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LA VOIX DE SAINTE CATHERINE DE SIENNE.

N° 131 ; Sept/Oct 04

 

Sommaire : Edito 3 ; Lorsque le coeur est bas et petit..... Lettre de Ste Catherine 4 ; Cesser de prier... Sermon africain du Ve S. 6 ; Tenté d'abandonner la prière ? Lettres de Ste Catherine 7 ; Ponts contemporains et "pont de Miséricorde" 8 ; La prière d'intercession chez Dominique et Catherine 11 ; ce que nous dit Catherine Témoignages 12 ; Catherine dans La Croix et autres infos 14 ; Catherine sur les planches 16.

 

 

 

 

 

 

Editorial

Septembre 2004
Chers amis,

En août, nous avons tous pu participer, sur place ou via les médias, à la célébration de l'Assomption à Lourdes. L'arrivée du Pape en pèlerin devant la grotte a été largement médiatisée, ainsi que les spéculations sur "le terme de son pèlerinage". Mais pour nous, l'effondrement du successeur de Pierre sur son prie-Dieu, son épuisement et ses larmes, nous rappellent l'état d'âme et de corps dans lequel Ste Catherine se rendait en pèlerinage à la tombe de Pierre. Là aussi, elle s'effondra, sentant le poids de l'Eglise sur ses épaules.
Jean-Paul II vint prier la Mère de Dieu, le coeur chargé de toutes ses intentions, en particulier le problème des vocations et celui de la paix dans le monde. Porter davantage ensemble l'Eglise (et son service de la paix) par la prière, la conversion du coeur, le partage des biens et la justice, l'amour au quotidien... reste le meilleur moyen de la soutenir ainsi que ceux qui en portent davantage la charge, à Rome et chez nous.
Les fresques médiévales nous montrant St François ou St Dominique soutenant l'Eglise, ou l'expérience mystique de Ste Catherine recevant la barque de Pierre sur les épaules ne nous renvoient pas à l'imaginaire païen d'un dieu musclé, comme Hercule ou Atlas portant le monde sur son dos, mais à la fragilité humaine habitée par la grâce, à Dieu qui a vécu notre fragilité. C'est unique dans l'histoire des religions!

En octobre, c'est le mois du Rosaire. Une autre iconographie, souvent baroque ou 19ème, nous a habitués à voir Jésus et Marie confiant le chapelet à st Dominique et à Ste Catherine. Dans le précédent numéro, nous évoquions une de ces représentations/connue sous le titre de "La Madonna di Pompei". Cette reproduction se trouve souvent dans les missions italiennes, comme à Liège. Mais d'où vient la popularité de cette image? La curiosité nous a tournés vers Pompéi où nous avons découvert le rayonnement d'un avocat, Bartolo Longo (t 5 octobre 1926), originaire des Pouilles, venu à Naples pour y faire des études de droit. Le climat de déchristianisation du campus universitaire, l'influence de Renan, le doute sur la divinité du Christ, et surtout l'engagement dans le spiritisme en firent un naufragé.
A 24 ans, l'étudiant se convertit en l'église S. Domenico à Naples et se confessa au P. Alberto Radente, op. Cheminant auprès de ce père spirituel, il fit sa première communion et fut pris d'un désir d'évangéliser. Des circonstances l'amenèrent à s'investir dans la campagne déchristianisée de Valle di Pompei. Après une tempête spirituelle, un doute sur le pardon reçu, il se sentit appelé à réciter le rosaire pour son salut.

En 1875, une mission populaire fut organisée par trois prêtres. La ferveur accompagna la récitation du rosaire. Pour la soutenir, il fallait une image. Celle de La Vierge du rosaire était tout indiquée. Le P. Radente en possédait une, cachée dans un grenier en raison du vent anticlérical. Ce tableau était "une croûte", mais il fallut faire vite pour la mission. On le fit venir de Naples sur une charrette à fumier, qui rappelait l'étable de Bethléem, et on en atténua la facture grossière. La ferveur populaire fit naître chez l'évêque l'idée de construire un sanctuaire. Le tableau fut complètement retouché et le portrait de Ste Rose de Lima fut changé, à la demande de l'avocat, en celui de Ste Catherine qu'il vénérait. Un prodigieux ensemble d'oeuvres de charité fleurit autour de l'Eglise, devenue aujourd'hui "Sanctuaire pontifical de Pompéi". Le procès de béatification de B. Longo est en cours (Son exemple est cité dans le document du Pape sur le 'nouveau' Rosaire) et le rayonnement de l'oeuvre de Dieu à travers tout cela ne cesse de gagner le monde...
Ch. van der Plancke

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14 septembre : Fête de la Croix glorieuse
 

Lorsque le coeur est bas et petit


 

Monte Oliveto Maggiore. Berceau des Olivétains.
 

