SERMON LXV
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SERMON LXV. LA VIE DE L’AME (1).

 

ANALYSE. — Ce discours n'est que l'explication de ces paroles évangéliques : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme; mais craignez Celui qui peut mettre à mort le corps et l'âme dans la géhenne (2). » En effet 1° ceux qui vous menacent n'ont-ils pas autant à craindre que vous? 2° Tout ce qu'ils peuvent, se réduit a ôter à votre corps une vie qui lui sera plus tard rendue magnifiquement. 3° En ne craignant pas Dieu vous perdriez à tout jamais la vie de votre âme et seriez condamnés à la mort éternelle et de l'âme et du corps.

 

1. Les divins oracles que l'on vient de lire nous invitent à ne pas craindre en craignant et à craindre en ne craignant pas. Vous avez remarqué, à la lecture du saint Évangile, qu'avant de mourir pour nous le Seigneur notre Dieu a voulu nous affermir; il l'a fait en nous recommandant de ne pas craindre et en nous recommandant de craindre. « Ne craignez pas, dit-il, ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme. » C'est l'invitation â ne rien craindre. Et voici l'invitation à craindre : « Mais craignez Celui qui peut mettre à mort le corps et l'âme dans la géhenne. » Ainsi craignons pour ne craindre pas. La crainte paraît être une lâcheté, le caractère des faibles et non des forts. Remarquez néanmoins ce que dit l'Écriture: « La crainte du Seigneur est l'appui des forts (3). » Craignons pour ne craindre pas, en d'autres termes, craignons sagement pour ne pas craindre follement. Ces saints martyrs dont la fête nous a procuré d'entendre ces paroles évangéliques, ont ainsi craint en ne craignant pas ; car en craignant Dieu, ils ont méprisé la crainte des hommes.

2. Qu'est-ce en effet qu'un homme peut avoir à craindre des hommes ? Qu'y a-t-il dont un homme puisse faire peur à un autre homme ?

 

1. Matt. X, 28. — 2. Ibid. — 3. Prov. XIV, 26.

 

Pour t'effrayer il te dit: Je te tue ; et il ne redoute pas, en te menaçant, de mourir avant toi ! Je te tue, dit-il. Qui tient ce langage? A qui s'adresse-t-il ? Je vois ici deux hommes ; l'un épouvante, l'autre est épouvanté ; l'un est puissant, l'autre faible ; mais tous deux sont mortels. Pourquoi donc le premier s'enfle-t-il de ses honneurs et de sa puissance lorsque par son corps il est aussi faible que le second ? S'il ne craint pas la mort, qu'il menace de la mort; mais s'il craint le sort dont il menacé autrui, qu'il rentre en lui-même et qu'il se compare à qui il fait peur. Qu'il reconnaisse dans celui-ci une situation égale à la sienne et qu'avec lui il implore la miséricorde divine. C'est un homme qui menace un homme, une créature qui veut faire trembler une autre créature ; mais l'une s'élève insolemment sous la main de son Créateur et l'autre cherche un asile dans son sein.

3. Ce courageux martyr, cet homme debout devant un homme peut donc dire hardiment Parce que je le crains, je ne te crains pas. En vain tu menaces, s'il s'y oppose tu ne feras rien ; tandis que nul n'entrave l'exécution de ses desseins. Lors même, d'ailleurs, qu'il te permettrait d'agir, jusqu'où iras-tu ? Jusqu'à tourmenter le corps, mais l'âme est à l'abri de tes coups. Tu ne saurais

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mettre à mort ce que tu ne vois pas, et tu ne peux effrayer que ce qui est visible comme toi. Nous avons, toi et moi, un Créateur invisible que nous devons craindre ensemble; il a composé l'homme d'une partie visible et d'une partie invisible ; la partie visible est formée de terre, et l'invisible est animée par son souffle. Aussi cette nature invisible, cette âme qui a redressé et qui tient debout la partie terrestre, ne redoute rien lorsque tu frappes celle-ci. Tu peux abattre la maison; mais celui qui l'habite ? Tu brises ses liens, il s'échappe et va se faire couronner dans un autre monde. Pourquoi donc ces menaces, impuissantes contre l'âme ?

Par les mérites de celle contre qui tu ne peux rien, ressuscitera bientôt celui contre qui tu peux quelque chose. Oui le corps ressuscitera, grâce aux mérites de l'âme; la demeure sera rendue à celui qui l'habite, pour ne plus tomber en ruines mais pour subsister toujours. Ainsi, poursuit le martyr, ainsi pour mon corps lui-même, je ne redoute point tes menaces. Il est en ton pouvoir : mais le Créateur tient compte des cheveux de ma tête (1). Comment craindre pour mon corps, quand je ne puis perdre un seul cheveu? Comment ne prendrait pas soin de ma chair Celui qui s'occupe de ce qu'il y a de moindre en elle ? Ce corps que tu peux frapper et mettre à mort sera provisoirement réduit en poussière, mais éternellement il sera immortel. Or à qui appartiendra-t-il ? A qui sera rendu pour l'éternelle vie ce corps mis à mort, déchiré et dispersé? A qui sera-t-il rendu ? A celui là même qui n'a point redouté de perdre la vie en ne craignant point le meurtre de sa chair.

