SERMON XXVI
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VINGT-SIXIÈME SERMON. Il faut plier notre volonté à la volonté de Dieu.

1. Vous venez d'entendre, mes frères, dans la lecture de la Règle (Reg. S. Bern. chap. VII), ce que le Christ pense de l'humilité; je voudrais que vous fussiez tout attention, quand on vous lit ce passage; car pour moi, c'est être insensé, c'est être fou que de se confier dans d'autres mérites, de mettre son espérance dans une autre religion et dans une autre sagesse que l'humilité. Auprès de Dieu, nous ne pouvons, mes frères, nous appuyer sur aucun droit, attendu que nous commettons tous bien des fautes; nous ne pouvons pas non plus le tromper. s'il connaît tous les secrets mêmes de notre cœur, à combien plus forte raison connaît-il nos œuvres qui paraissent en dehors ? Enfin, nous ne saurions lui résister de vive force, il est le Tout-puissant. Que nous reste-t-il donc à faire, sinon à recourir de toute notre âme au remède de l'humilité, et de suppléer par elle à ce qui nous manque sous tous les autres rapports. Mais, ô vanité surprenante, ô fatuité étonnante de notre cœur! malgré tant de motifs que nous avons de nous humilier , non-seulement l'humilité ne réussit point à réprimer complètement les élans de notre cœur , ni à dompter ses mouvements orgueilleux , mais il faut que tout cendre et poussière qu'il est, il s'enorgueillisse encore.

2. Or, le tout de l'humilité semble consister dans la soumission de notre volonté à celle de Dieu, selon ce mot du Prophète : « Est-ce que mon âme ne sera point soumise à Dieu (Psal. LXI, 1) ? » Je sais bien (a) que toute créature est, bon gré mal gré, soumise au Créateur; mais ce que Dieu demande à la créature raisonnable, c'est une soumission volontaire, c'est qu'elle offre à Dieu le sacrifice de sa volonté, et qu'elle rende hommage à son saint nom, moins parce qu'il est saint, terrible, tout-puissant, que parce qu'il est bon. Or, il faut que notre soumission soit triple. En premier lieu, il faut que nous voulions, sans restriction, tout ce qu'il est certain que Dieu veut, en second lieu, que nous détestions, comme lui, tout ce que nous savons lui déplaire, et enfin que nous ne voulions ni ne repoussions point absolument les choses qu'il n'est pas sûr qu'il veuille ou repousse lui-même. Il est certain, mes frères, que c'est là, dans ce juste milieu, que gît tout le péril pour les religieux, attendu que nous avons le malheur de nous flatter nous-mêmes, et de nous faire illusion et de nous séduire. Voilà d'où vient que nous nous dispensons de rechercher quelle est la volonté de Dieu; c'est que nous voulons faire notre propre volonté, et pourtant avoir une

a Ce passage se trouve reproduit dans le livre VIII des Fleurs de saint Bernard, chapitre XXXVIII.

sorte d'excuse dans notre ignorance de la volonté de Dieu. En effet, oit trouver un moine assez malheureux pour oser ne vouloir point ce qu'il est certain que Dieu veut, ou pour se permettre de vouloir quelque chose qui soit contraire à sa volonté? Le danger se trouve précisément entre les deux extrêmes pour ceux qui. étant enfin sortis du siècle, ont dressé leur tente dans le lieu de leur conversion, comme dans un paradis de délices. De même que c'est au centre du paradis terrestre que se trouvait placé l'arbre de la transgression, où nos premiers parents sont. devenus prévaricateurs, l'arbre, dis-je, de la science du bien et du mal, non-seulement de la science du bien ou du mal seul, mais du bien et du mal.

