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La Voix de Catherine de Sienne

(N° 114 Juin-Juillet)

Editorial ; Offrande de l'huile votive ; Homélie du Cardinal Daneels ; Lettre du Maître de l'Ordre de Saint Dominique ; Les débuts du culte de Ste Catherine en Pologne.

Juin 2000

Chers amis,

Permettez-moi d’abord de vous présenter le professeur Paolo Nardi, nouveau Prieur général de l’Association Internationale des Caterinati. Il succède au cher Aldo Bacci, qui s’est dévoué pendant tant d’années avec générosité et compétence à l’Association, dans laquelle il nous reste proche en tant que prieur honoraire. Nous lui sommes très reconnaissants et très unis dans la prière.

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 Le professeur Nardi, marié et père de trois enfants, occupe la chaire d’Histoire du droit italien à la Faculté de droit à Sienne. Engagé auprès des jeunes, il est très attaché à Sainte Catherine. Il co-organisa notamment l’important colloque sur Ste Catherine et St Bernardin de Sienne (1980) dont il publia les Actes. C’est avec joie que nous avons pu faire sa connaissance et que nous le retrouverons pour un prochain colloque à Rome, en septembre.

Les trois jours de festivités à Sienne en l’honneur de Sainte Catherine, désormais co-patronne de l‘Europe, furent hauts en couleurs, riches en profondeur et en relations fraternelles. La délégation belge trilingue s’est faite une joie de se réunir dans cette ambiance de ferveur et de joie. Nous étions une vingtaine en cette période de travail, venus de différents coins du pays. Vêpres, le vendredi soir, autour de la relique de Catherine amenée solennellement en procession au Dôme pour cette année exceptionnelle (Jubilé 2000 et nouveau patronage). Le lendemain matin tôt, 29 avril, eucharistie toute simple dans la Chapelle du crucifix, présidée par le C. Daneels, assisté de D. Giorgio Celeora, aumônier des italiens de Belgique (Liège). A midi, hommage floral à Ste Catherine, par les représentants de différents groupes. Conférence du Cardinal, à 17 h, dans la belle salle des pèlerins de l’hôpital médiéval de Sta Maria della Scala sur « Catherine de Sienne, un regard de Dieu sur l’homme à l’aube du troisième millénaire » (des extraits suivront). Réception à l’Archevêché, puis superbe concert à l’Eglise de l’Annuziata par un ensemble vocal et instrumental de près de 300 personnes. Le Dimanche 30 avril, Offrande solennelle de l’huile votive, avec cortège, tambours et trompettes depuis la Place du Campo jusqu’à la Maison de Catherine, allocutions, puis cortège vers le Dôme pour la messe présidée par le Cardial, ans une cathédrale comble, fervente, toute en habits de fête jusqu’aux voûtes. C’est là que furent apportées à l’offertoire, les nombreuses intentions que vous nous avez confiées et dont notre urne débordait. L’après-midi, grand rassemblement sur la grand place, avec les représentants du gouvernement, les archevêques. Fanfares, jeux de bannières, discours, prière et bénédiction… Suite en photos. Chaleureux merci à Mgr Bonicelli et à nos amis à Sienne ! 

Et merci aussi à ceux et à celles qui nous ont écrit de Pologne, du Cameroun et de Roumanie pour le Bulletin, et que vous lirez en septembre. Bonnes vacances !

Pour l’équipe, Chantal van der Plancke.

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Offrande de l’huile votive

 30 avril 2000 

Chers amis et amies, 

Au nom des Caterinati de Belgique – la présidente Mme Irmgad Wintgens et son groupe germanophone d’Astenet, le groupe francophone de Liège-Bruxelles et nos amis flamands, tous ici représentés - nous exprimons notre joie d’être venus fêter S. Catherine, dans l’Eglise de Sienne, où elle est née et où elle a grandi.

