LUNDI PENTECÔTE

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SAMEDI PENTECÔTE
PROPRE DES SAINTS

LE LUNDI DE LA PENTECÔTE.

 

Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

 

 

Hier L'Esprit-Saint a pris possession du monde, et ses débuts dans la mission qu'il a reçue du Père et du Fils ont annoncé sa puissance sur les cœurs, et ont préludé avec éclat à ses conquêtes futures. Nous allons suivre respectueusement sa marche et ses opérations sur cette terre qui lui a été confiée ; la succession des jours d'une si solennelle Octave nous permettra de signaler tour à tour ses œuvres dans l'Eglise et dans les âmes.

Jésus, notre Emmanuel, est le Roi du monde ; il a reçu de son Père les nations en héritage (1). Il nous a déclaré lui-même que « toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre (2). » Mais il est monté au ciel avant que son empire fût établi ici-bas. Le peuple d'Israël lui-même auquel il a fait entendre sa parole, sous les yeux duquel il a opéré les prodiges qui attestaient sa mission, ce peuple l'a renié et a cessé d'être son peuple (3). Quelques-uns de ses membres seulement l'ont accepté et l'accepteront encore ; mais la masse d'Israël confirme le cri sacrilège de ses pontifes :

 

1. Psalm. II, 8. — 2. MATTH. XXVIII, 8. — 3. Dan. IX, 26.

 

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« Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous (1). »

La gentilité est tout aussi éloignée d'accepter le fils de Marie pour son maître. Elle ignore profondément sa personne, sa doctrine, sa mission. Les traditions antiques de la religion primitive se sont graduellement effacées. Le culte de la matière a envahi le monde civilise comme le monde barbare, et l'adoration est prodiguée à toute créature. La morale est altérée jusque dans ses sources les plus sacrées et les plus inviolables. La raison s'est obscurcie chez cette minorité imperceptible qui se fait gloire du nom de philosophes ; « ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé s'est aveuglé (2). » Les races humaines déracinées ont été mêlées successivement par la conquête. Tant de bouleversements n'ont laissé chez les peuples que l'idée de la force, et le colossal empire romain dominé par César pèse de tout son poids sur la terre. C'est le moment que le Père céleste a choisi pour envoyer son Fils en ce monde. Il n'y a pas place pour un roi des intelligences et des cœurs; et cependant il faut que Jésus règne sur les hommes et que son règne soit accepté.

En attendant, un autre maître s'est présenté, et les peuples l'ont accueilli avec acclamation. C'est Satan, et son empire est si fortement établi que Jésus lui-même l'appelle le Prince de ce monde. Il faut qu'il soit « jeté dehors (3) » ; il s'agit de le chasser de ses temples, de l'expulser des mœurs, de la pensée, de la littérature, des arts, de la politique; car il possède tout. Ce n'est pas seulement l'humanité dépravée qui résiste ; c'est

 

1. Luc. XIX, 14. — 2. Rom. I, 21. — 3. JOHAN. XII, 31.

 

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le fort armé qui la regarde comme son domaine, et qui ne cédera pas devant une force créée.

Tout est donc contre le règne du Christ, et rien pour lui. Que sert à l'impiété moderne de dire, contre l'évidence des faits, que le monde était prêt pour une si complète révolution ? Comme si tous les vices et toutes les erreurs étaient une préparation à toutes les vertus et à toutes les vérités! comme s'il suffisait à l'homme vicieux de sentir le malheur, pour comprendre que son malheur vient de ce qu'il est dans le mal, pour se résoudre à devenir tout d'un coup, et au prix de tous les sacrifices, un héros de vertu !

Non, pour que Jésus régnât sur ce monde pervers, il fallait un miracle et le plus grand de tous les miracles, un prodige qui, comme le dit Bossuet, n'a de terme de comparaison qu'avec l'acte créateur qui a fait sortir les êtres du néant. Or, ce prodige, qui l'a fait, sinon le divin Esprit ? C'est lui-même qui a voulu que nous qui n'avons pas vu le Seigneur Jésus, nous fussions rendus aussi certains de sa nature divine et de sa mission de Sauveur, que si nous eussions été témoins de ses miracles et auditeurs de ses enseignements. C'est dans ce but qu'a été opéré ce prodige des prodiges, cette conversion du monde, dans laquelle « Dieu a choisi ce qu'il y avait de plus faible dans le monde pour renverser ce qui était fort, ce qui n'était pas pour détruire ce qui était (1). » C'est dans ce fait immense et plus lumineux que le soleil, que l'Esprit-Saint a rendu sa présence visible, qu'il s'est affirmé lui-même. Voyons par quels moyens il s'y est pris pour assurer le règne de Jésus sur le monde. Retournons

 

1. I Cor. I, 27.

 

