MARDI OCTAVE

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PROPRE DES SAINTS

LE MARDI DANS L'OCTAVE DE L'ASCENSION.

 

O Roi de gloire. Seigneur des armées, qui aujourd'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins ; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alleluia.

O Rex gloriae Domine virtutum, qui triumphator hodie super omnes caelos ascendisti, ne derelinquas nos ; sed mitte promissum Patris in nos Spiritum veritatis, alleluia.

 

 

Le Seigneur de gloire est monté aux cieux, et selon le langage de l'Apôtre, il y est entré comme « notre avant-coureur (1) »; mais comment l'homme pourra-t-il le suivre jusqu'au séjour de toute sainteté, lui dont la voie est sans cesse entravée par le péché, lui qui a plus besoin de pardon que de gloire ? Or, c'est ici encore une des merveilleuses suites de cet auguste mystère de l'Ascension, dont nous ne saurions épuiser toute la richesse. Jésus ne monte pas au ciel seulement pour y régner ; il doit y résider aussi pour y être notre intercesseur, notre Pontife, chargé d'obtenir en cette qualité le pardon de nos péchés, avec les grâces qui nous ouvriront le chemin pour arriver jusqu'à lui. Sur la croix il s'offrit en victime pour nos péchés ; son sang divin, épanché de tous ses membres, forma dès lors notre rançon surabondante ;

 

1. Heb. V, 20.

 

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mais le ciel demeurait ferme aux rachetés jusqu'à ce qu'il en eût franchi les portes, jusqu'à ce qu'il eût pénétré l'intime sanctuaire où il doit exercera jamais la charge de Pontife selon l'Ordre de Melchisédech (1). Aujourd'hui le sacerdoce du Calvaire se transforme en un sacerdoce de gloire. Jésus est entré « au delà du voile, de ce voile qui était sa chair encore passible et mortelle (2) » ; il a pénétré dans le plus intime de la présence de son Père, et là il est notre Pontife à jamais.

Il est le Christ, sacré d'une double onction, au moment où sa personne divine s'unissait à la nature humaine : il est Roi, il est Pontife. Sa Royauté, nous l'avons acclamée les jours précédents ; aujourd'hui c'est son Sacerdoce que nous avons à reconnaître. Durant son passage en ce monde, quelques traits de l'un et de l'autre nous ont apparu ; mais cette Royauté et ce Pontificat ne devaient briller de tout leur éclat qu'au jour de l'Ascension. Suivons donc encore notre Emmanuel d'un œil respectueux, et considérons ce qu'il vient opérer dans le ciel.

L'Apôtre va d'abord nous donner la notion du Pontife dans sa sublime Epître aux Hébreux. Le Pontife, nous dit-il, est choisi par Dieu même, afin d'offrir des dons et des sacrifices pour les péchés; il est établi près de Dieu en faveur des hommes, dont il est l'ambassadeur et l'intercesseur (3). Or, telle est la qualité, tel est le ministère de Jésus dans les cieux, à partir de l'heure où nous sommes. Mais si nous voulons pénétrer plus avant un si vaste et si profond mystère, il nous faut nous aider des symboles que nous offrent Ils livres saints; ces symboles dont saint Paul

 

1. Psalm. CIX. — 2. Heb. VI, 19 ; X, 20. — 3. Ibid. V, 1.

 

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lui-même a emprunté le secours, vont nous faire comprendre le rôle de notre Pontife.

Transportons-nous par la pensée dans le temple de Jérusalem. Nous traversons d'abord cette vaste enceinte à ciel ouvert, entourée de portiques, et au centre de laquelle s'élève l'autel sur lequel les victimes égorgées dont le sang s'écoule par de nombreux canaux, sont consumées selon le rite des divers sacrifices. Nous nous dirigeons ensuite vers un lieu plus auguste, cet édifice couvert qui s'élève au delà de l'autel des holocaustes et qui resplendit de toutes les richesses de l'Orient. Entrons avec respect ; car ce lieu est saint, et Dieu même a donné à Moïse le plan des ouvrages merveilleux qui le décorent et qui sont tous à sa gloire : l'autel des parfums, d'où s'exhale soir et matin la fumée de l'encens ; le Chandelier à sept branches qui étale avec complaisance ses lis et ses grenades ; la table sur laquelle reposent les pains de proposition, hommage de notre race à celui qui fait mûrir les moissons sur la terre. Mais ce n'est pas encore sous ces lambris étincelants de l'or d'Ophir que s'est établie l'ineffable majesté de Jéhovah. Contemplez au fond de l'édifice ce voile d'un tissu précieux, richement brodé d'images de Chérubins, et descendant jusqu'à terre. C'est là, derrière ce voile, que le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob fait sentir sa présence; c'est là que repose l'Arche d'alliance, sur laquelle les deux Chérubins d'or étendent mystérieusement leurs ailes. Ce réduit sacré et inaccessible se nomme le Saint des Saints ; aucun homme ne pourrait, sans mourir, soulever ce voile, porter un regard téméraire dans cet asile terrible et entrer là où le Dieu des armées daigne habiter.