4. On dit, mes frères, que l'âme est immortelle; elle l'est effectivement sous certain rapport ; car elle est un principe de vie dont la présence anime le corps. L'âme en effet fait vivre le corps. A ce point de vue elle ne peut mourir; aussi est-elle immortelle. Mais pourquoi ai-je dit : sous certain rapport ? Le voici. Il y a une immortalité véritable, une immortalité qui est l'immortalité même. C'est d'elle que parle l'Apôtre quand il dit de Dieu: « Seul il possède l'immortalité et habite une lumière inaccessible ; nul homme ne l'a vu ni ne le saurait voir; à lui honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen (2). » Or si Dieu .seul possède l'immortalité, l'âme est mortelle assurément. Voilà pourquoi j'ai dit qu'elle est immortelle à sa manière; car elle peut

 

1. Matt. X, 30. — 2 1 Tim. VI, 16.

 

mourir aussi. Que votre charité s'applique à comprendre et il rue restera rien de douteux. J'ose donc assurer que l'âme peut mourir et qu'elle peut-être tuée. Oui, elle est immortelle. J'ose dire encore : Elle est immortelle et elle peut être tuée. Aussi ai-je remarqué qu'il y a une immortalité, ou l'immutabilité même, que Dieu seul possède, lui dont il est dit : « Il possède seul l'immortalité. » Eh ! si l'âme ne pouvait être tuée, le Seigneur lui-même aurait-il dit pour nous inspirer une salutaire frayeur: « Craignez Celui qui peut mettre à mort l'âme et le corps dans la géhenne ? »

5. Je n'ai fait qu'augmenter, je n'ai pas résolu la difficulté. J'ai prouvé que l’âme peut être mise à mort. L'impie seul peut contredire l'Évangile. Ceci me suggère la manière de répondre. Qu'y a-t-il de contraire à la vie, sinon la mort ? L'Évangile est la vie, l'impiété et l'infidélité sont la mort de l'âme. — Ainsi l'âme peut mourir, tout immortelle, qu'elle soit. Et comment est-elle immortelle? Parce qu'il y a en elle une vie qui ne s'éteint jamais. Comment meurt-elle ? Non pas en cessant d'être une vie, mais en perdant la vie; car si elle est la vie du corps, elle a aussi sa vie.

Admire ici l'ordre établi dans la création. L'âme est la vie du corps, et Dieu est la vie de l'âme. Comme le corps a besoin de la présence de sa vie, c'est-à-dire de l'âme, pour ne pas mourir; ainsi pour ne mourir pas, l'âme a besoin de l'action de sa vie ou de Dieu. Comment meurt le corps ? Quand l'âme le quitte. Oui, lorsque l'âme le quitte, le corps meurt, et ce n'est plus qu'un cadavre ; quels qu'aient été ses charmes, c'est maintenant un objet d'horreur. Il a encore ses membres, ses yeux, ses oreilles; ce sont comme les fenêtres d'une demeuré inhabitée, et plaindre un mort, c'est crier en vain aux fenêtres d'une maison où il n'y a plus personne qui puisse entendre. A quels sentiments, à quels retours, à quels souvenirs s'abandonne la plainte ; à quels excès de douleur ne se laisse-t-elle pas aller ? Vous diriez qu'elle se croit entendue, et elle parle à un absent. Elle rappelle sa vie, elle redit les témoignages de.sa tendresse. C'est toi qui m'as fait ce don, qui m'as rendu tel et tel service, c'est de toi que j'ai reçu telle et telle marque d'amour. — Mais si tu réfléchissais, si tu comprenais, si tu commandais à cette douleur déréglée, tu verrais que ton ami n'est plus là, et qu'en vain tu frappes à la porte d'une maison où il n'y a personne.

 

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6. Revenons au sujet que nous traitions. Le corps est mort. Pourquoi ? C'est que l'âme ou la vie l'a quitté. Cet autre corps est vivant, mais c'est le corps d'un impie, d'un infidèle, d'un homme qui résiste à la foi et qui se montre de fer quand il s'agit de se corriger quoique ce corps soit vivant, l'âme qui le fait vivre est une âme morte. Quelle merveille que cette âme, puisque toute morte qu'elle soit, elle peut encore donner la vie au corps ! Quelle merveille, quelle excellence dans cette créature, puisqu'après sa mort elle peut animer la chair ! En effet l'âme de l'impie, l'âme de l'infidèle, l'âme du débauché et de l'insensible est une âme morte, et toutefois elle fait vivre le corps. Aussi est-elle en lui : c'est elle qui applique les mains au travail et qui met les pieds en mouvement ; elle ouvre l'œil pour voir et l'oreille pour entendre ; elle juge des saveurs, fuit la peine et cherche le plaisir. Ces actes sont des indices que le corps vit, mais il vit par la présence de l'âme. Je demande à ce corps s'il est vivant, et il me répond: Tu vois un homme marcher et travailler, tu l'entends parler ; sous tes yeux mêmes il fuit et recherche et tu ne comprends pas que son corps est vivant ? Ces actes inspirés par l'âme qui le meut intérieurement me font donc comprendre que le corps réellement vit.

