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CINQUIÈME SERMON. Sur ces paroles d'Habacuc : « Je me tiendrai en sentinelle à l'endroit ou on m'a placé.., etc. (Habac. II, » 1.)

1. Nous lisons dans l'Évangile que le Sauveur ayant parlé un jour à ses disciples et leur ayant donné à entendre, sous le mystère de son corps, qu'il devait leur donner à manger, qu'ils auraient à partager ses souffrances, plusieurs d'entre eux s'écrièrent : « Cette parole est dure (Joan. VI, 61), » et cessèrent dès lors de marcher à sa suite. Les autres disciples interrogés par le Seigneur s'ils voulaient eux aussi s'éloigner de lui, répondirent: « Seigneur à qui irions-nous? Vous avez les paroles de la vie éternelle. » Eh bien je vous le dis de même, mes frères, il est manifeste que, de nos jours encore, les paroles du Seigneur, sont esprit et vie, et que pour cela il en est qui le suivent, mais qu'il en est aussi à qui elles semble:it dures et qui vont chercher ailleurs une misérable consolation. La sagesse élève la voix dans les places publiques et crie dans la voie large et spacieuse qui conduit à la mort afin d'en faire sortir tous ceux qui s'y sont engagés. « Il y a quarante ans, dit le Psalmiste, que je m'approche de cette race et que je lui dis : le cœur de ce peuple est toujours dans l'égarement (Psal. XCIV, 10).» Or, dans un autre endroit le même Psalmiste a dit : « Le Seigneur n'a parlé qu'une fois (Psal. LXI, 12) ; » et il a dit vrai, attendu qu'il parle toujours, il n'a parlé qu'une fois, puisqu'il n'a jamais cessé de parler, puisqu'il parle continuellement, sans cesse.

2. Or, il invite les pécheurs à rentrer dans leur cœur, parce que c'est là qu'il habite, et là qu'il fait entendre sa, voix, là qu'il fait ce qu'il nous dit par un Prophète à qui il inspirait ces paroles ainsi: «Parlez au cœur de Jérusalem (Lsa. XI, 2). » Quant à Babylone, au contraire, comme elle est toute terrestre, elle ne peut porter ses paroles, elle est éloignée de son cœur, elle vit selon la chair comme une femme qui serait morte pour le cœur (Psal. XXX, 13), ou plutôt comme une colombe séduite qui n'a plus son cœur (Osée VII, 11). En effet, elle veut se réjouir quand elle a fait le mal, et tressaille de bonheur dans les pires choses ; vient-elle à entendre la voix du Seigneur qui, loin d'approuver cette joie, la déteste, lui en fait des reproches, et la condamne , elle fuit et va se cacher comme le fit Adam après sa chute. Mais, hélas ! ô ma pauvre âme, à quel triste, à quel inutile palliatif as-tu recours ! Tu te caches derrière un tissu de feuillage , oui tu ne te couvres que de feuilles qui n'ont ni chaleur, ni consistance. A peine le soleil se lèvera-t-il qu'elles se faneront, et le souffle du veut les emportera après les avoir desséchées, et te laissera dans ta nudité et ta misère. Alors, il n'y a rien de caché qui ne se découvre, parce que le Seigneur voudra porter la lumière au sein des plus profondes ténèbres, et manifeste les secrets des cœurs; il n'y aura donc plas moyen pour toi de demeurer cachée. En vain, tu crieras aux montagnes : tombez sur nous , et aux collines, recouvrez-nous, il faudra bien que tu te tiennes nue et découverte au tribunal du Christ, pour entendre la voix de ton juge, puisque tu as méconnu celle de ses conseils qu'il te fait entendre en ce moment, quand il te dit : « Faites pénitence (Matt. III, 2). » Beaucoup feignent de ne le point entendre, se bouchent même les oreilles et s'écrient : Cette parole est dure. O impies, vous ne pourrez plus, non, vous ne pourrez plus feindre ainsi quand retentira cette terrible sentence, quand vous entendrez ces dures paroles : « Allez, maudits, au feu éternel (Matt. XXV, 41). »

3. Vous voyez donc bien, mes frères, quel avis salutaire nous donne le Prophète quand il nous dit : Si aujourd'hui vous entendez sa voix, gardez-vous bien d'endurcir vos cœurs (Psal. XCIV, 8). Ce sont, à peu près les mêmes paroles chez le Prophète que celles que vous lisez dans l'Évangile. En effet, dans l'Évangile, le Seigneur nous dit : « Mes brebis entendent ma voix (Joan. X, 27). » et dans le psaume, David dit : « Vous qui êtes son peuple, » c'est-à-dire le peuple du Seigneur, « et ses brebis, si aujourd'hui vous entendez sa voix, gardez-vous bien d'endurcir vos cœurs (Psal. CXIV, 7). » En effet, il est plus utile et plus salutaire de prêter maintenant l'oreille à ses conseils et à ses consolations, à ses avis et à ses leçons : il l'est même beaucoup plus d'écouter ses reproches, ses blâmes et ses réprimandes, que d'avoir dans le grand jour des amertumes, dans ce jour de deuil et de ténèbres, à entendre ses jugements, son indignation, ses vengeances, sa, colère, ses condamnations. Oui, il est préférable pour moi de m'humilier pour que ce juste juge ne me reprenne qu'avec miséricorde; oui, mieux vaut qu'il me reprenne plutôt que l'huile du pécheur ne cotyle sur ma tète, et que je ne sois trouvé terre et poussière et qu'il me frappe de la verge de sa parole, quand il nous brisera de sa verge de fer comme on brise les vases du potier. Mieux vaut pour moi, à cause des paroles sorties de vos lèvres, garder vos voies, Seigneur, avec votre Prophète, bien qu'elles soient dures (Psal. XVI, 4) que d'être tué avec l'impie du souffle de vos lèvres.

