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La
VOIX DE CATHERINE DE SIENNE
N° 122 Mai / juillet 2002
Bulletin de
l'Association Int. Catherine de Sienne - Groupe Liège-Bruxelles
Sur les ailes du premier amour... et après ?
Le troisième âge à l'école de Catherine
Qu'est-ce que cela peut-il signifier pour nous ?
Et comment Catherine vécut-elle le déclin de sa
santé ?
Et lors des mauvais traitements ?
Et la question : « Qui suis-je ? »
STE
CATHERINE A L’EST DU CONGO
Jeanne, quand as-tu entendu parler de Ste
Catherine la première fois?
Et « la seconde fois », plus profondément ?
Comment Ste Catherine est-elle arrivée à Isiro?
Comment la perçoit-on à partir
de la culture ou de la situation congolaise?
Qu'est-ce qui te touche le plus dans
la spiritualité de Catherine?
Qu'est-ce que la spiritualité de Ste Catherine
peut apporter au Congo?
Ton passage en Belgique t'apporte-t-il un nouveau
regard sur la spiritualité de Catherine?
Et quand tu rentreras au Congo, que voudrais-tu
partager de plus profond?
Louange à la Providence de Dieu, l'œuvre de sa
Miséricorde
Les moyens qui nous permettent d'expérimenter la
Providence
Comment la Providence opère-t-elle ?
Ce qui nous empêche de goûter la Providence
Sommaire N° 122 Mai / juillet 2002
Edito 2 Catherine
de S. à l'heure du 3ème âge Sr J. Van Caneghem 3
Ste
Catherine à l'Est du Congo Sr Jeanne Pati 7 La
Providence, oeuvre de la Miséricorde de Dieu M. Znamierowska 10 Jeu
scénique avec des adolescents 15
Editorial
Chers amis, Ce dernier trimestre fut particulièrement riche en animations auprès des 15-25 ans grâce à un groupe de jeunes adultes particulièrement concerné par l'évangélisation des jeunes.
Nous confions tous ces projets (parfois lourds
à porter...) à votre prière. Et aussi et surtout le travail de Sr Pati au Congo
(voir p. 7), où elle vient de rentrer dans le contexte difficile de la guerre. Pour les
équipes: Chantal van der Plancke
Sur les ailes du premier amour... et après ?
Catherine
de Sienne à l'heure du troisième âge Ecrire sur ce thème ne me semble pas évident
Catherine n'a atteint que l'âge du Christ. Elle a pu vivre sa vocation sur les
ailes du premier amour, quand tout va de soi. Rien ne pèse, tout est léger,
tout est lumière. On s'élance corps et âme dans l'aventure, on s'engage pour
une personne, pour un idéal. On y croit. Qui dans une vie de couple, qui dans
une vie consacrée. Bien que sa
santé ne fut pas des plus solides, Catherine vécut, elle aussi, l'enthousiasme
de la jeunesse. Elle ne connut pas la richesse, ni non plus le revers de la
médaille d'une longue vie : le vieillissement.
Le troisième âge à l'école de Catherine
Il faut
plutôt se demander comment s'inspirer de cette grande dame de l'Église durant
cette période. Le 3e âge n'est-il pas la période de notre vie qui, en général,
nous libère de grandes responsabilités, en tant que parents, célibataires ou
religieuses ? Dans l'ensemble on est plus libre d'organiser sa vie, de se
donner des plages de silence, de prière, de réflexion et d'approfondissement.
C'est alors que nous pouvons nous mettre davantage à l'école de Catherine. Voyons d'abord comment elle a aimé l'Église. Je
sais que, dans nos régions, le mot seul donne des frissons à beaucoup de gens.
Pour Catherine, l'Église, c'est le corps mystique du Christ. Elle interpelle
continuellement le Pape et d'autres dignitaires pour qu'ils prient en faveur de
l'Église et travaillent à sa réforme. Elle offre sa vie pour cette Eglise.
Qu'est-ce que cela peut-il signifier pour nous ?
Depuis
Vatican II, l'Église se définit comme « Peuple de Dieu». L'Église, «Lumière
du monde», c'est nous tous. II est temps que nous réfléchissions sur notre
attitude vis-à-vis de l'Église - et de chacun de ses membres - car nous sommes
tous les membres de ce corps : « En effet... le corps est un et pourtant il
y a plusieurs membres : mais fous les membres, malgré leur nombre, ne font
qu'un seul corps. Ainsi en va-t-il du Christ » (1 Cor. 12,12). Ce peuple de Dieu, nous devons l'aimer pour
qu'il devienne lumière du monde. Pour que nous devenions lumière du monde. Il
nous faut aimer ce peuple auquel nous appartenons par notre baptême et par
notre foi. Il en va comme dans une famille. Un jour, nous en sommes devenus
membres : c'est une donnée, nous ne l'avons pas choisi. Nous nous sommes
identifiés avec elle. Nous l'aimons. Nous prendrons soin d'elle. Tantôt nous
sommes fiers d'y appartenir, tantôt nous sommes gênés d'en être les membres.
