouve dans aucune des trois homélies.

 

Les reliques des martyrs sont la terreur des démons. — C'est la grâce qui donne du courage aux martyrs. — Force d'âme de la mère des Macchabées; les mères chrétiennes doivent imiter cet exemple, et instruire leurs enfants dans ces principes. — La constance de cette sainte femme ne laisse aucune excuse aux hommes jeunes ou vieux qui manquent de courage en présence des épreuves de la persécution.

 

1. Qu'elle est brillante et joyeuse, notre ville ! Combien ce jour est plus éclatant que tous les autres jours de l'année ! Non pas que le soleil envoie aujourd'hui sur la terre un rayon plus lumineux qu'à l'ordinaire ; mais c'est que la splendeur des saints martyrs éclaire notre cité tout entière plus vivement que la foudre; car ils sont plus radieux que dix mille soleils, plus resplendissants que les grands luminaires. Grâce à eux la terre est aujourd'hui mieux décorée que le ciel. Ne me parlez pas de poussière, ne songez ni à la cendre, ni aux ossements consumés par le temps : non; mais ouvrez les yeux de la foi, et regardez la puissance divine siégeant auprès d'eux, la grâce du Saint-Esprit qui les environne, et la gloire de la lumière céleste dont ils sont revêtus. Les rayons que darde sur la terre le disque du soleil n'égalent point ces clartés, ces jets de flammes qui s'élancent de leurs corps bienheureux, et vont aveugler le démon lui-même. Lorsque des chefs de brigands, des spoliateurs de tombeaux aperçoivent, gisant à terre, de riches armes, une cuirasse, un bouclier, un

 

1. Ces homélies furent prononcées à Antioche, mais elles ne portent aucun indice de l'année où elles le furent.

 

casque, le tout étincelant d'or, soudain ils bondissent en arrière, et ils n'osent ni s'avancer ni toucher à ces objets, soupçonnant quelque grand danger s'ils avaient cette audace ; de même les démons, qui sont les vrais chefs de brigands, quand ils voient exposés les corps des martyrs, reculent tout à coup et prennent aussitôt la fuite. Car ils ne considèrent pas la nature mortelle de ces dépouilles, mais la dignité cachée de Jésus-Christ, qui s'en est revêtu dans un temps. Ce n'est point un ange qui a été ceint de ces armes, ce n'est point un archange ni quelque autre puissance créée , mais le Maître. lui-même des anges. Et de même que saint Paul criait: Cherchez-vous une preuve du Christ qui parle en moi (II Cor. XIII, 3) ? de même ces saints martyrs peuvent s'écrier Cherchez-vous une preuve. du Christ qui a combattu en nous? En effet ces corps sont précieux, parce qu'ils ont reçu des coups pour leur Maître, parce qu'ils portent les stigmates pour Jésus-Christ. Et de même qu'une couronne royale ornée de mille pierres variées jette des feux de diverses nuances, ainsi les corps des saints martyrs, où sont incrustées comme autant de pierreries les blessures qu'ils (368) ont reçues pour Jésus-Christ, apparaissent plus précieux et plus respectables que tous les diadèmes des rois. Les présidents des jeux publics, lorsqu'ils organisent une fête, regardent comme la plus grande munificence d'introduire, pour les faire combattre dans l'arène, des athlètes jeunes et pleins de vigueur, de sorte qu'avant même le spectacle de la lutte, la beauté de leurs membres excite l'admiration des assistants : ici c'est tout le contraire. Le Christ ne nous donne pas un spectacle du même genre, mais un spectacle terrible et plein d'horreur; car ce n'est pas une lutte d'hommes à hommes, mais un combat des hommes contre les démons; pour ce spectacle il n'a pas amené dans la lice des athlètes jeunes et vigoureux, mais de tout jeunes adolescents, et avec eux un vieillard, Eléazar, puis une femme avancée en âge, la mère de ces jeunes gens. Qu'est-ce donc là, Seigneur? Vous amenez sur le champ de la lutte les âges qui ne sont bons à rien ? Qui a jamais entendu dire qu'une femme eût lutté dans une vieillesse si avancée? Personne, nous répond le Seigneur; mais cette chose étrange, nouvelle, inouïe, je vous y ferai croire par des faits. Je ne suis pas de ces donneurs de jeux qui se reposent de tout sur la puissance des lutteurs; j'assiste mes athlètes moi-même, je leur viens en aide, je leur tends la main, et la plupart de leurs succès leur viennent de ma protection.

