VENDREDI OCTAVE

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III° DIMANCHE

LE VENDREDI DANS L'OCTAVE DU SAINT-SACREMENT.

 

Christum regem adoremus dominantem gentibus, qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem.

Adorons le Christ roi, Seigneur des nations, engraissant l'âme de qui le prend en nourriture.

 

 

Dieu a donne satisfaction aux désirs enflammes du cœur de l'homme. La maison du festin des noces, élevée par la divine Sagesse au sommet des monts, a vu les nations affluer vers elle (1). Hier, par tout le monde catholique ému d'un même amour, les peuples assemblés s'excitaient mutuellement aux saints transports d'une même reconnaissance : « Venez ; montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob, du Dieu fort d'Israël. » Hier le germe du Seigneur a été vu dans la magnificence et la gloire (2); porté en triomphe, l'épi divin, fruit de la terre, excitait l'enthousiasme des foules qui, croissant à chaque pas, tressaillaient devant lui comme on tressaille au jour de la moisson (3).

Moisson céleste, attente des siècles ! Epi précieux dédaigné d'Israël, et cueilli par Ruth l'étrangère au champ du vrai Booz en Bethléhem ! C'est pour ce jour du triomphe de la gentilité, de la grande assemblée des nations prédite par Isaïe,

 

1. Isai. II, 2. — 2. Ibi. IV, 2. — 3. Ibid. ix, 3.

 

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que le Seigneur tenait en réserve sur la montagne le banquet de délivrance à la victime incomparable, le festin de vendange au vin délicieux et très pur (1). Les pauvres en ont mangé, et ils ont éclaté dans la louange; les riches en ont mangé, et ils se sont abîmés dans l'adoration ; et toutes les familles des nations, prosternées en sa présence, ont reconnu le Christ-Roi à son divin banquet (2). C'est lui, disaient-elles; c'est notre Dieu attendu si longtemps (3), le désiré de notre âme au sein a des nuits, pour qui dès le matin veillaient nos pensées ; c'est le Seigneur, dont les délais n'ont a pu effacer en nous le souvenir. O Dieu, votre mémorial était l'aspiration de nos cœurs dans les longs sentiers de l'attente (4). Seigneur, je vous louerai, parce que vous avez accompli d'admirables prodiges. Tels étaient donc bien vos divins projets, vos pensées éternelles (5) ! »

L'amour qui s'exprimait ainsi n'est en effet que l'écho de l'amour infini, écho affaibli, réponse de l'homme mortel aux divines avances. Le divin Esprit, qui a noué l'union merveilleuse des fils d'Adam et de la Sagesse éternelle, nous montre partout dans les saints Livres l'adorable Sagesse impatiente des délais, combattant les obstacles, et préludant en toutes manières à la rencontre fortunée du banquet nuptial.

Nous n'aurons point trop des deux premiers jours de l'Octave qui commence aujourd'hui, pour esquisser brièvement cette histoire de la préparation eucharistique. La vive lumière qu'elle jettera sur le dogme lui-même en fera sentir assez l'importance. Qu'on ne s'étonne pas d'y voir l'éternelle

 

1. Isai. XXV, 6. — 2. Psalm. XXI, 27-3o. — 3. Isai. XXV, q. — 4. Ibid. XXVI, 8, 9. — 5. Ibid. XXV, 1.

 

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Sagesse remplissant ces deux jours de ses divines recherches envers notre nature. Prenant les Ecritures pour guide en cette exposition, comme dans tout le reste de cet ouvrage, nous avons dû prendre aussi leur langage. Or, c'est ainsi qu'elles s'expriment avant l'Incarnation : la seconde personne de l'auguste Trinité y parait ouvertement sous ce nom de SAGESSE, et à titre d'Epouse, jusqu'à ce que son union avec l'homme étant accomplie au degré le plus élevé qu'elle dût atteindre dans le Christ Jésus, elle s'efface, pour ainsi dire, devant l’Epoux, et semble perdre jusqu'à son nom. On savait toutefois ne pas l'oublier, ce nom béni, dans les âges de foi vive, dans les grands siècles nourris des Ecritures (1). C'est à cette noble souveraine de ses pensées que le premier empereur chrétien dédiait le trophée de sa victoire sur le paganisme et du triomphe des martyrs : totus Sapientia Dei exœstuans, nous dit Eusèbe (2) , Constantin consacrait sous son nom à lui-même l'antique Byzance au Dieu des Martyrs (3), et dédiait à la Sagesse éternelle le monument principal de la nouvelle Rome, Sainte-Sophie, resté longtemps le plus beau temple du monde. Sachons donc, à la suite de nos pères, honorer la divine Sagesse, et reconnaître l'amour qui la presse ineffablement de s'unir à l'homme dès l'éternité.