Cette année,  à l’occasion de la proclamation de Catherine comme co-patronne de l’Eurooe - à laquelle nous avons beaucoup collaboré -, nous avons l’honneur d’offrir l’huile votive pour la lampe du sanctuaIre. L’huile, nous nous la sommes procurée à l’ombre des oliviers d’Italie, Mais le vase qui la contient a été fait avec notre terre et avec tout l’art du céramiste Fernand Everaert. Certes, nous n’avons pas apporté ce vase vide, mais plein d’intentions de prière que de nombreuses personnes nous ont envoyées. Pour Catherine, le vase est l’image de l’âme, toujours pleine d’ardents désirs. Avec elle. nous voulons encore demander : « Miséricorde pour le monde, miséricorde pour l’Eglise, et miséricorde pour un cas particulier” (connu de Dieu seul). D’ailleurs, chacun de nous est un cas particulier’! 

Grâce à son sanctuaire, le groupe d’Astenet exerce surtout son charisme d’hospitalité envers les personnes et les groupes d’adultes et d’enfants qui viennent se ressourcer auprès du Seigneur, en compagnie de Catherine, durant quelques moments ou quelques jours. Entre Astenet et Bruxelles, il y a 300 km – aller/retour -mais grâce à notre amitié mutuelle, nous formons vraiment une seule famille et, chaque année, nous nous retrouvons au sanctuaire « comme à la maison ». A Bruxelies, nous n’avons ni sanctuaire. nI statue. Nous nous réchauffons autour des écrits de Catherine. Chaque mois, nous passons une soirée à méditer ensemble ses lettres, comme si elles nous étaient adressées personnellement; ou’ l’une ou l’autre de ses oraisons. qui dilatent le coeur. 

Grâce aux encouragements de Mgr Castellano et de Mgr Bonicelii, nous avons toujours cherché à développer les contacts avec les autres pays. La Roumanie, la Tchéquie. la Pologne..., et même la paroisse Ste Catherine à Saint-Pétersbourg. Encore plus à l’Est, avec l’Iraq, où Catherine parle joyeusement l’arabe. Notre bulletin, « La Voix de Catherine de Sienne » et notre petit livre, « Prier 15 jours avec Catherine de Sienne », édité à Paris en 1997, réédité et traduit en huit langues, bientôt neuf, suscitent, dans les différentes parties du monde, toujours de nouvelles connaissances. Nous percevons de plus en plus un regain d’intérêt pour la sainte, le Canada réveille la France et la Belgique; les Etats-Unis, l’Angleterre; l’Afrique de langue française, la Belgique. Dans ces régions, quelques visages nous sont devenus quasi familiers. Nous pensons aussi au sanctuaire de Catherine de Sienne, fondé à Mbugi-Maij (Congo ex-Zaïre) par une laïque, mère de famille, et trois prêtres diocésains. 

Catherine, co-patronne de l’Europe? Oui ! Mais l’Europe occidentale, et orientale, sont devenues “des souliers trop petits” pour celle qui a été avant tout reconnue comme “Docteur de !‘Eglise universelle“. De plus, dans ses écrits, Catherine disparaît entièrement derrière l’enseignement qu’elle transmet directement du Père et dans le feu qui la consume. Mais comme “la patronne de l’Italie” est devenue aussi “co-patronne de l’Europe”. nous sommes très contents de nous retrouver, avec vous, sous le manteau de sa sollicitude; car dans toutes ses oraisons, elle intercède particulièrement pour “ceux que Dieu lui a confiés”. 

Merci, Catherine! 

Chanta! van der Plancke,

présidente du groupe Liège-Bruxelles

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DE LA FOI DE THOMAS À CELLE DE CATHERINE 

HOMELIE DU CARDINAL DANNEELS

Actes 4. 32-35 - I Jn 5,1-6 - Jn 20. 19-31  

Frères et soeurs, 

L'évangile de ce jour — la profession de foi de Thomas — est comme l'introduction à la scène qui suivra dans l’évangile de Jean : la pêche miraculeuse su le lac. Les deux scènes sont intimement liées. Ou, pour le dire en clair, la foi adorante de Thomas est le prélude et la condition de la fécondité apostolique . La vie de Catherine suit la même logique : elle prie et elle prêche ; elle contemple et elle agit. La fécondité de ses activités apostoliques est à la mesure de la profondeur de sa vie mystique. Contempler et agir, voilà le résumé de toute sa vie et ce qui sous-tend tout son être.