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d'abord au Cénacle. Considérez ces hommes revêtus maintenant de la Vertu d'en haut. Qu'étaient-ils tout à l'heure ? Des gens sans influence, de condition vile, sans lettres, d'une faiblesse connue. N'est-il pas vrai que l'Esprit-Saint en a fait tout à coup des hommes éloquents et du plus haut courage, des hommes que le monde connaîtra bientôt, et qui remporteront sur lui une victoire devant laquelle pâliront les triomphes des plus glorieux conquérants? Il faut bien que l’incrédulité l'avoue, Je fait est par trop évident : le monde a été transformé, et cette transformation est l'œuvre de ces pauvres juifs du Cénacle. Ils ont reçu le Saint-Esprit en ce jour de la Pentecôte, et cet Esprit a accompli par eux tout ce qu'il avait à accomplir.

Il leur a donné trois choses en ce jour : la parole figurée par les langues, l'ardeur de l'amour représentée par le feu, et le don des miracles qu'ils exercent tout aussitôt. La parole est le glaive dont ils sont armés, l'amour est l'aliment du courage qui leur fera tout braver, et par le miracle ils forceront l'attention des hommes. Tels sont les moyens devant lesquels le Prince du monde sera réduit à capituler, par lesquels le règne de l'Emmanuel s'établira dans son domaine, et ces moyens procèdent tous de l'Esprit-Saint.

Mais il ne borne pas là son action. Il ne suffit pas que les hommes entendent retentir la parole, qu'ils admirent le courage, qu'ils voient des prodiges. Il ne suffit pas qu'ils entrevoient la splendeur de la vérité, qu'ils sentent la beauté de la vertu, qu'ils reconnaissent la honte et le crime de leur situation. Pour arriver à la conversion du cœur, pour reconnaître un Dieu dans ce Jésus

 

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qu'on va leur prêcher, pour l'aimer et se vouer à lui dans le baptême et jusqu'au martyre, s'il le faut, il est nécessaire que le Saint-Esprit intervienne. Lui seul, comme parle le Prophète, peut enlever de leur poitrine le cœur de pierre et y substituer un cœur de chair capable d'éprouver le sentiment surnaturel de la foi et de l'amour. L'Esprit divin accompagnera donc partout ses envoyés ; à eux l'action visible, à lui l'action invisible ; et le salut pour l'homme résultera de ce concours. Il faudra que l'une et l'autre action s'exercent sur chaque individu, que la liberté de chaque individu acquiesce et se rende à la prédication extérieure de l'apôtre et à la touche intérieure de l'Esprit. Certes, c'est un grand œuvre d'entraîner la race humaine à confesser Jésus son seigneur et roi ; la volonté perverse résistera longtemps ; mais qu'il s'écoule seulement trois siècles, et le monde civilisé se rangera autour de la croix du Rédempteur.

Il était juste que l'Esprit-Saint et ses envoyés s'adressassent d'abord au peuple de Dieu. Ce peuple « avait reçu en dépôt les divins oracles (1) » ; il avait fourni le sang de la rédemption. Jésus avait déclaré qu'il était envoyé « pour les brebis t perdues de la maison d'Israël (2) ». Pierre, son vicaire, devait hériter de cette gloire d'être l'Apôtre du peuple circoncis (3) ; bien que la gentilité, en la personne de Corneille le Centurion, dût être par lui introduite dans l'Eglise, et l'émancipation des gentils baptisés proclamée par lui dans l'assemblée de Jérusalem. Mais l'honneur était dû d'abord à la famille d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; voilà pourquoi notre première Pentecôte

 

1. Rom III, 2. — 2. MATTH. XV, 24. — 3 Gal. II, 7.

 

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est juive, pourquoi nos premiers ancêtres en ce jour sont juifs. C'est sur la race d'Israël que l'Esprit-Saint répand d'abord ses dons ineffables.

Voyez-les maintenant partir de Jérusalem ces juifs qui ont reçu la parole, et dont le saint baptême a fait de véritables enfants d'Abraham. La solennité passée, ils retournent dans les provinces de la gentilité qu'ils habitent, portant dans leurs cœurs Jésus qu'ils ont reconnu pour le Messie roi et sauveur. Saluons ces prémices de la sainte Eglise, ces trophées de l'Esprit divin, ces porteurs de la bonne nouvelle. Ils ne tarderont pas à voir arriver les hommes du Cénacle qui se tourneront vers les gentils, après l'inutile sommation faite à l'orgueilleuse et ingrate Jérusalem.

Une faible minorité dans la nation juive a donc consenti à reconnaître le fils de David pour l'héritier du Père de famille; la masse est demeurée rebelle et court obstinément à sa perte. Comment qualifier son crime ? Etienne, le Protomartyr, nous l'apprend. S'adressant à ces indignes fils d'Abraham : « Hommes à la tête dure, leur dit-il, cœurs et oreilles incirconcis, vous résistez continuellement au Saint-Esprit (1)'. » Un si coupable refus d'obéir chez la nation privilégiée donne le signal de la migration des Apôtres vers la gentilité. L'Esprit Saint ne les quitte plus, et c'est désormais sur les peuples assis dans les ombres de la mort qu'il va épancher les torrents de la grâce que Jésus a mérités aux hommes par son Sacrifice sur la croix.