Tel est, en effet, le secret de l'exultation mystérieuse qui la transporte aux premiers jours, alors que, le péché n'étant point encore venu rompre l'harmonie de l'œuvre du Très-Haut, le monde s'épanouit sous l'œil de Dieu dans sa fraîcheur

 

1. MELIT. Clav. ad verb. Mulier. — 2. De vita Constant. Lib. III, cap. 48. — 3. Ibid.

 

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native. Chaque manifestation de la puissance créatrice augmente son allégresse, en ajoutant une beauté nouvelle au théâtre prédestiné des divines merveilles qu'a projetées son amour. Sans relâche elle tressaille devant le Créateur, elle se joue dans l'orbe de la terre ; car elle voit s'avancer l'homme, dont le palais qui s'achève annonce la prochaine arrivée, et ses délices sont d'être avec les enfants des hommes (1).

Insondable amour, qui précède le péché, mais le prévoit néanmoins sans en être affaibli ! délices mystérieuses, attrait divin dont ne peut triompher l'amertume des noires ingratitudes de l'avenir ! La chute de l'homme aura comme conséquence de modifier profondément et cruellement, pour la divine Sagesse, les conditions de sa terrestre existence. Mais pour le bien saisir, et pénétrer mieux aussi l'incompréhensible amour qui ne s'est point rebuté de tels bouleversements, continuons de suivre aujourd'hui par la pensée les divines intentions dans l'état d'innocence. Quoique les saintes Lettres, écrites pour l'homme pécheur, aient trait surtout à l'état de chute et au grand mystère delà réhabilitation, la pensée première du Seigneur s'y fait jour, en plus d'un endroit, assez clairement pour nous permettre de rétablir sans trop de difficulté les grandes lignes du plan divin primitif.

« Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies (2) », dit la Sagesse. N'est-elle pas elle-même en effet la première des créatures (3), non sans doute dans cette forme divine dont parle l'Apôtre, et qui la rend égale à Dieu (4), mais dans

 

1. Prov. VIII 3o, 31. — 2. Ibid. 22. — 3. Eccli. 1, 4 — 4. Philip. II, 6.

 

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cet être humain qu'entre toutes les natures possibles elle a élu de préférence (1) pour s'unir en lui à l'être fini ? Libre choix d'un amour sans bornes et tout gratuit, plaçant l'homme dès avant tous les âges au sommet de l'œuvre divine, et constituant à notre avantage le type et la loi de la création entière. Car, nous disent les saints Livres, « le très haut et tout-puissant Créateur a créé tout d'abord dans le Saint-Esprit l'adorable Sagesse ; et la prenant pour exemplaire, pour mesure et pour nombre, il l'a répandue sur toutes ses œuvres et sur toute chair (2). » A la plénitude des temps elle-même doit venir, comme lien commun, manifester aux mondes rassemblés dans son unité la raison de leur existence : joignant à l'hommage de sa divine personnalité l'hommage de toute créature, elle consommera dans une adoration universelle et infinie la gloire extérieure de Dieu son Père. Alors apparaîtra l'incomparable dignité de cette nature humaine élue par la divine Sagesse dès le commencement comme sa forme créée, pour être l'organe de cet hommage envers le Père dont la nature divine qu'elle tient de lui n'était point susceptible. L'éternelle Sagesse ne sera plus qu'un avec le Fils de la Vierge très pure ; l'épithalame sera chanté par toutes les voix de la terre et du ciel ; et par ce fils de l'homme devenu l'Epoux, elle continuera jusqu'au dernier jour, dans l'intime de chaque âme, l'ineffable mystère de ses noces divines avec l'humanité tout entière.