Regardons l’apôtre Thomas. Devant les preuves visibles et tangibles, que Jésus lui donne de sa résurrection en montrant ses blessures, ses mains, ses pieds et son côté, Thomas ne se contente pas de dire : "Maintenant que j’ai vu, je crois…". Il se jette entièrement dans la contemplation et la prière. Il se prosterne pour dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Il s’engage dans le chemin de la foi et de l’adoration.

Désormais il fait partie à part entière du groupe des apôtres et de tous ceux et celles dont parle la première lecture de ce dimanche :  la communauté de ceux et celles qui n’ont qu’une seule âme. Thomas s’est joint à cette multitude qui adhère de tout cœur à la personne du Ressuscité. Par cette acte d’adoration, il se place au cœur de la communauté chrétienne, décrite par les Actes dans les tableaux idylliques de la première Eglise. Thomas est devenu un homme d'adoration.

Catherine, elle aussi, a un immense sens de l’adoration. C’est même son état permanent au coeur du monde. Car elle porte en elle-même cette ‘cellule intérieure’. Partout où elle va, elle l’emporte avec elle, pour y demeurer en permanence. Elle est tout entière ‘cachée dans le côté ouvert du Christ’. C’est à partir de cette ‘cellule intérieure’, véritable espace d’adoratIon et de contemplation, qu’elle part à la pêche miraculeuse sur le lac du monde. Elle quitte sa maison familiale pour aller prêcher, pêcher, jeter les filets de l’amour. Elle y prend tout ce qu’on peut pêcher dans une ville, et bien au-delà : des malades au coeur endurci, des condamnés à mort, des hommes de gouvernement, des soldats, une prostituée, des gens ordinaires, des religieux, des prélats à convertir…

Mais cette activité débordante — une pêche miraculeuse — trouve toujours sa source dans la foi et l’adoration. Catherine ne jette les filets qu’en Dieu et sur sa parole. Ce n’est qu’après avoir longuement regardé et contemplé le Christ, qu’elle peut jeter le regard de la miséricorde sur le monde et sur les hommes.

C’est à Pise qu’elle découvre l’océan, une mer sans fin et sans fond, en se rendant à l’île de Gorgone. Avec beaucoup d’imagination, elle relit alors les récits de la pêche miraculeuse, où les apôtres jettent les filets de l’oraison, de la parole et la patience apostolique et prennent une multitude de poissons. La fécondité de leur pêche ne peut venir que de Dieu…

C’est le Christ qui est le grand Pêcheur. ElIe s’entend dire : «c ‘est par la médiation de mes serviteurs, que je ferai miséricorde au monde, et c‘est à cause de leurs souffrances que je - réformerai mon Epouse. Vraiment on peut les appeler un autre Christ crucifié, puisqu ‘ils ont accepté de remplir son office. C ‘est l ‘oeuvre des crucifiés. Ils sont médiateurs par leurs prières, par leur parole, par leur bonne et sainte vie...

Ils lancent le filet, non de la main gauche, mais de la main droite, comme le disait ma Vérité à Pierre et aux autres disciples après la résurrection. Car la main gauche, c’est l’amour-propre, qui est mort chez eux; mais la main droIte est vivante. Elle est ce vrai et pur amour, cette douce et divine dilection, avec laquelle ils jettent le filet du saint désir, en moi, l’océan de paix.... et ils prennent une telle abondance de poissons, qu ‘ils ne peuvent suffire à le ramener à eux seuls; ils sont obligés d’appeler un compagnon pour les aider dans la besogne.

