SERMON XII
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DOUZIÈME SERMON. Le commencement, le milieu et la fin de l'homme à l'occasion de ces paroles de l'Ecclésiastique : « Souvenez-vous de vos fins dernières, etc. (Eccl. VII, 40). »

1. « Mon fils, souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez point (Ibid). » Rappelez-vous votre commencement, songez à votre milieu et souvenez-vous de votre fin dernière ; l'un vous couvrira de confusion, l'autre vous remplira de douleur, et la troisième, de crainte. Pensez à votre origine et ressentez-en de la honte; songez où vous êtes et gémissez-en; rappelez-vous où vous allez et tremblez. Prenez garde de demeurer sur ce point dans l'ignorance si vous ne voulez entendre retentir coutre vous les menaces que l'Époux fait entendre en ces termes : « Si vous ne vous connaissez point, ô vous qui êtes la plus belle des femmes, sortez de chez vous, suivez les traces de la troupe de vos compagnes (Cant. 1, 7). » Et d'abord, ô homme, quand tu étais en honneur, tu ne l'as pas compris, voilà pourquoi tu as été assimilé aux animaux sans raison, et leur es devenu semblable (Psal. XL, VIII, 13, 21). Et si les rudes traitements n'ont point fini par ouvrir les oreilles de ton intelligence, tu iras te placer à la suite des troupeaux de bêtes, pour être exposé à tous les maux parmi elles qui n'en ressentent aucun. Reconnais donc ton origine, et rougis en voyant que par là tu ressembles aux bêtes, rappelle-toi ta fin et tremble de t'en aller aussi à la suite. des troupeaux de bêtes. Oui rougis, je le répète, en voyant que, de compagnon des anges, tu es devenu celui des bêtes de somme, non-seulement pour les besoins du corps mais même pour les sentiments du cœur. Tu partages en effet, avec elles, la nourriture que tu tires de la terre, pour avoir pris en dégoût la nourriture des anges, le pain même du ciel. C'est que, et c'est ce qu'il y a de pire, si tu as conservé un corps qui est droit, ton âme qui l'habite est courbée, si bien que, en même temps que le corps a retenu quelque ressemblance de ton âme, ton âme a perdu sa ressemblance avec Dieu pour prendre celle de la bête.

2. N'es-tu pas honteux, ô homme, de marcher la tète haute et d'avoir le cœur bas? D'être droit de corps et de ramper à terre par l'âme ? Qu'est-ce autre chose, en effet, sinon ramper sur la terre que d'avoir du goût pour la chair, de désirer les choses de la chair, de rechercher les choses de la chair? Et pourtant comme tu as été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, en perdant. sa ressemblance pour prendre celle de la bête, tu as conservé son image. Si donc quand tu étais élevé en honneur, tu n'as pas compris que tu n'étais que limon, maintenant que tu t'es enfoncé dans ton limon, lie vas pas oublier que tu es toujours l'image de Dieu, et rougis de l'avoir recouverte d'une ressemblance étrangère. Rappelle-toi, ô homme, ta noblesse et rougis de ton excessif abaissement. N'ignore pas ta beauté pour rougir d'autant plus de tes souillures. C'est là ce que Salomon appelle une confusion qui honore (Eccl. IV, 25), » c'est la confusion qu'on ressent d être déchu d'un si haut degré de gloire. Jadis tu étais couronné de gloire et d'honneur, établi sur toutes les œuvres des mains du Seigneur, et placé dans le paradis terrestre pour en faire ta demeure : tu étais le concitoyen des anges et le domestique du Seigneur de Sabaoth, c'est de cette élévation que tu t'es toi-même jeté dans les ténèbres intérieures, d'où tu dois un jour être précipité dans les ténèbres extérieures et palpables si tu n'y prends garde. C'est toi, dis-je, qui t'es dépouillé toi-même de la gloire, des enfants, de Dieu, et qui t'es exilé de cette douce et heureuse patrie, de ce jardin du. volupté.

