INSTRUCTION ST-SACREMENT

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INSTRUCTION POUR L'OCTAVE DU TRÈS-SAINT SACREMENT.

ANALYSE.

 

Cette octave est instituée pour réparer les outrages faits à Jésus-Christ dans l'adorable Eucharistie, considérée, soit comme sacrement, soit comme sacrifice.

1° Comment nous devons réparer les outrages que nous avons faits à la divine Eucharistie considérée comme sacrement. Ces outrages consistent surtout en tant de communions, ou sacrilèges, ou lâches, tièdes, inutiles, que nous avons faites. Réparons-les dans la suite, et en particulier dans cette octave, par de saintes communions.

Approchons de la communion avec humilité et avec amour, avec crainte et avec confiance, avec un profond respect et un désir

 

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ardent de nous unir à Jésus-Christ. C'est dans le juste tempérament de ces mouvements du cœur, contraires en apparence, mais d'un merveilleux accord, qu'est renfermée toute la perfection de la communion chrétienne. Pour commencer à eu faire l'épreuve, faisons pendant cette octave une amende honorable au Sauveur du monde, et allons à lui avec les mêmes sentiments de repentir que l'enfant prodigue alla à son père.

2° Comment nous devons réparer les outrages que nous avons faits à la divine Eucharistie considérée comme sacrifice. Par rapport à ce divin sacrifice que nous appelons le sacrifice de la messe, on se rend coupable, soit en n'y assistant pas, soit en y assistant mal.

Sur cela les promesses que nous devons faire à Jésus-Christ, et les résolutions où nous devons nous confirmer durant l'octave, se réduisent à quatre, savoir : d'assister désormais tous les jours au sacrifice de la messe;

D'y assister avec révérence, avec attention, avec dévotion;

D'offrir le sacrifice avec le prêtre tontes les fois que nous y assisterons;

De communier spirituellement à chaque messe.

 

I. Entrons dans l'esprit de l'Eglise et comprenons bien ce qu'elle se propose dans la fête du Saint-Sacrement. Elle veut rendre au corps de Jésus-Christ un culte particulier, et c'est aussi la fin que nous devons nous-mêmes avoir en vue dans cette grande solennité. Appliquons-nous sérieusement et saintement aux moyens que nous fournit pour cela notre religion. Car rien ne nous doit être plus vénérable que le corps de Jésus-Christ, de quelque manière que nous le considérions, soit par rapport à lui-même, puisqu'il est uni au Verbe divin ; soit par rapport à nous, puisqu'il est la victime de notre salut , et qu'il doit être jusqu'à la fin des siècles la nourriture de nos âmes.

II.  Nous avons une obligation de l'honorer d'autant plus étroite, qu'outre les traitements indignes qu'il reçut pour nous dans sa passion, il en reçoit encore tous les jours déplus humiliants dans l'Eucharistie, par l'abus que les hommes font de ce redoutable mystère. Comprenons donc bien que le dessein de l'Eglise, dans cette octave , est de faire à Jésus-Christ une réparation publique de tous ces outrages : et concevons en même temps que c'est à nous en particulier de nous acquitter d'un devoir si important, puisque, ayant eu le malheur d'être du nombre de ces âmes infidèles qui ont souvent abusé de l'adorable Eucharistie, nous devons nous reconnaître devant Dieu comme personnellement coupables de ce que saint Paul appelle la profanation du corps du Seigneur.

III. Les hérétiques et les mauvais catholiques, quoique par différentes impiétés, déshonorent ce sacré corps clans le mystère même où il est continuellement immolé pour eux, et par conséquent où il devrait être l'objet de leur culte. Mais s'il est de notre zèle de réparer, autant qu'il nous est possible, les outrages faits au corps de Jésus-Christ par d'autres que nous, il est encore bien plus juste que nous travaillions à réparer ceux dont nous avons été spécialement les auteurs, et que nous devons éternellement nous reprocher. Car telle est la disposition où il faut que nous soyons : c'est-à-dire que nous devons être dans une disposition de pénitence et de zèle pour rendre au corps de Jésus-Christ tout l'honneur que nous lui avons refusé jusqu'à présent, et qui lui était dû par tant de titres. Pensée solide et touchante ; pensée qui répond parfaitement aux vues de l'Eglise , et qui nous doit être toujours présente , si nous voulons célébrer cette fête en esprit et en vérité.