L'Abbaye de Monte Oliveto se trouve dans une superbe région de roches argileuses au Sud-Est de Sienne, en marge de la route de Rome. Elle fut fondée en 1319 par Bernardo Tolomei, qui s'était retiré dans cette zone aride depuis 1313, avec deux compagnons. Le bienheureux y mourut en 1348, avec quatre-vingt religieux, au service des pestiférés (Catherine avait alors un an). Ce petit monastère était une "communauté nouvelle", comme on dirait aujourd'hui. Les "nouveaux bénédictins" s'y distinguaient des anciens par leur habit blanc et par un souffle rénovateur.

Le temps des fondateurs étant révolu, le relâchement est toujours menaçant. Difficile d'assurer à la tête d'un groupe un pasteur qui ait le même charisme de sainteté ou au moins le feu sacré des origines! Il nous reste trois lettres de Catherine à ces moines:
- une à l'Abbé général de l'Ordre, pour l'inciter à la charité parfaite, qui ne cherche pas ses intérêts, supporte les défauts des créatures, est compatissante, pacifique et sans colère, cherche les choses justes et non les injustes (Téqui pp.746-750);
- une au Prieur de la communauté, pour qu'il soit courageux pasteur, qui paisse et gouverne ses brebis avec un zèle parfait en imitant le Maître qui a donné sa vie pour nous, ses brebis égarées (pp. 750-752); - une à trois frères - Nicolas, Jean et Nicolas-Jacques - pour les inviter à imiter l'humilité du Christ "autrement vous ne persévéreriez pas dans votre vocation, et le moindre choc vous renverserait à terre." Cette lettre dit aussi pourquoi le Christ voulut que son côté fût ouvert après sa mort (pp.753-758).

C'est dans les encouragements au Prieur que nous empruntons l'exhortation suivante.

Un remède à notre infirmité

"Il est vrai, mon très doux Frère..., que nous ne pouvons faire cela (être courageux pasteur) sans Dieu et que nous ne pouvons posséder Dieu en restant sur la terre. Mais voici un doux remède : lorsque le coeur est bas et petit, il faut faire comme Zachée, qui n'était pas grand, et qui monta sur un arbre pour voir Dieu. Son zèle lui mérita d'entendre cette douce parole : "Zachée va dans ta maison, car aujourd'hui j'ai besoin de manger chez toi." Nous devons faire ainsi lorsque nous avons le coeur étroit et peu de charité.
Il faut monter sur l'arbre de la très sainte Croix, et là nous verrons, nous toucherons Dieu; là nous trouverons le feu de son ineffable charité, l'amour qui l'a fait courir jusqu'aux opprobres de la Croix, qui l'a exalté et lui a fait désirer, avec l'ardeur de la faim et de la soif, l'honneur de son Père et notre salut..."

Rien de plus attractif que l'amour

"Oui, voilà notre doux et bon pasteur qui a sacrifié sa vie avec tant d'amour, sans considérer ses peines, notre ignorance, notre ingratitude...
Il était transporté d'amour...
Si nous le voulons, si notre négligence n'y met pas d'obstacle, nous pourrons, en montant sur l'arbre de la Croix, accomplir en nous cette parole sortie de la bouche de la Vérité :


'Quand je serai levé en haut, j'attirerai tout à moi.'

En effet, lorsque l'âme s'élève ainsi,
elle voit les bienfaits de la bonté et de la puissance du Père, qui a donné au sang du Fils de Dieu la vertu de laver nos iniquités.
Là elle voit l'obéissance de Jésus crucifié qui ... a obéi avec un si ardent désir que la peine de ce désir était plus grande que celle du corps.
Là elle voit ... l'abondance de l'Esprit Saint, c'est-à-dire cet amour ineffable qui le tient attaché sur le bois de la très sainte Croix. Les clous et les liens ne pouvaient l'y retenir : il n'y avait que la charité !
Il faudrait un coeur dur comme le diamant pour n'être pas attendu par un si grand amour.

Dès que le coeur est blessé de cette flèche, il monte de toutes ses forces... (et) l'âme, pour laquelle Dieu a fait toute chose, se dépouille de ses imperfections.