Ils s'avancent, ces porteurs de la parole de vie, vers les régions païennes. Tout s'arme contre eux, mais ils triomphent de tout. L'Esprit qui les

 

1. Act. VII, 51.

 

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anime féconde en eux ses dons. Il agit en même temps sur les âmes de leurs auditeurs, la foi en Jésus se répand avec rapidité ; et bientôt Antioche, puis Rome, puis Alexandrie, voient s'élever en leur sein une population chrétienne. La langue de feu parcourt le monde ; elle ne s'arrête même pas aux limites de l'empire romain, prédestiné, selon les divins Prophètes, à servir de base à l'empire du Christ. Les Indes, la Chine, l'Ethiopie et cent peuples lointains entendent la voix des Evangélistes de la paix.

Mais il ne leur faut pas seulement rendre témoignage par la parole à la royauté de leur Maître ; ils lui doivent aussi le témoignage du sang. Ils ne seront pas en retard. Le feu qui les embrasa au Cénacle les consume dans l'holocauste du martyre.

Admirons ici la puissance et la fécondité du divin Esprit. A ces premiers envoyés il fait succéder une génération nouvelle. Les noms sont changés, mais l'action continue et continuera jusqu'à la fin des temps, parce qu'il faut que Jésus soit reconnu sauveur et maître de l'humanité, et que l'Esprit Saint a été envoyé pour opérer cette reconnaissance sur la terre.

Le Prince de ce monde, « l'ancien serpent (1) », s'agite avec violence pour arrêter les conquêtes des envoyés de l'Esprit. Il a crucifié Pierre, tranché la tête à Paul, immolé leurs compagnons ; mais lorsque ces nobles chefs ont disparu, son orgueil est soumis à une épreuve plus dure encore. C'est un peuple entier qu'a produit le mystère de la Pentecôte ; la semence apostolique a germé dans des proportions immenses. La persécution

 

1. Apoc. XII, 9.

 

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de Néron a pu abattre les chefs juifs du nouveau peuple ; mais voici maintenant la gentilité elle-même établie dans l'Eglise. Ainsi que nous le chantions hier en triomphe, « l'Esprit du Seigneur a rempli la terre entière (1). » Nous voyons, dès la fin du premier siècle, le glaive de Domitien sévir jusque sur les membres de la famille impériale. Bientôt les Trajan, les Adrien, les Antonin, les Marc-Aurèle, épouvantés du compétiteur Jésus de Nazareth, s'élancent sur son troupeau ; mais c'est en vain. Le Prince du monde les avait armés de la politique et de la philosophie; l'Esprit-Saint dissout tous ces faux prestiges, et la vérité s'étend toujours plus sur la surface du monde. A ces sages succèdent des tyrans forcenés, un Sévère, un Décius, un Gallus, un Valérien, un Aurélien, un Maximien ; le carnage s'étend à tout l'empire, parce que les chrétiens y sont partout. Enfin l'effort suprême du Prince du monde est dans l'effroyable persécution décrétée par Dioclétien et les farouches Césars qui partagent le pouvoir avec lui. Ils avaient résolu l'extermination du christianisme, et ce sont eux-mêmes qui, après avoir répandu des torrents de sang, s'affaissent dans le désespoir et l'ignominie. Qu'ils sont magnifiques vos triomphes, ô divin Esprit ! qu'il est surhumain l'empire du Fils de Dieu, lorsque vous l'établissez ainsi à l'encontre de toutes les résistances de la faiblesse et de la perversité humaines, à la face de Satan dont le règne semblait pour jamais consolidé sur la terre ! Mais vous aimez le futur troupeau du Rédempteur, et vous répandez dans des millions d'âmes

 

1. Introït de la fête de la Pentecôte tiré du livre de la Sagesse.

 

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l'attrait pour une vérité qui exige de si redoutables sacrifices. Vous renversez les prétextes d'une vaine raison par des prodiges innombrables, et échauffant ensuite par l'amour ces cœurs arrachés à la concupiscence et à l'orgueil, vous les envoyez pleins d'un enthousiasme tranquille au-devant de la mort et des tortures.