IV. Cependant il ne suffit pas que nous ayons ce zèle en. général ; mais pour en venir à la pratique et aux réparations particulières que Jésus-Christ attend de nous, elles se réduisent à deux chefs : l'un, qui regarde l'Eucharistie comme sacrement ; l'autre , qui la regarde comme sacrifice : le premier, fondé sur le mauvais usage que nous avons fait de la communion ; le second, sur la manière peu chrétienne avec laquelle nous avons tant de fois assisté au sacrifice de la messe. Car c'est à ce sacrifice et à ce sacrement que se rapportent tous les péchés dont nous nous sommes rendus coupables envers le corps de Jésus-Christ ; et par une miséricorde infinie de Dieu, c'est dans ce même sacrement et ce même sacrifice que nous trouvons de quoi lui en faire une pleine satisfaction. Toute autre satisfaction que nous pourrions imaginer ne serait ni égale à l'offense que nous avons commise, ni conforme aux inclinations de ce Dieu Sauveur, dont la gloire est inséparable de notre salut. Et voilà l'excellent secret que la religion nous enseigne. Voilà ce que nous devons désormais pratiquer avec toute la ferveur dont nous sommes capables. Secret qui consiste à honorer le corps de Jésus-Christ, par où nous l'avons si longtemps peut-être et si souvent profané.

§ I. Comment nous devons réparer les outrages que nous avons faits à la divine Eucharistie, considérée comme sacrement.

 

I. Souvenons-nous d'abord, mais avec une extrême douleur, de tant de communions peut-être sacrilèges, lorsqu'emportés par le torrent

 

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du monde nous vivions dans le désordre de nos passions, approchant des sacrements dans l'état d'une conscience déréglée, et avec de secrètes attaches au péché. Quel outrage , ou, comme parle saint Cyprien, quelle violence ne faisions-nous pas au Fils de Dieu, en le recevant ainsi pour notre condamnation, lui qui voulait être notre vie? Souvenons-nous au moins de tant de communions lâches, c'est-à-dire de tant de communions faites avec négligence et sans préparation : communions tièdes, auxquelles nous n'avons apporté qu'un esprit dissipé, qu'un cœur froid et indifférent ; communions inutiles, qui n'ont produit nul changement en nous, parce qu'elles n'avaient été précédées de nulle épreuve de nous-mêmes ; communions en vertu desquelles nous n'avons été ni plus réguliers, ni plus humbles, ni plus charitables envers le prochain. Pouvons-nous compter sur de telles communions , et avons-nous pu nous en faire un mérite auprès de Jésus-Christ ? Enfin souvenons-nous de ces éloignements de la communion où nous nous sommes entretenus, et qui ont été si injurieux à Jésus-Christ; quand par indévotion, par insensibilité, par un attachement opiniâtre aux créatures, nous n'avons pas voulu faire le moindre effort pour surmonter les obstacles qui nous empêchaient de communier. N'était-ce pas mépriser ouvertement le corps de notre Dieu, quoique d'ailleurs l'esprit d'erreur , pour justifier notre conduite, nous suggérât assez de prétextes, surtout celui d'un faux respect, qui ne servait qu'a nous endurcir davantage dans nos dérèglements ?