Mais quel sera le moyen de l'union déifiante ? De tous ks sacrements que le Christ aurait pu établir dans l'état d'innocence, il n'en est point,

 

1. Heb. II, 16. — 2. Eccli. I, 8, 10.

 

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dit Suarez, qui présente plus de probabilités en sa faveur que l'Eucharistie. Il n'en est point en effet qui, plus désirable en soi-même, soit aussi plus indépendant du péché ; car le souvenir d'expiation, qui s'y rattache aujourd'hui comme mémorial de la Passion du Sauveur, peut en être exclu sans atteindre l'essence même du Sacrement, qui est la réelle présence du Seigneur et l'intime rapprochement par lequel il nous unit à lui (1). Le Sacrifice, comme nous le verrons, ne suppose pas davantage l'idée du péché dans sa notion première ; or, le Sacrifice doit demander au Christ chef du monde une offrande digne de Dieu et de lui-même, quand il viendra ici-bas pour accomplir, au nom de nous tous et du monde entier, cet acte solennel. Epoux et Pontife à jamais dans la vertu de l'onction souveraine, c'est par l'Eucharistie qu'il sera tel en effet, s'assimilant l'humanité dans l'étroit embrassement des Mystères, pour l'offrir à Dieu divinisée dans l'unité de son propre corps.

Mais à l'Epoux qui doit venir il faut un cortège nombreux, pour l'entourer et chanter ses louanges, au moment où se fera son entrée dans le lieu du festin nuptial ; et d'ici que la terre, suffisamment peuplée, puisse présenter au Roi-Pontife une cour digne de lui, un long temps doit s'écouler encore. Que fera ce pendant la divine Sagesse ? Aux jours de la création, nous avons vu les transports de son active allégresse. Mais voici que, son œuvre achevée, le Créateur s'est retiré dans le repos du septième jour. Assise à la droite du Père dans les splendeurs des Saints, attendra-t-elle maintenant inactive le moment où Celui

 

1. De sacram. Disp. III. Sect. III.

 

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qui l'a engendrée avant l'aurore (1) et fiancée à l'humanité, l'enverra sur terre consommer cette alliance objet des éternels désirs de son amour?

Le portrait que nous en tracent les saints Livres ne le donne point à supposer. Impétueuse en sa douceur, plus agile que le mouvement, plus pénétrante que tout, est la Sagesse. En elle réside l'esprit d'intelligence, ami de l'homme, que rien n'arrête, subtil, fécond en ressources, alerte, stable et calme à la fois, sûr de ses œuvres et de leur issue, parce qu'il est tout-puissant, prévoit toutes choses, et renferme en soi tous les esprits dans la force et la suavité de la lumière incréée, dont cette divine Sagesse est la splendeur très pure (2). Facilement elle se laisse voir à ceux qui l'aiment, et trouver par ceux qui la cherchent ; elle prévient ceux qui la désirent et se découvre à eux la première. Celui qui veille pour elle dès le matin sera vite en repos ; car elle-même s'en va cherchant ceux qui sont dignes d'elle, se montre à eux dans le chemin pleine de grâce, et vient en toute sollicitude à leur rencontre (3). Sans quitter donc le trône de gloire dont elle fait la beauté dans le sanctuaire des cieux (4), préparant de loin le jour des noces, elle influera sur l'homme en toutes manières, l'accompagnant dans ses sentiers, l'entretenant de son amour, et lui manifestant, sous des symboles précurseurs adaptés par elle à la jeunesse du monde, les merveilleux projets que garde l'avenir

Le Seigneur Dieu, dit l'Ecriture, avait planté dès le commencement un jardin délicieux, pour y placer l'homme qu'il ne devait créer que le sixième

 

1. Psalm. CIX, 3. — 2. Sap. VII, 22-26. — 3. Ibid. VI, 13-17. — 4. Ibid. IX, 4, 10.

 

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jour. Au milieu du jardin s'élevait un arbre à la signification mystérieuse ; beau entre tous, il se nommait Y arbre de vie. Un fleuve, qui se divisait en quatre canaux, arrosait ce lieu de délices (1) ; appelé de même le fleuve dévie, saint Jean nous le montre, en son Apocalypse, sortant du trône de Dieu et brillant comme le cristal (2). Arbre et fleuve dont le symbole ne suppose point le péché futur : placés par Dieu avant l'homme même en ce séjour de l'innocence, ils entrent comme éléments dans la notion du plan divin primitif, ne signifiant, n'annonçant rien qui, de soi, ne se rapporte d'abord à l'état d'innocence.