Alors s'accomplit la promesse que Jésus avait faite pour le moment où ses fidèles comparaîtraient devant les ministres du Prince du monde. Il avait dit : « Ne prenez pas la peine de réfléchir sur la manière dont vous parlerez et sur ce que vous direz. A l'heure même, vous sera donné ce que vous aurez à dire ; car ce ne sera pas vous-mêmes qui parlerez, mais ce sera I'Esprit de votre Père qui parlera en vous (1). » Nous en pouvons juger encore en lisant les immortels Actes de nos martyrs, en suivant ces interrogatoires et ces réponses simples et sublimes qui s'échappent du milieu même des tourments. C'est la voix de l'Esprit, la parole de l'Esprit qui lutte et qui triomphe. Les assistants s'écriaient: « Il est grand, le Dieu des chrétiens ! » et plus d'une fois on vit les bourreaux, séduits par une si divine éloquence, se déclarer eux-mêmes les disciples d'un Dieu si puissant, et se ranger soudain parmi les nobles victimes qu'ils déchiraient tout à l'heure. Nous savons par les monuments contemporains que l'arène du martyre fut la tribune de la foi, et que le sang des martyrs, joint à la beauté de leur parole, fut la semence des chrétiens.

Après trois siècles de ces merveilles du divin Esprit, la victoire fut complète. Jésus était reconnu

 

1. MATTH. X, 20.

 

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Roi et Sauveur du monde, docteur et rédempteur des hommes ; Satan était expulsé du domaine qu'il avait usurpé, le polythéisme dont il fut l'auteur était remplacé par la foi en un seul Dieu, et le culte ignoble delà matière n'était plus qu'un objet de honte et de mépris. Or, une telle victoire qui eut d'abord pour théâtre l'empire romain tout entier, et qui n'a cessé de s'étendre, de siècle en siècle, à tant d'autres nations infidèles, est l'œuvre du Saint-Esprit. La manière miraculeuse dont elle s'est accomplie contre toutes les prévisions humaines est l'un des principaux arguments sur lesquels repose notre foi. Nous n'avons pas vu de nos yeux, nous n'avons pas entendu de nos oreilles le Seigneur Jésus; mais nous le confessons pour notre Dieu, à cause du témoignage que lui a rendu si visiblement l'Esprit-Saint qu'il nous a envoyé. Soient donc à jamais à ce divin Esprit gloire, reconnaissance et amour de la part de toute créature! car il nous a mis en possession du salut que notre Emmanuel nous avait apporté.

 

A LA MESSE.

 

La Station est aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Pierre-aux-Liens. Cette église, appelée aussi la Basilique d'Eudoxie, du nom de l'impératrice qui l'éleva, garde précieusement les chaînes dont saint Pierre fut lié à Jérusalem par l'ordre d'Hérode, et à Rome par l'ordre de Néron. La réunion du peuple fidèle en son enceinte aujourd'hui rappelle merveilleusement la force dont l’Esprit-Saint revêtit les Apôtres au jour de la Pentecôte. Pierre s'est laissé lier pour le service de son maître Jésus, et il s'est fait honneur de ses liens. Cet apôtre qui avait tremblé à la voix d'une servante, ayant reçu le don de l'Esprit-Saint, est allé au-devant des chaînes. Le Prince du monde a cru qu'il pourrait enchaîner la divine parole ; mais cette parole était libre jusque dans les fers. L'Introït, formé des paroles de David, fait allusion aux néophytes qui viennent d'être baptises, et sont là présents avec leurs robes blanches. Au sortir de la fontaine, ils ont été nourris du pain de vie qui est la fine fleur du divin froment. On leur a donné à goûter la douceur du miel qui procède de la pierre. Or la Pierre est le Christ, nous dit l'Apôtre (1), et le Christ a admis Simon, fils de Jonas, à l'honneur de participer à ce noble symbole. Il lui a dit : « Tu es Pierre, » et les chaînes sacrées qui sont là montrent assez avec quelle fidélité Simon a compris qu'il devait s'attacher à la suite de son Maître. Le même Esprit qui l'a fortifié dans la lutte repose maintenant sur les néophytes de la Pentecôte.

 

INTROÏT.

 

Dieu les a nourris de la fleur du froment, alleluia; il les a rassasiés d'un miel sorti de la pierre, alleluia, alleluia, alleluia.

Ps. Livrez-vous à la joie en Dieu notre protecteur : chantez avec transport les louanges du Dieu de Jacob. Gloire au Père. Dieu les a nourris.

 

            Dans la Collecte, la sainte Eglise rappelle la

 

1. I Cor. X, 4.

 

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descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, et remerciant Dieu qui a daigné répandre le don de la foi dans les nouveaux chrétiens, elle implore pour eux celui de la paix que Jésus ressuscité apporta à ses disciples.

 

ORAISON.

 

O Dieu, qui avez donné le Saint-Esprit à vos Apôtres, accordez à votre peuple l'objet de son humble prière, et donnez aussi la paix à ceux que vous avez favorisés du donde la foi. Par Jésus-Christ.

 

ÉPÎTRE.

 

Lecture des Actes des Apôtres. Chap. X.