En effet I ‘acte de saisir et de lancer le filet doit être accompagné de la véritable humilité, et ii f au! appeler le prochain pour aider à retirer les poissons qui sont les âmes ... » 

Le Père demande alors à Catherine de regarder Pierre : «Considère cet acte de Pierre. Dans la réalité qui vient d’être décrite, tu découvriras une figure et... cette figure s ‘applique à toi...

Pierre, ai-je dit,... jeta le filet: il fut donc obéissant, et croyant d’une foi vive, qu’il prendrait du poisson, il en prit en effet beaucoup; mais ce ne fut pas pendant la nuit.

Sais-tu quel est ce temps de la nuit ? C’est la nuit ténébreuse du péché mortel, où l’âme est privée de la lumière de la grâce. En cette nuit elle ne saurait rien prendre, parce quelle jette le filet de son désir non dans l’océan de vie, mais dans la mer morte...

Mais quand le jour paraît, quand l’âme sort de la nuit du péché, ... elle retrouve dans son esprit du même coup... le commandement que je lui ai donné, de jeter le filet, à la parole de mon Fils, en m ‘aimant par-dessus de tout et le prochain comme soi-même. Docile dès lors à la lumière de la foi, avec une ferme confiance, elle jette son filet, en suivant la doctrine et les exemples de ce doux Verbe d’amour et de ses disciples ». 

Catherine rebondit sur l’obéissance la foi et la sainteté sont d’une efficacité sans pareille pour le retour des pécheurs. Elle parle de la nuit du péché où l’on ne prend rien. C’est sans doute une allusion à sa demande pour la réforme des pasteurs, dont la fatigue des efforts sans la sainteté est complètement stérile. Parce que tout part d’eux-mêmes et va vers eux-mêmes : leur amour-propre et l’argent. Leurs filets sont mal orientés et restent donc vides. Mais quand arrive l’aube de la grâce, la pêche devient abondante. 

Que ressort-il de cette admirable page de Catherine sur la pêche miraculeuse? 

La foi pascale, chez Catherine, est toujours et d’emblée apostolique. Catherine ne contemple jamais Dieu séparément de nous : sitôt qu’elle voit Dieu, elle nous voit tous en Dieu. Nous sommes créés par lui avec amour et recréés par le même amour. 

Déjà par leur simple vie sainte, les chrétiens attirent les hommes à l’union au Christ crucifié et ressuscité. Dans cette union au Christ pascal, ils exercent cet office de réconciliation car, eux aussi, passent par la souffrance apostolique, qui leur vient précisément de leur union au Christ. Car le Seigneur est vivant, mais il a gardé les stigmates. 

La fécondité de leur ministère dépend d’abord de la manière dont ils pêchent. Ils pêchent de la main droite, c’est-à-dire par pur amour et non par amour-propre; et ils jettent leurs filets en Dieu, prenant appui sur leur vie contemplative. S’ils attirent les poissons, c’est par leur contemplation amoureuse. 

Leur fécondité dépend aussi de la manière dont ils remontent le filet. Ils ne doivent pas le faire tout seuls, mais ensemble, avec beaucoup d’autres, et dans l’humilité. Ensuite, la pêche doit être large et non sélective: ils doivent avoir le souci de tous, car tous sont les enfants de Dieu. Enfin la pêche doit se faire dans la clarté du jour et non la nuit.Elle se fait à l’aube de la grâce, dans une grande docilité à Dieu, et non dans la nuit du péché et de l’autosuffisance. 

Que Catherine intercède auprès de son Epoux divin pour l’Eglise de notre époque, pour que Dieu la rende contemplative et croyante comme Thomas et docile à la parole du Maître, comme Pierre et ses compagnons, sur le lac du monde contemporain. C’est alors que le miracle de la pêche miraculeuse se reproduira au milieu de nous.

Sainte Catherine de Sienne, prie donc pour nous.

