LE JEUDI DE LA PENTECÔTE.
Venez , ô Esprit-Saint,
remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre
amour. |
Veni Sancte Spiritus, reple tuorum
corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende. |
Le divin Esprit qui tient unis
dans un même tout les membres de la sainte Eglise, parce qu'il est lui-même
unique, n'a pas seulement été envoyé pour assurer l'unité inviolable à l'Epouse
du Christ. Cette Epouse d'un Dieu qui s'est appelé lui-même la Vérité (1), a
besoin d'être dans la vérité, et ne peut être accessible à Terreur. Jésus lui a
confié sa doctrine, il l'a instruite en la personne des Apôtres. « Tout ce que
j'ai entendu de mon Père, dit-il, je vous l'ai manifeste (2). » Mais comment
cette Eglise, si elle est laissée à l'humaine faiblesse, pourra-t-elle
conserver sans mélange et sans altération, durant la traversée des siècles,
cette parole que Jésus n'a pas écrite, cette vérité qu'il est venu de si haut
apportera la terre ? L'expérience prouve que tout s'altère ici-bas, que les
textes écrits sont sujets à de fausses interprétations, et que les traditions
non écrites deviennent méconnaissables par le cours des années.
C'est ici encore que nous devons
reconnaître la divine prévoyance de notre Emmanuel montant
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au ciel. De même que pour accomplir
le désir qu'il a « que nous soyons un, comme il est un avec son Père », il a
député vers nous son unique Esprit ; ainsi, pour nous maintenir dans la vérité,
il nous a envoyé ce même Esprit qu'il appelle l'Esprit de vérité. « Quand il
sera venu, dit-il, cet Esprit de vérité, il vous enseignera toute vérité (1). »
Et quelle est la vérité qu'enseignera cet Esprit ? « Il enseignera toutes
choses, et il vous suggérera tout ce que je vous aurai dit (2). »
Rien donc ne se perdra de ce que
le Verbe divin a dit aux hommes. La beauté de son Epouse aura pour fondement la
vérité ; car la beauté est la splendeur du vrai. Sa fidélité à l'Epoux sera
parfaite; car s'il est la Vérité, la Vérité est assurée en elle pour jamais.
Jésus le déclare ainsi : « Le nouveau Consolateur que le Père vous enverra demeurera
avec vous pour toujours, et il sera en vous (3). » C'est donc par l'Esprit-Saint que l'Eglise possédera en propre la vérité, et
cette possession ne lui sera jamais enlevée ; car cet Esprit envoyé par le Père
et par le Fils s'attachera à l'Eglise et ne la quittera plus.
C'est ici le moment de se
rappeler la magnifique théorie de saint Augustin. Selon sa doctrine qui n'est
que l'explication des passages du saint Evangile que nous venons de lire, l'Esprit-Saint est le principe de la vie dans l'Eglise ;
étant donc l'Esprit de vérité, il conserve la vérité en elle, il la dirige dans
la vérité, en sorte qu'elle ne peut exprimer que la vérité dans son
enseignement et dans sa conduite. Il assume la responsabilité de
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ses paroles, comme notre esprit répond de ce que profère
notre langue ; et c'est pour cela que la sainte Eglise est tellement identifiée
avec la vérité par son union avec l'Esprit divin, que l'Apôtre ne fait pas
difficulté de nous dire qu'elle en est « la colonne et l'appui (2). » Que
l'on ne s'étonne donc pas si le chrétien se repose sur l'Eglise dans sa
croyance. Ne sait-il pas que cette Eglise n'est jamais seule, qu'elle est
toujours avec l'Esprit divin qui vit en elle, que sa parole n'est pas sa parole
à elle, mais la parole de l'Esprit qui n'est autre que la parole de Jésus ?
Or cette parole de Jésus,
l'Esprit la conserve pour l'Eglise dans un double dépôt. Il veille sur elle
dans les saints Evangiles qu'il a inspirés a leurs
auteurs. Par ses soins, ces livres sacrés sont défendus contre toute
altération, et ils traversent les siècles sans que la main de l'homme leur ait
fait subir de changement. Il en est de même des autres livres du Nouveau
Testament composés sous le souffle du même Esprit. Ceux dont se compose
l'Ancien Testament sont également le produit de l'inspiration du divin Esprit.