II. Il s'agit de faire à Jésus-Christ une réparation authentique de tout cela, et nous ne le pouvons que par la communion même. Car, suivant trois belles maximes de saint Chrysostome, la communion sacrilège ne peut être réparée que par de saintes communions; la communion lâche, que par des communions ferventes; et les omissions volontaires de la communion, que par la fréquentation du divin sacrement, accompagnée de toutes les dispositions requises. Il faut donc que désormais nota plus grand désir soit d'en approcher; notre plus grand soin, de nous y préparer; et notre plus grande douleur, de tomber dans un état qui nous oblige à nous en éloigner. Il faut que nous ayons, un exercice de préparation, auquel nous nous attachions inviolablement, et que l'un des motifs qui nous y engagent soit de réparer toutes nos profanations et toutes nos négligences passées. Chacun peut se prescrire à soi-même cet exercice, en le soumettant néanmoins à l'examen et au jugement d'un directeur. Quand nous nous 4e serons ainsi tracé nous-mêmes, nous y trouverons plus de goût, et nous y deviendrons plus fidèles. Quoi qu'il en soit, on ne doit point communément approcher de la sainte table sans avoir pris quelque temps pour rentrer dans l'intérieur de son âme, sans avoir fait quelque réflexion ou quelque lecture sur le sujet de cette importante action, sans s'y être disposé par quelqu'œuvre de charité et de pénitence. L'intérêt de Jésus-Christ, dont nous nous sentirons touchés, nous rendra tout facile.

III.   Mais de quelque méthode que nous usions, nous devons toujours communier avec humilité et avec amour, avec crainte et avec confiance, avec un profond respect, et un désir ardent de nous unir à Jésus-Christ. Car c'est là, c'est dans le juste tempérament de ces mouvements du cœur, contraires en apparence, mais en effet d'un merveilleux accord, que doit consister pour nous la sainteté de la communion. Ne séparons jamais l'un de l'autre. Que la crainte de communier indignement soit toujours comme le contre-poids du désir que nous avons de communier ; et que la confiance et l'amour soient toujours soutenus de l'humilité et du respect. Voilà en substance toute la perfection de la communion chrétienne. Mais, pour commencer à en faire l'épreuve, ne communions point dans cette octave que nous n'ayons fait auparavant à Jésus-Christ une amende honorable de toutes nos irrévérences, de toutes nos dissipations, de toutes nos tiédeurs, de tous nos scandales, de toutes les injures qu'il a eu à essuyer de nous ; et que, dans ce dessein, nous ne nous soyons prosternés devant son autel.

IV. Allons à lui comme l'enfant prodigue alla à son père, contrits et pénitents, la tête baissée, et n'osant même lever vers lui les yeux pour le contempler. Disons-lui dans les mêmes sentiments de douleur et de confusion que ce fils ingrat et rebelle, mais enfin suppliant et soumis : Ah ! Seigneur, puis-je encore paraître en votre présence? et par quel prodige de votre infinie bonté souffrez-vous à vos pieds une âme criminelle, et lui permettez-vous d'approcher de votre sanctuaire? J'ai péché, mon Dieu, j'ai tant de fois péché contre le ciel, contre vous, devant vous! Oui, Seigneur, j'ai péché contre le ciel, puisque je ne pouvais pécher contre vous sans pécher contre votre Père, contre votre divin Esprit, contre tout ce qu'il

 

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y a de bienheureux dans le ciel, qui s'intéressent à votre gloire. J'ai péché contre vous, et n'est-ce pas directement à vous que je me suis attaqué, en déshonorant votre corps, en ne lui rendant pas les hommages que je lui devais, en le profanant? Mais surtout, Seigneur, j'ai péché devant vous, sous vos yeux, à votre autel, à votre table.

V. Ajoutons : Dans le repentir qui me touche et le regret que me cause la vue de tant d'infidélités, je ne demande point, ô mon Dieu, que vous me mettiez encore au nombre de vos fidèles adorateurs. Je ne suis pas digne que vous me comptiez parmi vos enfants, ni que dans votre sacré banquet vous me communiquiez les mêmes grâces et me fassiez part des mêmes faveurs qu'à tant d'âmes pures et ferventes. Je ne le méritai jamais ; jamais il n'y eut rien en moi qui put m'élever à ces entretiens si doux, si tendres, si intimes, et même si familiers, dont il vous plaît de les gratifier. Mais, Seigneur, vous avez plus d'une bénédiction. Il y a dans votre royaume plusieurs places, et au même autel vous parlez et vous agissez différemment. Si cette différence n'est pas sensible aux yeux, elle l'est au cœur. Traitez-moi donc, mon Dieu, j'y consens, traitez-moi comme un esclave, et le dernier de vos esclaves. Mais souvenez-vous aussi que tout méprisable et tout vil qu'est un esclave, le maître lui accorde le pain nécessaire pour le nourrir. Voilà ce que j'attends de vous, et ce que je cherche auprès de vous. De quelque manière que vous vous comportiez du reste envers moi, je m'estimerai toujours heureux, et je regarderai comme un avantage inestimable, si vous daignez m'admettre à la participation de votre corps et de votre sang. Qu'oserais-je prétendre au delà; et si même je ne savais combien vous êtes libéral et bienfaisant, oserais-je me flatter d'un tel retour de votre part, et concevoir en votre miséricorde une telle confiance ?