3. Voilà donc ton origine ; veux-tu savoir, ô homme, où tu te trouves maintenant ? Eh bien, tu te trouves dans un lieu d’affliction, car ta vie s'est approchée de l’enfer (Psal. LXXXVII, 4). Que voyons-nous, en effet, ici-bas, si ce n'est le travail, la douleur et l'affliction de l'esprit? Mais pour toi, les choses en sont venues à ce point que tu es comme un enfant qui, ayant reçu la vie, et s'étant trouvé nourri dans un cachot, n'aurait jamais vu la lumière du jour, il ne comprendrait rien a la tristesse et aux angoisses de sa mère. Celle-ci sait bien pourquoi elle est triste, comme elle a connu le bonheur et les maux qu'elle souffre d'autant plus pesants, et le souvenir de la paix des jours passés est, pour elle, rempli d'une amertume extrême. Pour toi, au contraire, le comble de la misère ne te semble qu'un petit mal, et au prix des lourdes entraves auxquelles tu es accoutumé, de moindres anneaux te semblent nu repos. Tu as envie de manger, parce que la faim te presse ; manger et souffrir de la, faim sont un travail, une peine, mais parce que la faim est plus pénible que l'action de manger, fil ne trouves pas que manger soit une peine ; mais une fois la faim apaisée, ne te semble-t-il pas beaucoup plus pénible de continuer de manger que de souffrir de la faim ? Il en est ainsi de toutes choses sous le soleil; il n'y a rien en elles de vraiment agréable, et on veut constamment passer en ce qui les concerne, d'une chose à l'autre, en sorte qu'il n'y a que le passage d'une chose à l'autre qui les relève un peu ; c'est absolument comme si on passait du feu dans l'eau et de l'eau dans le feu, dans l'impossibilité de supporter constamment ni l'un ni l'autre. Il n'y a que le commencement d'une fatigue qui nous repose d’une autre fatigue. Personne, dans ce siècle malheureux, ne saurait avoir ce qu'il désire, ainsi le juste ne peut être rassasié de justice; ni les voluptueux, de voluptés; ni le curieux, de choses curieuses; ni l’ambitieux de vaine gloire. Voilà précisément la source de vos chagrins, si vous n'en êtes pas encore venus à être insensibles; voilà d'où viennent vos douleurs, c'est que vous vous trouvez en exil, vous êtes arrêtés dans un désert, vous marchez dans les ténèbres et par des sentiers glissants, et vous ne mangez qu'un pain arrosé de votre sueur. Est-ce que votre œil n'est pas inondé de larmes amères toutes les fois qu'il considère ces choses, et ne pleure-t-il pas avec le Prophète qui s'écriait : « Que je suis malheureux! mon exil est si long (Psal. CXIX, 5) ? »

4. Vous connaissez votre origine, vous venez de voir votre milieu, quelles sont vos fins dernières ? Ces fins dont il est dit : souvenez-vous en et vous ne pècherez jamais. Ce sont !a mort, le jugement et l'enfer. Quoi de plus horrible que la mort? Je plus terrible que le jugement ? Quant à l'enfer, il ne se peut rien concevoir de plus intolérable. O homme, si lu avais perdu la honte qui sied à une noble créature, si tu étais devenu insensible aux coups de l'affliction que ressentent même les êtres simplement charnels, du moins ne sois pas inaccessible à la crainte que connaissent même les bêtes de somme. Chargeons l'âne et fatiguons-le par de nombreux travaux, il s'en met, peu en peine, parce qu'un âne est un âne. Mais si vous voulez le pousser dans le feu ou le précipiter dans un trou, il résiste tant qu'il peut, parce qu'il aime la vie et craint la mort. Ne vous semble-t-il pas juste que celui qui est devenu plus insensible que les bêtes de somme, soit forcé de ne venir qu'après elles, et que dans les supplices il occupe un rang plus bas qu'elles ? Crains donc, ô homme, car, à la mort, tu te verras dépouillé de tous les biens du corps, en même temps que se rompra, dans un amer divorce, le doux lien qui rattachait ton âme à ton corps. Tremble , dis-je, car tu paraîtras alors an jugement redoutable de Celui entre les mains de qui il est horrible de tomber (Hebr. X, 31). Il t'examinera de cet œil auquel rien n'échappe et s'il découvre l'iniquité dans ton âme, tu seras à jamais privé de toute gloire et de tout repos, et séparé du nombre des bienheureux. Sois dans l'appréhension des tourments immenses, éternels de l'enfer auxquels tu seras exposé dans la société de Satan et de ses anges, au sein d'un feu qui ne s'éteindra jamais, et qui a été préparé pour eux. Voilà la crainte qui est le commencement de la sagesse (Psal. X, 10), ce qu'on ne peut pas dire de la honte et de la douleur, attendu que ni l'une ni l'autre n'ouvre aussi bien l'âme à la sagesse, et n'a la même efficacité. C'est ce qui faisait dire au Sage : Souvenez-vous, non pas de votre commencement, non pas même de votre milieu, mais « de vos fins dernières et vous ne pécherez jamais. » L'esprit de crainte est plus fort et plus énergique que le sentiment de la honte ou de la douleur pour résister au péché ; la honte disparaît derrière le nombre, et la douleur s'adoucit par la moindre consolation que le monde peut lui procurer, mais la crainte ne connaît point de consolation. A la mort, vous n'emporterez avec vous, ni peu, ni beaucoup de biens de ce monde; au jugement, vous ne pourrez ni tromper le juge, ni lui résister, et dans l'enfer, vous n'aurez aucune consolation, il n'y aura pour vous qu'un éternel, malheur à moi ! que hurlements, que pleurs et que grincements de dents.

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