L'homme est donc banni du séjour où Dieu

 

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habite. La sainteté divine l'exclut de sa présence comme indigne. Créé pour voir Dieu, pour être heureux éternellement par la vue de Dieu, l'homme, à cause de son péché, est condamné à ne le pas voir. Un voile lui dérobe la vue de celui qui est sa fin, et l'obstacle de ce voile est pour lui infranchissable. Telle est la sévère leçon que nous donne le symbole formidable de l'ancien temple.

Une promesse miséricordieuse est néanmoins intervenue. Ce voile sera soulevé un jour, et laissera passage à l'homme ; mais à une condition, et cette condition, nous allons la connaître en continuant de suivre les symboles de l'ancien temple. Entre tous les mortels exclus du Saint des Saints, il en est un cependant à qui il est donné une fois l'année de pénétrer derrière le voile. C'est le Pontife. Que s'il entre ce jour-là dans l'enceinte terrible, sans tenir entre ses mains le vase rempli du sang des deux victimes qu'il a immolées auparavant pour ses propres péchés et pour ceux de son peuple, il sera exterminé ; si au contraire il remplit fidèlement l'ordre du Seigneur, il sera protégé par le sang qu'il porte, et il sera admis en ce jour unique à intercéder pour lui-même et pour Israël tout entier.

Qu'elles sont belles, qu'elles sont fortes, ces figures de l'ancienne Alliance ! mais combien plus belle et plus forte est leur réalisation dans l'inépuisable mystère de l'Ascension de notre divin libérateur ! Il était encore dans la période de ses humiliations volontaires, que déjà sa puissance s'était fait sentir jusque dans ce réduit sacré sur lequel planait la terreur de Jéhovah. Son dernier soupir sur la croix avait déchiré du haut en bas le voile du Saint des Saints, pour annoncer que bientôt l'accès auprès de Dieu allait être ouvert

 

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aux hommes comme avant le péché. Mais restait la victoire à remporter sur la mort par la résurrection ; restait encore la période de quarante jours que notre Pontife devait employer à organiser le sacerdoce véritable qui s'exercera sur la terre jusqu'à la consommation des siècles, en union avec celui qu'il va remplir lui-même au ciel.

Aujourd'hui, tous les délais sont accomplis ; les témoins de la résurrection l'ont constatée, les dogmes de la foi sont révélés dans leur ensemble, l'Eglise est constituée, les sacrements sont déclarés ; il est temps que notre Pontife pénètre dans le Saint des Saints et qu'il y entraîne ses élus à sa suite. Suivons son vol des yeux de notre foi. A son approche, le voile abaissé depuis quatre mille ans se lève et lui livre passage. Jésus n'a-t-il pas, comme le Pontife de l'ancienne loi, offert le sacrifice préalable, le sacrifice non plus figuratif, mais réel, par l'effusion de son propre sang ? Arrivé en présence de la Majesté divine pour y exercer sa puissante intercession, qu'a-t-il à faire autre chose que de présenter à son Père, en notre faveur, ces blessures qu'il a reçues il y a peu de jours, et par lesquelles s'est épanché le sang qui satisfaisait d'une manière complète à toutes les exigences de la suprême justice ? Et pourquoi a-t-il tenu à conserver ces augustes stigmates de son sacrifice, sinon pour s'en servir, comme notre Pontife, à désarmer le courroux céleste provoqué sans cesse par les péchés de la terre ? Ecoutons l'Apôtre saint Jean : « Mes petits enfants, dit-il, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez pas ; mais si quelqu'un pèche , nous avons pour avocat Jésus-Christ qui est juste (1). »

 

1. I JOHAN. II, 1.

 

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Ainsi donc, au delà du voile où il pénètre aujourd'hui, Jésus traite avec son Père de nos intérêts, il met la dernière main aux mérites de son sacrifice, il est un Pontife éternel, un Pontife à l'intercession duquel rien ne résiste.

Saint Jean, qui a vu le ciel ouvert, nous décrit d'une façon expressive cette double qualité de notre divin Chef, victime et roi en même temps, sacrifié et néanmoins immortel. Il nous montre le trône de l'éternelle Majesté entouré des vingt-quatre vieillards sur leurs sièges et des quatre animaux symboliques, ayant en face les sept Esprits rayonnants de force et de beauté; mais le sublime prophète n'arrête pas là son ineffable description. Il entraîne nos regards jusque sur le trône même de Jéhovah ; et nous apercevons debout au milieu de ce trône un Agneau, mais un agneau « comme immolé » et toutefois revêtu des attributs de la force et de la puissance (1). Qui oserait tenter d'expliquer de telles images, si notre grand mystère d'aujourd'hui ne nous en donnait la clef ? Mais avec quelle facilité tout s'éclaircit à sa lumière ! Aux traits que nous révèle l'Apôtre nous reconnaissons notre Jésus, Verbe éternel, et en sa qualité de Verbe éternel siégeant sur un même trône avec son Père auquel il est consubstantiel. Mais en même temps il est Agneau : car il a pris notre chair, afin d'être égorgé pour nous comme une victime; et ce caractère de victime demeure en lui pour l'éternité. Le voici donc dans toute sa majesté de Fils de Dieu, debout, et posant avec une dignité souveraine ; mais en même temps il apparaît comme immolé. Les cicatrices des blessures que lui a faites le couteau du sacrifice

 

1. Apoc. IV, V.

 

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demeurent à jamais visibles; c'est identiquement l'Agneau du Calvaire qui consomme éternellement dans la gloire l'immolation qu'il accomplit douloureusement sur la croix.