Nous partageons ses joies et ses peines. Nous la défendons. Nous souffrons à
cause d'elle. Nous l'aimons. Je crois que si Catherine vivait aujourd'hui, elle
nous demanderait d'aimer ce Peuple de Dieu, tel qu'il est maintenant. Parce que
l'aimer, c'est nous aimer nous-mêmes en tant que membres de ce peuple. Ce peuple, nous devons le porter. En porter la
responsabilité. Le critiquer ne le fait pas grandir. Si Catherine disait que
ses péchés aussi faisaient du tort à l'Église, que dirions-nous ? Il y tant de
paroles qui font souffrir, tant de mots qui tuent. Disons des paroles qui
recréent, qui font vivre, qui redonnent espoir. Mais aussi, parlons franc avec
ceux et celles qui sont en mesure de faire changer quelque chose. Ici aussi,
Catherine peut nous servir d'exemple. Elle parlait avec beaucoup de respect
envers ces personnes, mais sans flatterie, ni pour leur plaire : uniquement par
amour des personnes, du Christ et de son peuple. N'ayons pas peur de souffrir pour ce peuple. Il
ne faut pas avoir un malin plaisir dans certains cas malheureux ! Il se peut
que notre coeur pleure en apprenant l'une ou l'autre parole déplacée ou l'un ou
l'autre acte inacceptable de la part de ministres de l'Église ou de fidèles. Le
Christ, qui aimait tout être humain, a donné sa vie pour eux. Il a porté sa
croix par amour. Catherine fit de même par amour. Je crois que, durant la
période de la vie qui nous délivre de beaucoup de soucis et qui nous fait voir
la relativité de tant de choses, si nous sommes sensibles au bien-être du
peuple de Dieu, nous trouverons chez Catherine de Sienne un exemple à suivre.
Et comment Catherine vécut-elle le déclin de sa santé ?
Raymond de
Capoue, son confesseur, écrit qu' "elle a souffert dans son corps des
douleurs et des infirmités très grandes ...,...depuis la plante des pieds
jusqu'à la tête, il lui semble qu'il n'y avait rien de sain en elle » («Vie
de Catherine de Sienne", (P. 302-303). Les témoins ajoutent : "elle souffrit
les douleurs avec calme et sans donner le moindre signe de tristesse" Dans sa lettre à un prieur et ses frères, elle
écrit : "Si nous rencontrons des tribulations, il faut les supporter
avec patience, parce que toutes les tribulations que nous pouvons souffrir en
cette vie sont petites. Pourquoi petites ? Parce que notre temps est petit,
parce que les peines passées n'existent plus, et celles qui vous menacent, vous
n'êtes pas sûr de les avoir, puisque vous ne savez pas si la mort ne vient pas
vous en délivrer. Vous n'avez donc à supporter que l'instant présent..."
(L.189). Catherine se réfère toujours aux souffrances du Christ et à
l'acceptation de la volonté de son Père pour le salut des hommes et de
l'Église. En lisant ce conseil, on peut penser qu'il est
plus facile à donner qu'à réaliser. Mais puisque Catherine elle-même a
souffert, elle sait donc de quoi elle parle. Aujourd'hui aussi, il y a des
personnes capables de porter ainsi leur souffrance. Cela peut nous faire
réfléchir et nous inspirer.
Et lors des mauvais traitements ?
C'est encore Raymond de Capoue qui écrit : «Catherine,
dans son jeune âge, a beaucoup souffert de l'incompréhension de ceux et celles
qui lui étaient les plus chers : ses parents, ses frères et saurs, même de la
part des religieux et religieuses. Elle supportait tout avec patience et sans
murmures et sans parler des mauvais traitements » (Aux frères et soeurs
du tiers ordre p. 320). L'endurance et la patience l'ont rendue forte et
lui ont donné droit de parler à ceux et celles qui sont dans une situation
similaire. Ce sont de belles vertus qui nous manquent trop souvent et
pourtant...