Or, nous dit un ancien auteur publié sous le nom de saint Ambroise, « l'arbre de vie au milieu du Paradis, c'est le Christ au milieu de son Eglise (3). » — « Le Christ était donc l'arbre de vie », dit de son côté saint Augustin, Dieu n'ayant point voulu que l'homme vécût dans le Paradis, sans avoir présents sous les yeux, en de sensibles images, les mystères de l'ordre spirituel. L'homme trouvait dans les autres arbres un aliment, en celui-ci un mystérieux symbole ; et que signifiait-il, sinon la Sagesse, dont il est a dit : Elle est l’arbre de vie pour ceux qui l'embrassent (4) ? C'est à bon droit qu'on donne au Christ les noms des choses qui l'ont signifie t dans les temps antérieurs (5). » Saint Hilaire témoigne, lui aussi, de cette interprétation traditionnelle, quand il dit (6), citant le même texte des Proverbes : « La Sagesse, qui est le Christ, est appelée l'arbre de vie, en mémoire de ce

 

1. Gen. II, 8-10. — 2. Apoc. XXII, 1. — 3. Append. Ambros. In Apocalyps. c. II  V/. 7 — 4. Prov. III, 18. — 5. De Genes, ad Litt. Lib. VIII. — 6. Tractatus in Psalm. I, 9, 10.

 

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prophétique symbole annonçant la future incarnation. On connaît l'arbre à son fruit, dit de lui-même le Seigneur dans l'Evangile (1). Cet arbre donc est vivant, et non seulement vivant, mais doué de raison, comme donnant son fruit quand il lui plaît : car il le donnera en son temps, d'après le Psaume (2). Et dans quel temps ? En celui dont parle l'Apôtre, où doit nous être manifeste le mystère de la divine volonté, selon le bon plaisir de sa grâce établie dans le Christ, pour être dispensée à la plénitude des temps (3). Alors donc il nous donnera son fruit. »

Mais quel sera le fruit de cet arbre, dont les feuilles, qui ne tombent jamais (4), sont la santé des nations (5), sinon la divine Sagesse elle-même en sa substance ? Aliment des Anges en sa forme divine, elle sera celui de l'homme en sa double nature, afin que, par la chair arrivante l'âme, elle la remplisse de sa divinité : ainsi chantait la Bienheureuse Julienne en son Office (6).

La divine Sagesse avait donc prévenu l'homme au Paradis ; il n'était point encore, que, dans la hâte de son amour, elle s'y était fixée, pour l'attendre, en cet arbre de vie qu'elle-même avait planté de concert avec le Très-Haut, comme l'inspiratrice de ses ouvrages (7). « Tel qu'un pommier fécond entre les arbres stériles des forêts, dit l'Epouse du Cantique, tel mon Bien-Aimé entre les fils des hommes ; sous l'ombre de celui que j'avais désiré je me suis assise, et son fruit est doux à ma bouche (8). » Fruit délicieux de l'arbre dévie, qui figurait l'Eucharistie !

Mais c'est du pain que la divine Sagesse nous

 

1. MATTH. XII, 33. — 2. Psalm. I, 3. — 3. Eph. I, 9, 10. — 4. Psalm. I, 3. — 3. Apoc. XXII. 2; MATTH. XXIV, 35 — 6. Page 181. — 7. Sap. VIII, 4.— 8. Cant. II, 3.

