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SERMON XXIV. GRANDEUR ET SÉVÉRITÉ DE DIEU (1).

 

ANALYSE. — Certains détails de ce discours semblent indiquer qu'il a été prononcé à Carthage. Quoiqu'il en soit, le but que se propose le saint docteur.est de déterminer le peuple à faire disparaître les derniers restes de l'idolâtrie : c'est à ce but qu'il rapporte un verset que l'on a chanté avec enthousiasme dans l'Église, et qu'il prend pour texte. — I. Seigneur qui est semblable à trous? N'est-ce pas avec raison que nous faisons entendre ce cri? En effet 1° qu'est-ce que l'univers en face de celui qui l'a créé? 2° Si les païens n'étaient aveugles, ne verraient-ils point avec quel éclat s'accomplissent les divines promesses qui révèlent la grandeur de Dieu et la grandeur de Jésus-Christ? 3° Quoique l'homme soit fait à l'image de Dieu, nous savons que devant Dieu il est fort petit. Et vous donneriez le nom même de Dieu à une statue que vous estimez si inférieure à l'homme? — II. Ne restez ni dans votre silence ni dans votre douceur. Comment cette provocation à la sévérité peut-elle s'accorder avec cette invitation du Sauveur: Venez à moi apprenez de moi que je suis doux? Examinons 1°, quel est celui qui nous adresse cette invitation? C'est Celui qui seul connaît parfaitement Dieu. 2° A qui l'adresse-t-il? A vous tous qui lui avez répondu par vos acclamations et à nous qu'il charge de vous conduire et de vous diriger. 3° A quoi nous excite-t-il? A faire disparaître ici comme ils ont disparu à Rome les restes de l'idolâtrie. Cette sévérité n'est-elle point douceur, puisqu'elle à pour but de délivrer l'homme de la tyrannie du vice et de l'erreur? Soyez donc heureux de ce que les autorités ont fait contre l'idolâtrie.

 

1. Grâces au Seigneur notre Dieu; qu'on multiplie les louanges en son honneur ; à lui sont dus les hymnes de Sion. Rendons-lui grâces avec autant d'ardeur dans l'âme que d'enthousiasme dans la voix, nous avons chanté : « Seigneur

 

1. Ps. LXXXII, 2.

 

qui est semblable à vous ? » C'est que nous chantons son amour vivant dans nos coeurs, c'est que vous le craignez comme votre Seigneur, c'est que vous le chérissez comme votre Père. Grâces lui soient rendues : on le désire avant de le voir ; on sent sa présence et on espère le

 

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posséder. Grâces à lui, dont l’amour ne bannit pas la crainte et dont la crainte n'empêche pas l'amour. C'est lui que nous bénissons, c'est lui que nous honorons en nos coeurs au lieu de nous honorer nous-mêmes. « Car le temple de Dieu est saint, et ce temple c'est vous. (1) »

Voyez maintenant combien ce Dieu est vivant, puisque les pierres de son temple sont tellement animées. Considérez, mes frères, ce que vous dites et à qui vous parlez en disant: « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Ce sont des pierres vivantes de l'édifice qui disent à celui qui l'habite : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Représentez-vous toutes les créatures, la terre et tout ce qu'elle renferme, la mer et tout ce qu'elle contient, l'air et tout ce qui vit dans l'air, le ciel et tout ce qui est au ciel. Dieu « a dit et tout cela a été fait ; il a commandé et tout a été créé. (2) » « Qui » donc, Seigneur, est « semblable à vous ? » Que tout coeur répète, que toute langue docile proclame, que toute pieuse conscience publie avec sécurité : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Car on s'adresse à Celui dont on n'a point à rougir; cette louange est digne de lui, elle convient aux pierres vivantes.