S'ils ne rapportent pas les discours de Jésus durant sa vie mortelle, ils
parlent de lui, ils l'annoncent, en même temps qu'ils contiennent la première initiation
aux choses divines. Cet ensemble des livres sacrés est rempli des mystères dont
l'Esprit a la clef pour la communiquer à l'Eglise.
L'autre source de la parole de
Jésus est la Tradition. Tout ne devait pas être écrit, et l'Eglise existait
déjà que les Evangiles n'étaient pas encore rédigés. Cette Tradition, élément divin
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comme l'Ecriture elle-même, comment
aurait-elle survécu sans altération, si l'Esprit de Vérité ne veillait à sa
garde ? Il la maintient donc dans la mémoire de l'Eglise, il la préserve de
tout changement : c'est sa mission, et par la fidélité qu'il met à remplir
cette mission, l'Epouse demeure en possession de tous les secrets de l'Epoux.
Mais il ne suffit pas que
l'Eglise possède la vérité écrite et traditionnelle, comme un dépôt scellé. Il
faut encore qu'elle en ait le discernement, afin de pouvoir l'interpréter à
ceux auxquels elle doit rendre les enseignements de Jésus. La vérité n'est pas
descendue du ciel pour n'être pas communiquée aux hommes ; car elle est leur
lumière, et sans elle ils languiraient dans les ténèbres, sans savoir d'où ils
viennent et où ils vont (1). L'Esprit de Vérité ne se bornera donc pas à
conserver la parole de Jésus dans l'Eglise comme un trésor caché, il en
dirigera l'épanchement sur les hommes, afin qu'ils y puisent la vie de leurs
âmes. L'Eglise sera donc infaillible dans son enseignement ; car elle ne
pourrait se tromper ni tromper les hommes, puisque l'Esprit de Vérité la
conduit en tout et parle par son organe. Il est son âme, et nous avons reconnu,
avec saint Augustin, que lorsque la langue s'exprime, c'est l'âme que l'on
entend.
La voilà, cette infaillibilité de
notre mère la sainte Eglise, résultat direct et immédiat de l'incorporation de
l'Esprit de Vérité en elle! c'est la promesse du Fils
de Dieu, c'est l'effet nécessaire de la présence du Saint-Esprit. Quiconque ne
reconnaît pas l'Eglise pour infaillible doit, s'il est conséquent avec
lui-même, admettre que
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le Fils de Dieu a été impuissant à
remplir sa promesse, et que l'Esprit de Vérité n'est qu'un Esprit d'erreur.
Mais celui qui raisonne ainsi a perdu le sentier de la vie ; il a cru nier
seulement l'Eglise, et sans s'en apercevoir, c'est Dieu même qu'il a renié. Tel
est le crime et le malheur de l'hérésie. Le défaut de réflexion sérieuse peut
voiler cette terrible conséquence : elle n'en est pas moins rigoureusement
déduite. L'hérétique a rompu avec le Saint-Esprit, en rompant de pensée avec
l'Eglise : il pourrait revivre en retournant humblement vers l'Epouse du
Christ, mais présentement il est dans la mort ; car l'âme ne l'anime plus.