 

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conviait hier à manger en sa maison, et non son fruit dans le jardin. D'où vient en la réalité cette transformation qui ne répond plus à la figure? Soudaine révolution, lamentable point de départ de l'histoire humaine ! L'homme a goûté dans son orgueil un fruit mauvais, fruit défendu, qui l'a perdu par la désobéissance ; il a été chassé du séjour de délices; un chérubin à l'épée flamboyante garde le chemin de l'arbre de vie. Au lieu des fruits du Paradis, l'homme aura désormais le pain pour nourriture, le pain qui coûte le travail et la sueur, le pain qui suppose le broiement par la meule, le passage par le feu, des éléments qui le composent. Telle est la sentence portée par un Dieu justement irrité (1). Mais, hélas ! cette trop juste sentence ira plus loin que le coupable; par delà l'homme, elle va frapper la divine Sagesse elle-même qui s'est donnée à l'homme pour nourriture et pour compagne. Car, dans l'immensité de son amour, elle ne méprisera point cette nature tombée ; elle l'embrassera, pour la sauver, jusque dans les conséquences de la chute, se faisant avec l'homme passible et mortelle. Les ombrages de l'Eden ne verront point cette alliance pour les têtes de laquelle ils gardaient jalousement leurs gazons embaumés, leurs fruits si beaux à voir, destinés à être l'aliment savoureux (2) d'une jeunesse éternelle. Pour arriver jusqu'à l'homme, l'éternelle Sagesse devra se frayer un passage à travers I les ronces et les buissons de sa nouvelle demeure. Une maison, bâtie (3) péniblement contre les intempéries de la terre d'exil, abritera le festin des noces ; et l'aliment de ce festin ne sera plus le fruit spontané de l'arbre de vie, mais le divin froment,

 

1 Gen. III, 19. — 2. Ibid. II, 9. — 3. Prov. IX, 1.

 

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broyé par la souffrance, et rôti sur l'autel de la croix.

 

Le Sacrifice du Christ est le point culminant de l'histoire, comme il est le centre auquel toute création vient aboutir. La raison en est que Dieu poursuit dans la création et le gouvernement du monde sa propre gloire comme fin dernière, et que le Sacrifice du Verbe incarné rend seul à Dieu la gloire infinie qui répond à sa grandeur. Les chrétiens du premier âge le comprenaient ainsi ; et c'est la pensée qui inspire la belle Préface de la Liturgie donnée sous le nom de saint Jacques au Livre VIIIe des Constitutions apostoliques. Nous voudrions pouvoir citer cette Liturgie dans son entier ; nous en rapporterons du moins les principaux traits pendant cette Octave.

 

CONSTITUTIO JACOBI.

 

Il est vraiment juste et digne de vous louer tout d'abord, vrai Dieu d'où découle toute paternité au ciel et sur la terre, seul sans principe , auteur de tout bien. Vous êtes le premier par nature, la loi de l'être, au-dessus du nombre.

 

Vous avez amené toutes choses du néant à l'existence par votre Fils unique. Vous l'avez engendré, lui. avant tous les siècles, sans intermédiaire, Dieu Verbe, Sagesse vivante, premier-né de toute créature, Ange de votre grand conseil, Pontife, roi et seigneur de toute nature intellectuelle ou sensible. Car c'est par lui, Dieu éternel, que vous avez créé toutes choses, et par lui que vous les honorez de votre providence : à lui par vous elles doivent d'être, à lui aussi, d'être bonnes.

 

Dieu Père de votre Fils unique, par lui avant toutes choses vous avez fait les Chérubins et les Séraphins, les Dominations, Vertus et Puissances, les Principautés et les Trônes, les Archanges et les Anges.

 

Et ensuite par lui vous avez fait ce monde visible et tout ce qu'il renferme. Car c'est vous qui avez étendu les cieux comme une tente, établi la terre sur le vide par votre seule volonté. Vous avez fait la nuit et le jour, placé au ciel le soleil

 

Et pour commander aux jours, a lune pour commander aux nuits, le chœur brillant des étoiles pour chanter vos magnificences. Séparant de la terre ferme l'Océan immense , vous avez rempli les eaux d'habitants de toute taille,et multiplié sur la terre les animaux domestiques et sauvages ; vous l'avez couronnée de plantes, décorée de fleurs, enrichie de semences.

 

Vous n'avez pas seulement créé le monde par votre Christ ; mais dans ce monde vous avez placé l'homme ornement du monde. Vous avez dit à votre Sagesse : « Faisons l'homme à notre image et ressemblance; et qu'ils commandent aux poissons de la mer, et aux oiseaux du ciel. » Vous l'avez donc composé d'une âme immortelle et d'un corps pouvant se dissoudre ; vous lui avez donné dans son âme la raison et le discernement du juste et de l'injuste, dans son corps les cinq sens et le mouvement.