Si vous me dites: 'Je ne puis monter, la Croix est trop haute', je vous répondrai qu'il y a trois degrés sur le corps de Jésus Christ : - élevez votre affection aux pieds du Fils de Dieu; - montez à son coeur, qui est ouvert et consumé pour vous; - vous arriverez à la paix de sa bouche...

Ainsi, vous serez un vrai pasteur et vous donnerez votre vie pour votre troupeau... Je vous envoie deux autres brebis... qui vous donneront beaucoup de joie et de consolation... Fortifiez-vous mutuellement, en vous liant par le lien de la charité.
 

 Montez sur cet arbre très saint,
Lettre t, enluminure où sont les fruits mûrs de toutes les vertus
du lectionnaire de que porte le corps du Fils de Dieu.
. Courez avec ardeur..."
Lettre CXIX (73)

Cesser de prier, c'est donner des forces à l'Ennemi
(Ex 17, 8-15)

Sermon africain du Ve siècle

Moïse se tenait sur la montagne : c'est par la prière qu'il combattait, non avec des armes. Debout, les mains levées vers le ciel, priant avec ferveur, il demandait le secours d'en haut, plutôt que de la terre. Sans être présent, il luttait contre les ennemis; sans porter de coups, il combattait les forces adverses (...). Il prie dans la solitude, pour que soit sauvée la multitude. Debout sur la montagne, Moïse était tout près du ciel (...).

Tant que Moïse prie, c'est la victoire; lorsqu'il s'arrête, ce sont les revers... Ainsi le retournement de la situation des deux peuples nous montre la puissance de la prière... A-t-on vu des justes combattre sans prier? Qui d'entre eux, sans prier a pu jamais vaincre l'ennemi? Par la prière, Daniel a dévoilé les visions, éteint les flammes, neutralisé les bêtes féroces, abattu les ennemis, vaincu les adversaires (...).

Moïse prie, c'est la victoire; il cesse de prier, ce sont les revers. Le chrétien apprend ce qu'il a à faire, il comprend ce qu'il doit fuir (...). II combat pour lui-même et contre le diable. Qui pourra se justifier, s'il cesse de prier, par manque de volonté, de vaincre l'ennemi? De plus en Moïse, c'était le corps qui fléchissait, aucunement la volonté (...).

Il ressort de tout cela que cesser de prier, c'est donner force à l'Ennemi; ne pas prier du tout, c'est se soumettre au pouvoir adverse, et par conséquent, haïr son propre intérêt et favoriser celui de son adversaire. On devient son propre ennemi en ne voulant pas supplier continuellement pour être protégé de l'Ennemi du genre humain. Tant que tu pries, l'Ennemi est abaissé; quand tu t'arrêtes, il se redresse (...). C'est toi-même qui dresses contre toi l'Ennemi, lorsque tu le laisses approcher de toi en ne priant pas. Prière incessante, Ennemi sans puissance!

Sr Isabelle, Lire la Bible avec les Pères, Mediaspaul / Ed. Paulines.

 


A un chartreux tenté d'abandonner la prière


"L'ennemi entre alors;
il occupe les faubourgs de l'âme
et s'empare de bientôt toute la ville et du château fort de la volonté.
Il arrive à l'âme comme au peuple de Dieu, qui triomphait quand Moïse priait,
et qui perdait la victoire
quand ses mains suppliantes s'abaissaient.

Quel est le peuple qui occupe la cité de votre âme?
Ce sont les vraies et solides vertus, Ces vertus triomphent des vices, lorsque la raison, qui est notre Moïse, se tient sur la montagne de la charité divine et de la connaissance de soi-même pour lever au ciel les bras de la prière.

Que doit faire celui qu'affaiblit l'amour-propre pour remédier à sa faiblesse?
Il doit, comme Moïse, soutenir ses bras par deux soutiens,
par la haine de soi-même et la sainte crainte de Dieu d'un côté,
et de l'autre, par l'amour et l'humilité, sa nourrice.
Appuyée sur ces deux forces, l'âme lèvera les yeux au ciel, à la lumière de la très sainte foi.

Et alors le peuple de Dieu, le zèle de la vertu, terrassera l'amour-propre, l'ennemi principal, et tous les autres qui viennent à sa suite. Toute imperfection sera déracinée de l'âme et le démon ne pourra atteindre le but qu'il s'était proposé par toutes ses insinuations perfides."
 

Catherine A Dom Pierre de Milan, chartreux
(L 315 en italien. Ed. Téqui, pp. 675 -685).