+   Godfried Card. Danneels

Archevêque de Malines-Bruxelles

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Lettre du Fr. Timothy Radcliffe OP, Maître de l'Ordre

Chers frères et soeurs,

Dans le vif des problèmes de l’Europe

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Au cours de la messe d’ouverture du deuxième Synode pour l’Europe, à ma grande surprise et pour ma très grande joie, le Pape a proclamé sainte Catherine de Sienne co-patronne de l’Europe, avec sainte Thérèse Bénédicte de la Croix et sainte Brigitte de Suède. A la prodigieuse épistolière que fut Catherine s’adressant à ses frères et soeurs, il convenait tout particulièrement de rendre hommage par une brève lettre à l’Ordre.

L’Europe de Catherine était, tout comme notre monde moderne, marquée par la violence, et un avenir incertain la papauté avait fui en Avignon, divisant l’Eglise et divisant les pays, villes et Ordres religieux, y compris le nôtre, les cités étaient décimées par la peste bubonique, dite peste noire; l’Eglise subissait un déclin de sa vitalité, une perte du sens de se raison d’être, et une crise de la vie religieuse.

Catherine refusa de se résigner à ces souffrances et ces divisions. Selon les mots du pape Jean-Paul II, elle entra “dans le vif des problèmes ecclésiastiques et sociaux de son époque”(1). Elle s’adressa aux dirigeants politiques et religieux, face à face ou par lettre, pour leur énoncer clairement leurs fautes et les rappeler à leur devoir de chrétiens. Elle n’hésita pas à dire au pape lui-même qu’il devait être courageux et rentrer à Rome. Elle allait dans les prisons, s’occupait des pauvres et des malades. Elle brûlait d’apporter à tous l’amour et la miséricorde de Dieu.

Pour la paix

Plus que tout, Catherine s’est battue pour la paix. Elle était convaincue que “ce n’est ni par le glaive ni par la guerre ni par la cruauté” que l’on peut faire le bien, mais “par la paix, les prières humbles et continuelles”(2). Et pourtant, jamais elle n’a sacrifié la vérité ou la justice à une paix facile ou bon marché. Elle rappela aux gouvernants de Bologne que rechercher la paix sans la justice est comme appliquer un onguent sur une blessure qu’il faudrait cautériser (3). Elle savait qu’être Pacificateur c’est suivre les pas du Christ, qui fit la paix entre Dieu et l’humanité. Aussi celui qui apporte la paix doit-il parfois affronter le même destin que le Christ, et pâtir d’un rejet. Le pacificateur est “un autre Christ crucifié”. Notre monde est aujourd’hui déchiré lui aussi par la violence. la violence ethnique et tribale en Afrique et dans les Balkans ; la menace de guerre nucléaire, la violence dans nos villes et nos familles: Catherine nous invite au courage d’être des faiseurs de paix, même si cela doit signifier que nous souffrions nous-mêmes persécutions et rejets.

Pour l’unité des chrétiens

La paix, pour Catherine, signifiait surtout la paix de l’ÉgIise, la guérison du Grand Schisme. On trouve là, réunis, son intense amour de l’Eglise, qui n’était autre pour elle “que le Christ en personne et son courage et se liberté. Elle a tant aimé l’Eglise qu’elle n’a pas hésité à dénoncer les erreurs du clergé et des évêques, leur convoitise de richesses et de pouvoir, et qu’elle a appelé l’Église à être le mystère du Christ dans le monde, humble servante de tous. Dans ses prières, elle a même osé dire à Dieu ce qu’il devait faire: 

Puisque tu sais, et tu peux, et tu veux,
je t’implore de faire miséricorde au monde,
et de ramener la chaleur de la charité,
avec la paix et l’unité, dans la sainte Eglise.
Je ne veux pas que tu tardes davantage (5).