Je demande maintenant à l'âme elle-même si elle est vivante. Elle aussi fait des oeuvres qui rendent témoignage à sa vie. Ces pieds marchent et je comprends que le corps est vivant et que l'âme est en lui. Mais l'âme elle-même est-elle vivante ? Ces pieds marchent ; je ne parle que de ce mouvement, et je veux connaître par là quelle est la vie du corps et quelle est celle de l'âme. Les pieds donc marchent, preuve que le corps est vivant. Mais où vont-ils? A un adultère, m'est-il répondu — L'âme est donc morte. L'infaillible Écriture ne dit-elle point: « La veuve qui vit « dans les délices est morte (1) ? » Vu l'énorme différence des délices à l'adultère, comment pourrait vivre dans l'adultère l'âme qui est morte dans les délices ? Elle est morte assurément et néanmoins elle n'est pas morte uniquement dans ce cas.

J'entends parler quelqu'un ; le corps est donc vivant, car la langue ne serait pas en mouvement dans la bouche, elle n'y formerait pas, en s'agitant diversement, des sons articulés, si l'âme n'était dans le corps et n'employait la langue

 

1. I Tim. V, 6.

 

comme le musicien emploie son instrument. — Je saisis parfaitement. Voilà comment parle, comment vit le corps. Mais je demande si l'âme aussi est vivante. — Le corps parle, preuve qu'il vit. De quoi parle-t-il ? Je disais des pieds : Ils marchent, c'est que le corps est vivant ; et j'a joutais : Où vont-ils? comme moyen de savoir si l'âme vivait aussi. De la même manière je juge en entendant parler que le corps est vivant, et pour savoir si l'âme: vit également je cherche de quoi parle le corps. Il profère un mensonge. S'il profère un mensonge, c'est que l'âme est morte. Comment le prouver? Questionnons la Vérité même ; elle dit: « La bouche qui ment donne la mort à l'âme (1). » Pourquoi cette âme est-elle morte? Je demandais également, tout à l'heure, pourquoi le corps était mort? et je répondais.: C'est que l'aine ou sa vie l'a quitté. Pourquoi l'âme est-elle morte? C'est que Dieu, qui est sa vie, l'a abandonnée.

7. Après ces courtes explications, sachez et soyez sûrs que comme le corps est mort quand il est séparé de l'âme, ainsi l'âme est morte lorsqu'elle est séparée de Dieu, et tout homme éloigné de Dieu a sûrement l'âme morte. Tu pleures un mort; pleure plutôt le pécheur, pleure l'impie, pleure l'infidèle. Il est écrit « On pleure un mort durant sept jours ; mais l'insensé et l'impie doivent être pleurés tous les jours de leur vie (2). » N'as-tu pas les entrailles de la miséricorde chrétienne ? Comment pleures-tu le corps séparé de l'âme, sans pleurer l'âme séparée de Dieu ?

Appuyé sur cette vérité, que le martyr réponde donc au tyran qui le menace : Pourquoi me contraindre à renier le Christ ? Tu veux donc que je renie la vérité? Que feras-tu si je m'y refuse? Tu frapperas mon corps pour en éloigner mon âme; mais le corps est fait pour l’âme. Cette âme n'est ni imprudente ni insensée. Or en voulant frapper mon corps, prétends-tu me faire craindre tes coups et l'éloignement de mon âme, pour me déterminer à la frapper moi-même et à en éloigner mon Dieu? Ne crains donc pas, ô martyr, l'épée de ton persécuteur ; redoute plutôt ta langue, crains de te blesser toi-même et de mettre à mort, non pas ton corps mais ton âme. Crains de faire mourir ton âme dans la géhenne du feu.

8. Aussi le Seigneur dit-il qu' « il a le pouvoir de mettre à mort le corps et l'âme dans la géhenne du feu. » Comment ? Est-ce que l'impie jeté dans cette géhenne brûlante, son âme brûlera comme son corps ? La mort du corps est le supplice

 

1. Sag. I, 11. — 2. Eccli. XXII, 13.

 

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éternel, et la mort de l'âme, la privation de Dieu. Veux-tu savoir en quoi consiste cette mort de l'âme ? Entends le prophète: « Loin d'ici l'impie, dit-il, et qu'il ne voie point la gloire de Dieu (1). »

Que l'âme donc craigne de mourir et qu'elle ne redoute pas la mort de son corps. Car en craignant de mourir et en vivant unie à son Dieu, sans l'offenser et sans l'éloigner, elle méritera

 

1. Isaïe, XXV, 10.

 

de recouvrer son corps à la fin des siècles, non pour subir la peine éternelle, comme les impies, mais pour jouir, comme les justes, de l'éternelle vie. Les martyrs ont craint cette mort et aimé cette vie; et en attendant l'accomplissement des divines promesses, en méprisant les menaces de leurs persécuteurs, ils ont mérité la couronne auprès de Dieu et nous ont laissé ces solennités à célébrer.

 

 

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