Ecoutons encore le grand Docteur : « Il arrive parfois, dit-il, qu'un membre du
corps humain soit coupé, une main, un doigt, un pied : l'âme suit-elle le
membre ainsi séparé du corps ? non ; ce membre, quand
il était uni au corps, jouissait de la vie ; isolé maintenant, c'est la vie même
qu'il a perdue. De même le chrétien demeure catholique tant qu'il est adhérent
au corps de l'Eglise ; en est-il séparé, le voilà hérétique; l'Esprit ne suit
pas le membre qui s'est détaché (1). »
Honneur soit donc à l'Esprit
divin pour la splendeur de vérité qu'il communique à l'Epouse ! mais
pourrions-nous, sans le plus affreux péril, imposer des bornes à notre
docilité, aux enseignements qui nous viennent à la fois de l'Esprit et de
l'Epouse que nous savons unis d'une manière si indissoluble (2)? Soit donc que
l'Eglise nous intime ce que nous devons croire en nous montrant sa pratique, ou
par la simple énonciation
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de ses sentiments, f oit qu'elle
déclare solennellement la définition attendue, nous devons regarder et écouter
avec soumission de cœur : car la pratique de l'Eglise est maintenue dans la
vérité par l'Esprit qui la vivifie; renonciation de ses sentiments à toute
heure est l'aspiration continue de cet Esprit qui vit en elle; et quant aux
sentences qu'elle rend, ce n'est pas elle seule qui prononce, c'est l'Esprit
qui prononce en elle et par elle. Si c'est son Chef visible qui déclare la
doctrine, nous savons que Jésus a daigné prier pour que la foi de Pierre ne
défaille pas, qu'il l'a obtenu de son Père, et qu'il a confié à l'Esprit la
charge de maintenir Pierre en possession d'un don si précieux pour nous. Si le
Pontife suprême, à la tète du collège épiscopal réuni conciliairement,
déclare la foi dans l'accord parfait du Chef et des membres, c'est l'Esprit qui
dans ce jugement collectif prononce avec une majesté souveraine pour la gloire
de la vérité et la confusion de l'erreur. C'est l'Esprit qui a abattu toutes les
hérésies sous les pieds de l'Epouse victorieuse; c'est l'Esprit qui a suscité
dans son sein, à tous les siècles, les docteurs qui ont terrassé l'erreur
aussitôt qu'elle s'est montrée.
Elle a donc en partage le don de
l'infaillibilité, notre Eglise bien-aimée; elle est donc vraie en tout et
toujours, l'Epouse de Jésus ; et elle doit cet heureux sort à celui qui procède
éternellement du Père et du Fils. Mais il est encore une gloire dont elle lui
est redevable. L'Epouse du Dieu saint doit être sainte. Elle l'est ; et c'est
de l'Esprit de sainteté qu'elle reçoit la sainteté. La vérité et la sainteté
sont unies en Dieu d'une manière indissoluble ; et c'est pour cela que Jésus
voulant « que nous soyons parfaits comme notre
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Père céleste est parfait (1) », et que tout en restant de
simples créatures nous cherchions notre type dans le souverain bien, demande «
que nous soyons sanctifiés dans la Vérité (2). »
Jésus a donc remis son Epouse à
la direction de l'Esprit, afin qu'il la rendît sainte. Or, la sainteté est
tellement inhérente à cet Esprit divin qu'elle sert à le désigner comme sa
qualité fondamentale. Jésus lui-même l'appelle le Saint-Esprit, en sorte que
c'est sur le témoignage du Fils de Dieu que nous lui donnons ce beau nom. Le
Père est la Puissance, le Fils est la Vérité, l'Esprit est la Sainteté; et
c'est pour cela que l'Esprit remplit ici-bas le ministère de sanctificateur,
bien que le Père et le Fils soient saints, de même que la vérité est dans le
Père et dans l'Esprit, et que l'Esprit ainsi que le Fils aient aussi la
puissance. Les trois divines personnes ont leurs propriétés spéciales, mais
elles sont unies dans une seule et même essence. Or, la propriété spéciale du
Saint-Esprit est d'être l'amour, et l'amour produit la sainteté; car il unit et
identifie le souverain bien avec celui qui en a l'amour, et cette union ou
identification est la sainteté qui est la splendeur du Bien, comme la beauté
est la splendeur du Vrai.
Pour être digne de l'Emmanuel son
Epoux. l'Eglise devait donc être sainte. Il lui avait
donne la vérité que l'Esprit a maintenue en elle; l'Esprit à son tour lui
donnera la sainteté, et le Père céleste la voyant vraie et sainte, l'adoptera
pour sa fille : telle est sa destinée glorieuse. Voyons maintenant les traits
de cette sainteté. Le premier est la fidélité à l'Epoux. Or, l'histoire de
l'Eglise
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tout entière dépose de cette fidélité.
