SERMON XL
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QUARANTIÈME SERMON (a). Les sept degrés de la confession.

1. « Vous m'avez fait connaître les voies de la vie, vous me comblerez de joie par la vue de votre visage, et je goûterai éternellement les délices de votre droite (Psal. XV, 10). » Nous nous présentons volontiers à vous, Seigneur Jésus, vous êtes notre maître et nous sommes vos disciples ; vous êtes le médecin et nous sommes infirmes ; vous êtes le Seigneur et nous sommes vos serviteurs. Oui, vous êtes maître et Seigneur, et si votre école est sur la terre, votre chaire est dans les cieux. Vous êtes ce médecin célèbre qui d'un mot guérit toutes les maladies. Seigneur, montrez-nous vos voies et enseignez-nous vos sentiers (Psal. XXIV, 4) ; « car vos voies sont belles, et vos sentiers sont pacifiques (Prov. III, 17). » Heureux ceux qui marchent dans vos voies, Seigneur des vertus : plus heureux ceux qui courent dans les sentiers de vos commandements, dans l'odeur de vos parfums. Vous vous élancez, en effet, comme un géant, pour parcourir sa carrière, et non-seulement vous courez, mais vous bondissez dans les montagnes, vous franchissez les collines (Psal. XVIII, 6). Les géants qu'on nomme philosophes se sont élancés aussi, mais ce ne fut pas pour parcourir la carrière, ce fut pour chercher une vaine gloire; ils se perdaient, dans le vague de leurs pensées, dans une humilité et dans des vertus à eux, non à voles, car ils ne connaissaient point les voies de la sagesse, et n'avaient aucun souvenir de ses sentiers (Baruc. III, 14). Elle n'a point été entendue dans Chaman, ni vue dans Theman (Job. XXl, 14). Maudits ceux

a Ce sermon et le suivant se trouvent placés parmi les sermons apocryphes de saint Bernard dans l'édition de Lyon de 1514; ils ne rappellent pas en effet son style. Toutefois, il ne nous a pas paru d'une grande importance de le replacer parmi les apocryphes, d'abord parce que le manuscrit du Vatican portant le numéro 663, le place parmi les sermons divers de notre Saint, et puis, parce qu'ils se terminent l'un et l'autre par la formule familière de saint Bernard, et enfin parce que le second reproduit, numéro 12, la doctrine de notre Saint sur l'état des âmes justes après la mort. Cette remarque s'applique aussi au sermon qui vient après les deux dont nous venons de parler et qui est aussi attribué à saint Bernard dans le manuscrit du Vatican cité plus haut.

qui ont dit au Seigneur Jésus : Èloignez-vous de nous, nous ne voulons point connaître vos voies. Pour nous, Seigneur, c'est vous que nous cherchons tous les jours et nous voulons connaître vos voies.

2. Vos principales voies sont au nombre de deux, ce sont la confession et l'obéissance; dans la confession tout est lavé, dans l'obéissance les vertus se fortifient. C'est un bel ornement pour l'âme que la confession qui purifie le pécheur, et rend le juste plus pur qu'il n'était : S'il y a des péchés, ils se trouvent lavés dans la confession, s'il y a du bien c'est encore dans la confession qu'il grandit. Quand vous confessez vos péchés, vous offrez à Dieu le sacrifice d'un cœur contrit; et lorsque vous confessez les bienfaits de Dieu, vous lui offrez un sacrifice de louange. Supprimez la confession, le juste est trouvé ingrat, et le pécheur est réputé mort, par conséquent la confession est la vie du pécheur et la gloire du juste. Je vois David s'écrier : « J'ai péché, » et il s'entend dire aussitôt : « Le Seigneur vous a déchargé de votre péché, et vous ne mourrez point. (II Reg. XII, 13). » Je considère Marie confessant ses péchés, sinon de bouche du moins par ses rouvres, et j'entends le Seigneur répondre pour elle et dire : « Il lui a été beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé (Luc. VII, 47). » Je jette les yeux sur le prince des apôtres qui nie dans un moment de crainte, qui pleure ensuite . avec amertume, et je vois le Christ qui le reçoit en grâce (Luc. XXII, 62). J'aperçois le bon larron qui s'accuse, le Christ l'excuse, et le Seigneur lui fait cette promesse : « Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis (Luc. XXIII, 43). » O combien est sublime cette confession par laquelle un larron, condamné à mort et déjà attaché au gibet, passe de sa croix dans un royaume, de la terre au ciel, du bois de son supplice dans le paradis ! Comme elle est glorieuse cette confession qui purifie de son triple et criminel reniement l'apôtre saint Pierre, et l'empêche de tomber du haut de son apostolat. Quelle belle institution que celle qui fit beaucoup pardonner à Marie, parce qu'elle a beaucoup aimé, et, à cause de son grand amour, l'a associée au collège des disciples du Christ ? Quelle belle miséricorde que celle qui a purifié des nombreuses souillures de ses crimes le Roi-Prophète et l'a replacé dans la gloire de son rang! Voilà bien la voie qui n'a jamais trompé son voyageur, et qui ne l'a jamais perdu que quand il l'a perdue elle-même.