Lors donc que vous verrez une femme tremblante, âgée, courbée sur un bâton, se présenter au combat et terrasser la fureur d'un tyran, lorsque vous la verrez triompher des puissances invisibles, vaincre aisément le démon, briser sa force avec grande assurance, admirez la faveur que lui accorde le maître du combat, reconnaissez, pleins de saisissement, la puissance de Jésus-Christ ! Ses athlètes n'ont point l'énergie de la chair, mais ils ont celle de la foi ; leur nature est débile, mais la grâce qui les dispose au combat est puissante; leur corps est affaibli par les années, mais leur âme est fortifiée par les aspirations de la piété. Cette lutte ne tombe point sous les sens: vous ne sauriez donc au dehors reconnaître les athlètes; mais pénétrez dans leur âme par la pensée, et voyez en l'état florissant; constatez combien leur foi est robuste, afin de savoir que celui qui joute contre le démon n'a pas besoin d'une forte enveloppe matérielle, ni de la vigueur de l'âge, mais que, fût-il extrêmement jeune ou parvenu à la dernière vieillesse, si son âme est généreuse et bien trempée, son âge ne lui sera d'aucun préjudice pour le combat.

2. Et pourquoi parler de vieillards et d'adolescents, quand des femmes se sont préparées pour la lutte et ont été glorieusement couronnées? Les arènes matérielles où il faut tenir compte de l'âge, du sexe et de la condition ferment leur porte aux esclaves, aux femmes, aux vieillards et aux enfants; mais ici le théâtre est ouvert en toute liberté à toutes les conditions, à tous les âges, à l'un et à l'autre sexe, pour que l'on puisse y constater la libéralité et la puissance ineffable de Celui qui préside à ces luttes, et y voir confirmer par des faits cette parole de l'Apôtre : Que sa puissance s'accomplit dans la faiblesse. (II Cor. XII, 9.) En effet, quand des enfants et des vieillards montrent des forces au-dessus de la nature, la grâce du Dieu qui opère en eux se manifeste d'une manière tout à fait. éclatante.

Et afin que vous compreniez que cette faiblesse matérielle des combattants ne fait que rendre plus glorieux ceux qui reçoivent la couronne, laissons de côté le vieillard et les enfants, et amenons sur la scène cette créature plus faible qu'eux, cette femme, cette vieille mère de sept fils, car les angoisses maternelles ne sont pas un médiocre obstacle dans de pareilles épreuves. Que faut-il donc le plus admirer en elle ? est-ce la faiblesse de son sexe, ou son grand âge, ou la délicatesse de ses affections? Car ce sont là de fortes entraves pour une carrière qui demande tant de patience. Mais il y a encore quelque chose de plus grand qui nous fera voir dans leur entier et le courage de cette femme et la perfidie du démon. Qu'est-ce donc? Eh bien ! voyez un peu la perversité de l'esprit malin : ce n'est pas elle qu'il a traînée la première sur l'arène , il ne l'a engagée dans la lutte qu'après ses fils. Et pourquoi? C'est afin d'ébranler son âme par les épreuves de ses sept enfants, c'est afin qu'ayant amolli ainsi la fermeté de ses résolutions, qu'ayant d'avance épuisé ses forces au spectacle du supplice des siens, il trouve en elle une créature affaiblie dont il puisse aisément triompher. Ne faites pas attention aux tourments que ceux-là ont acceptés, mais considérez qu'au supplice de chaque fils elle endurait de plus cruelles souffrances et qu'elle était comme égorgée successivement dans chacun d'eux (625). Et ce que je dis là, toutes les mères le savent bien. (369) Souvent une mère voyant son enfant brûlé par la fièvre souffrirait tout pour faire passer le feu de la maladie du corps de l'enfant dans le sien propre , tant il est vrai que les mères trouvent les maux de leurs enfants plus insupportables