Tous les pièges lui ont été tendus, toutes les violences ont été dirigées
contre elle, pour la séduire et pour la détacher de l'Epoux. Elle a tout
déjoué, tout bravé ; elle a sacrifié son sang, son repos, et jusqu'au
territoire où elle régnait, plutôt que de laisser altérer entre ses mains le
dépôt que l'Epoux lui avait confié. Comptez, si vous pouvez, les martyrs depuis
les Apôtres jusqu'aujourd'hui. Rappelez-vous les offres des princes, si elle
voulait se taire sur la vérité divine, les menaces et les traitements cruels
qu'elle a encourus plutôt que de laisser mutiler son symbole. Pourrait-on
oublier les luttes formidables qu'elle a soutenues contre les empereurs
d'Allemagne pour sauvegarder sa liberté dont son Epoux est si jaloux; le noble détachement
qu'elle a montré, aimant mieux voir l'Angleterre rompre avec elle que de
sanctionner par une dispense illicite l'adultère d'un roi ; la générosité
qu'elle a fait paraître dans la personne de Pie IX, en bravant les dédains de
la politique mondaine et les lâches étonnements des faux catholiques, plutôt
que de laisser un enfant juif à qui le baptême avait été conféré en danger de mort,
exposé à renier l'ineffable caractère de chrétien, et à blasphémer le Christ
dont il était devenu l'heureux membre?
L'Eglise agit et agira ainsi
jusqu'à la fin, parce qu'elle est sainte dans sa fidélité ; et l'Esprit nourrit
toujours en elle un amour qui ne calcule jamais en présence du devoir. Elle
peut ouvrir le code de ses lois en présence de ses ennemis comme de ses enfants
fidèles, et leur demander s'ils pourraient en signaler une seule qui n'ait pas
pour objet de procurer la gloire de son Epoux et le bien des hommes par la
pratique de la vertu.
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Aussi, voyons-nous sortir de son sein des millions d'êtres
vertueux qui s'en vont à Dieu après cette vie. Ce sont les saints que l'Eglise
sainte produit par l'influence de l'Esprit-Saint.
Dans toutes ces myriades d'élus, il n'en est pas un que l'Eglise ne revendique
comme le fruit de son sein maternel. Ceux-là mêmes qu'une permission divine a
laissé naître dans les sociétés séparées, s'ils ont vécu dans la disposition
d'embrasser la vraie Eglise quand elle leur serait manifestée, et s'ils ont
pratiqué toutes les vertus dans une entière fidélité à la grâce qui est le
fruit de l'universelle rédemption : cette Eglise sainte les réclame pour ses
fils.
Chez elle fleurissent tous les
dévouements, tous les héroïsmes. Des vertus inconnues au monde avant qu'elle
fût fondée, sont journalières dans son sein. En elle il est des saintetés
éclatantes qu'elle couronne des honneurs de la canonisation : il est des vertus
humbles et cachées qui ne rayonneront qu'au jour de l'éternité. Les préceptes
de Jésus sont observés par ses disciples, et il règne en eux comme un maître
chéri. Mais ce maître a donné aussi des conseils qui ne sont pas à la portée de
tous, et c'est la source d'un nouvel épanouissement de la sainteté intarissable
de l'Epouse. Non seulement il est des âmes généreuses qui s'attachent avec
amour à ces divins conseils; mais le sein de l'Eglise fécondé par le divin
Esprit ne cesse de produire et d'alimenter d'immenses familles religieuses,
dont l'élément est la perfection, dont la loi suprême est la pratique des
conseils unie par le vœu à celle des préceptes.
Nous ne nous étonnerons plus
après cela que l'Epouse resplendisse de ce don des miracles qui atteste
visiblement la sainteté. Jésus lui a promis
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que son front serait toujours
entouré de cette surnaturelle auréole (1) : or, l'Apôtre nous enseigne que les
prodiges opères dans l'Eglise sont l'œuvre directe du Saint-Esprit (2).