3. La confession a plusieurs voies , ses sentiers sont nombreux à trouver, malaisés à suivre et difficiles à énumérer. Le premier pas, le premier degré dans cette voie, c'est la connaissance de soi. C'est du ciel que nous vient ce conseil : connais-toi toi-même, ô homme. N'avez-vous pas remarqué, en effet, que c'est le langage que l'Époux tient à l'Épouse dans le Cantique des cantiques, lorsqu'il lui dit : « Si vous ne vous connaissez pas, ô ma belle entre toutes les femmes, sortez et allez-vous en, etc. (Cant. I, 7). » Or, la connaissance de soi consiste en trois choses, d'abord à savoir ce qu'on a fait, puis ce qu'on a mérité, et enfin ce qu'on a perdu. Qu'y a-t-il de plus vil, ô noble créature, image de Dieu et ressemblance du créateur, que de déshonorer ta chair par les plaisirs charnels, et de perdre un torrent de voluptés pour un plaisir d'un moment? Quelle fureur comparable à celle qui laisse l'esprit céder à la colère, s'élever au souffle de l'orgueil, se tourmenter par l'envie, et se ronger par les soucis? ô toi qui as été nourrie dans la pourpre comment se fait-il que tu embrasses du fumier? Rappelle-toi aussi ce que tu as mérité, remets-toi en mémoire la chaudière des enfers, la fournaise de fer de la grande Babylone, la maison de la mort, le séjour des anxiétés, le globe des flammes, le piquant du froid, et les ténèbres éternelles. Considère l'ordre des tourments, la face de ceux qui les font endurer, le changement par lequel ils se succèdent et l'infinité des misères ; parcours, des yeux de l'esprit, toutes ces choses, et tu pourras t'écrier : mieux aurait valu que je ne fusse pas né. Ramène ensuite tes regards de ce côté, et vois tout ce que tu as perdu. Quelle glorieuse cité et quel céleste séjour; c'est le lieu même de la vie, le palais de la douceur, la splendeur de la gloire, la grandeur de la grâce, la clarté infinie. Remarque ensuite l'ordre des bonheurs que tu as perdus aussi, la vue de ces visages joyeux, ces successions de ré compenses, cette multitude de délices, et tu pourras t'écrier: Seigneur Dieu, celui qui vous a perdu a tout perdu. Si tu lies ton âme avec ce triple lien, tu comprendras et tu verras que le commencement du salut est de connaître nos péchés (Sens. Epis. XXVIII).