Comment bénir Dieu dans les tentations et déjouer les ruses du démon. Celui-ci nous tente de trois manières :

1. En nous faisant abandonner la prière,
sous prétexte que nous n'y trouvons plus de consolation.
2. En nous faisant abandonner l'amour du prochain, sous prétexte que le secours qu'on lui porte nous fait perdre ie calme pour la prière.
3. En nous faisant abandonner l'obéissance, sous prétexte qu'on est plus éclairé que son supérieur.
 


"Le pont est solide, le miracle était attendu"

 

Ainsi s'achève la présentation du très médiatique Pont Trikoupis, le plus grand pont à haubans du monde, qui enjambe le détroit du Péloponèse et enchante la Grèce. Trikoupis est le nom du premier ministre grec qui en eut la `vision' en 1880 : un rêve plus que centenaire, tenu pour impossible, aujourd'hui réalisé et inauguré le 8 août à la face du monde : feu d'artifice sur toute la longueur (2,2 km), qui surpasse notamment le fameux Golden Gate à San Francisco (1,9 km), passage de la flamme olympique...

Les chiffres de la construction donnent le tournis. La structure en béton (230 m de haut, dont 60 sous eau) est conçue pour tenir sur des fonds marins peu stables, résister à l'activité sismique, à des vents de 250 km/h et aux chocs d'un pétrolier de 180 000 t (1).
Véritable "travail d'Hercule", ce pont, champion du monde, réunit deux berges séparées
depuis un million d'années par l'activité sismique.


 

Le pont Rion-Antirion vu depuis Antirion

photo Encyclopédie libre et gratuite Wikipédia

Stari Most, le nouveau vieux pont

Un autre bel ouvrage, le nouveau "vieux pont", le "Stari Most" qui donna son nom à la ville de Mostar, fut inauguré dans la joie, le 23 juillet. Cette gracieuse arche, couleur d'ivoire, enjambant les eaux émeraude de la Neretva, fut construite en 1566 par le plus talentueux architecte ottoman, Hajrudin. Elle fut détruite en 1993 par des extrémistes croates de Bosnie, rêvant d'une Grande Croatie en passant par un "nettoyage ethnique" de la région. La ville multiculturelle fut déchirée : Croates à l'Ouest, Musulmans à l'Est. Le pont fut bombardé. "Le voir s'écrouler, c'était incompréhensible... ça faisait très mal"se souvient un habitant. "Pour nous, le pont est le membre le plus important de la famille, comme un grand-père. D'ailleurs, dans notre langue, on parle de lui comme d'un homme, pas comme d'une chose" (2).

En raison de sa portée symbolique, l'ouvrage d'art fut reconstruit à l'identique, avec des matériaux d'époque et des techniques perdues. La reconstitution de la flexibilité de l'arche suscita bien des débats dans la communauté scientifique. "La légende dit que le Sultan avait menacé d'exécution l'architecte du pont historique, si l'ouvrage s'effondrait une fois les échafaudages en bois enlevés... Nous avons eu un peu la même impression pour cette reconstruction. Le pont est plus qu'un simple objet architectural. Il a une signification politique et symbolique et nous nous sentions une immense responsabilité", confie une des concepteurs du design (3).

Ce symbole de la réconciliation entre les deux côtés de Mostar fut salué avec grande joie par la population locale et par la communauté internationale. est dommage de ne pas avoir impliqué davantage les gens de Mostar et de Bosnie pour faire de la reconstruction un vrai projet de réconciliation et non pas un greffon avec une majorité d'acteurs étrangers", regrette un architecte français qui a accompagné le projet.
Le pont de pierre, c'est un début. Reste à continuer à renouer le tissu de la cohabitation et à accélerer l'unification sociale de la ville, à l'ombre du minaret et du clocher.

Le vieux Pont de Mostar, Stari Most. (Unesco)

Le pont de la miséricorde

L'émotion d'assister à la naissance et la renaissance d'un pont nous permet de mieux mesurer la portée symbolique et mystique du pont qui, dans le Dialogue entre le Père et Catherine constitue la nièce architecturale essentielle. Au ch. XXVi , le Père explique la prouesse d'ingenering qui est la sienne. Non pour qu'on contemple l'oeuvre en elle-même, mais "afin de remplir d'amour et d'aiguillonner davantage encore cette âme pour le salut du prochain..." Non pour que Catherine puisse trouver le salut de son âme seulement, mais surtout le nôtre.

Pont Saint-Ange. Photo Insecula.