Que si quelqu'un fait la remarque
que tous les membres de l'Eglise ne sont pas saints, nous lui répondrons qu'il
suffit que cette Epouse du Christ offre à tous le moyen de le devenir; mais que
la liberté étant donnée pour être l'instrument du mérite, il serait
contradictoire que ceux qui possèdent la liberté fussent en même temps
nécessités au bien. Nous ajouterons qu'un nombre immense de ceux qui sont dans
le péché, restant membres de l'Eglise par la foi et la soumission respectueuse
aux pasteurs légitimes et principalement au Pontife romain, rentreront tôt ou tard
en grâce avec Dieu et termineront leur vie dans la sainteté. La miséricorde de
l'Esprit-Saint opère cette merveille par le moyen de
l'Eglise qui, à l'exemple de son Epoux, « n'éteint pas la mèche qui fume encore,
et n'achève pas de rompre le roseau déjà éclaté (3). »
Celle qui a reçu, pour le
communiquer à ses membres, le divin septénaire des Sacrements dont nous avons
exposé la richesse dans le cours d'une des semaines précédentes, comment ne
serait-elle pas sainte? Est-il rien de plus saint que cet auguste ensemble de
rites qui donnent les uns la vie aux pécheurs, les autres l'accroissement de la
grâce aux justes ? Ces Sacrements établis par Jésus lui-même et qui sont
l'héritage de la sainte Eglise, ont tous leur relation avec l'Esprit-Saint. Dans le Baptême, la Confirmation et l'Ordre,
c'est lui-même qui agit directement; dans le
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Sacrifice eucharistique, c'est par son action que l'Homme-Dieu vit et est immolé sur notre autel ; il fait
renaître la grâce baptismale dans la Pénitence; il est l'Esprit de Force qui
conforte le mourant dans l'Onction suprême, le lien sacré qui unit
indissolublement les époux dans le Mariage. En montant aux cieux, notre
Emmanuel nous laissait comme gage de son amour ce septénaire sacramentel ; mais
le trésor demeura scellé jusqu'à ce que l'Esprit divin fût descendu. Il devait
lui-même mettre l'Epouse en possession d'un dépôt si précieux, l'ayant
préparée, en la sanctifiant, à le recevoir dans ses royales mains et à
l'administrer fidèlement à ses heureux membres.
L'Eglise enfin est sainte au
moyen de la prière qui en elle est incessante. Celui qui est « l'Esprit de
grâce et de prières (1) » produit continuellement dans les fidèles de l'Eglise,
les actes divers qui forment le sublime concert de la prière: adoration, action
de grâces, demande, élans du repentir, effusions de l'amour. Il y joint chez
plusieurs les dons de la contemplation, par lesquels la créature est tantôt
ravie jusqu'en Dieu, tantôt voit descendre Dieu jusqu'à elle avec des faveurs
qui tiennent de la vie à venir plus que de celle-ci. Qui pourrait compter les
respirations de la sainte Eglise, je veux dire ses épanchements vers l'Epoux,
dans les millions de prières qui montent à chaque minute de la terre au ciel,
et semblent les unir l'un à l'autre dans le plus étroit embrassement? Comment
ne serait-elle pas sainte, celle qui a ainsi, selon la forte expression de
l'Apôtre : « sa conversation dans le ciel (2) ? »
Mais si la prière des membres est si merveilleuse
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dans sa multiplication et son
ardeur, combien plus encore est imposante et plus belle la prière générale de
l'Eglise elle-même dans la sainte Liturgie, où l'Esprit-Saint
agit avec plénitude, inspirant l'Epouse, et lui suggérant ces touchants et
nobles accents que nous avons cherché à traduire dans la succession de cet
ouvrage! Que ceux qui nous ont suivi jusqu'ici disent si la prière liturgique
n'est pas la première de toutes, si elle n'est pas désormais la lumière et la
vie de leur prière personnelle. Qu'ils applaudissent donc à la sainteté de
l'Epouse qui leur donne de sa plénitude, et qu'ils glorifient « l'Esprit de
grâce et de prière » de ce qu'il daigne faire pour elle et pour eux.
O Eglise, vous êtes « sanctifiée
dans la vérité ».; et par vous nous sommes initiés à
toute la doctrine de Jésus votre Epoux ; par vous nous sommes établis dans la
voie de cette sainteté qui est votre élément. Que pouvons-nous désirer. avant ainsi le Vrai et le Bien ? Hors devons c'est en vain
que nous les chercherions, et notre bonheur consiste en ce que nous n'avons
rien à chercher; car votre cœur de mère ne désire que de répandre sur nous tout
ce qu'il a reçu de dons et de lumières. Soyez bénie en cette solennité de la
Pentecôte où vous avez tant reçu pour nous ! Nous sommes éblouis de l'éclat des prérogatives que
la munificence de votre Epoux vous a préparées, et dont l'Esprit-Saint
vous comble de sa part; et maintenant que nous vous connaissons mieux encore,
nous promettons de vous être plus fidèles que jamais.
La Station du Jeudi de la Pentecôte
est dans la basilique de Saint-Laurent-hors-les-Murs.