2. Quant aux pierres mortes, puissent-elles être sensibles à la compassion des pierres vivantes! J'appelle mortes, non pas celles qui composent ces édifices, non pas celles que taille le fer de l'ouvrier, ni celles que sculpte le ciseau pour en faire des dieux, ou plutôt pour leur donner ce nom : telles ne sont point les pierres dont je parle. Je nomme pierres mortes les hommes auxquels ressemblent ces dieux. Il est des pierres vivantes, c'est à elles que s'adresse en ces termes l'Apôtre Pierre: «Pour vous, mes frères, soyez posés sur lui comme pierres vivantes, pour former le saint temple de Dieu (3). »

Je dis donc, mes frères : Puissent les pierres mortes être sensibles à la compassion des pierres vivantes ! Eh! que cherchons-nous ? après quoi courons-nous tantôt avec angoisse et tantôt avec dilatation de coeur ? Quel est le but tous nos soins et de toute notre ardeur, sinon de séparer une pierre d'une autre pierre ? Les pierres vivantes ont des yeux et elles voient, des oreilles et elles entendent, des mains et elles travaillent, des pieds et elles marchent, car elles connaissent leur architecte ; tandis que les pierres mortes croient que leurs pierres sont des dieux; ce sont

 

1. I Cor. III, 17. — 2. Ps. CXLVIII, 5. — 3. I Pier. II, 5.

 

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ces dieux qu'elles contemplent, qu'elles adorent ostensiblement; elles leur offrent des sacrifices et deviennent elles-mêmes les sacrifices du diable. En effet, ires frères, si elles avaient des yeux pourvoir et des oreilles pour entendre, leur serait-il difficile de reconnaître l'accomplissement des prophéties du. Christ? Ne pourraient-elles pas comprendre nos livres si vrais et nos oracles si sûrs ? Mais pourquoi ne voient-elles pas? Pourquoi n'entendent-elles pas ? Parce que la prophétie dit d'elles aussi : « Qu'ils deviennent semblables aux  idoles ceux qui les font et ceux qui se confient en elles (1). » Faut-il donc désespérer de ces malheureux? Loin de là. Et qu'espérer de pierres inanimées ? Qu'espérer ? N'est-ce pas, comme il est écrit, que « Dieu peut de ces pierres susciter des enfants d'Abraham (2)?»

3. Ainsi, mes très-chers, vous savez à quel Dieu nous avons dit : « Seigneur, qui est semblable à vous? » C'est à Celui dont nous n'avons pas à rougir, dont nous ne lisons pas les titres sur la pierre, car nous les portons dans nos coeurs ; dont le nom connu de tous, vit dans.les âmes fidèles, habite dans les coeurs soumis et lutte contre les superbes. Nous connaissons Celui à qui nous avons dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Par conséquent, que jamais les hommes ne parviennent à nous inspirer la haine d'eux-mêmes : mais haïssons le mal qu'a fait l'homme dans l'homme même, le chef-d'oeuvre de Dieu.

Je cherche le Créateur de celui qui porte le nom d'homme ; ce Créateur est Dieu. Dieu n'est-il créateur que de l'homme ? N'a-t-il pas créé aussi les troupeaux et les poissons, les oiseaux et les anges, le ciel et la terre, les étoiles, la lune et le soleil, tout ce qui est créé, tout ce qui est réglé au-dessus et au dessous de nous, les êtres les plus infimes et les êtres les plus élevés, tout ce qui est contenu par le lien de l'unité ; n'est-ce pas Dieu qui a formé tout, cela ? Il est vrai, il a fait l'homme à son image et à sa ressemblance (3). L'homme est donc une ressemblance : mais quelle ressemblance en face de la réalité ? Qu'est-ce que l'homme devant Dieu ? Qu'est-ce que l'homme, sans votre souvenir, Seigneur (4) ? Disons donc devant l'image et la ressemblance qu'il a produite, disons donc à noire Dieu: « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Le prophète a dit encore : « Souviens-toi que

 

1. Ps. CXIII, 6. — 2. Matt. III, 9. — 3. Gen. I, 26, 27. — Ps. VIII, 6.

 

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tu es poussière (1), » tant est éloigné de ressembler à Dieu l'homme qu'il a créé à son

image ? Cette ressemblance est si différente de l'original, qu'on ne peut établir de comparaison. Et le cœur d'un homme, le cœur d'un chrétien qui ne peut dire : l'homme est Dieu ; aime à lire : au dieu Hercule! Sans doute l'inscription ne parle pas ; mais on lit : au dieu Hercule. A qui s'adresse ce titre ? Qu'il nous l'apprenne celui à qui il est décerné. Mais le personnage est aussi muet, aussi insensé que son titre ; il y a ici plus qu'un mensonge et moins que de la boue. Ce titre accuse la main qui l'a écrit, il confond l'adorateur de la statue ; il ne fait pas que la pierre soit Dieu, il montre que l'homme est fou ; en donnant à de la boue le nom même de Dieu, il efface du livre des vivants celui qui adore ce, Dieu prétendu. Quel sentiment a-t-il, si faible que ce soit ?