 

"Je vais te dire comment ce pont est construit.
Je t'ai dit qu'il remplissait l'espace depuis le ciel jusqu'à la terre
en vertu de l'union que j'ai consommée dans l'homme fait du limon de la terre.
Ce pont, qui est mon fils, a trois marches,
dont deux sont taillées sur le bois de la très sainte croix..." (Seuil p. 99-100).
(On les gravit par la mémoire, l' intelligence et la volonté, grâce au Crucifié "élevé de terre" dont l'amour nous attire).

Question de "résistance des matériaux"...
"Ce pont est bâti avec des pierres maçonnées
afin que la pluie n'empêche pas l'homme de passer.
Sais-tu ce que sont ces pierres question
Les véritables et agissantes vertus.
Ces pierres n'étaient point maçonnées
avant la passion de mon fils,
aussi nul ne pouvait parvenir à son but,
même s'il empruntait le chemin de la vertu.
(Depuis la dérive de l'humanité,
impossible d'atteindre par nous-mêmes l'autre rive.
Tous nos efforts tombent à l'eau.
Le Christ les consolide en les fondant sur le pont de son amour.)
"Maintenant que ces pierres sont taillées et posées sur le corps du verbe,
mon doux fils lui-même les ajuste, pétrit la chaux, et les maçonne avec son propre sang...
Par ma puissance, les pierres des vertus sont maçonnées sur lui-même car il n'est pas une vertu qui ne soit éprouvée en lui, et c'est de lui que toutes reçoivent vie..."

Une arche de grâce :
"C'est lui qui a mûri les vertus...
les a maçonnées avec son sans pour que tout fidèle puisse avancer sans encombre...
abrité par ma miséricorde.
Cette miséricorde descendit du ciel lors de l'incarnation.
Avec quoi le ciel fut-il ouvert ? Avec la clé du sang (versé).
Tu vois donc que ce pont est maçonné
et qu'il est abrité par ma miséricorde.
Sur ce pont, il y a également le refuge
et le jardin de la sainte Eglise.
Là... on distribue le pain et le sang,
pour que mes créatures, qui passent en voyageurs,
ne succombent point au cours de la vie"
(ch XXVII, Seuil p. 103) .
 

Pont d'Avignon


La prière d'intercession  chez S. Dominique et S. Catherine

Dans ses nuits de prière, Dominique ne se contente pas de ressasser les rencontres qu'il a faites durant le jour. Il contemple le visage du Christ, le Crucifié.(...) Les Vies des Frères (Vitae Fratrum) font souvent allusion au Crucifié peint sur les murs de chaque cellule; Jourdain lui-même, dans les lettres qu'il adresse à Diane, parle du Crucifié comme d'un livre: le livre de vie (Lettre XV) dans lequel on apprend la loi de l'amour. Livre de l'art d'aimer, disent les vies des Frères, la croix ou mieux le Crucifié, sont peut-être en arrière-fond de cette réponse de Dominique à l'étudiant lui demandant où il puisait tant de belles choses dans sa prédication : dans le livre de la charité.

 Dominique en prière contemple donc le Sauveur, et c'est au creux même de cette contemplation qui vise, dans l'Esprit, à l'union des coeurs ou des sentiments que jaillit cette intercession universelle. Là où d'autres spirituels découvrent le silence et la nuit - ou la lumière -, Dominique découvre l'humanité. Ce n'est pas une question de degré, mais de grâce. Ce don, parce qu'il vient de Dieu, du Christ, n'exclut aucun homme, pas même les damnés de l'enfer.

Une coutume, sinon une tradition de l'Eglise ancienne, excluait en effet de la prière chrétienne toute une catégorie d'hommes et de femmes; ici, rien de tel; au contraire, une intercession universelle qui n'oublie aucun de ceux pour lesquels le Christ a désiré le salut. H ne s'agit pas d'une formule rhétorique, mais d'une conviction née de la foi et de la communion au Christ.
Dominique s'inscrit dans une lignée de spirituels parmi lesquels on peut compter Polycarpe, Macaire le grand, Isaac le Syrien, saint Martin (...), les spirituels russes des deux derniers siècles comme Silouane de l'Athos pour lesquels l'intercession née de la communion avec le Christ ne saurait rejeter personne, même celui qui, apparemment, à vues humaines, paraît le plus irrémédiablement perdu.