 

En ces jours-là, Pierre , ouvrant la bouche, dit : Mes frères, le Seigneur nous a commandé de prêcher au peuple, et de témoigner que c"est Jésus qui a été établi de Dieu pour être le juge des vivants et des morts. Tous les prophètes lui rendent ce témoignage, que quiconque croira en lui, recevra par son Nom la rémission de ses péchés. Pierre parlait encore, lorsque le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole. Et les fidèles circoncis, qui étaient venus avec Pierre, furent frappés d'étonnement , en voyant que la grâce du Saint-Esprit se répandait aussi sur les gentils ; car ils les entendaient parler diverses langues, et glorifier Dieu. Alors Pierre dit : Peut-on refuser l'eau à ceux qui ont déjà reçu comme nous le Saint-Esprit ? Et il commanda qu’on les baptisât au nom u Seigneur Jésus-Christ.

 

 

Ce passage du livre des Actes des Apôtres est d'une haute éloquence en un tel jour et en un tel lieu. Pierre, le vicaire du Christ, est en présence des chrétiens sortis de la Synagogue; sous leurs yeux sont réunis plusieurs hommes de la gentilité que la grâce a conduits, par la prédication de Pierre, à reconnaître Jésus pour le Fils de Dieu. L'Apôtre est arrivé au moment solennel où il doit ouvrir la porte de l'Eglise aux gentils. Pour ménager la susceptibilité des anciens juifs, il en appelle à leurs prophètes. Qu'ont-ils dit, ces prophètes ? Ils ont annoncé que tous ceux, sans exception, qui croiraient en Jésus recevraient la rémission de leurs péchés par son Nom. Tout à coup l'Esprit-Saint interrompt l'Apôtre, il décide la question en fondant, comme au jour de la Pentecôte, sur ces gentils humbles et croyants. Les signes de sa présence en eux arrachent un cri d'étonnement aux chrétiens circoncis, « C'en est donc fait, s'écrient-ils; la grâce du Saint-Esprit  est donc aussi pour les Gentils ! » Alors Pierre, avec toute l'autorité de Chef de l'Eglise, décide la question. « Oserions-nous refuser le baptême à des hommes qui ont reçu l'Esprit-Saint comme nous l'avons reçu nous-mêmes ? » Et sans attendre la réponse, il donne ordre de conférer immédiatement le baptême à ces heureux catéchumènes.

Une telle lecture, au sein de Rome centre de la gentilité, dans une Basilique dédiée à saint Pierre, en présence de ces néophytes si récemment initiés aux dons de l'Esprit-Saint par le Baptême, offrait un à propos qu'il nous est aisé de sentir. Puisons-y en même temps un profond sentiment de reconnaissance envers le Seigneur notre Dieu qui a daigné appeler nos pères du sein de l'infidélité, et nous associer après eux aux faveurs de son divin Esprit.

 

Alleluia, alleluia.

 

V/. Les Apôtres publiaient en diverses langues les merveilles de Dieu.

Alleluia

V/. Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

 

La Séquence Veni, Sancte Spiritus, ci-dessus, page 2o3.

 

ÉVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon saint Jean. CHAP. III.

 

En ce temps-là, Jésus dit à Nicodème : Dieu a aimé le monde jusqu'à donner son Fils unique, afin que quiconque croira en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui, Qui croit en lui n'est pas jugé; mais qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu. Et voici le motif du jugement : C'est que la lumière est venue dans le monde,et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal, hait la lumière, et il ne s'approche point de la lumière, de peur que ses œuvres ne soient convaincues de mal. Mais celui qui fait selon la vérité, vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées , parce qu'elles sont faites en Dieu.

 

Le Saint-Esprit crée la foi dans nos âmes, et par la foi nous obtenons la vie éternelle ; car la foi n'est pas l'adhésion à une thèse rationnellement démontrée, mais une vertu qui procède de la volonté fécondée par la grâce. Au temps où nous vivons, la foi devient rare. L'orgueil de l'esprit est monté à son comble, et la docilité de la raison aux enseignements de l'Eglise fait défaut chez un grand nombre. On se croit chrétien et catholique, et en même temps on ne se sent pas disposé à renoncer à ses idées en toute simplicité, si elles étaient désapprouvées par l'autorité qui seule a le droit de nous diriger dans la croyance. On se permet des lectures imprudentes, quelquefois même mauvaises, sans s'inquiéter si l'on contrevient à des défenses sacrées. On fait peu pour arriver à une instruction sérieuse et complète sur

 

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les choses de la religion, en sorte que l'on conserve dans son esprit, comme un poison caché, beaucoup d'idées hétérodoxes qui ont cours dans l'atmosphère que l'on respire. Souvent il arrive qu'un homme compte parmi les catholiques, et remplit les devoirs extérieurs de la foi par principe d'éducation, par tradition de famille, par une certaine disposition naturelle du cœur ou de l'imagination. Il est triste de le dire, plusieurs aujourd'hui pensent avoir la foi, et elle est éteinte en eux.