VI. Disons encore: Que n'est-il, Seigneur, que n'est-il présentement en mon pouvoir de vous rendre tout l'honneur que je vous ai ravi ! que ne puis-je autant relever votre culte que je l'ai profané et avili ! que ne puis-je le répandre par toute la terre, et vous faire connaître, vous faire adorer, vous faire aimer dans tout l'univers 1 Que dis-je , Seigneur ? c'est beaucoup pour moi si j'apprends bien moi-même à vous connaître, et si, dans la vive connaissance de vos grandeurs et de vos innombrables perfections, je commence à vous adorer comme vous devez l'être, et à vous aimer.

Agréez du moins, mon Dieu, agréez sur cela les vœux de mon cœur. Agréez les vœux de tant de fidèles, avec qui je vais me présenter pour vous recevoir, et à qui je m'unis d'intention. Tout ce qu'ils vous diront, je vous le dis, ou je veux vous le dire comme eux. Seigneur, que je puisse aussi comme eux l'éprouver au fond de mon âme, et le sentir !

N'en doutons point, Dieu écoutera cette prière. Il nous traitera de même que le père du prodigue traita son fils , dès qu'il le vit humilié devant lui et repentant. Il nous embrassera , il nous fera asseoir à son festin , il se réjouira de notre retour avec ses anges et ses élus. Nous aurons part à cette joie ; nous nous trouverons remplis d'une tendre dévotion, souvent même de la plus douce consolation. L'Eglise en sera édifiée , et voilà d'abord comment nous entrerons dans ses vues, et nous accomplirons le dessein qu'elle s'est proposé.

§ II. Comment nous devons réparer les outrages que nous avons faits à la divine Eucharistie, considérée comme sacrifice.

 

I. Après avoir considéré la divine Eucharistie comme sacrement, nous la devons considérer comme sacrifice. Sacrifice véritable, puisque c'est dans cet adorable mystère, et par cet adorable mystère, que la vraie chair et le vrai sang de Jésus-Christ sont présentés à Dieu, en qualité de victime : et c'est en ce même sens que saint Augustin appelle l'Eucharistie la victime sainte et le sacrifice du médiateur. Sacrifice d'une valeur inestimable et d'un prix infini, puisque c'est un Dieu qui y est offert, et le même Dieu qui s'offrit sur la croix. Sacrifice de la loi nouvelle, dont tous les sacrifices de l'ancienne loi ne furent que les ombres et que les figures. Sacrifice unique dans cette loi de grâce où nous sommes. Tous les au très sacrifices sont abolis, et celui-ci en est la consommation. Car comme le Fils de Dieu disait à son Père, parla bouche de David : Vous n'avez pas voulu, ô mon Père ! du sang des animaux. Il vous fallait une hostie plus pure et plus noble : c'est moi-même. Ainsi moi-même je suis venu, et moi-même je me suis sacrifié. Sacrifice non sanglant, puisque le sang de Jésus-Christ n'y est plus répandu comme dans sa passion ; mais sacrifice néanmoins qui renferme toutes les grâces et tous les mérites de cette passion sanglante, puisqu'il s'y fait la même oblation. Sacrifice universel et perpétuel : universel, pour tous les lieux du monde ; perpétuel, pour tous

 

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les temps jusques à la fin des siècles. Sacrifice de louange, qui honore Dieu de la manière la pins parfaite dont il puisse être honoré ; d'impétration , qui attire sur nous les bénédictions de Dieu et ses dons les plus précieux ; de propitiation, qui nous rend Dieu favorable , et qui apaise sa colère; d'expiation, qui nous acquitte auprès de Dieu, et communique pour cela sa vertu aux vivants et aux morts. Voilà ce que nous  appelons dans l'Eglise catholique le sacrifice de la messe.