que ceux qu'elles ressentent personnellement ! Et puisqu'il en est ainsi, cette mère était torturée dans le supplice de ses enfants plus cruellement qu'eux-mêmes, et le martyre était plus grand dans la mère que dans ses fils. En effet, si la nouvelle seule de la maladie d'un enfant suffit pour bouleverser les entrailles de celle qui lui a donné le jour, que n'a point dû souffrir la mère des Macchabées qui se vit privée, non pas d'un seul enfant, mais d'un groupe si nombreux d'enfants, cette mère qui ne connaissait pas seulement leurs souffrances par ouï-dire, mais qui les leur voyait endurer sous ses propres yeux ? Comment ne fut-elle pas hors d'elle-même envoyant chacun d'eux périr lentement dans diverses tortures épouvantables? Comment son âme ne quitta-t-elle pas violemment son corps? Comment, dès la première vue, ne s'élança-t-elle pas sur le bûcher afin de se soustraire au reste du spectacle? Car bien que douée d'une haute sagesse, elle était mère pourtant; bien qu'elle aimât son Dieu, elle était revêtue de chair; quoique pleine de zèle, toutefois elle était femme, et quoiqu'embrasée d'une ardente piété elle était retenue par les liens de l'affection maternelle. Si nous autres hommes, à la vue d'un condamné qui traverse bâillonné la place publique et qu'on traîneaux gémonies, nous sommes émus rien qu'à cet aspect, sans avoir aucun motif d'amitié pour lui et bien que suffisamment rassurés par la perversité de cet homme contre la crainte pour nous-mêmes d'un pareil traitement, je vous le demande, que dut éprouver une femme à la vue, non pas d'un seul condamné que l'on emmène, mais de sept enfants à la fois que l'on fait périr le même jour, non par une prompte mort, mais par diverses cruautés? Quand elle eût été de marbre, quand même ses entrailles eussent eu la dureté du diamant, n'aurait-elle pas été troublée, n'aurait-elle pas ressenti quelque chose de ce qu'éprouve naturellement une femme et une mère? Voyez combien nous admirons le patriarche Abraham pour avoir attaché et placé sur l'autel ce fils qu'il offrait à Dieu, et comprenez par là combien fut grand le courage de cette femme. O spectacle à la fois plein d'amertume et de joie ! plein d'amertume, vu la nature des événements ; plein de joie, vu la disposition de celle qui en était témoin. Car elle ne voyait point leur sang qui coulait, mais les couronnes que Dieu tressait à leur justice ; elle n'apercevait point leurs flancs déchirés, mais les tabernacles éternels qui s'élevaient pour eux; elle ne considérait point les bourreaux qui les assiégeaient, mais les anges groupés autour d'eux ; elle oubliait ses angoisses de mère, elle ne tenait aucun compte de sa maternité, et peu lui importait son âge ; non, elle ne tenait aucun compte de la maternité, cette chose tyrannique, de la maternité, qui triomphe ordinairement des bêtes mêmes. En effet, combien de bêtes sauvages se laissent prendre par tendresse pour leurs petits, et, sans nul souci de leur propre conservation, tombent sans précaution entre les mains des chasseurs. De plus, il n'est point d'animal si faible qui ne défende sa progéniture, il n'en est point de si doux qui n'entre en fureur quand on lui enlève ses enfants. Mais notre sainte martyre brisa le joug tyrannique de maternité que lui imposaient et les hommes doués de raison, et les bêtes qui en sont dépourvues ; et non-seulement elle ne s'élança pas à la tête du tyran, non-seulement elle ne lui déchira pas le visage en voyant déchirer sa jeune postérité, mais elle poussa cette haute sagesse au point de préparer elle-même au tyran son barbare festin , et tandis que les premiers étaient encore à la torture, elle disposait les autres à souffrir les mêmes cruautés.