 

Dieu tout-puissant, vous aviez planté dans Eden à l'Orient, par votre Christ, un paradis orné de toutes sortes de plantes excellentes, et vous aviez conduit l'homme en ce lieu comme dans une somptueuse demeure. Cet homme, en le créant, vous aviez greffé naturellement dans son cœur la loi morale et les germes de la divine connaissance. En l'introduisant dans le jardin de délices, vous lui accordiez de goûter de toutes choses, à la réserve d'une seule, interdite comme gage de meilleures espérances : s'il était fidèle, l'immortalité serait sa récompense.

 

Mais lorsque, négligeant le précepte et circonvenu par la ruse du serpent et le conseil de la femme, il goûta le fruit défendu , vous le chassâtes justement du paradis ; et cependant votre bonté ne l'abandonna point sans secours dans sa chute profonde. Vous qui lui aviez soumis la création, vous lui accordâtes de se procurer sa nourriture au prix de fatigues et de sueurs bénies par vous, qui donnez à toutes choses commencement, croissance et maturité. Vous l'appelez enfin du court sommeil de la mort à une nouvelle naissance, lui promettant par serment la résurrection et la vie.

 

 

On nous saura gré de donner ici quelques-unes des Antiennes appelées dans V Eglise de Milan Transitorium. Elles répondent à notre Antienne de Communion, et celles qui suivent sont empruntées au temps où nous sommes.

 

TRANSITORIUM.

 

Votre Corps est rompu, ô Christ; votre Calice est béni. Que votre Sang soit toujours pour nous la source de la vie et le salut des âmes, ô notre Dieu ! Alleluia.

 

Les Anges ont entouré l'Autel ; le Christ distribue le Pain des Saints et le Calice de vie pour la rémission des péchés.

 

Celui qui aura mangé mon Corps et bu mon Sang, celui-là demeure en moi, et moi en lui, dit le Seigneur.

 

Les Anges sont debout au côté de l'Autel ; les Prêtres consacrent le Corps et le Sang du Christ au milieu des psaumes, et ils disent : Gloire à Dieu dans les hauteurs !

 

Nous avons reçu le Corps du Christ, et nous avons bu son Sang; nous ne craindrons nul mal ; car le Seigneur est avec nous.

 

Par la grâce de Dieu prenons les dons que le Christ nous offre, non pour le jugement, mais pour le salut de nos âmes.

 

Nous terminerons cette journée par la série des Hymnes composées sous la direction de la Bienheureuse Julienne, pour chacune des petites Heures de l'Office qui précéda celui de saint Thomas. C'était la coutume de l'Eglise de Liège d'avoir ainsi, à ces Heures, des Hymnes variables selon le Temps et les Fêtes.

 

A PRIME.

 

Souverain Dieu de clémence, qui, pour le salut des âmes , nous offres le remède d'un céleste aliment :

 

Dirige à tous les instants nos mœurs, notre vie et nos œuvres ; ne tarde pas à nous donner de vivre en compagnie des habitants du fortuné séjour.

 

A TIERCE.

 

Couvert d'un voile sacré, le Mystère d'amour repaît les âmes de la douceur qui rassasie les cieux.

 

Soit donc à nous et aux cieux joie commune : il s'est donne à eux, et ne s'est point dérobé à la terre.

 

 A SEXTE.

 

Splendeur de la divine lumière et Sacrifice de louange, de ce festin de ta chair appelle-nous à celui de ta divinité.

 

C'est dans ce but que, saturé d'opprobres, tu es cloué à la croix, qu'objet de mépris et d'outrages, tu subis une mort cruelle.

 

A NONE.

 

Gloire éternelle des cieux, bienheureuse lumière des croyants, hostie de la rédemption, nourriture de tes brebis :

 

Par les tortures de ta cruelle mort, nous qui en célébrons la mémoire, délivre-nous de cette prison malheureuse, ô toi qui cries: J'ai soif!

 

Daigne, ô Père, par ton Fils, par ton Esprit puissant, conduire à la fin bienheureuse ceux auxquels ici-bas tu donnes un tel aliment.

Amen.

 

 

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