N'est-ce pas une intuition semblable que l'on va trouver chez Catherine de Sienne, lorsqu'elle fait dire au Père : "Je veux faire miséricorde au monde"? "Ceux-là qui ont été jugés dignes de devenir enfants de Dieu et de naître de l'Esprit Saint, il leur arrive de pleurer et de s'affliger pour tout le genre humain. Ils prient pour l'humanité tout entière en versant des larmes, embrasés qu'ils sont d'amour spirituel pour toute l'humanité; puis de nouveau, l'Esprit produit une telle allégresse et un tel élan de charité en eux qu'ils voudraient, si c'était possible, enfermer dans leur coeur tous les hommes sans distinguer les méchants et les bons" (Macaire, Hom. 18).

Les remarques de Jourdain vont plus loin encore que le témoignage de Guillaume Peyre : quand ce dernier évoque le cri en faveur des pécheurs, qu'il a peut-être entendu, Jourdain parle, lui, d'une demande de Dominique en vue d'obtenir, lui-même, une charité véritable et efficace en leur faveur. Il n'est pas question en effet de rappeler à Dieu des pécheurs qu'il aurait oubliés. On le prie de répandre en nos coeurs l'amour qu'il a pour eux. Et cette prière se traduit, doit se traduire, en amour concret. Autrement, elle n'est pas finie
Jean-René Bouchet, Saint Dominique, Cerf, 1988, pp. 21-23.
 


Ce que nous dit Catherine...

Le petit groupe Catherine de Sienne, de la paroisse N. -D. du Sacré-Coeur à Etterbeek (Bruxelles), poursuit sa vitesse de croisière. Depuis son pèlerinage `initiatique' à Sienne ... en avril 1996 (.i), le type de participants a varié suivant les circonstances de la vie, les déménagements, les états de santé, les passages de nouveaux, venus d'autres pays ou continents dans la paroisse.
Après avoir longtemps travaillé les Lettres de Catherine et des passages du Dialogue en rapport avec le temps liturgique et les événements de la vie, nous poursuivons une lecture parallèle de StSilouane de l'Athos, question de rejoindre les mêmes problèmes de  fond à la lumière de l'Orient chrétien et de respirer ainsi des deux poumons de l'Eglise. (Vous avez remarqué le parallèle avec Silouane dans l'article ci-avant?).
Mais avant de prendre ce tournant, nous avions fait le point sur le chemin parcouru. Voici trois brefs témoignages.

 

"Catherine, 'Docteur de !'Eglise' ! J'imaginais tout d'abord quelqu'un d'un peu sec... Et puis, il y a eu le pèlerinage paroissial à Sienne. Ce fut le début d'un cheminement qui s'est approfondi. Il fallait un suivi pour l'approfondir, car la vie emporte souvent toutes les semences dans un coup de vent, à cause du manque de temps. Ces réunions mensuelles marquent donc un temps d'approfondissement.

Catherine a eu un coup de foudre pour le Christ. Comme une amoureuse, elle parle de son amoureux. Et cela a 'un effet boomerang' ! L'essentiel de sa vie est basé sur cet amour et cela me recentre.Elle revient sans cesse à l'essentiel et elle rayonne de la joie d'un amoureuse. Elle est donc loin d'une femme doctrinaire et sèche qui n'inspire qu'un cafard noir. C'est une amoureuse et j'aimerais beaucoup avoir le coup de foudre comme elle...

Depuis des années, nous vivons dans un climat permanent de critique de l'Eglise et, quand on est engagé, c'est encore plus frappant. Par son amour inconditionnel de l'Eglise, en son temps si difficile, Catherine m'a recentré sur l'essentiel. Pour elle, !'Eglise est l'Epouse du Christ. C'est précisément pour cela qu'elle souffre tant du fait que l'Eglise se porte et se comporte si mal. Oui, l'amour du corps du Christ... Je lui dois beaucoup!

J'aime aussi son langage imagé : le feu du désir, les mouches (les tentations), l'océan sans fond (l'immensité de l'amour de Dieu), la lumière et la chaleur qui chassent l'humidité de l'amour-propre, les fleurs odoriférantes que sont (ou que devraient être) les saints ministres, l'aigle qui regarde le soleil en face, qui plonge sur sa proie, l'élève de terre...

Ce qui frappe aussi chez elle, c'est son souci constant de sauver les âmes des autres. C'est la volonté de Dieu, dit-elle, et cela devient son "Je veux"..