II.  Or, par rapport à ce sacrifice, combien est-on coupable , soit en n'y assistant pas, soit en y assistant mal? En n'y assistant pas : tant de chrétiens et de catholiques font profession d'en reconnaître la vérité , la sainteté , la dignité, et cependant n'y assistent presque jamais! Plusieurs n'y assistent pas, même aux jours ordonnés par l'Eglise, ou s'en dispensent pour la plus légère incommodité. Mais du moins est-il rien de plus commun dans le momie que de voir des personnes se faire une habitude de n'entendre jamais la messe aux jours non commandés ? comme s'ils n'avaient us jours-la nul devoir de religion à remplir ; comme s'ils étaient moins catholiques , ou qu'ils dussent moins honorer Dieu ; comme si Jésus-Christ avait moins de quoi les attirer par amour, par piété, par intérêt, à un sacrifice où ce Dieu Sauveur s'immole pour nous, où il agit si efficacement pour nous auprès de son Père  , et où il verse si libéralement sur nous ses grâces.

III.  Telle est néanmoins la conduite d'une infinité de mondains. La moindre affaire, et souvent , sans nulle affaire, une molle oisiveté les arrête. Telle est surtout la conduite d'une infinité de femmes. Une délicatesse outrée, un mauvais temps, quelques pas qu'il leur en coûterait, quelques moments qu'il y aurait à retrancher de leur sommeil, le soin de s'ajuster et de se parer, en voila plus qu'il ne faut pour les retenir. L'Eglise a beau faire donner le signal pour appeler les fidèles : les temples sont déserts, et le plus auguste sacrifice est abandonné. Si c'était le signal d'une partie de plaisir, d'une partie de jeu, on s'y rendrait bientôt. Si c'était le signal d'une heure marquée pour paraître devant un roi de la terre, ou pour solliciter un juge, on y serait attentif, et l'on ne manquerait pus de diligence. Mais des qu'il n'est question que d'un exercice chrétien . et en particulier de la messe, on n'y pense pas, et tout sert d'excuse pour s'en exempter. En vérité, n'est-ce pas là un mépris formel de la plus grande action du christianisme , et n'est-ce pas ainsi qu'en jugerait un idolâtre, s'il en était témoin ?

IV.  D'autres sont (dus assidus au sacrifice de la messe : ils y assistent; mais ils n'en sont guère moins criminels, parce qu'ils y assistent mal. Rappelons dans notre mémoire combien de fois nous y avons assisté sans application , sans réflexion , sans dévotion , avec une imagination distraite, tout occupés des pensées du monde, et n'y donnant aucune marque de religion. Combien de fois une femme volage et sans retenue a-t-elle fait de ce sacrifice le sujet de ses scandales ; y tenant des postures indécentes, y parlant et s'y entretenant avec la même liberté que dans une assemblée toute mondaine, y satisfaisant sa vanité et son amour-propre par un pompeux étalage de son luxe et de ses parures, y servant peut-être et y voulant servir d'objet à la passion d'autrui? C'est l'usage du monde, je dis du monde impie et libertin, dont on suit les pernicieuses maximes : mais en même temps, c'est le sacrifice du vrai Dieu, le sacrifice du corps de Jésus-Christ que l'on profane. Quoi donc ! le corps de Jésus-Christ est sacrifié pour nous sur l'autel , et nous lui insultons en quelque sorte par nos impiétés! Nous devons honorer ce corps vénérable partout où il est présent, mais encore plus dans les sacrés mystères où il achève de consommer l'œuvre de notre rédemption.

V.   A tous ces désordres, quel remède et quelle réparation? Comme les contraires se guérissent et se réparent par leurs contraires, après avoir conçu un repentir sincère du passé, et l'avoir témoigné à Dieu, voici les promesses que nous devons lui faire pour l'avenir, et les résolutions où nous devons nous confirmer pendant cette octave. Elles se réduisent à quatre.