3. Que les mères écoutent ce récit; qu'elles soient jalouses du courage de cette femme, et de sa tendresse maternelle; qu'elles élèvent ainsi leurs enfants; car ce n'est point l'enfantement qui fait la mère, c'est là un simple effet de la nature; ce qui constitue la mère, c'est d'élever ses enfants, car ceci est le fait du libre arbitre. Et si vous voulez comprendre que ce qui constitue la mère ce n'est point de mettre l'enfant au monde, mais de bien l'élever, écoutez saint Paul louant la veuve, non pas pour avoir donné le jour à ses enfants, mais pour les avoir élevés. Car après avoir dit : Qu'on choisisse une veuve figée d'au moins soixante ans, éprouvée pour ses bonnes oeuvres (I Tim. V, 9, 10), il ajoute une parole qui montre quelle est l'œuvre principale d'une femme. Et quelle est-elle? C'est, dit-il, si elle a élevé ses enfants. Il ne dit pas que c'est d'en avoir eu, mais de les avoir (370) élevés. Imaginons donc ce que doit avoir souffert cette femme, s'il faut l'appeler de ce nom, en voyant les doigts d'un de ses fils palpiter sur les charbons, sa tête bondir, une main de fer saisir la tête du second, en arracher la peau, et la victime encore debout et parlant au milieu de ce supplice. Comment put-elle ouvrir la bouche? comment put-elle remuer la langue? comment son âme ne s'envola-t-elle pas de son corps? Je vais vous le dire : c'est qu'elle ne regardait pas sur la terre, mais qu'elle préparait tout pour l'avenir; elle n'avait qu'une crainte, c'était que le tyran ne se modérât et ne terminât trop tôt la lutte, qu'il ne désunît ses enfants, et qu'il n'en restât quelqu'un sans couronne. Et la preuve qu'elle le craignait, c'est qu'elle saisit en quelque sorte le dernier de ses propres mains, pour le plonger dans la chaudière : seulement, au lieu de ses mains elle se servit de sa parole, l'exhortant et le conseillant. Nous autres, nous ne pouvons apprendre sans douleur les maux des étrangers, et elle, elle voyait sans douleur les maux des siens. N'écoutons pas à la légère des faits semblables, mais que chacun, dans cet auditoire, applique toute cette tragique histoire à ses propres enfants; représentez-vous leur vue si chère, retracez-vous par la pensée les êtres que vous aimez le plus, et supposez-leur les mêmes souffrances vous connaîtrez bien alors toute la portée des choses dont je vous entretiens. Que dis-je? même alors vous ne la connaîtrez pas; car tout discours est impuissant à dépeindre les souffrances de la nature ; l'expérience seule nous en instruit. C'est bien le cas d'appliquer à cette mère, après le martyre de ses sept enfants, la parole du Prophète : Tu es comme un olivier chargé de fruits dans la demeure de Dieu. (Psaum. LI, 10.) Aux jeux olympiques, il entre souvent mille combattants, et la couronne reste à un seul; ici, il y a sept combattants, et tous les sept sont couronnés. Où me montreriez-vous une terre plus fertile? Où trouver des entrailles plus fécondes, et un enfantement plus heureux? La mère des apôtres fils de Zébédée ne donna le jour qu'à deux enfants; et je ne sache point d'autre femme que la mère des Macchabées qui ait donné naissance à sept martyrs, qui se soit elle-même ajoutée à leur nombre, l'augmentant ainsi non pas d'une seule martyre, mais pour ainsi dire de bien d'autres. Car ses enfants ne furent que sept martyrs; mais leur mère qui, selon la chair, ne fut qu'un martyr de plus, tint la place de deux fois sept martyrs, puisqu'elle fut martyre en chacun d'eux, et que c'est elle qui les rendit martyrs. Elle a donc enfanté pour nous une église tout entière de martyrs. Elle a eu sept fils, et elle n'en a enfanté aucun pour la terre, mais tous pour le ciel, ou plutôt pour le roi des cieux; elle les a tous enfantés pour la vie future. Le démon la fit entrer la dernière dans l'arène, afin, comme je l'ai déjà dit, que sa force étant épuisée d'avance au spectacle des épreuves, son ennemi pût facilement s'en rendre maître. S'il arrive souvent que des hommes, en voyant couler le sang, tombent en défaillance, et qu'il faut toutes sortes de soins pour rappeler en eux la vie qui leur échappe, et cette âme prête à fuir de leur corps, que n'a-t-elle pas eu à souffrir, quel trouble n'a-t-elle point ressenti en son âme, cette femme qui voyait tous ces flots de sang s'échapper non pas du corps d'un étranger, mais de la chair de ses propres fils? Ainsi donc, le démon la fit paraître sur l'arène après ses enfants, dans le but de l'affaiblir : mais il arriva tout le contraire; elle ne se présenta au combat qu'avec plus d'audace. Quelle en est la cause? Quel en est le motif? C'est qu'elle n'avait plus rien à craindre, c'est qu'il ne lui restait plus d'enfants ici-bas pour qui elle eût à redouter un acte de faiblesse qui les aurait privés de la couronne; c'est que les ayant tous mis en sûreté dans le ciel comme dans un asile inviolable, les ayant envoyés recevoir leur couronne céleste et jouir des biens immuables, elle s'armait pour la lutte avec une audace toute joyeuse. Ajoutant son propre corps à la troupe de ses enfants, comme à une couronne on ajoute une pierre d'un grand prix, elle s'en alla vers Jésus, l'objet de ses désirs, en nous laissant le plus grand des encouragements, le plus efficace des conseils, puisque sa conduite est une exhortation vivante à braver tous les supplices avec constance et grandeur d'âme. Quel homme, en effet, ou quelle femme, quel enfant ou quel vieillard sera désormais digne de pardon ou même d'excuse, s'il craint les dangers auxquels il serait exposé pour Jésus-Christ; puisqu'une femme avancée en âge, mère de tant d'enfants, a combattu de la sorte même avant le règne de la grâce, quand les portes de la mort étaient encore fermées, que le péché n'était pas encore effacé, ni la mort (371) terrassée, et qu'on voit cette femme supporter pour Dieu de pareils tourments, avec ce courage, avec cette ardeur? Pesons donc tout cela, hommes et femmes, jeunes gens et vieillards; inscrivons sur le registre de noire coeur ces combats et ces luttes, ayons sans cesse présente à notre âme comme une exhortation perpétuelle au mépris des souffrances, la fermeté de la mère des Macchabées, afin qu'après avoir imité ici-bas la vertu de nos saints martyrs, nous puissions dans le ciel avoir part aux mêmes couronnes. Autant ils ont montré de constance dans leurs épreuves, autant nous devons nous armer de courage dans nos luttes contre nos affections désordonnées, contre notre colère, contre notre avidité polir les richesses, pour les plaisirs du corps, pour la vaine gloire, et pour toutes les choses semblables. Car si nous venons à bout de cet embrasement de nos passions comme ces illustres martyrs ont triomphé du feu, il nous sera donné de nous placer à leurs côtés, et de jouir du même crédit auprès de Dieu; puissions-nous tous obtenir ce bonheur, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel gloire au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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DEUXIÈME HOMÉLIE.