Amour et audace

L’Église de notre temps souffre elle aussi de divisions provoquées par l’incompréhension, l’intolérance et une perte de “chaleur de la charité et de la paix’. Aujourd’hui on croit souvent qu’aimer l’Eglise implique silence et absence de critique. Il ne faut pas “faire tanguer le bateau”! Mais Catherine, elle, ne pouvait pas se taire. Elle écrivit à un grand prélat: “Ah, assez de silence ! criez avec cent mille langues. Je vois qu’à force de silence le monde est pourri. L’Epouse du Christ est blême, son teint est pâle depuis qu’on lui suce le sang du Christ”(6). Puisse sainte Catherine nous enseigner son amour profond pour le Corps du Christ, et la sagesse et le courage de dire la vérité ouvertement, avec des mots qui rassemblent au lieu de diviser, qui illuminent au lieu d’obscurcir, et qui guérissent au lieu de blesser.

 Amour et vérité

Les relations de Catherine avec ses amis, et en particulier ses frères et soeurs dominicains, étaient marquées par le même alliage d’amour et d’assurance (‘parrhesia’ e.g Actes 4, 31; 2Cor 7, 4). Elle considérait chaque ami comme un don de Dieu, à chérir tout particulièrement “d’une étroite affection “(7). Elle croyait que leur amitié mutuelle était une occasion “de s’éveiller l’un l’autre à la douce présence de Dieu”(8), et proclamait “la gloire et la louange du nom de Dieu“ .Mais cet amour ne l’empêchait pas de parier avec grande franchise à ses amis, et de dire exactement aises frères ce qu’ils devaient faire, y compris son bien-aimé Raymond de Capoue, qui devint Maître de l’Ordre l’année suivant la mort de Catherine. Il ne saurait y avoir d’amour sans vérité, ni de vérité sans amour. Voici comment elle parlait pour ses frères : 

Dieu éternel, je te prie
pour tous ceux que tu m’as donnés

à aimer d’un amour tout particulier
et avec une sollicitude toute particulière.
Que ta lumière les illumine.
Que toute imperfection leur soit ôtée,
afin qu’en vérité
ils travaillent dans ton jardin

où tu les as assignés (10). 

Hommes et femmes

Pour que la Famille dominicaine devienne, selon les mots de Catherine, “toute large, toute joyeuse, parfumée, un véritable jardin de délices”, nous devons apprendre à la fois ses qualités d’amitié mutuelle et de vérité. Notre amitié d’hommes et de femmes, de religieux et de laïcs, est un don immense pour l’Ordre et l’Eglise, mais il est souvent altéré par des blessures dont nous osons à peine parler. Si nous voulons travailler ensemble comme prêcheurs de l’Evangile, nous devons nous parler avec la même franchise et la même confiance réciproque que Catherine, afin que “en vérité, ils travaillent dans ton jardin”. 

Une passion pour tous

Catherine était une femme passionnée, aux grands désirs - l’union avec Dieu, la diffusion de l’Evangile, et le bien de la famille humaine tout entière. Le désir dilate nos coeurs. Elle disait à Dieu : “tu rends le coeur immense, sans étroitesse - si immense qu’il y a de la place pour tous dans sa charité d’amour” (12). Dieu dit à Catherine. “Je suis votre Dieu infini et je veux être servi avec ce que vous avez d’infini; or d’infini vous n’avez que l’amour et le désir de votre âme” (13).