Cependant la foi est le premier lien avec Dieu ; c'est par la foi, nous dit l'Apôtre, que l'on approche de Dieu (1), et qu'on lui demeure attaché. Telle est l'importance de la foi, que le Seigneur vient de nous dire que « celui qui croit n'est pas jugé. » En effet, celui qui croit dans le sens de notre Evangile, n'adhère pas seulement à une doctrine ; il croit, parce qu'il se soumet de cœur et d'esprit, parce qu'il veut aimer ce qu'il croit. La foi opère par la charité qui la complète, mais elle est un avant-goût de la charité; et c'est pour cela que le Seigneur promet déjà le salut à celui qui croit. Cette foi éprouve des obstacles de la part de notre nature déchue. Nous venons de l'entendre : « La lumière est venue dans le monde; mais les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. » En notre siècle, les ténèbres règnent, elles s'épaississent; on voit même s'élever de fausses lumières ; des mirages trompeurs égarent le voyageur, et nous le répétons, la foi est devenue plus rare, cette foi qui unit à Dieu et sauve de ses jugements. Divin Esprit,arrachez-nous aux ténèbres de notre temps, corrigez l'orgueil de

 

1. Hebr. XI, 6.

 

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notre esprit, délivrez-nous de cette vaine liberté que l’on prône comme l'unique fin de toutes choses, et qui est si complètement stérile pour le bien des âmes. Nous voulons aimer la lumière, la posséder, la conserver, et mériter par la docilité et la simplicité des enfants le bonheur de la voir épanouie dans le jour éternel.

 

L'Offertoire est tiré d'un des plus magnifiques cantiques de David. On y entend le bruit de la tempête qui annonce l'arrivée de l'Esprit. Bientôt les sources des eaux vives s'épanchent et fertilisent la terre; c'est le vent impétueux de la Pentecôte et le baptême qui succède à l'émission des feux.

 

OFFERTOIRE.

 

Le Seigneur a tonné du haut du ciel, et le Très-Haut a fait retentir sa voix, et les sources des eaux ont paru au jour, alleluia.

 

Dans la Secrète, l'Eglise demande qu'il n'y ait qu'une offrande sur l'autel, et qu'elle soit formée à la fois des éléments sacrés et des cœurs des fidèles par l'opération du divin Esprit.

 

SECRÈTE.

 

DAIGNEZ,  Seigneur, sanctifier ces dons; et en agréant l'offrande de cette hostie spirituelle, faites Je nous-mêmes une oblation éternelle à votre gloire. Par Jésus-Christ.

 

La Préface de la Pentecôte, ci-dessus, page 297.

 

354

 

L'Antienne de la Communion est formée des paroles du Christ annonçant à ses disciples le ministère que va remplir le Saint-Esprit sur la terre. Il présidera à l'enseignement des vérité? que Jésus lui-même a révélées.

 

COMMUNION .

 

L'Esprit-Saint vous enseignera, alleluia, tout ce que je vous aurai dit, alleluia, alleluia.

 

Dans la Postcommunion, la sainte Eglise se préoccupe du sort de ses chers néophytes. Ils viennent de participer au Mystère céleste, mais au dehors de graves épreuves les attendent : Satan, le monde, les persécuteurs. La Mère commune intervient auprès de Dieu, pour obtenir que ces nouveaux fruits de son sein soient traités avec des ménagements proportionnés à leur âge encore tendre.

 

POSTCOMMUNION.

 

Assistez votre peuple , Seigneur, et après l'avoir nourri des Mystères célestes, défendez-le de la fureur de ses ennemis. Par Jésus-Christ.

 

A VÊPRES.

 

On emploie à cet Office les Antiennes, les Psaumes et tout ce qui compose les Vêpres du jour même de la Pentecôte, ci-dessus, page 3o6, sauf l'Antienne de Magnificat et la Collecte qui sont propres au lundi.

 

ANTIENNE DE Magnificat.

 

Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole , et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui, alleluia.

 

L'Oraison des Vêpres est la Collecte de la Messe, ci-dessus, page 348.

 

L'Eglise arménienne continue de nous fournir ses beaux chants pour célébrer la mission du Saint-Esprit. Voici l'Hymne qui se rapporte au lundi de l'Octave.

 

CANON SECVNDAE DIEI.

 

O Esprit semblable au Père et au Fils et de la même essence, tu n'as pas été fait, mais tu coexistes, procédant du Père d'une façon mystérieuse, et recevant du Fils d'une manière inénarrable; tu es descendu aujourd'hui dans le Cénacle pour donner à tes convives le breuvage de ta grâce : daigne nous abreuver aussi dans ta miséricorde au calice de la sagesse.