Et la question : « Qui suis-je ? »
Cette question a préoccupé Catherine, Est-elle
aussi une préoccupation pour nous? Qui suis-je ? Et qui est Dieu ? Qui est ce petit moi ? Ne suis-je pas un
mystère pour moi-même ? Le mystère Dieu n'en est que plus grand. A travers une vie pleine d'activités Catherine
gardait la paix intérieure et c'est dans cette intériorité qu'elle recevait une
réponse à ses questions : "Qui suis-je?" et "Qui est
Dieu?". La réponse qu'elle entendait dans son for intérieur était :
"Sais-tu, ma fille, qui tu es et qui je suis ? Tu es celle qui n'est
pas. Je suis celui qui est." Nous ne sommes que par Dieu. C'est un
défi à notre humilité. Se connaître et connaître Dieu, cela s'enracine dans
l'humilité, le silence, l'intériorité. Pour se connaître, Catherine habitait
constamment la cellule de la connaissance d'elle-même, et cela pour mieux
connaître Dieu. C'est par l'oraison qu'elle s'unit à Dieu. N'est-ce pas ce que
saint Jean nous apprend quand il écrit : "Demeurez en moi, comme moi en
vous" Jn.15, 4a) et "Qui demeure en moi, comme moi en lui,
porte beaucoup de fruit" (Jn.15,5b) ? Dans cette intimité, l'âme est
en Dieu et Dieu dans l'âme comme le poisson est dans la mer et la mer dans le
poisson. Image merveilleuse que Catherine nous présente dans son Dialogue.
C'est une manière de vivre qui donne confiance, largeur d'esprit, liberté,
joie. Ces quelques aspects de la personnalité de
Catherine pourraient nous inspirer dans cette période de la vie qui peut nous
faire comprendre ce qui est vraiment important. Cela vaut la peine d'en faire
sa propre expérience. Sr M.
Josine Van Caneghem, o.p.
STE CATHERINE A L’EST DU CONGO
Sr
Jeanne Pati-Mbai a passé une année d'études à Lumen Vitae. Elle a pu découvrir
le groupe des Caterinati francophones lors de ses réunions à Bruxelles, ainsi
que le groupe germanophone tout en fête à Astenet. Elle nous fait découvrir à
son tour la présence de Ste Catherine à Isiro, au Nord-Est du Congo.
Jeanne, quand as-tu entendu parler de Ste Catherine la
première fois?
Mon papa
était catéchiste. Très souvent, le soir autour du feu, il nous apprenait à
prier, à réciter la prière. Parfois il nous pariait de l'histoire biblique,
mais de façon simple, de la sainte Vierge et des saints. Et parfois, il nous
parlait des saintes qui se sont consacrées au Seigneur pour aider les enfants et
les pauvres. Il ne citait pas les noms de ces saintes et, moi-même, par rapport
à mes cadets, je n'étais pas si chaude pour ces histoires.
Et « la seconde fois », plus profondément ?
Comme j'étudiais chez «les soeurs de Bruges», à
Isiro, elles nous parlaient aussi de la vie des Saint(e)s. C'est là, pour la
première fois, que j'ai entendu parler clairement de Ste Catherine et de St
Dominique. L'histoire de Sainte Catherine et de sa famille m'intéressait
beaucoup. Ses parents et sa famille ont tout fait pour la marier, mais
Catherine resta ferme dans sa décision de se consacrer à Jésus. Cela me donnait
du courage, car mes grands-parents me proposaient aussi pour le mariage et je
ne les comprenais vraiment pas. Catherine m'encourageait. Au noviciat, on nous
enseignait sa vie, car elle est aussi la patronne de notre Congrégation, les «
Catherinettes », comme on nous appelle là-bas.
Comment Ste Catherine est-elle arrivée à Isiro?
C'est grâce surtout aux missionnaires
dominicains et dominicaines : leur vie, leurs instructions et la formation
données aux filles, que Sainte Catherine a été connue à Isiro. Mais, au début,
on ignorait un peu les détails de sa vie.
Comment la perçoit-on à partir de la culture ou de la
situation congolaise?
En Afrique, et surtout dans le temps passé, les
filles n'avaient pas droit aux études. Celles-ci étaient réservées aux garçons.
La fille était destinée au mariage. Cela rappelle la culture de Ste Catherine
de Sienne en son temps.
Qu'est-ce qui te touche le plus dans la spiritualité de Catherine?