La quête de notre identité

Comment nous épanouir en hommes et femmes touchés par la passion de Catherine pour Dieu ? Comment nous libérer de l’étroitesse de coeur, et ne pas nous contenter de petites satisfactions? C’est peut-être, comme ce fut le cas pour Catherine, par la découverte de la présence de Dieu au principe même de notre être et de notre identité. La passion de Dieu n’est pas un goût que l’on acquiert, comme l’amour du foot. La passion de Dieu est là, au coeur de l’être, attendant d’être découverte. Notre monde est marqué par une soif profonde d’identité. Pour bien des gens aujourd’hui la question urgente est : “Qui suis-je?”. C’était la question de Catherine, La soif contemporaine de connaissance de soi est souvent un souci narcissique, une concentration introvertie sur son propre bien-être et l’épanouissement personnel. Mais pour Catherine, quand on finit par se voir tel que l’on est, ce n’est pas pour isoler une petite pépite d’individualité. Dans ce que Catherine a appelé “la cellule de la connaissance de soi”, on se découvre créé par l’amour reçu. Elle s’est décrite comme “demeurant dans la cellule de la connaissance d’elle-même pour mieux connaître la bonté de Dieu”(14). Si j’ose faire ce voyage vers la connaissance de moi-même, je découvrirai combien je suis petit, imparfait, et fini, mais je verrai aussi que je suis inconditionnellement aimé et considéré. Dieu dit à Catherine : “N’est-ce pas ma providence qui a créé l’homme? C’est en regardant en moi-même que je me suis épris de moi créature”(15).

Une connaissance de soi libératrice

Aussi Catherine offre-t-elle une réponse libératrice à la question contemporaine d’une identité. Cette réponse nous emmène bien loin d’une fausse identité fondée sur le statut social au la richesse au le pouvoir. Car au coeur de notre être se trouve le Dieu dont l’amour nous soutient dans notre existence. C’est le lieu de la prière contemplative, où l’on rencontre le Dieu qui se réjouit d’aimer et de pardonner, et dont nous goûtons la bonté même. C’est là que nous découvrons le secret de la paix de Catherine et de son dynamisme, de sa confiance et de son humilité. C’est ce qui a fait de cette jeune femme si peu instruite, un grand prêcheur. C’est ce qui lui a donné la liberté de parler et d’écouter. C’est ce qui lui a donné le courage de se plonger dans les grandes questions de son époque et de les affronter. Avec l’aide de ses prières nous pouvons faire de même.

 Votre frère en saint Dominique,

Fr. Timothy Radcliffe OP, Maître de l’Ordre

Notes : 1 Lettre apostolique en forme de Motu proprio, Spes aedificandi, 1er octobre  1999, n°6, Typographie vaticane. 2 D15. 3 L268. 4 L171. 5 O24. 6 L16. 7 D41. 8 L292. 9L226. 10 O21. 11 D158.12 O21.13  D92. 14 D1. 15 D135.

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LES DEBUTS DU CULTE DE STE CATHERINE EN POLOGNE

 

Dès son vivant

Les premiers contacts de la future sainte avec la Pologne ont certainement été pris de son vivant. En 1375, Catherine écrit à la reine Elisabeth de Hongrie, fille du roi Wladyslaw Lokietek (env. 1260-1333) de Pologne. Par elle, Catherine voulait gagner son fils Ludovic, roi de Hongrie, à la cause de la croisade en Terre Sainte.

Des information à propos de Catherine ont été apportées en Pologne par Raymond de Capoue, confesseur de Catherine et futur prieur des dominicains. Celui-ci était en contact avec la reine Edwige (1374-1399) que Jean-Paul Il éleva aux honneurs des autels en 1997. La réputation de sainteté était peut-être à l’origine de ces contacts. Peut-être la reine chercha-t-elle auprès de la mystique des réponses aux questions qui la tourmentaient concernant le juste rapport entre la vie active et la (vita activa / vita contemplativa). 

Plus tard 

Au XVe siècle, plusieurs “Vie de Catherine de Sienne” circulaient certainement en Pologne. Mais c’est surtout durant la deuxième moitié du XVIe siècle que la vie de Catherine y devint mieux connue et plus populaire, quand le fameux chroniqueur et prédicateur jésuite Piotr Skarga l’introduisit dans sa “Vie des saints “. Cet ouvrage, plusieurs fois réédité, jouissait d’une grande popularité. Nous pouvons donc supposer que la vie de Catherine était alors bien connue par les fidèles polonais. 