4. Le second degré de la confession est la pénitence, or, le premier et le second degré sont tellement liés l'un à l'autre qu'on ne saurait se connaître sans se repentir en même temps, et qu'on. ne peut se repentir si on ne se connaît. Que l'âme blessée du trait de la componction se repente donc d'un triple repentir, car elle a perdu son innocence; après l'avoir perdue, elle ne l'a point recherchée et enfin elle a négligé la patience de Dieu. Je sais bien, Seigneur Jésus, que vous nous avez rendu dans le Baptême notre première robe d'innocence : mais à peine revêtus de la robe blanche et replacés sur le trône de la justice, nous nous sommes écartés de la voie que vous nous avez montrée, et nous sommes allés avec l'enfant prodigue dans des contrées lointaines, dépenser la part d'héritage qui nous était échue. Les plus vils esprits sont venus à nous, c'étaient les rois des flammes éternelles : ces êtres immondes, damnés et courbés vers la terre vinrent trouver nos âmes pures alors, dans la voie du salut, et qui se tenaient droites, et leur ont dit: « courbez-vous que nous passions (Isa. LI, 23). » A leur voix nous nous sommes courbés, ils ont passé sur nous et nous avons perdu notre innocence. Mais si ce fut une faute de la perdre, quelle faute n'est-ce point de ne l'avoir point recherchée après l'avoir perdue ? A-t-on perdu quelque chose des biens d'ici-bas ; on va trouver les juges, on appelle ses amis, on fait toute une affaire, on ne néglige aucun moyen qu'on n'ait retrouvé ce qu'on a perdu, ou qu'on se soit fait rendre ce qui nous a été pria et qu'on ne le serre avec soin après l'avoir recouvré. Or, nous avons perdu astre héritage, un héritage incorruptible, inaltérable; tout pur et céleste, par les ruses de cet homicide insatiable, et nous ne le recherchons point! Il nous a courbés et nous ne nous redressons point! Levons-nous, retournons vers notre Père et disons-lui : « Mon Père, nous avons péché contre le ciel et contre vous (Luc. XV, 21). » Parcourons le texte des Évangiles et offrons au Père la pénitence de l'esprit et la contrition du cœur, et peut-être en nous apercevant encore dans le lointain, ce bon Père, touché de compassion pour nous, accourra-t-il au devant de nous, et, se jetant à notre cou, nous couvrira-t-il des baisers de sa bouche. Peut-être nous fera-t-il rendre notre première robe d'innocence, redonner les vêtements de la vertu, remettre au doigt l'anneau de ses secrets, peut-être fera-t-il chausser nos pieds pour la préparation de l'Évangile de la paix. Il se peut qu'il ordonne d'amener le veau gras, et de le tuer pour la joie de notre retour vers lui, de faire bonne chère, et de nous livrer à l'allégresse et de nous reconduire au son des instruments de musique dans les joies de la cité céleste, où les anges de Dieu se réjouissent de la conversion d'un pécheur (Ibidem. 10). Nous savons bien, Seigneur, que voles ne priverez pas de vos biens ceux qui marchent dans l'innocence (Psal. LXXXIII, 13), mais vous ne les refuserez pas non plus à ceux qui feront pénitence. En effet il n'y en a qu'un qui n'a pas commis le péché, mais heureux celui à qui le Seigneur n'a point imputé son péché (Psal. XXXI, 2), car tout péché que Dieu a résolu de ne point m'imputer est pour moi comme s'il n'existait pas. Rappelez vous encore avec quel orgueil vous avez usé, disons mieux, vous avez abusé de la patience de Dieu. Il vous voyait pécher et il dissimulait, et faisait comme s'il ne vous voyait pas : il vous appelait et vous ne l'écoutiez pas; il menaçait et vous ne le craigniez pas; il faisait des promesses et vous n'en teniez pas compte; vous demeuriez aussi insensible aux promesses qu'aux menaces. Ne savez-vous point que c'est la patience de Dieu qui vous a amenés à la pénitence Rom. II, 4) ? Ah craignez, craignez beaucoup, n'amassez point sur votre tête des trésors de colère pour le jour de la vengeance et des révélations du juste jugement de Dieu, rappelez-vous qu'il est horrible de tomber aux mains du Dieu vivant (Hebr. X, 31). Appliquez donc ce triple appareil de la pénitence sur les blessures de votre âme et dites . «Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis faible, guérissez-moi, etc. (Psal. VI, 3). »