3. Je vous en prie donc, mes frères, prêtez-moi la plus grande attention, car je ne vois rien que vous puissiez entendre avec plus de fruit que ce que j'ai à vous dire. Dès que pour nous la volonté de Dieu est certaine, la nôtre doit la suivre sans réserve. Or, il en est ainsi dans tous les cas où nous trouvons dans les écritures quelque chose de certain on bien encore dans le cas où l'Esprit-Saint crie manifestement au fond de nos cœurs quels sentiment nous devons avoir. C'est ce qui a lieu quand il s'agit de, la charité, de l'humilité, de la chasteté, de l'obéissance et des autres vertus. Nous devons alors approuver sans hésiter et rechercher tout ce que nous savons, à n'en pouvoir douter, être agréable à Dieu. De même nous devons haïr de toutes nos forces ce que Dieu hait bien certainement, comme l’apostasie, la fornication, l'iniquité et l'impatience. Mais dans tous les cas où il ne se présente rien de certain à notre esprit, que notre volonté ne tienne non plus rien pour certain, qu'elle se tienne plutôt en suspens entre les deux choses opposées, ou du moins qu'elle ne penche pas trop d'un côté ou de l'autre, dans la crainte que peut-être ce soit le contraire qui plaise plus à Dieu, et tenons-nous dans la disposition de suivre sa volonté de quelque côté que nous voyions qu'elle incline. On ne saurait hésiter là où il n'y a point de doute, mais on ne doit pas non plus tenir ce ;qui est douteux pour certain. Dans le doute il ne faut ni s'arroger la décision, ni précipiter son jugement, et on éprouvera ce qui, est écrit : « Ceux qui aiment votre loi, Seigneur. jouissent d'une grande paix, et il n'y a point de scandales pour eux (Psal. CXVIII, 165). » En effet, d'où viennent les scandales, d'où naissent les troubles, sinon de ce que nous suivons notre volonté propre, et de ce que, ayant la témérité de décider au fond de notre cœur ce qui nous agrée le plus, s'il arrive que nous soyons, d'une manière ou d'une autre, empêchés de la mettre à exécution, nous en concevons à (instant de l'impatience, et nous nous laissons aller au murmure et au scandale, sans faire attention que tout coopère au bien pour ceux qui ont été appelés selon le décret de Dieu, pour être saints (Rom. VIII, 28) ? Et même ce qui ne nous paraît qu'un accident, ce n'est autre chose en quelque sorte que, la voix de Dieu même qui nous indique sa volonté Mais celui qui n'a point dans son cœur décidé comme certain ce qui n'est que douteux, ne peut se scandaliser. Ou bien si ayant la pensée de faire quelque chose qui n'est point à ses yeux certainement prescrit, il suspend sa volonté propre jusqu'à ce qu'il ait consulté son supérieur, et demandé quelle est la volonté de Dieu dont il tient la place, il n'éprouvera aucun trouble d'âme quoi qu'on lui ordonne, attendu qu'il est bien vrai que ceux qui aiment la loi de Dieu, jouissent d'une grande paix, et qu'il n'y a point de scandale pour eux.

4. Mais quand je dis qu'on doit tenir sa volonté en suspens, ou la soumettre à celle de Dieu, je n'entends point parler de la concupiscence de nos désirs ni des affections de notre âme. Car il est impossible,tant que notre :âme est retenue prisonnière dans notre corps de mort, qu'il en soit complètement. ainsi.. En effet, ne serait-ce point déjà, la vie éternelle même, que d'avoir une volonté soumise à la volonté de Dieu de toute la force de notre âme? Mais il faut soumettre notre consentement à la volonté de Dieu, si nous voulons avoir la paix dans le temps, la paix dans l'éternité. Il est écrit en effet : « je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix, (Joan. XIV, 27), » et ailleurs, dans le Prophète : « Seigneur, on marchera à la lumière de votre visage, et on tressaillira de bonheur, en chantant les louanges de votre nom (Psal. LXXXVIII, 17). » Les uns, en effet, marchent à la lumière de leur propre visage, c'est-à-dire ne songent qu'à faire, leur volonté propre, et ne regardent que le bon plaisir de, leur cœur. Les autres marchent à la lumière„du visage des hommes, c'est-à-dire ne recherchent que les, moyens;de plaire aux hommes et ne s'occupent que du jugement du monde. C'est ce que le Prophète appelle le jour de l'homme, quand il dit : « Seigneur, je n'ai point désiré le jour de l'homme, vous ne l'ignorez point (Jerem. XVII, 16). » Toutes leurs voies ne sont qu'affliction et oppression, ils ne connaissent point la voie de la paix, la crainte de Dieu n'est point devant leurs yeux,{Psal. XIII, 7). En effet, de quiconque a la crainte, de Dieu, devant les yeux, on peut dire, ses voies sont belles et ses actions pacifiques (Prov. III, 17). Le Seigneur a dit : « Venez. à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, » vous que la dure servitude de votre volonté propre ou de la volonté, d'autrui accable, «et vous trouverez la paix pour vos âmes; car mon joug est doux et mon fardeau léger (Matt. XI, 30). » C'est que, en effet, plus la clémence de Dieu l'emporte en douceur et en bienveillance sur celle de quelque homme que, ce soit, plus il est manifeste que son joug l'emporte aussi en douceur sur tous les autres jougs. Voilà pourquoi quiconque s'applique à plaire aux autres hommes est couvert de confusion; mais ceux qui marchent à la lumière de votre visage, Seigneur, ne songent qu'à faire votre volonté, et ne s'efforcent que de vous plaire, dès maintenant tressailliront de bonheur toute la journée en votre nom, il n'y aura point de scandale pour eux, ils se réjouiront au contraire dans votre justice, le jour où, dépouillant leurs infirmités, et entrant dans vos puissances, ils ne parleront plus que de votre justice, et feront, sans fatigue, la volonté que maintenant ils ont tant de peine à suivre.

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