4. Néanmoins, comme Dieu peut de ces pierres mêmes susciter des enfants d'Abraham, qu'il daigne considérer ici ce qu'il a fait dans l'homme. Oui, que ce Dieu à qui nous avons dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » considère dans l'homme ce que lui-même y a fait, et qu'il y efface ce que l'homme a fait contre son Créateur. Qu'il frappe et qu'il guérisse, qu'il perde et ressuscite. Car après lui avoir dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » on a eu raison d'ajouter : « Ne demeurez ni d'ans votre silence ni dans votre douceur. » Quoi ! mes frères , n'est-ce pas provoquer la colère de Dieu dans ce psaume, que de lui dire : « Ne gardez ni votre silence, ni votre douceur ? » On s'adresse ici soit au Père qui a envoyé, soit au Fils qui est venu et qui a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur (2). Ainsi le Christ, Fils de Dieu, est doux et humble de coeur. Comment donc ? Il a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; » et nous avons osé lui dire : « Ne demeurez ni dans votre silence ni dans votre douceur? » Ne pourrait-il nous répondre : O homme ! ne te suffit-il pas de n'apprendre point de moi à être doux, veux-tu m'apprendre à ne l'être pas moi-même ?

Voyez, mes frères, soyez attentifs, aidez-nous, aidez-nous par des voeux pieux et une chaste prière, à sortir par la grâce de Dieu, de cette difficulté. Les divins oracles semblent contradictoires ; ils paraissent faire entendre le contraire et nous avons besoin du don d'intelligence,

 

1. Ps. CII, 14. — 2. Matt. XI, 29.

 

du secours de Celui à qui nous avons dit « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Nous avons besoin de recevoir l'accomplissement de cette divine promesse : « Je te donnerai l'intelligence (1). » Nous connaissons cette parole « Je vous donne ma paix ? » Le Christ ordonne aux chrétiens d'avoir la paix entre eux, comment l'auront-ils ? Comment accueilleront-ils cet ordre, si les divins oracles ne peuvent s'accorder eux-mêmes ? Attention ! comprenez ce que signifient ces mots qui semblent contraires.

Que signifient : « Venez à moi, » et: « apprenez de moi ? » D'abord, quel est celui qui parle ainsi ? Ensuite, à qui s'adresse-t-il ? Enfin, à quoi invite-il?

Apprends d'abord quel est celui qui invite. « Mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, je vous rends grâces parce que vous, avez caché ces choses aux sages et; aux prudents, et que vous les avez révélées aux petits. Oui, mon Père, parce qu'il vous a plu ainsi. Toutes choses m'ont été données par mon Père. » Voilà Celui qui invite. « Toutes choses m'ont été données par mon Père. Car nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils voudra le révéler (3). » Quelle immense grandeur !quelle profondeur ineffable ! « Toutes choses m'ont été données par mon Père. » Seul je le connais et je ne suis connu que de lui. Et nous ? il nous laisse là ? Nous ne le connaissons pas ? Que devient donc cette parole : « Et celui à qui le Fils voudra le révéler? »

5. Votre cœur et la vivacité de votre foi, l'ardeur de votre charité et la chaleur de votre zèle pour la maison de Dieu se sont manifestés par vos chants, témoins fidèles des sentiments de votre âme. Souffrez que, profitant de votre bonne volonté, les quelques serviteurs de Dieu qui vous gouvernent laissent aussi connaître leur dévouement à sa cause. Dieu lui-même l'a dit, mes frères, vous êtes son peuple et les brebis de ses pâturages (4). Mais vous avez en son nom des pasteurs, serviteurs aussi et membres du divin Pasteur. Les dispositions du peuple et sa volonté d'agir peuvent se manifester par ces chants ; mais le soin que vous doivent vos guides ne peut se révéler ainsi, il leur faut des actions. Ainsi donc, mes frères, puisque vous avez fait ce qui vous regarde par vos acclamations pieuses; permettez