5. Le troisième degré est la douleur qui, elle même, compte trois liens différents. En effet, c'est bien après la connaissance de ce que je suis, après la pénitence, que ma douleur s'est trouvée renouvelée, et c'est dans ces pensées qu'un feu dévorant s'est allumé en moi, en voyant que j'ai offensé mon créateur, que je n'ai pas craint le Seigneur, que j'ai méprisé mon bienfaiteur. « Est-ce que vous n'êtes pas dans ma main, dit le Seigneur, comme l'argile dans celle du potier (Jerem. XVIII, 6)? » S'il a fait de vous un vase d'honneur, comment avez-vous osé vous changer en vase d'ignominie ? « Est-ce que le vase, d'argile dit au potier, pourquoi m'avez-vous fait ce que je suis (Rom. IX, 20) ? » Et vous, simple créature, simple vase de terre, vous qui êtes l'œuvre, vous avez osé provoquer votre créateur, l'ouvrier qui vous a fait, la main qui vous a créé? Souviens-toi donc, vil tesson, que si tu viens à tomber sur cette pierre, tu te rompras, et que si elle tombe sur toi, elle te brisera d'une manière terrible, et ne laissera pas le moindre vestige de toi? Et toi tu as mêlé le sang au sang, tu as offensé le Créateur, tu n'as pas craint le Seigneur. Tu étais le serviteur d'un Maître, à la volonté duquel nul n'ose résister, et tu t'étais soumis à ses ordres. Or, tu n'as pas voulu t'instruire pour faire le bien, mais, te révoltant contre l'empire du Seigneur, tu as résolu de vivre à ta guise, dans les bornes de sa république. N'as-tu donc pas entendu parler de la sentence qui a frappé le mauvais serviteur (Luc. XII, 47)? Comme il connaît la volonté de son maître et ne la fait point, il doit être accablé de coups. Les anges se tiennent debout devant lui, pour recueillir les paroles de sa bouche (Psal. II, 20); les étoiles répondent à son appel, et s'écrient : Nous voici (Baruch. III, 35). Les vents et la mer lui obéissent (Matt. IX, 27), tout, en un mot, est fermement retenu par une loi antérieure, et toi seul tu demeures étranger à la loi, et ne tiens aucun compte de la majesté divine, qui commande. Sache donc qu'il peut te précipiter dans les ténèbres extérieures, où la vue d'un malheur sans fin, fait redoubler les larmes et les grincements do dents. Mais, si la pensée d'avoir offensé ton créateur et celle du respect que réclame sa puissance, ne te touchent point, sois du moins sensible à ton ingratitude quand tu méprises un tel bienfaiteur, au milieu de si grands bienfaits. Où. pourras-tu trouver un bienfaiteur comme celui-là, qui a fait pour toi le cours des astres, la température du ciel, la fécondité de la terre, et l'abondance de ses fruits ? Et, pour tout dire en un mot, qui a mis le comble à tous ses bienfaits « en n'épargnant pas même son propre Fils qu'il a livré pour toi (Rom. VIII, 32) ? » car il a livré son Fils unique pour ses enfants d'adoption, le Seigneur pour des serviteurs, le Juste par excellence pour des pécheurs. Qu'aurait-il pu faire de plus qu'il ne l'ait fait ? Ah ! si tu ressens de la douleur en faisant ces réflexions, tu pourras t'écrier avec le Prophète : «Le ventre me fait mal, le ventre me fait mal, et tout mon cœur est troublé (Jerem. IV, 19). »

6. Le quatrième degré est la confession de la bouche. Après la connaissance de soi-même, après la contrition du cœur, et le brisement de l'âme, vient la confession de la bouche. Dans tout cela, « on croit de cœur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut (Rom, X, 10). » Or, elle doit avoir trois qualités pour conduire au salut. Il faut qu'elle soit vraie, simple et propre. Ce que le Très-Haut recherche, c'est la vérité, aussi comment pourrait-il vouloir être trompé, quand il ne veut point tromper lui-même? Nous en connaissons plusieurs par notre propre expérience, qui, étant allés au confessionnal, en sont revenus la conscience plutôt chargée que délivrée de leurs péchés. En effet, si ce sont des clercs, ils confessent ce qui leur est arrivé dans les luttes littéraires, et si ce sont des gens de guerre, ils s'accusent de ce qui leur est arrivé dans les luttes militaires, de telle sorte qu'ils cachent l'orgueil sous le manteau de l'humilité, et se condamnent ainsi eux-mêmes en se plaçant sous l'étendard sous lequel devrait s'abriter toute l'économie du salut des hommes. Il y en a d'autres que la crainte porte seule à se confesser, et d'autres que l'hypocrisie seule engage à le faire, car ils ne vont à confesse que pour qu'on voie qu'ils le font. Pensez-vous que c'est là une vraie confession, quand elle n'est inspirée que par un esprit de crainte ou de feinte, quand le Saint-Esprit a horreur de l'une, et que le Tout-Puissant n'estime que la pénitence gratuite ? Il n'y a de vraie confession que celle qui procède d'un cœur contrit, que celle que ni la crainte, ni la feinte n'ont point inspirée, et qui ne parle que dans un sentiment de componction, où le cœur avoue ce qu'il sent. Il faut encore qu'elle soit simple et dépouillée de tout voile qui la déguise. A quoi bon, en effet, ne déclarer qu'une partie de nos péchés, et en céler le reste? Ne se purifier qu'en partie, pour demeurer en partie aussi dans son impureté ? Est-ce que le même vase peut verser en même temps le doux et l'amer, ce qui flatte le goût et ce qui n'a point de goût ? Tout est à nu et à découvert sous les yeux de Dieu (Hebr. IV, 13), et vous, vous allez cacher quelque chose aux yeux de celui qui tient la place de Dieu dans un si grand sacrement? Dévoilez donc, et mettez à nu tout ce qui ronge votre cœur ; découvrez votre blessure, si vous voulez sentir l'effet du remède. C'est dans la simplicité; non pas dans la duplicité de votre cœur que vous devez chercher le Seigneur (Sap. 1, 1) , car il est dit . malheur à ceux qui parlent avec un cœur et pensent avec un autre cœur, et qui s'engagent dans un pays par deux voies différentes (Eccli. XII, 14). La confession doit être propre. Il y en a qui comptent les fautes d'autrui avec une grande gravité, et déplorent de mille manières différentes les oublis de leurs compagnons; il en est qui ignorent leurs propres fautes, mais qui ne laissent personne ignorer celles de leur prochain; les infortunés, les malheureux! Il leur est donné de pleurer les fautes d'autrui, et de laisser les leurs dans l'oubli! N'avez-vous point vu que a le juste s'accuse lui-même le premier, dès qu'il ouvre la bouche pour parler (Prov. XVIII, 17) ? » Ainsi c'est lui, non point les autres qu'il accuse, dit la Sainte-Ecriture. Auriez-vous oublié ces paroles de l'apôtre Jacques : « Confessez vos péchés les uns aux autres (Jacob. V, 16) ? Les vôtres, » dit-il, non point ceux d'autrui. « Je connais mon iniquité, et mon péché est constamment sous mes yeux (Psal. 4, 5), mon iniquité, » non point celle du prochain.