 

Créateur de tous les êtres, toi qui étais porté sur les eaux, tu te montres caressant comme la colombe dans les eaux du bain sacre qu'a daigné instituer pour nous celui qui t'est coexistant; là tu enfantes des hommes qui ont la forme de Dieu : daigne nous abreuver aussi dans ta miséricorde au calice de la sagesse.

 

Toi qui instruis à la fois les intelligences célestes et nous qui venons sous les organes corporels ; toi qui prends des bergers pour en faire des Prophètes, des pécheurs pour en faire des Apôtres , des publicains pour en faire des Evangélistes. des persécuteurs pour en faire des prédicateurs de ta parole, daigne nous abreuver aussi dans ta miséricorde au calice de la sagesse.

 

Comme un vent redoutable, au bruit violent d'une tempête, o Esprit, tu as apparu dans le Cénacle au chœur des douze; tu les as baptisés dans le feu, tu les as purifiés comme l'or dans la flamme; chasse loin de nous les ténèbres du péché, et revêts-nous de la lumière de gloire.

 

Celui qui est amour t'a envoyé par amour, toi qui es amour; par toi il s'est uni ses membres, il a établi sur tes sept colonnes son Eglise qu'il a bâtie ; il a établi en elle, pour l'administrer, ses Apôtres décorés de tes sept dons; chasse loin de nous les ténèbres du péché, et revêts-nous de la lumière de gloire.

 

 

La Séquence qui suit fut composée au XI° siècle par le pieux et docte Hildebert, d'abord évêque du Mans, plus tard archevêque de Tours. On y sent combien était profonde, dans les âges de foi, la connaissance du mystère du Saint-Esprit, et quel enthousiasme excitait sa venue parmi les hommes.

 

SÉQUENCE.

 

Esprit-Saint , miséricordieux Paraclet,

 

Amour du Père et du Fils, lien éternel entre celui qui engendre et celui qui est engendré.

 

Vous êtes le principe de bonté et d'amour qui unit l'un et l'autre, la pureté de leur essence ; vous êtes tout bénignité , suavité , vous charmez tout par votre présence.

 

C'est vous qui formez le lien pour réunir Dieu à l'homme; vous êtes la force qui produit cette union.

 

A vous seul donc digne d'adoration , ainsi que le Père et le Fils, culte à jamais. A vous qui procédez éternellement des deux , hommage immense.

 

Vous êtes doux et joyeux, digne d'amour et de louanges : vous purifiez l'âme de a vanité, la pureté fait vos délices.

 

Vous inspirez de suaves accents à ceux que consumait la tristesse de l'exil, de mélodieux accords à ceux qui sont dans l'allégresse.

 

Vous consolez les premiers, et les sauvez du désespoir ; vous venez apprendre aux seconds à soupirer vers vous.

 

Consolateur des cœurs pieux, inspirateur des bons, conseiller des affligés,

 

Vous purifiez l'homme de ses erreurs, vous lui enseignez ce qu'il ignorait, vous fixez ses perplexités.

 

Vous ranimez celui qui est faible, vous recueillez celui qui s'égarait, vous corrigez celui qui se trompait ; vous soutenez celui qui allait tomber, vous aidez les efforts de celui qui combat, vous perfectionnez celui qui aime déjà.

 

C'est vous qui avez fait sortir du lac de corruption et de misère celui qui maintenant est parfait.

 

C'est vous qui le conduisez par un sentier de paix et d'allégresse, et l'introduisez sous le nuage de la foi jusque dans le sanctuaire de la divine Sagesse.

 

Fondement de toute sainteté, vous êtes l'aliment delà chasteté, vous embellissez la douceur, vous rendez douce la pauvreté , vous fournissez aux largesses , vous êtes l'appui de toute honnêteté.

 

Refuge des misérables , secours de ceux qui sont captifs ;

 

Venant à point pour les premiers , envoyant un prompt secours aux seconds.

 

Esprit de vérité, nœud de la fraternité; celui qui vous a envoyé est le même qui vous avait promis.

 

Notre foi qui reconnaît en vous le créateur des êtres, vous reconnaît aussi comme leur juge qui doit venir.

 

Pour honorer de la récompense ceux qui l'auront méritée, et soumettre au supplice ceux qui s'en seront rendus dignes.

 

Vous soufflez où il vous plaît et quand il vous plaît ; vous êtes le docteur de ceux que vous choisissez, et au degré qui vous convient.

 

Vous remplissez les âmes et les éclairez de votre lumière dans leurs doutes;  vous êtes leur force dans les attaques subites, leur règle dans le choix de ce qui est licite.

 

Vous êtes l'harmonie qui donne à tout sa beauté ; car toute chose est par vous mise en ordre et reçoit de vous sa splendeur. Dans nos paroles, vous mettez la vérité, dans nos actions l'honnêteté, dans nos pensées la pureté.