 

ANALYSE.

 

Nous ne pouvons, ni louer dignement les martyrs, ni les louer tous ; mais ils nous savent gré du peu que nous faisons à cet égard et nous tiennent compte de la bonne intention. — Saint Chrysostome se bornera à louer le plus jeune des sept frères : il le compare à Isaac. — Il retrace ensuite, par un tableau saisissant, la grandeur d'âme de la mère des Macchabées, et il exhorte les chrétiens de tout sexe et de tout âge à imiter cette fermeté.

 

l. Il n'est pas possible avec une seule langue de louer tous les saints martyrs, et quand même nous aurions mille bouches et mille langues, nos éloges seraient encore insuffisants; quand je considère les belles actions de nos sept martyrs, je suis comme un homme avide de richesses, qui, devant une source d'où l'or sortirait par sept ouvertures, tenterait d'abord de l'épuiser tout entière, puis s'en irait après un travail long et inouï, laissant là la plus grande partie de cet or. En effet, n'importe ce que vous puiserez à cette source, vous en laisserez toujours la plus grande partie. Mais quoi ? parce que nous ne pouvons contribuer à cette oeuvre autant qu'elle le mérite, faudra-t-il nous taire? Nullement. Car c'est à des martyrs que nous apportons nos dons, et les martyrs imitent leur Maître dans l'appréciation des honneurs qui leur sont rendus. Et comment fait-il, ce Maître? Quand on lui offre des présents, ce n'est pas à l'importance de ce qu'on apporte, mais à la bonne volonté de celui qui offre, qu'il mesure la récompense. C'est ce qu'il a fait à l'égard de la veuve de l'Evangile : cette (372) femme avait donné deux oboles (Luc, XXI, 2-4) Dieu l'estima plus que ceux qui avaient beaucoup donné; car Dieu ne fit pas attention à l'exiguïté de la somme, mais à la richesse de l'intention la somme était de deux oboles, mais l'intention était plus précieuse que des milliers de talents d'or.

Mettons-nous donc courageusement à célébrer leurs louanges, et ce que nous avons fait hier, continuons-le, si vous voulez, encore aujourd'hui : hier nous avons pris à part la mère des Macchabées, et notre discours a été consacré à elle toute seule : en agissant ainsi, nous n'avons point voulu la séparer du groupe de ses enfants, mais seulement nous préparer plus sûrement de nouvelles sources de richesses. Poursuivons aujourd'hui le même plan : détachons de ce groupe l'un des enfants, et disons quelques mots en son honneur; car il serait à craindre que, semblables à sept fleuves, les éloges des sept martyrs venant à se confondre, n'inondent pour ainsi dire notre discours. Prenons donc à part l'un de ces jeunes gens, non pour le détacher du groupe de ses frères, mais afin de nous rendre la tâche plus légère; car en donnant des louanges à l'un, la gloire en reviendra également aux autres, puisqu'ils ont tous participé aux mêmes luttes. Du reste, leur mère se représentera encore à nous aujourd'hui, sans que nous cherchions à parler d'elle : la suite du discours la ramènera forcément ; elle ne pourra se résoudre à rester isolée de ses enfants : si elle ne les a pas quittés dans les tourments, elle ne s'en tiendra point séparée dans les éloges.

Lequel voulez-vous donc que nous choisissions, parmi les sept athlètes ? Sera-ce le premier, le second, le troisième, ou le dernier ? Mais pour mieux dire, nul d'entre eux n'est le derniér, car ils forment un groupe, et dans un groupe on n'aperçoit ni commencement ni fin ; toutefois, afin de mieux déterminer celui que nous voulons louer, ce sera le dernier en âge. Car leurs épreuves sont analogues, et leurs exploits sont égaux : or, où il y a égalité d'exploits, il n'y a point de premier ni de second. Prenons donc le dernier en âge, aussi grand que les autres pour les sentiments, aussi grand sous ce rapport non-seulement que ses frères, mais encore que le vieillard. Ce jeune enfant, seul d'entre ses frères, fut conduit, libre d'entraves sur le lieu du supplice; car il n'attendit pas la main des bourreaux, mais son propre zèle devança leur cruauté, et on l'amena sans l'avoir enchaîné. Il n'avait pour spectateur aucun de ses frères, car tous avaient péri ; mais il eut des spectateurs plus augustes que des frères, ce furent les yeux maternels. Ne vous le disais-je point, que même sans le chercher, nous en viendrions forcément à parler de leur mère? Voici en effet que la suite de mon discours la met en scène. Quel spectacle auguste et grandiose; le jeune enfant avait pour spectateurs non-seulement la foule des anges, mais qui plus est, ses frères eux-mêmes, qui le contemplaient non de la terre, mais du ciel. En effet, ils siégeaient, la tête couronnée, comme les juges aux jeux olympiques, mais au lieu de se prononcer simplement sur la lutte, ils exhortaient le combattant à mériter sa couronne. Le lutteur était donc là, sans liens, et prononçant des paroles pleines d'une sagesse divine; il voulait convertir le tyran à sa propre piété; et comme il n'y put parvenir, il fit la seule chose qui lui restât, il se livra lui-même pour être mené au supplice. Le tyran avait pitié de l'âge de cet enfant, et l'enfant pleurait sur l'impiété du tyran; car le tyran et le martyr ne regardaient pas les choses de la même manière; ils avaient tous deux des yeux semblables selon la chair, mais selon la foi leurs yeux étaient différents : l'un ne voyait que la vie présente, l'autre considérait la vie à venir, vers laquelle il allait prendre son vol ; le tyran n'apercevait que ce cruel appareil de chaudières , le martyr entrevoyait l'enfer où le tyran voulait le précipiter.