 

1. Ps. XXXI, 8. — 2. Jean. XIV, 17. — 3. Matt. XI, 25-28. — 4. Ps. XCIV, 7.

 

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que nous vous montrions aussi si par nos actes nous faisons ce qui nous concerne. Nous vous avons éprouvés ; éprouvez à votre tour si après avoir entendu ces témoignages de votre coeur et de votre zèle nous sommes négligents à accomplir ce que nous devons. Dieu nous préserve d'être trouvés mauvais quand vous vous montrez bons!

Vous et nous; nous avons une même volonté d'agir sur ce qui fait le sujet de vos acclamations; mais le mode d'action ne saurait être le même. Nous croyons donc, mes très-chers, que vous devez être sûrs de notre volonté et attendre de nous la manière d'accomplir la  vôtre. Pour éviter toute lutte entre eux, tous les membres du corps de Jésus-Christ doivent accomplir leurs fonctions respectives. Que l'oeil placé au sommet fasse ce qui concerne l'oeil ; l'oreille, ce qui concerne l'oreille ; que la main fasse ce qui a rapport à la main et le pied, ce qui a rapport au pied ; afin qu'il n'y ait point de scission dans le corps et que tous les membres aient les mêmes soins les uns pour les autres (1). Aussi nous vous félicitons et nous applaudissons à votre charité d'avoir obéi à ce que vous a commandé ce matin notre vénérable Seigneur et collègue, votre saint évêque. Observez ce qu'il vous a recommandé, et pour ne pas tomber, ne vous écartez point de cette voie. Car si vous suivez ses ordres, Dieu vous aidera puissamment à accomplir ce que vous désirez.

J'avais commencé à le dire : qu'est-ce en effet que l'homme et qu'est-ce que la vie humaine, sinon, comme il est écrit, «une vapeur qui paraît pour un peu de temps (2) ? » Songez donc, mes frères, à votre fragilité, à votre bassesse, à votre condition charnelle, aux rapides changements qui se font dans ce monde, et reconnaissez que pour être heureux vous devez placer toutes vos espérances uniquement en Celui dans le sein duquel elles peuvent être en sûreté. Mais comment placer en lui nos espérances, si nous n'obéissons à ses préceptes ?

6. Vous disons-nous de ne pas vouloir ce que vous voulez ? Ne rendons-nous pas grâces, au contraire, de ce que vous voulez ce que Dieu demande ? Dieu veut en effet, Dieu ordonne que l'on fasse disparaître toutes les superstitions des païens et des gentils : il a prédit qu'elles disparaîtraient, il a commencé à accomplir cet oracle et il l'a déjà fait en grande partie dans beaucoup de lieux. Si nous voulions qu'on commençât

 

1. Cor. XII, 25. — 2. Jacq. IV, 15.

 

par cette ville à chercher à abolir les superstitions du diable ; l'entreprise serait ardue peut-être et toutefois on ne devrait pas désespérer du succès. Mais il est des lieux où sans avoir été excité par aucun exemple on a commencé à accomplir sérieusement cette destruction salutaire : ne sommes-nous donc pas autorisés à croire qu'en présence de ce qui s'est fait ailleurs on pourra agir ici plus complètement encore, au nom du Seigneur et avec le secours de sa main?