7. Le cinquième degré est la macération de la chair or, elle se fait aussi de trois manières, c'est le nombre sacré. En effet, il faut qu'elle soit secrète, permise et discrète. Soumettez au brisement d'un long martyre vos membres jeunes encore et nourris dans les délices les plus délicates, et sachez vous abstenir des choses permises autant que vous vous vous rappelez avoir fait les choses défendues. Mais il faut le faire secrètement, et que votre main gauche ignore ce que fait votre droite; en effet, ce n'est pas à la langue des hommes qu'il faut confier la garde d'un si grand bien, mais il faut le cacher au fond de votre cœur, en sorte que vous n'ayez d'autre gloire que le témoignage de votre bonne conscience (II Cor. I, 16). Je ne vous dis point cela pour empêcher votre lumière de briller aux yeux des hommes, et de leur inspirer la pensée de glorifier votre Père qui est dans les cieux, mais pour que vous n'enfouissiez point vos bonnes intentions dans le charme si fugitif d'une vile gloire, car je ne sais rien de plus malheureux que de macérer ici-bas son corps par les jeûnes, et de l'affliger par les veilles, pour en recevoir en ce monde une gloire à laquelle succède l'enfer dans l'autre. Il faut que nos macérations soient permises; car tout ce qui se fait de l'assentiment du Pasteur (Régul. S. Bénid. c. XLVIII), est plus agréable à Dieu, le Très-Haut reçoit plus favorablement l'hostie qui lui est ouverte, non point par notre propre volonté, mais par obéissance à celui qui nous commande. Il est très-bon, pour repousser l'orgueil, de mettre notre volonté propre de côté. Or, celui qui aime la vanité du monde ne saurait l'extirper entièrement. Quant à la discrétion , elle consiste particulièrement en ceci: à ne point s'exposer a perdre le salut en voulant nous flageller au delà de ce qui convient,, et à tuer le citoyen du ciel, en voulant en mâter l'ennemi. Il faut considérer votre corps et ce qu'il peut; faire attention à votre complexion, et mettre des bornes à ce qui pourrait la détruire. Conservez votre corps en état d'obéir au Créateur. Nous en avons vu beaucoup qui, pour avoir dans le commencement durement traité leur corps, au point de dépasser les bornes de la raison, afin de se rendre insensibles aux charmes de la flatterie n'en goûtaient que plus ardemment, et plus longtemps ensuite les douceurs de la vie.