Si nous admirons Isaac pour ne s'être pas élancé loin de l'autel quand son père l'attacha et le garrotta (Genès. XXII), pour n'avoir pas bondi en voyant le glaive levé sur lui; nous devons admirer bien davantage le jeune Macchabée, puisqu'on ne l'attacha pas, puisqu'il n'eut pas besoin de la contrainte des liens et n'attendit point la main du bourreau; mais qu'il devint à lui-même sa propre victime, son propre sacrificateur et son propre autel. Il jeta les regards autour de lui, et ne voyant là aucun de ses frères il se troubla; on le pressa de se bâter et de faire en sorte qu'il ne fût point séparé de leur troupe glorieuse. Et c'est pour cela qu'il n'attendit pas la main du bourreau, car il craignait d'être épargné par le tyran, il tremblait que ce dernier, dans sa pitié pour lui, ne voulût le soustraire au sort de ses (373) frères: il prévient donc cette résolution, et lui-même il se soustrait à un acte d'humanité si cruel. Il y avait bien des motifs capables de fléchir le tyran : l'âge de l'enfant, le supplice de tous ses frères, capable de rassasier même une bête féroce (mais le tyran, lui, n'était pas encore assouvi) ; puis, les cheveux blancs d'une mère, enfin, il voyait qu'il n'avait rien gagné au supplice des précédents.

2. Le jeune martyr ayant songé à tout cela, se précipita à ce supplice d'où il était ensuite impossible de réchapper; il se plongea dans la chaudière comme dans une source d'eau fraîche, la regardant comme un bain céleste et comme un baptême. Et de même que lorsqu'on est la proie des flammes, on va se jeter dans un réservoir d'eau froide, ainsi notre martyr, brûlé du désir d'aller rejoindre ses frères, se précipita dans ce lieu de tourments.

Sa mère l'excitait encore par ses exhortations, non pas que son jeune fils en eût besoin, mais c'était afin que l'on connût la fermeté de cette femme; elle n'eut, en effet, pour aucun de ses sept enfants, les sentiments habituels chez une mère, ou plutôt, elle les eut an contraire pour chacun d'eux, mais elle ne se disait pas : Eh! quoi? on m'a ravi tous mes enfants : ce dernier seul me reste; s'il m'est enlevé, je n'en ai plus aucun ; qui désormais aura soin de ma vieillesse, si lui aussi vient à me quitter? Ne me suffisait-il pas de livrer la moitié des six autres, ou si ce n'était pas assez, tous les six autres? Le seul qui me soit laissé pour consoler ma vieillesse , le donnerai-je encore comme les précédents? Elle n'a dit ni pensé rien de tout cela ; mais par ses paroles d'encouragement, comme si elle se fût servie de ses bras, elle enleva son ',fils et le plongea dans la chaudière, rendant gloire à Dieu de ce qu'il avait accueilli tous les fruits de ses entrailles, de ce qu'il n'en avait rejeté aucun, de ce qu'il avait récolté tous les produits de l'arbre. De sorte que je puis hardiment dire qu'elle a plus souffert que ses enfants. En effet, la plus grande part de douleur et la défaillance leur étaient épargnées; tandis que leur mère, en qualité même de mère, avait une idée nette, une intelligence entière, et un sentiment très-clair de ce qui se passait. On pouvait y voir un triple feu, l'un allumé par le tyran, l'autre par la nature, et le troisième par le Saint-Esprit. La fournaise attisée par le tyran de Babylone n'était pas aussi ardente que la fournaise préparée à la mère des Macchabées parle tyran dont nous parlons; dans la première, la flamme avait pour aliments le naphthe , la poix, les étoupes et les sarments : ici le feu est activé par les sentiments de la nature, les angoisses maternelles, la tendresse de la famille, le saint accord de ces enfants. Le feu ne les torturait pas tant dans ces chaudières cruelles que leur mère était torturée par sa tendresse pour eux; mais elle en triomphait par sa piété; la nature luttait contre la grâce, et la victoire restait à la grâce : la piété surmontait ses angoisses, le feu était vainqueur du feu, le feu spirituel vainqueur du feu matériel, du feu allumé par la cruauté du tyran. Et de même qu'un rocher au bord de la mer reçoit les attaques des flots sans en être lui-même ébranlé, tandis qu'il les disperse en écume et les fait évanouir sans effort ; de même le coeur de cette femme, pareil à ce rocher du rivage, reçoit les coups de la douleur maternelle; mais il demeure inébranlable et il en brise le choc par sa constance et son ferme courage; elle tient à honneur de montrer au tyran qu'elle est vraiment leur mère, qu'ils sont vraiment ses généreux enfants, non point par les liens de la nature, mais par la ressemblance de leur vertu ; il lui semble voir non pas la flamme des supplices, mais un flambeau nuptial. Une mère qui pare ses enfants pour un mariage n'a pas autant d'allégresse que cette mère éprouvait de joie à la vue du supplice de ses fils; et comme si elle eût revêtu l'un de la robe d'époux, qu'elle eût tressé des couronnes pour l'autre, et préparé pour un troisième la chambre nuptiale, ainsi était-elle joyeuse de voir l'un courir à la chaudière, l'autre à la poêle cruelle, et de voir couper la tête à un troisième. Ce n'était partout que fumée, odeur de chair brûlée; chacun de ses sens lui transmettait quelque chose de ses enfants : ses yeux les voyaient, ses oreilles entendaient leurs paroles si chères à son coeur, ses narines recevaient la fumée si douce à la fois et si désagréable de leurs chairs consumées; désagréable aux infidèles, mais la plus agréable de toutes , à Dieu et à elle-même ; cette fumée qui obscurcissait l'air, mais non pas l'âme de leur mère, car elle se tenait debout et imperturbable, supportant avec fermeté tout ce qui se passait. Mais il est temps de terminer ce discours, afin que nos martyrs (374) reçoivent de plus nombreux éloges de la bouche de notre commun maître Flavien.