Catherine porte sur le Christ en croix un regard qui a tout à fait changé ma vision du Vendredi saint. L'image du pont est vraiment très forte ..."
Frédéric Harou
 


"Sainte Catherine m'interpelle parce que toute sa vie est centrée sur l'essentiel: Dieu et la personne du Christ. Elle met en lumière que seule est important l'amour de Dieu pour moi et l'attente par Dieu de ma réponse à cet amour. Mais le monde actuel me présente tant de "miroirs aux alouettes" qui me détournent sans cesse de l'essentiel, de cet abandon filial en Dieu!

Son amour de l'Eglise, sans doute aussi grand que son amour envers la personne du Christ, m'impressionne et me réconforte en ces temps où elle est souvent décriée, et me rappelle que malgré l'imperfection de ses membres, elle me donne le Christ par les sacrements et la Parole.

Enfin ce qui me frappe chez Sainte Catherine de Sienne, c'est son souci constant du salut des âmes. Qui s'en préoccupe aujourd'hui, où seules comptent la santé et la beauté du corps ? Catherine, elle, pense à la sainteté de l'âme et s'inquiète tant que l'enfant prodigue ne retourne pas vers son Père."

Louise Harou

"Ce qui me touche chez Catherine, ce sont ces comportements si profonds exprimés en images : habiter sa cellule intérieure au milieu d'une foule, avoir l'humilité de prendre le pont (passer par le Christ) et ne pas se jetter dans le fleuve (se débrouiller seul) dans l'illusion qu'on va pouvoir rejoindre l'autre rive par nous-mêmes; voir l'interaction entre les facultés de l'âme - mémoire, intelligence et volonté - à l'image de cette unité entre le Père, le Fils et l'Esprit Saint qui les habitent.

L'amour que Catherine avait pour l'Eglise est étonnant. Cela me met en paix de connaître cet aspect si important de sa vie et de faire mien son regard, notamment sur le Pape. Beaucoup ne comprennent pas... Elle m'a communiqué cette passion, elle m'a passé ce feu pour l'Eglise.

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas Catherine pour Catherine. C'est Catherine pour le Christ-pont. C'est la façon dont elle a vécu sa relation au Christ qui me touche en elle. C'est aussi son lien avec la famille dominicaine, notamment par Raymond de Capoue, qui est tout de même devenu Maître de l'ordre. Très jeune, Catherine s'est tout entière consacrée au Christ et à l'annonce de la Bonne Nouvelle. Elle est ma patronne comme laïque dans le monde: cela me fortifie dans ma vocation de laïque dominicaine. Je prie beaucoup Catherine. Surtout pour des personnes qui ont quitté l'Eglise et pour que leurs enfants qui ne connaissent rien de la foi puissent un jour en découvrir la beauté, et qu'une conversion puisse se faire...

Catherine et Tuldo ! Les condamnations à mort, cela continue un peu partout dans le monde. Lorsqu'on a annoncé l'exécution prochaine d'une femme aux Etats-Unis, qui demandait simplement à pouvoir continuer à vivre dans la prison pour pouvoir bonifier sa vie, j'ai dit le chapelet en union avec Catherine, pour que Dieu accueille cette personne dans sa miséricorde. Cela m'a aussi apaisée de voir qu'elle était accompagnée par un pasteur protestant. Je prie pour que les condamnés à mort puissent trouver sur leur chemin de croix un homme ou une femme de Dieu pour les aider à s'approcher de Lui.

Ce qui me frappe encore chez Catherine, c'est son humilité et son universalité : sa façon d'être avec les grands et les petits..."
Chantal Janssens
 

Cet été, le quotidien La Croix (Bayard Presse, Paris) a publié durant le mois d'août, cinq fois six colonnes en pleines pages (dont la première du cahier intérieur est en couleurs) sur

"Les saints patrons de l'Europe"

1/5 St Benoît
2/5 Sts Cyrille et Méthode
3/5 Ste Brigitte de Suède
4/5 Ste Catherine de Sienne
5/5 Ste Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein)
 

Au Couvent des Dominicains de Lille, "La Famille dominicaine" propose : Trois figures du laïcat dominicain
par 3 laïques dominicaines, le samedi de 14h à 16h30

- Giorgio La Pira, par Chantal Soligny,op, le 4 décembre 2004;
- Catherine de Sienne, par Catherine Masson, op, le 29 janvier 2005;
- Pier Giorgio Frassati, par Monique Guyot,op,
le 5 mars 2005.