8. Le sixième degré est la correction des œuvres, elle est aussi de trois sortes, d'abord ne point se faire de mal à soi-même, en second lieu, n'en point faire aux autres, et enfin ne pas consentir au mal qui se fait. Vous avez éprouvé combien fragile est l'édifice de la volupté, et vous y, courez encore? Vous avez remarqué que le plaisir passe, et que le péché demeure, retirez le pied des sentiers indignes et immondes dg la débauche : pliez votre cou an joug des commandements du très-Haut, pour que l'iniquité ne se, trouve point dans vos mains. Retranchez à la gourmandise ses grands festins, et à la langue ses vains entretiens. « Détournez vos yeux pour qu'ils ne voient pas la vanité (Psal. CXVIII, 39,}, bouchez-vous les oreilles pour ne point entendra des paroles de sang (Isa. XXXIII, 15); » et alors vous pourrez dire . « Le Seigneur m'a châtié pour me corriger (Psal. CXVII,18). » Mais à quoi bon maintenir la course de vos œuvres dans le droit sentier, si vous songez à nuire aux autres. Il n'y a que celui qui n'a point fait de mal à son prochain, et n'a point écouté des calomnies contre ses frères, qui ira se reposer sur la sainte montagne de Dieu. (Psal. XIV, 4), et qui recevra du Seigneur bénédiction, et obtiendra miséricorde de Dieu son sauveur (Psal. XXIII, 5). Ne vous croyez point innocent, tant que vous n’aurez point repris de toutes vos forces les impies et ceux qui marchent contre la vertu, et que vous ne vous serez point opposé comme un mur pour la maison d'Israël, vous châtiant vous-même, ne faisant point de mal aux autres, et ne consentant point à celui qu'on lui fait. En effet, c'est une vérité incontestable que ceux qui négligent d'empêcher le mal , quand ils pourraient le faire , se rendent complices de ce mal (a). En effet, quand la cause de Dieu est en question, et que la fausseté est préférée à la vérité, quiconque ne résiste pas en proportion du rang qu'il occupe, sera condamné pour son silence.

9. Le septième degré est la persévérance que distingue aussi le nombre sacré de trois. Trois choses font la persévérance, l'imitation des saints, la brièveté du temps et la fragilité du corps. En effet, que ne serez-vous pas capable de souffrir, quand vous verrez que des jeunes gens, des enfants, même de jeunes filles, de vieilles femmes, des vieillards, des hommes décrépits, ont non-seulement accepté, mais recherché divers tourments pour Jésus-Christ? Considérez l'âge tendre de l'enfance, le feu de la jeunesse, la délicatesse des jeunes filles, la fragilité des vieilles femmes, la faiblesse des vieillards, et l'impuissance de la décrépitude, et de quelque côté que vous tourniez les regards, vous trouverez, à tous ces âges, une multitude d'exemples de personnes qui ont couru virilement pour cueillir la palme du martyre. Est-ce que vous êtes d'un autre limon qu'eux, et l'âme qui vous anime n'est-elle pas de même nature que la leur? Mais peut-être la persécution ne sévit-elle plus pour que vous souffriez le martyre; personne ne vous condamne parce que vous servez Jésus-Christ, bien loin de là, on vous loue de le faire, et tout le monde parle de vous avec éloge à cause de cela. Mais quand même vous seriez exposé à la persécution, elle serait bien peu à craindre à cause de sa brièveté, car la nature, dans notre intérêt, a pourvu à ce que nulle douleur ne soit longue et grande en même temps; si elle est grande, elle ne peut être longue, l'union du corps et de l'âme ne saurait résister longtemps à des suppliées raffinés; ébranlée d'abord par la grandeur de la stupeur, elle ne tarde point à se dissoudre ; c'est donc le propre des grandes âmes de mépriser les grands tourments qui opèrent si vite en nous de si grands changements, qu'elles ne tardent point à faire passer, des épreuves au repos, de la misère à la gloire, celui qui les endure. Car il ne faut pas perdre de vue la fragilité du corps qu'il n'est pas rare de voir se briser à la plus petite chute, ou aux assauts répétés d'une fièvre qui le brûle. Faites donc, s'il le faut, de nécessité vertu, et vous acquerrez, au prix d'un péril de courte durée, une récompense éternelle.

10. Vous voyez combien difficile à parcourir est la voie de la confession, et le nombre des sentiers qu'il faut suivre. Il est donc bien vrai ce mot d'un grand maître dans l'Église ; « J'ai trouvé plus facilement des hommes qui avaient conservé leur innocence que je n'en ai vu qui fissent une pénitence convenable (s. Ambros. l. II de Pont. cap. X). »

a Celui qui n'empêche point le mal quand il le peut, l'ordonne (Publ. Mim.)

Nous vous avons parlé selon la mesure de nos faibles forces sur la voie de la pénitence, réservant pour de plus sublimes sujets le poids de pensées plus sublimes aussi. Quant à la voie de l'obéissance, nous essaierons de vous l'ouvrir au commencement d'un autre sermon, afin d'éviter de vous faire éprouver du dégoût pour la parole de notre Seigneur et Sauveur, qui est béni dans les siècles.

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