Ce
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vénérable sanctuaire où repose la
dépouille du vaillant Archidiacre de l'Eglise romaine, est un des plus nobles
trophées de la victoire de l'Esprit divin sur le Prince du monde, et
l'assemblée annuelle des fidèles dans un tel lieu depuis tant de siècles
atteste combien fut complète la victoire qui donna au Christ Home et sa
puissance.
L'Eglise arménienne se retrouve aujourd'hui pour nous
fournir la matière des louanges que nous offrirons à l'Esprit Saint, dans ces
belles strophes qui respirent un si odorant parfum d'antiquité.
CANON QUINTAE DIEI.
Aujourd'hui le chœur des Apôtres tressaille de bonheur à
l'arrivée de l'Esprit de Dieu qui vient les consoler en place du Verbe incarné , et habiter avec eux ; rendons-lui gloire, et que
nos voix célèbrent sa sainteté.
Aujourd'hui une eau vive a jailli dans Jérusalem ; les
fleuves de Dieu en ont été remplis, et dans leur cours ils ont enivré la terre,
comme les quatre sources qui arrosaient Eden; rendons-lui gloire, et que nos
voix célèbrent sa sainteté.
Aujourd'hui la rosée spirituelle est descendue des nuées,
les jeunes plants de l'Eglise en ont été réjouis, ses sillons ont été
fertilisés par la justice, ses déserts sont devenus gracieux par l'éclat de la
virginité ; rendons-lui gloire, et que nos voix célèbrent sa sainteté.
Nous ajoutons cette belle
Séquence que l'Allemagne a produite, et dans laquelle
son illustre prophétesse, la grande et sainte abbesse Hildegarde, exprime son
amour pour l'Esprit divin dont elle fut constamment l'organe inspiré.
SÉQUENCE.
Vous êtes un feu, ô Esprit Paraclet, la source de vie pour
toute créature !
Saint êtes-vous, lorsque vous vivifiez les êtres.
Saint êtes-vous , lorsque par votre
onction vous êtes un baume pour nos mortelles blessures.
Saint êtes-vous, lorsque vous nettoyez nos plaies
humiliantes.
O souffle de sainteté ! O flamme de charité ! O saveur si
douce à nos cœurs ! O parfum pénétrant qui leur faites répandre la bonne odeur
des vertus !
O source pure et vive, qui manifestez la bonté de Dieu
recueillant ceux qui lui étaient étrangers, et recherchant ceux qui étaient
perdus !
O défense de notre vie, espérance de notre conservation,
ceinture protectrice de la vertu, sauvez ceux dont vous êtes le bonheur !
Préservez des coups de l'ennemi ceux qui sont encore dans
ses liens ; brisez leurs chaînes, ô force divine, vous qui voulez les sauver !
O sentier puissant, trace de la terre au Ciel, traversant
tous les abîmes, afin de recueillir et de rassembler tous les élus.
Par vous les nuages parcourent le ciel, l'atmosphère
vivifiante s'étend autour de nous, les rochers recèlent des sources d'eau qui
arrosent la terre en ruisseaux; par vous la terre se couvre de sa verdure.
C'est vous aussi qui instruisez les âmes et qui les
réjouissez, en leur inspirant la sagesse.
Louange donc soit à vous qui êtes l'harmonie de nos chants,
le charme de notre vie, notre espérance et notre gloire, celui qui nous confère
le précieux don de la lumière.
Amen.
LE DON DE CONSEIL.
Le don de Force dont nous avons
reconnu la nécessité dans l'œuvre de la sanctification du chrétien, ne
suffirait pas pour assurer ce grand résultat, si le divin Esprit n'avait pris
soin de l'unir à un autre don qui vient à la suite et pré-vient
tout danger. Ce nouveau bienfait consiste dans le Don de Conseil. La Force ne
saurait être laissée à elle seule : il lui faut un élément qui la dirige. Le
don de Science ne pourrait être cet élément, parce que s'il éclaire l'âme sur
sa fin, M sur les règles générales de la conduite qu'elle doit tenir, il
n'apporte pas une lumière suffisante sur les applications spéciales de la loi
de Dieu et sur le gouvernement de la vie. Dans les diverses situations où nous
pouvons être placés, dans les résolutions que nous pouvons avoir à prendre, il
est nécessaire que nous entendions la voix de l'Esprit-Saint,
et c'est par le don de Conseil que cette voix divine arrive jusqu'à nous. C'est
elle qui nous dit, si nous voulons l'écouter, ce que nous devons faire et ce
que nous devons éviter, ce que nous devons dire et ce que nous devons taire, ce
que nous pouvons conserver et ce à quoi nous devons renoncer. Par le don de
Conseil, l'Esprit-Saint agit sur notre intelligence,
de même qu'il agit sur notre volonté par le don de Force.