Couvent des Dominicains
7 avenue Salomon, F - 59800 Lille.
Tél: 03 20 14 96 96 - Fax : 03 20 12 05 32.
Couventdesdominicains@yahoo..fr

http://www.dominicains.info

Sanctuaire Catherine de Sienne à Astenet
Belgique germanophone
Visitez le site www.caterinavonsiena.be

réalisé par Gregory Wintgens (19 ans).
Infos, reportages photos, livre des visiteurs...
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Ste Catherine sur les planches

Ce n'est pas la première fois que Ste Catherine monte sur scène, portée par une voix contemporaine. En avril 1990, nous avons eu la joie de recevoir Catherine Salviat, sociétaire de la Comédie française à Paris. En un "petit spectacle", elle lut en l'Eglise St-Servais à Liège des textes de S. Catherine qu'elle avait reliés par un fil conducteur narratif. Le courant passa si bien que le P. Knockaert, sj, et notre équipe résolurent de faire revenir Catherine Salviat à Bruxelles, pour une reprise de ce spectacle "en grand". Le 24 février 1994, ce fut chose faite : le Théâtre St-Michel fut envahi par 600 personnes! Le Cardinal Danneels présenta la vie et le personnalité de la sainte (30'). Puis la scène s'éteignit. Sur le côté, sous un rayon de lumière, Catherine Salviat prêta sa voix à Catherine de Sienne (60'). Sur grand écran, des vues de Toscane, d'Avignon... Nous y étions, avec nos coeurs contemporains, inspirés par une voix intense au milieu nous, une parole venue d'ailleurs, et des silences qui en disaient très, très long...

En avril 2002, une équipe de Caterinati prépara un spectacle avec des ados, dans le cadre d'un camp de vacances organisé par la Pastorale des jeunes à Bruxelles et des salésien(ne)s de Don Bosco. Durant trois jours, les adolescents apprirent à découvrir cette autre jeune, née à Sienne; comment le Christ la saisit et comment, à son tour, elle saisit son monde. Quand vint le moment de mettre tout cela en scène, c'est une rwandaise en jeans qui incarna Catherine au milieu d'une bande d'ados, intrigués et séduits par sa personnalité : sa "bella brigata". Devant la découverte du sens de la croix du Christ, l'émotion fut intense. A partir d'une croix, faite de cubes en bois superposés - dans chacun desquels brûlait une veilleuse (façon Taizé)-, les jeunes transmirent le feu dont brûlait Catherine, en déroulant à travers 'le public' des bandes de tissus de toutes les couleurs. Un chant, composé pour la circonstance et dont le refrain était repris par la salle, "Ce feu qui brûle dans mon coeur..."; rendait cette "rencontre" interactive. Le spectacle se termina dans la pénombre, par une contemplation silencieuse de la croix lumineuse et par la possibilité de recevoir le sacrement de la miséricorde dans les bas-côtés (La voix de C. de S. 2002/2).

En avril 2003, à la fin du colloque organisé par les dominicaines à l'Angelicum à Rome, nous avons eu la surprise de voir entrer dans l'auditoire Catherine de Sienne en personne, incarnée par une dominicaine américaine, Nancy, qui nous a tenus en haleine durant une heure en jouant le personnage de Catherine et tous les autres rôles en même temps ! Nous étions hilares en raison du talent de l'actrice et bouleversés devant des vérités si existent tellement présentées (La voix de C. de S. 2003 / 3). Parla suite, nous avons reçu une vidéo représentant un spectacle similaire écrit et admirablement joué, il y a des années, par Sr Kathleen L. Harkins, op, pour le 75e anniversaire d'un collège de dominicaines aux E.U.

En 2003 et 2004, l'AIRCAC (Ass. Int. de Rech. et de Création Artistique Contemporaine) a présenté Catherine de
Sienne, durant des mois, dans la crypte de St-Sulpice à Paris. Ce spectacle (60') tourne en France et ailleurs. Adaptation, mise en scène et musique de Francesco Agnello. "Se mouvant à peine dans sa longue robe de bure, par une gestuelle tout intérieure, pieds nus dans l'ombre sur le sol sableux de la crypte, Moana Ferre, avec une grâce véritablement inspirée, permet d'entrevoir la sainteté invisible de Catherine... Sans aucune image extérieure, nous voyons Catherine plonger dans les foules brillantes ou misérables, avec son coeur indomptable, embrasé..." (J. Mambrino, ds Etudes, Sept. 2003, pp.253-255).

Puissent ces initiatives donner des idées pour "L'évangélisation des grandes capitales en Europe", et notamment celle de Bruxelles en 2006...
Ch. van derPlancke.

 

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