1. D'assister tous les jouis au sacrifice de la messe, de s'imposer cette loi, de la garder inviolablement, et de s'y assujettir en satisfaction de nos négligences. Mais, dit-on, je n'ai pas le temps : si vous le voulez bien, le temps ne vous manquera pas. Des personnes plus occupées que vous le savent trouver. Jugez-vous vous-même de bonne foi, et voyez si vous ne pourriez pas remettre à une autre heure certaines affaires, si vous ne pourriez pas prendre un peu sur votre repos, qui n'est que trop long et que trop paresseux. Dès que vous entrerez là-dessus dans une sérieuse discussion, cl que vous vous donnerez le soin d'arranger l'ordre de votre journée, vous verrez qu'il

 

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est très-rare que vous n'ayez pas absolument le loisir d'entendre une messe. Mais ma santé ne me le permet pas : je conviens qu'il y a telle infirmité qui peut être une excuse légitime; mais il est vrai aussi que bien des infirmités, dont on se prévaut, ne sont que de vains prétextes, parce que ce ne sont que de pures délicatesses. Avec cette prétendue infirmité, combien faites-vous d'autres choses plus difficiles? Mais c'est une gène et une peine : je le veux, et c'est justement par là que vous vous en ferez une pénitence, et que ce sera pour vous devant Dieu une espèce de réparation. Etrange mollesse, que celle de la plupart des femmes du siècle ! elles ont auprès d'elles dans un quartier plusieurs églises où elles peuvent en un moment se transporter ; et elles ne daignent pas pour cela sortir de leur maison.

2. D'assister au sacrifice de la messe, non-seulement avec assiduité, mais avec révérence, avec attention, avec dévotion. Avec révérence, pour réparer tant d'immodesties commises durant cet adorable sacrifice. Avec attention , pour réparer tant de dissipations volontaires et de pensées inutiles, peut-être criminelles, où l'on s'est arrêté pendant ce même sacrifice. Avec dévotion , pour réparer tant de lâchetés, tant de froideur et d'indifférence qu'on a apporté à ce sacrifice. Révérence, soit par rapport à l'habillement, qui ne doit être ni trop négligé, ni trop orné (car on tombe sur cela en deux excès condamnables) ; soit par rapport à la vue, qui doit être communément ou baissée vers la terre, ou appliquée sur un livre de prières, ou attachée à l'autel; soit par rapport à la contenance, qui doit toujours être décente, humble, sortable à l'état et aux sentiments d'une âme suppliante. Attention qui recueille l'esprit, qui en bannisse toutes les idées et toutes les affaires du monde, qui le rappelle de ses égarements et de ses évagations, dès qu'il commence à s'en apercevoir; qui l'applique aux cérémonies et aux différentes parties du sacrifice; qui le porte continuellement à Dieu, ou pour honorer sa souveraine majesté, ou pour implorer sa miséricorde et lui rendre des actions de grâces. Dévotion, laquelle excite sans cesse le cœur à de tendres et pieuses affections, aux actes de toutes les vertus. Il y aura des soins pour cela à prendre, il y aura des obstacles a vaincre, des respects humains à surmonter. Il faudra mortifier la curiosité naturelle, qui nous fait observer tout ce qui se passe autour de nous. Il faudra captiver le corps , en le tenant dans une situation qui le contraint et qui l'incommode. Il faudra réprimer sa langue et l'envie de parler, en se condamnant à un silence inviolable. Il faudra, pour s'éloigner de l'occasion et de la tentation, se retirer de certains lieux, de certaines places, de certaines personnes. Il faudra éviter certaines messes, qui sont comme les rendez-vous d'un certain monde, et où l'on cherchait auparavant à se faire voir et à se distinguer. Des gens viendront vous aborder et vous saluer, ils resteront auprès de vous, ils voudront lier entretien avec vous, et il faudra ne leur point répondre, ou ne le faire qu'en peu de paroles, et couper tout à coup le discours. Peut-être en seront-ils surpris, en riront-ils, et il faudra les laisser dans leur surprise, et ne tenir nul compte de leurs railleries. Mais tout cela, tous ces soins que vous prendrez, toutes ces victoires que vous remporterez, seront autant de satisfactions que Dieu acceptera, et dont le mérite pourra compenser en quelque sorte tant de fautes, qui vous rendent également redevable soit à sa justice, puisque ce sont de vrais péchés ; soit à sa suprême grandeur, puisqu'elles regardent le mystère même où vous; devez plus la reconnaître, et où il doit recevoir de plus profonds hommages.