La foi de Catherine. Elle croyait à la présence
de Jésus dans sa vie à tel point qu'elle n'avait plus peur d'aller..., de
dire..., de faire ce qu'il fallait dire ou faire, pour l'amour du Christ et
pour le bien de son Corps, l'Église. Elle, qui ne savait ni lire ni écrire, a
écrit beaucoup de lettres, notamment au Pape, aux prêtres, aux autorités
civiles ... et elle aimait le terme « le sang précieux » du Christ. Une de ses
plus belles lettres est « le dialogue avec Jésus ». C'est aussi grâce à l'attachement
à la prière que Catherine nourrissait sa foi et restait en communion étroite
avec le Christ. C'est cela qui a produit son grand amour pour le monde...
Qu'est-ce que la spiritualité de Ste Catherine peut
apporter au Congo?
Nous qui sommes appelées « Filles de Ste
Catherine de Sienne » ou « Les Catherinettes », nous avons la mission
importante de témoigner de cette spiritualité. La situation actuelle de mon
pays est très semblable à celle de l'époque de Catherine. Mon Église locale
attend des femmes courageuses, travailleuses qui osent dire la Vérité et
dénoncer l’injustice qui s'oppose à l'amour. C'est ainsi que nous serons les
vrais témoins de la spiritualité de Catherine. En vivant concrètement dans la
prière, la contemplation et l'amour, nous serons « Catherine aujourd'hui ».
Ton passage en Belgique t'apporte-t-il un nouveau regard
sur la spiritualité de Catherine?
J'éprouve une grande joie de rencontrer ici des
groupes d'hommes et de femmes qui cherchent unanimement comment vivre la
spiritualité de Catherine. J'ai été très contente de découvrir Astenet, un jour
de fête et de célébration, en septembre, et de participer au groupe qui se
réunit tous les mois à Bruxelles. Tout cela me donne une nouvelle orientation
et une force neuve. Depuis mon arrivée en Belgique, j'entends qu'on parle
souvent de .la foi des chrétiens de manière négative. Mais j'ai quand même
rencontré et partagé l'expérience très concrète de personnes ou de groupes de
jeunes et d'adultes qui vivent leur foi en vérité et en actes. Les rencontres, ici en Belgique, avec ceux et
celles qui cherchent à vivre la spiritualité de Catherine vont m'aider à
approfondir la vie de Catherine, sa mission et son amour pour le Christ. De
plus j'ai la chance de découvrir toute une documentation que je vais pouvoir
ramener dans mon pays pour mieux faire connaître Catherine dans mon milieu, non
seulement parce que nous sommes des « Catherinettes », mais surtout parce que
je voudrais vraiment donner un sens à ce nom dans ma vie.
Et quand tu rentreras au Congo, que voudrais-tu partager de
plus profond?
Mon pays, comme celui de Ste Catherine en son
temps, est en guerre. Il y a des luttes de pouvoir et une grave crise
économique. Dès lors les pauvres et l'Eglise sont opprimés et la population
souffre. Ni Catherine ni saint Dominique ne sont restés indifférents aux
malheurs de leur temps. lis ont réagi par la parole et par des gestes
symboliques et non violents. Ces derniers étaient d'autant plus impressionnants
et éloquents ! Catherine écrit au Pape, aux autorités civiles, et elle leur
demande d'établir la paix ... D'où lui venaient cette audace et cette force ?
De la communion et de l'amour qu'elle nourrissait pour le Christ, pour son
Église et pour ses contemporains. Je n'ai pas la capacité de Catherine, mais ma
réaction devant la situation au Congo sera ma présence auprès des enfants de la
rue et des plus rejetés ! Ma force, je la puiserai dans la prière et la
contemplation. La prière est comme une pluie qui arrose notre coeur et fait
germer l'amour du Christ et du prochain en nous. Ici il faut ajouter un point d'actualité
important. Catherine était présente auprès des malades qui souffraient de la
peste, la terrible épidémie qui, comme le SIDA aujourd'hui, ravageait son pays.
Comme la peste était très contagieuse les malades étaient rejetés, abandonnés,
et mouraient tout seuls sans soins ou présence humaine. Catherine trouvait là
un champ d'action pastorale. Elle n'avait pas peur de s'approcher de ces
malades. Aujourd'hui le monde entier, mais surtout l'Afrique, est frappé par le
SIDA ! C'est la peste de notre temps. Comme l'amour est plus fort que toutes
les maladies contagieuses, je voudrais aussi, prenant exemple sur Catherine, me
trouver auprès des malades, des vieillards et des filles à la rue. Propos
recueillis par Ch. Van des Plancke.
Louange à la Providence de Dieu, l'œuvre de sa
Miséricorde
Article
sur la base de la 4 ° partie du "Dialogue"(1)
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