Vous venez de crier : Carthage doit ressembler à Rome ! Quoi! la capitale de la gentilité a commencé et les autres villes ne l'imiteront pas ? Examinez, mes frères, lisez les livres des païens, apprenez de ceux d'entre eux qui conservent encore quelque attachement à cette malheureuse idolâtrie, parcourez ou écoutez leurs écrits; vous reconnaîtrez que ces idoles, comme les autres, s'appellent les dieux Romains. Oui, ces dieux se nomment les dieux Romains. Quand la fureur mugissante des païens forçait les Chrétiens à adorer ces dieux, quand les Chrétiens refusaient et répandaient leur sang sous le poids, des tortures ; toute la faute reprochée à ces martyrs, dont le sang coulait, était de ne vouloir pas adorer les dieux romains, de mépriser le culte des dieux romains, de ne pas implorer les dieux romains, et il n'y avait ni attaque ni cruauté qui ne s'accomplit au nom des dieux romains. Comment donc! Les dieux romains sont anéantis à Rome, et ils sont encore ici? Faites-y attention,  mes frères, appliquez-vous à ce que je viens de dire : Les dieux Romains, les dieux Romains, les dieux Romains ne sont plus à Rome et ils sont encore ici ! S'ils pouvaient marcher, ils vous diraient qu'ils ont fui cette ville pour venir ici. Mais ils n'ont pas fui, ils sont encore à Rome.

Celui qu'autrefois on nommait le dieu Hercule n'y est plus. Ici au contraire, il a voulu avoir une barbe d'or. Je me trompe en disant Il a voulu. Que peut vouloir une pierre insensible? Il n'a donc rien voulu, il n'a rien pu, Seulement ceux qui voulaient le faire dorer ont rougi de le voir sans barbe ; et ils ont suggéré je ne sais quoi au juge nouvellement arrivé (1). Qu'a fait celui-ci ? Il n'a pas voulu qu'un chrétien honorât une pierre, il a voulu au contraire qu'il ne s'occupât de cette vaine statue que pour

 

1. En comparant diverses expressions de ce discours on serait porté à croire que les païens profitant de l'arrivée d'un nouveau proconsul lui auraient demandé de faire redorer la barbe d'Hercule et que le proconsul au contraire l'aurait fait couper. On sait qu'Hercule était spécialement honoré en Afrique et qu'en son honneur furent égorgés les soixante martyrs de Suffec. Voir la Lett. Le. de S. Aug, tom. II. p. 49.

 

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lui couper la barbe. Ce n'était pas condescendre, c'était exciter à se venger. Je crois en effet, mes frères, qu'il est plus honteux pour Hercule d'avoir été rasé que d'avoir eu la tête tranchée. Cette barbe qu'ils lui avaient donnée par erreur, il l'a donc perdue avec ignominie pour eux. On nomme Hercule le dieu de la force et toute sa vigueur est dans sa barbe. Pour son malheur il a voulu trop briller : cet éclat n'était pas une lumière divine, ce n'était que du bois.

7. Que les païens se taisent donc, qu'ils reconnaissent enfin de quel Dieu parlent les fidèles quand ils disent : «Seigneur, qui est semblable à vous ? Ne demeurez ni dans votre silence ni dans votre douceur. » J'avais entrepris de montrer de quelle manière il ne garde point sa douceur ; ce n'est pas en détruisant les hommes, mais en détruisant les erreurs. Ne conserver pas la douceur, c'est s'irriter ; la conserver, c'est prendre compassion. Mais Dieu s'irrite et compatit en même temps : il s'irrite pour frapper, il compatit pour guérir ; il s'irrite pour tuer, il compatit pour rendre la vie ; et c'est sur le même homme qu'il agit si diversement. Il ne perd pas les uns et ne ressuscite pas les autres, c'est envers les mêmes hommes qu'il montre sa colère et sa douceur ; sa colère contre les égarements, sa douceur quand on s'est corrigé. « C'est moi qui frapperai et moi qui guérirai moi qui tuerai et moi qui ferai vivre. (1). » N'est-ce pas ce qu'il a fait dans la personne de Saut, devenu plus tard l'Apôtre Paul ? Ne l'a-t-il pas renversé et relevé; renversé infidèle et relevé fidèle; renversé persécuteur et relevé prédicateur? N'est-ce point parce qu'il s'irrite, qu'Hercule est dépouillé de sa barbe ? Ici Dieu a agi par le ministère de ses fidèles, de ses chrétiens, des puissances qu'il a établies et qui déjà portent je joug du Christ.

Aussi, mes frères, considérez cet évènement avec plaisir et comptez qu'avec le secours du Seigneur tout désormais réussira mieux encore.

 

1. Deut. XXXII, 39.              .

 

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