4. Si je trouve quelque amertume dans sa voix, elle n'est pourtant point sans douceur, car lorsqu'il sera irrité il se souviendra de sa miséricorde (Abac. III, 2), que dis-je, il ne s'irrite même que parce qu'il est miséricordieux, car il reprend et, châtie ceux qu'il aime, et il frappe de verges celui qu'il reçoit au nombre de ses enfants (Hebr. XII, 6) ; il scrute, la verge en main, toutes ses iniquités et sévit avec le fouet contre tous ses péchés, mais il ne lui retire point ses miséricordes. Aussi les prudents, loin de cacher, dévoilent leurs blessures, ils rendent témoignage à Dieu qu'il est bon, et que sa miséricorde est éternelle, qu'il sait verser l'huile de la consolation en même temps qu'il répand le vin de la réprimande. Voilà, dis-je, pourquoi quiconque est sage se saisit de la discipline, de peur que le Seigneur ne se mette en colère, et que, au lieu de scruter sa vie selon toute l'étendue de son courroux, il ne s'éloigne de lui avec indifférence. C'est ce qui fait que le cœur du sage est là où se trouve la tristesse, tandis que celui de l'insensé est où règne la joie, mais la tristesse de l'un se changera en joie et les derniers accents de la joie de l'autre s'éteindront dans les larmes. Ecoutez enfin le langage du Prophète Habacuc : bien loin de se dissimuler les réprimandes du Seigneur, il les repasse dans son esprit avec soin et assiduité. Eu effet, il dit : « Je me tiendrai en sentinelle à l'endroit où vous m'avez placé, j'y demeurerai ferme sur les remparts, pour voir ce qu'on pourra rire dire, et ce que je devrai répondre à celui qui me reprendra (Habac. II, 1). » Et nous aussi, mes frères, je ne vous conjure, demeurons comme des sentinelles à notre poste, car nous sommes en temps de guerre. Ce n'est pas sur la litière de notre malheureux corps, mais dans notre cœur, où Jésus-Christ a établi son séjour, que toute notre vie doit se passer dans le jugement et le conseil de la raison, mais que ce soit de telle sorte que, loin de placer notre confiance en elle, et de faire fond sur une garde aussi fragile, nous appuyions solidement le pied sur le rempart, et nous nous affermissions de toutes nos forces sur la pierre inébranlable qui est le Christ, selon ce qui est écrit : « Il a placé pieds sur le roc, et il a conduit mes pas dans la bonne voie (Psal. IX 3). » Une fois placés ainsi et bien établis à notre poste, voyons et contemplons ce qu'on peut nous dire et ce que nous devons répondre à celui qui nous reprendra.

5. Or, le premier degré de la contemplation, mes bien-aimés frères est de considérer incessamment quelle est la volonté de Dieu, ce qui plaît, ce qui lui est agréable. Et comme nous tombons tous en multitude de fautes, et que nos voies tortueuses offensent la rectitude de sa volonté sainte et ne peuvent ni s'adapter, ni se confondre avec elle, il faut nous humilier sous la main puissante du Dieu Très-Haut, et prendre à cœur de nous montrer dans toute notre misère sous les yeux de sa miséricorde, en disant : « Seigneur, guérissez-moi et alors je serai guéri; sauvez-moi et je serai sauvé (Jerem. XVII, 14); » et encore : « Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme parce que j'ai péché contre vous (Psal. XL, 5). » Quand l'œil de notre cœur s'est une purifié dans ces pensées-là, ce n'est plus dans nôtre esprit que nous nous trouvons avec amertume, mais plutôt dans l'esprit de Dieu que nous sommes avec une grande jouissance, et, au lieu de ne considérer quelle est la volonté de Dieu en nous, nous considérons plutôt quelle elle est en elle-même. Notre vie, en effet, est toute entière dans sa volonté, si bien que nous ne saurions douter que rien ne peut nous être plus utile et plus avantageux que ce qui est conforme à sa volonté. Aussi plus nous aurons à cœur de conserver la vie de notre âme, plus aussi nous aurons soin, autant qu'il est en nous, de ne nous point écarter de cette volonté. Mais après que nous aurons fait quelques progrès dans la voie de ces exercices spirituels, prenant pour guide le Saint-Esprit qui scrute les profondeurs de Dieu même, nous penserons combien le Seigneur est doux, combien il est bon en lui-même, et nous demanderons avec le Prophète, dans nos prières, de voir la volonté du Seigneur et de considérer non plus notre cœur, mais son temple (Psal. XXVI, 4), et nous dirons avec le Prophète : «Mon âme a été toute troublée en moi-même, aussi me souviendrai-je de vous, Seigneur (Psal. XLI, 7). » Voici donc les choses qui constituent toute la vie spirituelle, être troublés et contristés pour notre salut, en nous considérant n mêmes, et respirer dans la considération de Dieu, afin de puiser notre consolation dans la joie même du Saint-Esprit; enfin concevoir, d’un côté, des sentiments de crainte et d'humilité, et de l'autre, d'espérance et de charité.

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