Telles sont les merveilles que l'oeil des Anges contemple « à l'intérieur du voile (1) », et que notre œil verra aussi, lorsque nous aurons franchi le voile à notre tour. Nous ne sommes pas destinés à rester au dehors, comme le peuple juif qui voyait une fois l'an son Pontife disparaître quelques instants derrière la courtine qui fermait l'accès du Saint des Saints. Voici que l'Apôtre nous enseigne que « Jésus notre avant-coureur, Jésus Pontife à jamais, est entré pour nous dans le sanctuaire (2) » ; entré pour nous ! qu'est-ce à dire, sinon qu'il nous y précède, et que nous l'y suivrons? Il est juste qu'il entre le premier; mais c'est comme avant-coureur qu'il entre. Dès aujourd'hui même il n'est déjà plus seul à l'intérieur du voile ; la foule des élus qui montait après lui a pénétré à sa suite, et à partir de ce moment, le nombre de ceux qui seront admis va s'accroître d'heure en heure. Nous ne sommes que de pauvres pécheurs, et l'Apôtre nous dit que « nous sommes déjà sauvés en espérance » (3) ; et notre espérance, c'est de pénétrer un jour dans le Saint des Saints. Alors nous répéterons avec les Anges, avec les vingt-quatre vieillards, avec les millions d'êtres glorifiés, cette acclamation éternelle : « A l'Agneau qui fut immolé, puissance et divinité ! sagesse et force ! honneur, gloire et bénédiction, dans les siècles des siècles ! Amen (4) ! »

 

1 Heb. VI, 19. — 2. Ibid 20. — 3. Rom. VIII, 24. — 4. Apoc. V, 12.

 

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Pour terminer la journée, nous emprunterons aujourd'hui cette antique Séquence que le pieux Notker composa au IX° siècle, pour l'abbaye de Saint-Gall.

 

SÉQUENCE

 

DAIGNE le Christ rendre favorable cette journée aux chrétiens qui lui offrent

leur amour.

 

O Christ ! ô Jésus, Fils de Dieu ! tu réunis en ta personne la nature divine et la nôtre.

 

Dieu éternel, tu as visité la terre; homme nouveau, tu as traversé les airs dans ton vol.

 

Les Anges et les nuées t'environnent dans ton retour vers ton Père.

 

Comment s'en étonner , lorsque, dans ton berceau, l'étoile s'unissait aux Anges pour accomplir tes ordres ?

 

En ce jour, Seigneur, tu as inspiré aux hommes un nouveau et cher désir, l'espérance des biens célestes.

 

C'est la nature humaine véritable que tu as emportée au delà des limites où s'arrêtent les astres, ô Roi des rois.

 

Quelle joie remplit le cœur de tes Apôtres, auxquels tu accordes la faveur de te contempler dans ton retour vers les cieux !

 

Avec quels transports joyeux les neuf chœurs des Anges se portent à ta rencontre !

 

Tu portes sur tes épaules la brebis du troupeau, de ce troupeau dispersé longtemps par les loups, mais que tu as réuni dans l'unique bercail.

 

O Christ, bon Pasteur, daigne être son gardien toujours.

Amen.

 

Complétons les hommages de ce jour par ces deux éloquentes oraisons du Bréviaire mozarabe.

 

ORATIO.

 

Seigneur Jésus-Christ, créateur des astres, qui avez incliné les cieux en vous humiliant jusqu'à vivre avec les mortels, et qui, dans ce même corps qui a supporté pour nous les opprobres des impies,deviez monter au-dessus des cieux et recevoir les applaudissements des Anges ; soyez-nous propice, laissez-vous apaiser, et accordez-nous qu'étant absous de nos pèches, nous vous suivions de cœur, comme notre avant-coureur, là où vous êtes monte en glorifiant votre humanité : afin que nous puissions un jour vous contempler dans votre Majesté comme le créateur et le Seigneur éternel, vous en qui maintenant nous confessons le vrai Dieu et attendons notre juge. Amen.

 

CAPITULA.

 

Seigneur Jésus-Christ, qui êtes monté sur les cieux des cieux à l'Orient après avoir triomphé de l'Occident, daignez perfectionner en vous ceux dont vous avez pris sur vous le rachat, et que vous devez enlever jusqu'aux cieux. Complétez la gloire de votre corps en attirant vos membres en ce séjour où vous , qui êtes le Chef, nous avez précédés avec tant de splendeur, et n'abandonnez pas à l'Occident de ce monde ceux que, dans votre triomphe, vous devez emporter vers l'éternel Orient.

 

 

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