3. D'offrir avec le prêtre le sacrifice de la messe, toutes les fois que nous y assisterons, de l'offrir en esprit de pénitence pour tous les péchés du monde, et en particulier pour les nôtres ; mais surtout de l'offrir en esprit de réparation, pour toutes les messes que nous n'avons pas entendues par notre négligence, ou que nous avons mal entendues. Car tout fidèle peut et doit s'unir ainsi au prêtre, en assistant à la messe, pour offrir avec lui le sacrifice, puisque nous en sommes tous les ministres , quoique d'une manière différente. Et comme ce sacrifice est le même que celui qui s'accomplit sur la croix, et qui y fut offert par le Sauveur des hommes pour la rémission des péchés, une des principales vues que nous devons avoir en l'offrant est d'obtenir de Dieu le pardon de tous les péchés que notre conscience nous reproche, et d'acquitter par une offrande si sainte et d'un si grand prix toutes les dettes dont nous nous sentons chargés. Mais entre les autres péchés nous pouvons nous proposer d'abord ceux que nous avons commis à l'égard du sacrifice que nous offrons, et par là nous tirerons de ce qui a été le sujet et l'occasion du mal, le moyen le plus efficace et le remède le plus puissant pour le guérir.

 

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4. De communier spirituellement à chaque messe, et de participer ainsi au sacrifice, témoignant à ce Dieu Sauveur, caché sous les apparences du pain et du vin, un désir sincère de le recevoir réellement et en effet, tâchant de se mettre dans les mêmes dispositions que si l’on approchait de la sainte table, et de concevoir les mêmes sentiments. Saint Augustin disait : Croyez, et votre foi sera une espèce de communion , qui honorera Jésus-Christ, qui l'attirera dans vous, qui vous rendra participants de ses mérites : et que sera-ce quand à cette foi nous ajouterons l'humilité, la reconnaissance, l'amour, tout ce qui compose cet exercice que nous appelons communion spirituelle?

Voilà de quoi nous devons nous occuper dans ces jours spécialement consacrés à l'honneur du plus auguste de tous les sacrements et du plus grand de tous les sacrifices. Voilà sur quoi nous devons prendre de justes mesures et former de bons propos pour tous les jours de notre vie. C'est avec Jésus-Christ même que nous en pouvons conférer au pied de son autel; c'est avec lui que nous pouvons traiter de la manière dont il doit être satisfait, et dont il le veut être. Car à quel autre m'adresserai-je, Seigneur, et qui peut mieux m'éclairer que vous, m'instruire que vous, me faire connaître ce que vous voulez de moi, et me donner les secours nécessaires pour en soutenir la pratique? Je viens donc avons avec confiance, et j'ose me promettre que vous serez touché du dessein qui m'y amène et de la droiture de mon cœur, aussi bien que de la vivacité de mes regrets. Vous êtes témoin de mes résolutions, vous les voyez ; car c'est vous-même qui me les avez inspirées. N'est-ce pas encore assez, et demandez-vous: Seigneur, d'autres réparations? Parlez : que voulez-vous que je fasse? Je n'en ferai jamais trop, et il n'y a rien à quoi je ne me sente disposé. Daignez seulement seconder les désirs de mon âme , daignez les agréer. Hélas ! Seigneur, ma faiblesse est telle, que je ne puis guère vous offrir autre chose que des désirs. Mais je me trompe : je puis tout vous offrir, puisque je puis vous offrir vous-même à vous-même ; puisque je puis vous offrir votre corps, votre sang, toute votre adorable personne. Vous ne refuserez point ce sacrifice; et par les mérites infinis de ce sacrifice, j'obtiendrai la grâce de l'honorer toujours et d'en profiter.

 

 

 

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