Que les pères imitent cette sainte femme, que les mères la prennent pour modèle, que son exemple soit suivi également par les femmes et par les hommes, par ceux qui vivent dans la virginité, sous le sac ou dans les fers ; car à quelque degré que nous poussions la patience et l'austérité, notre constance sera toujours dépassée par l'admirable résignation de cette femme. Que personne donc parmi ceux qui sont arrivés au plus haut point du courage et de la fermeté, ne trouve indigne de soi-même de prendre les leçons de cette femme âgée; mais prions tous en commun, habitants des villes et des déserts, personnes vouées à la virginité, ménages brillants de chasteté conjugale , fidèles qui méprisent toutes les choses d'ici-bas et qui ont crucifié leur chair, demandons tous à Dieu de pouvoir, après avoir fourni la même carrière qu'elle, être jugés dignes du même crédit auprès de lui, et prendre place en ce jour-là, à côté de la sainte martyre, grâce à ses prières, à celle de ses enfants, et de l'illustre et généreux vieillard Eléazar, qui complète cet auguste chœur, et qui a montré une âme de fer dans les tourments. Or nous pourrons y parvenir, si avec leurs saintes prières nous y contribuons nous-mêmes de toutes nos forces, si, avant les luttes et les épreuves, nous domptons en temps de paix nos propres passions, réprimant les mouvements désordonnés de la chair, mortifiant notre corps et le réduisant en servitude. Car si nous vivons ainsi pendant le calme , nous recueillerons de nos exercices une brillante couronne; et si Dieu, dans son amour pour nous, juge à propos de nous faire soutenir une lutte comme la leur, nous arriverons tout préparés sur le terrain , et nous obtiendrons les biens du ciel; puissions-nous tous parvenir à ce bonheur par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel, gloire, honneur et puissance au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il

 

 

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TROISIÈME HOMÉLIE

 

ANALYSE.

 

Cette homélie si courte renferme néanmoins un tribut de louanges successivement données an vieillard Eléazar, aux sept frères Macchabées et à leur pieuse mère; saint Chrysostome termine en opposant les sacrifices inouïs de cette sainte femme à la mauvaise grâce de tant de chrétiens lorsqu'il s'agit du sacrifice d'argent même le plus léger.

Ce morceau si médiocre est-il de saint Chrysostome ? on en a douté, et, croyons-nous, avec raison. Les choses n'y            sont qu'effleurées, et il ressemble plus à un canevas qu'à un discours.