Ce don précieux s'applique à la
vie entière; car il nous faut sans cesse nous déterminer pour un parti ou pour
l'autre, et ce nous est un grand sujet de reconnaissance envers l'Esprit divin,
de penser qu'il ne nous laisse jamais à nous-mêmes, tant que nous sommes
disposés à suivre la direction qu'il nous imprime. Que de pièges il peut nous
faire éviter! que d'illusions il peut détruire
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en nous! que
de réalités il nous découvre ! Mais pour ne pas perdre ses inspirations, il
nous faut nous garder de l'entraînement naturel qui nous détermine trop souvent
peut-être, de la témérité qui nous emporte au gré de la passion, de la précipitation
qui nous sollicite de juger et d'agir, lors même que nous n'avons vu encore
qu'un côté des choses, de l'insouciance enfin qui fait que nous nous décidons
au hasard, dans la crainte de nous fatiguer par la recherche de ce qui serait
le meilleur.
Le Saint-Esprit, par le don de
Conseil, arrache l'homme à tous ces inconvénients. Il réforme la nature si
souvent excessive, quand elle n'est pas apathique. Il tient l'âme attentive à
ce qui est vrai, à ce qui est bon, à ce qui lui est vraiment avantageux. Il lui
insinue cette vertu qui est le complément et comme l'assaisonnement de toutes
les autres, nous voulons dire la discrétion dont il a le secret, et par
laquelle les vertus se conservent, s'harmonisent et ne dégénèrent pas en
défauts. Sous la direction du don de Conseil, le chrétien n'a rien à craindre ;
l'Esprit-Saint prend sur lui la responsabilité de
tout. Qu'importe donc que le monde blâme ou critique, qu'il s'étonne ou se
scandalise ! le monde se croit sage ; mais il n'a pas
le don de Conseil. De là vient que souvent les résolutions prises sous son
inspiration aboutissent à un but tout autre que celui qu'il s'était proposé. Et
il en devait être ainsi ; car c'est à lui que le Seigneur a dit : « Mes pensées
ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies (1). » Appelons
donc de toute l'ardeur de nos désirs le don divin qui nous préservera du danger
de nous gouverner nous-mêmes; mais comprenons
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que ce don n'habite que dans ceux
qui l'estiment assez pour se renoncer en sa présence. Si l'Esprit-Saint
nous trouve détachés des idées humaines, convaincus de notre fragilité, il
daignera être notre Conseil ; de même que si nous étions sages à nos propres
yeux, il retirerait sa lumière et nous laisserait à nous-mêmes.
Nous ne voulons pas qu'il en
arrive ainsi pour nous, ô divin Esprit ! Nous savons trop par notre expérience
qu'il ne nous est pas avantageux de courir les hasards de la prudence humaine,
et nous abdiquons sincèrement devant vous les prétentions de notre esprit si
prompt à s'éblouir et à se faire illusion. Conservez en nous et daignez y
développer en toute liberté ce don ineffable que vous nous avez octroyé dans le
Baptême : soyez pour toujours notre Conseil. « Faites-nous connaître vos voies,
et enseignez-nous vos sentiers. Dirigez-nous dans la vérité et instruisez-nous;
car c'est de vous que nous viendra le salut, et c'est pour cela que nous nous
attachons à votre conduite (1). » Nous savons que nous serons jugés sur toutes
nos œuvres et sur tous nos desseins ; mais nous savons aussi que nous n'avons
rien à craindre tant que nous sommes fidèles à votre conduite. Nous serons donc
attentifs « à écouter ce que dit en nous le Seigneur notre Dieu (2) »,
l'Esprit de Conseil, soit qu'il nous parle directement, soit qu'il nous renvoie
à l'organe qu'il a voulu choisir pour nous. Soit donc béni Jésus qui nous a
envoyé son Esprit pour être notre conducteur, et soit béni ce divin Esprit qui
daigne nous assister toujours, et que nos résistances passées n'ont pas éloigné
de nous !