En 1609, parut à Cracovie une traduction abrégée, mais assez importante de l’oeuvre de Raymond de Capoue  concernant la vie et l’activité de Catherine de Sienne. En 1663, Anna Teresa z Parnusow Piotrkowczykowa chanta en vers dans un poème consacré à la vie de Catherine. 

Entre le XVle et le XVIlIe siècles, plusieurs bibliothèques polonaises contenaient des œuvres de la saine siennoise. Le “Dialogus de divina doctrina” faisait partie de la bibliothèque privée de Krzysztof Labetowski (+ 1614), dominicain de Poznan, ainsi que de celle de l’évêque de Wloclawek Hieronim Rozrazewski (1546-1600). Il était lu par les dominicains de Lwow (1776) et de Varsovie au XVllle siècle, ainsi que par les franciscains d’Inowroclaw (1669-1702). Les écrits mystiques de sainte Catherine ont paru pour la première fois en Pologne à la fin du XVIIe siècle. Dans son anthologie de divers auteurs, le dominicain Ferdinand Ohm Januszewski cite également le “Dialogus S. Catharinae de acquirenda vera perfectione”. 

C’est sans doute parmi les dominicaines polonaises que S. Catherine était le plus populaire. Les nombreuses églises et chapelles qui lui sont dédiées en témoignent. 

Il est certain que la sainte mystique était patronne de l’église dominicaine de Krasnybôr en Lituanie. Une des plus belles chapelles vouées à la sainte se trouvait à l’église de la Sainte-Trinité à Cracovie. Elle avait été construite par des artistes italiens dans les années 1629-1633. C’est dans cette église que se trouvait probablement le plus ancien tableau représentant différentes scènes de la vie de sainte Catherine. Ce triptyque, aujourd’hui disparu, datait de la seconde moitié du XVe siècle. La scène des noces mystiques de Catherine est représentée sur un tableau de la fin du XVle siècle, à I’église de Janislawice.

Remarquez que le roi polonais Zygmunt III Waza a peint lui-même, en 1603, un taleau représentant sainte Catherine. Cet événement a été constaté et décrit par le nonce apostolique Claude Rangoni dans ses « Rapports » sur la Pologne.

Le culte de Catherine est encore certifié par les reliques de la Sainte conservées soigneusement en quelques endroits. Depuis 1728, des fragments du corps de Catherine se trouvent dans le monastère bernardin à Skepe. Dans l’église dominicaine Saint-Nicolas à Torun aussi, des reliques de la Saine ont été vénérées.

Dr Waldemar Rozynkowski, Université Mikolaja Koernika, Instytut Historii Archiwistyki, Pl- 87-100 Torun, Pologne

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Art et Action de Grâce, un appel !

Pour commémorer la proclamation de S. Catherine co-patronne de l'Europe, l'archevêque de Sienne et l'Asociation des Caterinati de Sienne ont décidé de réaliser une statue de S. Catherine qui sera placée dans une niche externe de la Basilique S. Pierre à Rome, sur la façade latérale, devant les lieux où se tiennent les conclaves lors des élections des papes. par ce geste, ils veulent laisser un signe et un témoignage permanent du grand amour que Catherine avait envers l'Eglise et de la manière dont elle se dépensa pour le pape de son temps. Cette satue, haute de 5m, en un seul bloc de marbre de Carrare, sera réalisée par lesculpteur français Eric Aman, dont le projet fut sélectionné parmi 14 autres par la Commission d'art sacré à Sienne et agréée par la Fabrique de Saint-Pierre. Elle sera inaugurée le 28 octobre au cours du pèlerinage que feront le Diocèse de Sienne et l'Association internationale des Caterinati, dans le cadre du Jubilé de l'an 2000. Un appel est fait à tous ceux et celles qui veulent s'associer personnellement à ce geste par un don au Compte N°96768. 52 de la Banque Monte dei Paschi di Siena à l'Archivescovo pro temporer di Siena avec la mention : Statua S. Caterina.

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