 

1. Lorsque je considère d'une part les éloges   qui sont dus aux martyrs pour leurs actions,      et de l'autre cette multitude qui se trouve ici à l'étroit, je suis dans l'hésitation. Si donc vous voulez bien, nous laisserons pour le moment les instructions de côté, et nous (375) tâcherons d'imiter l'énergie des martyrs. Que le vieillard Eléazar se présente le premier, lui par qui a commencé la lutte, lui, qui est le fondement de ce témoignage public, la porte de l'arène, le chef de ces courageux soldats, l'éclaireur de leur constante phalange, le vieillard aux cheveux blancs mais au coeur de jeune homme, le proto-martyr de l'ancienne loi, la figure de saint Pierre, prince des apôtres. L'ennemi était las de sollicitations et de coups de fouet, et le patient ne cessa de parler; il était debout, ce vieillard rendu tremblant par les années, et le tyran était assis, respirant la menace et le carnage; et néanmoins le vieillard chancelant sortit florissant de la lutte, et celui qui était dans la force de l'âge se retira vaincu. Celui qui était debout et que l'on déchirait, c'était un vieillard à cheveux blancs; celui qui siégeait au tribunal, c'était un jeune homme parlant en maître et plein de colère, et pourtant la victoire demeura aux cheveux blancs. O triomphe d'un genre nouveau ! toute une armée lançant à la fois ses flèches, mise en déroute par un seul vieillard qu'elle blesse de ses traits. Mon admiration pour la lutte du vieillard m'empêche de passer au courage des jeunes gens : il faut cependant en venir à eux, qui ont aussi réduit le tyran : car il a été glorieux aussi le trophée qu'ils ont élevé de sa défaite : la jeunesse ne devait pas se montrer moins intrépide que la vieillesse.

Sept jeunes gens de suite, après des prodiges de valeur, reçurent la couronne : fruits des mêmes entrailles, ils s'étaient élancés à une même expédition. Je termine ici mon discours, si bon vous semble, vous, les chantres vaillants de ces vaillants martyrs. Mais, je le répète, sept jeunes gens, fruits des mêmes entrailles, s'élancent à une même expédition, et tous les sept, l'un après l'autre, sont couronnés pour leurs , exploits : leurs parents leur avaient donné, avec la qualité de frères, la même parure de vertu, et ils se précipitèrent l'un après l'autre dans l'arène. Il faut à présent, généreux martyrs, que je rappelle à votre occasion cette parole de l'Evangile : Heureuses les entrailles qui vous ont porté et les mamelles que vous avez sucées. (Luc, XI, 27.) Et, puisque j'ai parlé de mamelles et d'entrailles, l'instant est venu de passer à la mère de ces héros, qui est morte plusieurs fois dans un seul corps, ou mieux, qui, plusieurs fois égorgée, n'a pas une seule fois ressenti de douleur; femme à la fois invulnérable et criblée de blessures. Le premier de ses fils, traîné à la mort, ne lui causa pas autant de trouble qu'elle ne se tourmentait pour le second, qui n'avait pas encore commencé la lutte; la mort du second ne lui fit pas autant de peine qu'elle ne redoutait la vie du troisième dont le terme lui était inconnu; le troisième et le quatrième, égorgés à leur tour, étaient peu de chose pour elle tant que vivait encore le cinquième; même le trépas du sixième ne put triompher de son courage héroïque; restait enfin pour la lutte le septième, le dernier de tous, qui allait compléter les sept cordes de cette lyre du martyre. Eh bien ! cette mère fut-elle fléchie par l'âge encore si tendre de son enfant? eut-elle pitié de ce dernier gage de sa maternité? Non, elle poussa elle-même l'enfant à la mort, non de ses mains, mais de ses conseils: O mon fils, lui dit-elle, ne laisse pas incomplet le nombre de vos couronnes; partage avec tes frères angoisses et actions d'éclat; à la communauté de votre naissance, égale celle de ta conduite; fais voir que, sur l'arène aussi, tu es bien le frère de ceux qui ont péri. La nature t'a fait mon septième enfant, sois mon septième martyr par ta libre volonté; que l'on ne m'appelle pas, par ta faute, la mère de sept enfants et de six martyrs seulement.

Et maintenant où sont-ils ceux qui n'apportent pas à Dieu même leur argent en offrande? Une mère est venue amener en ce jour ses sept jeunes fils au Seigneur, et elle n'a mis aucune tiédeur à présenter au sacrifice ces fruits de ses entrailles; et que de gens, dans certaines circonstances, quand il s'agit de quelques oboles, nous marchandent mesquinement leur offrande ! Apportons donc à Dieu, nous autres, l'offrande de nos âmes, de nos richesses et de nos corps, glorifiant en tout Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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FRAGMENT DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME SUR LES MACCHABÉES.

 

(Extrait du traité de saint Jean Damascène, de Imaginibus, liv. 3.) Edition du R. P. Michel Lequien, tom. I, pag. 384.

 

Les images qui reproduisent les traits des princes ne sont pas toujours d'éclatants objets d'or, d'argent ou de quelque matière précieuse, on voit souvent l'airain lui-même nous représenter également leur figure. Or, la diversité des matières n'ôte rien au mérite de cette ressemblance, et les images faites de matières précieuses ne perdent rien non plus à ce que d'autres, moins précieuses, reproduisent les mêmes modèles. Les unes comme les autres tirent leur valeur de la ressemblance du prince; ressemblance que n'avilit point telle ou telle matière, mais qui les rend plus précieuses en se communiquant à elles.

 

Traduit par M. MALVOISIN.

 

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