 

O don excellent ! Bien parfait ! Vous donnez l'intelligence et vous donnez aussi le sentiment.

 

Vous dirigez en nous le bien, vous créez en nous l'amour, vous nous fortifiez dans la course, et aux portes du paradis, vous couronnez celui que vous avez aimé.

Amen.

 

LE DON DE PIÉTÉ.

 

Le don de Crainte de Dieu est destiné à guérir en nous la plaie de l'orgueil ; le don de Piété est répandu dans nos âmes par le Saint-Esprit pour combattre l'égoïsme, qui est l'une des mauvaises passions de l'homme déchu, et le second obstacle à son union avec Dieu. Le cœur du chrétien ne doit être ni froid ni indifférent ; il faut qu'il soit tendre et dévoué ; autrement il ne pourrait s'élever dans la voie à laquelle Dieu, qui est amour, a daigné l'appeler.

L'Esprit-Saint produit donc en l'homme le Don de Piété, en lui inspirant un retour filial vers son Créateur. « Vous avez reçu l'Esprit d'adoption, nous dit l'Apôtre, et c'est par cet Esprit que nous crions à Dieu : Père ! Père ((1) ! » Cette disposition rend l'âme sensible à tout ce qui touche l'honneur de Dieu. Elle fait que l'homme nourrit en lui-même la componction de ses péchés, à la vue de l'infinie bonté qui a daigné le supporter et lui pardonner, à la pensée des souffrances et de la mort du Rédempteur. L'âme initiée par le don de Piété désire constamment la gloire de Dieu ; elle voudrait amener tous les hommes à ses pieds, et les outrages qu'il reçoit lui sont particulièrement sensibles. Sa joie est de voir le progrès des âmes dans l'amour, et les dévouements que cet amour leur inspire pour celui qui est le souverain bien. Remplie d'une soumission filiale envers ce Père universel qui est aux cieux, elle est prête à toutes ses volontés. Elle se résigne de cœur à toutes les dispositions de sa Providence.

Sa foi est simple et vive. Elle se tient amoureusement soumise à l'Eglise, toujours prête à renoncer à ses idées les plus chères, si elles s'écartent en quelque chose de son enseignement ou de sa pratique, ayant une horreur instinctive de la nouveauté et de l'indépendance.

Ce dévouement à Dieu qu'inspire le don de Piété en unissant l'âme à son Créateur par l'affection filiale, l'unit d'une affection fraternelle à toutes les créatures, puisqu'elles sont l'œuvre de

 

1. Rom. VIII, 15.

 

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la puissance de Dieu et qu'elles sont à lui.

Au premier rang dans les affections du chrétien animé du don de Piété se placent les créatures glorifiées dont Dieu jouit éternellement, et qui jouissent de lui pour jamais. Il aime tendrement Marie, et il est jaloux de son honneur ; il vénère avec amour les saints ; il admire avec effusion le courage des martyrs, et les actes héroïques de vertu accomplis par les amis de Dieu ; il se délecte de leurs miracles, il honore religieusement leurs reliques sacrées.

Mais son affection n'est pas seulement pour les créatures couronnées au ciel ; celles qui sont encore ici-bas tiennent une large place dans son cœur. Le don de Piété lui fait trouver en elles Jésus lui-même. Sa bienveillance pour ses frères est universelle. Son cœur est disposé au pardon des injures, au support des imperfections d'autrui, à l'excuse pour les torts du prochain. Il est compatissant pour le pauvre, empressé auprès de l'infirme. Une douceur affectueuse révèle le fond de son cœur ; et dans ses rapports avec ses frères de la terre, on le voit toujours disposé à pleurer avec ceux qui pleurent, à se réjouir avec ceux qui sont dans la joie.

Telle est, ô divin Esprit, la disposition de ceux qui cultivent le don de Piété que vous avez versé dans leurs âmes. Par cet ineffable bienfait, vous neutralisez le triste égoïsme qui flétrirait leur cœur, vous les délivrez de cette sécheresse odieuse qui rend l'homme indifférent à ses frères, et vous fermez son âme à l'envie et à la haine. Pour cela il ne lui a fallu que cette piété filiale envers son Créateur ; elle a attendri son cœur, et ce cœur s'est fondu dans une vive affection pour tout ce qui est sorti des mains de Dieu. Faites fructifier en nous un si précieux don, ô divin Esprit ! ne permettez pas qu'il soit étouffé par l'amour de nous-mêmes. Jésus nous a encouragés en nous disant que son Père céleste « fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants (1)» ; ne soutirez pas, divin Paraclet, qu'une si paternelle indulgence soit un exemple perdu pour nous, et daignez développer dans nos âmes ce germe de dévouement, de bienveillance et de compassion que vous y avez daigné placer au moment où vous en preniez possession par le saint Baptême.

 

1. MATTH. V, 45.

 

 

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